Extrême-Orient 1940 (3ème édition, revisée et augmentée) / témoignages recueillis et présentés par Edouard Clavery,... (2024)

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Titre : Extrême-Orient 1940 (3ème édition, revisée et augmentée) / témoignages recueillis et présentés par Edouard Clavery,...

Auteur : Clavery, Édouard (1867-1949). Auteur du texte

Éditeur : (Paris)

Date d'édition : 1940

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb31951074w

Type : monographie imprimée

Langue : français

Langue : Français

Format : 1 vol. (371 p.) : couv. ill. ; in-16

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Description : Contient une table des matières

Description : Avec mode texte

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k3338683z

Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 8-O2-1570

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 24/11/2017

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Extrême-Orient 1940

DU MÊME AUTEUR :

Essais concernant le Japon ou l'Extrême-Orient :

Chez Marcel RIVIÈRE :

Relations Economiques entre l'Europe et l'Extrême-Orient, 1904.

Les Etablissements des Détroits 1904.

Hong-Kong, in-8 vo., 1904

A la Librairie Berger-Levrault :

Les Etrangers au Japon et les Japonais à l'Etranger, in-8 vo., 1904. (Extrait de la Revue Générale d'Administration).

Les Finances du Japon, in-8. vo., 1908.

Le Développement Industriel du Japon et la Concurrence en Extrême-Orient, in-8 vo., 1908.

Occident et Extrême-Orient, in-8 vo., 1907.

L'Inde, in-8 vo., 1910.

Divers :

Santa Fé y Bogota, Bogota Mayo, 1927.

El Japon en la vida internacional, Conférence donnée le 1er avril à l'Académie Nationale d'Histoire en présence de S. E. M. le Dr Miguel Abadia Mendes, Président de la République et M. José Joaquin Casas, Président de l'Académie.

Le Parthénon, fondé par la Bne Brault 1908, 7 août 1934.

Causerie sur les brefs poèmes japonais Tanka, Haïkaï et leurs échos en France.

Aux Presses Modernes et au Génie Français : Les Estampes Japonaises en couleurs. (1680-1740-1935).

Aperçu historique et critique, 180 pp., in-12. 1935.

A la Société Franco-Japonaise, 1 07, rue de Rivoli : La Salle des Cigognes au Musée Guimet à Lyon, grand in-8 vo. 1912.

L'Institut Historique de Tokio. Mars 1912.

EXTREME-ORIENT

1940

Témoignages recueillis et présentés

PAR

Edouard CLAVERY

Membre de la Société des Gens de Lettres et de l'Académie Diplomatique Internationale

3e Edition, revisée et augmentée

IMPRIMERIES LES PRESSES MODERNES

PALAIS-ROYAL, PARIS

Le mépris des lois est la peste de la République.

(Dictionnaire de l'Académie Française

4e édition 1762).

Si j'avais des citoyens à persuader de la nécessité des lois, je leur ferais voir qu'il y en a partout, même au jeu.

(Voltaire à d'Alembert, 1er Mars 1764).

Les Chinois ont un très faible sentiment de l'Etat et de la loi.

M. Marcel Granet.

La civilisation chinoise.

(Conférence du 21 février 1938 à l'Union Rationaliste).

La Chine est en état constant d'anar- chie.

(Georges Leygues, 1921).

La première édition de cet ouvrage a été publiée fin mai 1938 sous ce titre : L'Anarchie en Chine et le rôle du Japon. Il m'a semblé préférable de laisser le lecteur tirer lui-même la conclusion des faits, plutôt que de sembler la dégager à l'avance.

E. C.

Tous droits de reproduction et de traduction réservés pour tous pays

PRIÈRE D'INSÉRER

EXTRÊME-ORIENT 1940

un volume in-16 jésus de 372 p., par Edouard CLAVERY, de l'Académie Diplomatique Internationale. — Edition des

Presses Mod ernes — Palais Royal, Paris (1er) — 15 francs.

franco : 16 francs.

Il y a cinquante ans, L. Poinsard, l'un des plus notables adeptes de la Science Sociale, fondée par les Le Play, de Tourville, enseignait que les Japonais « qui ont su s'assimiler la civilisation occidentale, sont admirablement placés pour l'in- troduire en Chine ». En 1921, M. Abel Bonnard, de l'Académie Française, dans son remarquable livre En Chine, plein de choses vues, les unes poétiques, les autres pitoyables ou même terribles, donne presqu'à chaque page des preuves de l'inexistence dans ce pays, d'aucun gouvernement digne de ce nom. Au début de juillet dernier, une correspondance de Shanghaï, adressée à un grand journal du soir spécifiait sans ambages qu'au point de vue militaire, la partie engagée le 7 juillet 1937, était jouée et que désormais, à l'intérieur de l'antique domaine jaune s'affrontaient les facteurs de confusion et de désordre d'une part, ceux d'organisations de la paix, de l'autre. Sur ce thème complexe, qui intéresse directement un quart, au moins, de l'humanité actuelle, M. E. Clavery nous apporte, en toute conscience, un ensemble de faits, de données patiemment recueillis et passés au crible. Le lecteur est ainsi mis à même de considérer les diverses faces des problèmes et de se faire à lui-même sa propre opinion... L'exposé des évènements est à jour jusqu'à fin février 1940 et permet, par suite, d'entrevoir la solution de la crise ouverte, à l'état aigu, depuis bientôt trois ans.

Cette solution concorde avec la déclaration solennelle de l'Amiral Yonaï à Tokyo, le 25 février.

AVANT-PROPOS

Ceci n'est pas à proprement parler un livre mais un dossier, un recueil où le lecteur curieux de s'éclairer, de ne pas s'en tenir à une opinion superficielle sur les choses d'Extrême-Orient, trouvera des témoignages dus à des personnalités compétentes et impartiales.

Divers journaux du 8 décembre tels que Excelsior, l'Intransigeant, ont admis l'opinion que la Chine (dénommée Empire ou République) ne correspondait pas tout à fait, était même loin de correspondre à ce que l'on appelle un Etat en Europe ou en Amérique.

C'est déjà ce que L. Poinsard, alors bibliothécaire de l'Ecole des Sciences politiques, enseignait dans des leçons privées Vers 1890, idée qu'il a reprise dans son grand ouvrage sur la Production... dans tous les Pays, au début du XXe siècle publié il y a trente ans.

Mais, suivant certains, si la Chine n'existe pas encore, elle est en formation. Les grandes inventions modernes, chemins de fer, télégraphes, téléphones, T.S F., aviation, réduisent, suppriment presque les distances, aident à la naissance de l'unité du pays, des 18 provinces à l'intérieur de la Grande Muraille. Il y a aussi les idées occidentales dont se sont imprégnés quelques centaines, mettons quelques milliers de Chinois des générations récentes, ayant fait des études en Occident, Angleterre, France (Lyon), Italie, Belgique, Suisse, Allemagne ou Russie, ou aux Etats-Unis.

La Chine n'est pas encore mais elle est in fieri, m'a dit récemment une personnalité fort avertie, M. Czernin de Bretteville qui, tout en gardant sa nationalité française, remplit avec distinction le poste de Ministre

adjoint des Ravitaillements auprès de S. M. le Tzar Nicolas II pendant trois ans. A coup sûr, cette haute personnalité eut-elle ainsi l'occasion d'acquérir une expérience exceptionnelle des choses non seulement du dedans de la Russie, mais aussi de celles du dehors, en particulier de l'Extrême-Orient.

Aussi bien l'étude objective du problème posé à ce propos, poursuivie depuis près d'un demi-siècle, m'at-elle conduit à cette conclusion, admise d'ailleurs par l'opinion générale, qu'en effet, l'ancien Empire des Fleurs est in fieri comme Etat.

Mais en même temps il semble manifeste que le Fara da se ne lui est pas applicable. M. de Bretteville me disait lui-même qu'ayant eu occasion de parcourir en 1919-1920 en automobile, comme délégué du Gouvernement d'Omsk (Sibérie et Russie orientale jusqu'à la basse Volga) auprès de la République de Chine, Président : Shu Chi Tchong, 75 000 kilomètres du N.O. à l'Ouest de la Chine, du Petchili au Yunan en passant par le Chansi, le Chensi, le Szetchuen, etc., il n'avait trouvé nullle part que des pistes innomables soumettant à de rudes épreuves les ressorts des véhicule et, du même coup, les occupants. La Chine a besoin d'être guidée, dirigée pour l'organisation qui lui manque (administration, état-civil, police, tribunaux, impôts directs, travaux publics, etc...).

Tout compté, tout rabattu, comme disait Leibniz, nul n'est mieux préparé que le Japon pour cette haute mission intéressant l'humanité entière.

Evidemment cette manière de voir va étonner, surprendre bien des Français, bien des Européens imbus d'idées préconçues sur le Péril Jaune et le péril japonais en particulier (1). A ceux-là, je leur demande de

(1) Le Paris-Soir, par exemple, a repris ce thème le 26 octobre 1938.

se souvenir dans quelles conditions s'est développée, voici quarante ans et plus, la campagne sur ce Péril. Qui donc alors a lancé le fameux cri — qui d'ailleurs visait surtout les Chinois — Peuples d'Europe préservez vos biens les plus précieux? A-t-il fallu de très nombreuses troupes sous le commandement du Maréchal de Waldersee pour délivrer les Légations à Pékin en 1900 ?

Ce point de Vue a été exposé avec vigueur par M. le Colonel Albert Garenne dans un article de l'Union Latine de janvier 1938: L'Unification de la Chine et le Péril Jaune.

D'où est venu le péril, celui-là réel et effroyable, quinze ans plus tard ?

Aujourd'hui comme il y a quarante ans, la Chine, j'entends les dix-huit Provinces, laissant de côté les « domaines » extérieurs, Tonkin, Thibet, Mongolie, Mandchourie, est profondément divisée par les intérêts, les langues (vingt de type chinois plus trois ou quatre parlers entièrement distincts, ceux de populations antérieures à l'occupation du pays par les Célestes). La population est répartie en une infinité d'associations, congrégations, hongs, houeis, et de sociétés secrètes, où l'idée nationale est absente. M. R. K. Douglas, dans un livre publié à Oxford quelques années avant la guerre a écrit : China is honeycombed with societies (La Chine est mise en alvéoles par les sociétés). C'est je crois, encore la vérité.

Dans son article publié par le Temps, le 31 décembre dernier, sous ce titre, le Progrès en Chine, M. André Duboscq, dont la plume experte s'est depuis tant d'années, fait une spécialité des choses d'Extrême-Orient, s'exprime ainsi: « Depuis 1934, les réseaux ferroviaire et routier ont été grandement développés. Entre Changhaï et Nankin, l'aspect de la campagne en a été modifié, car les automobiles parcourent les

routes qui n'étaient hier que des sentiers de piétons ou des pistes... ». Mais il ajoute: « à côté d'améliorations étonnantes, quantité de vieilleries subsistent et subsisteront probablement longtemps ». M. Duboscq nous parle ensuite de sa visite faite en compagnie du maire chinois du Grand Changhaï, au « centre civique » c'est-à-dire la Mairie, le Musée, la Bibliothè- que. Ces édifices, dont l'écrivain voyageur fait ressortir le caractère moderne, s'élèvent, ou plutôt s'élevaient avant les récentes batailles, non loin de la ville actuelle, au centre d'une grande plaine bordée à l'est par le Fleuve Bleu ». Mais M. A. Duboscq le sait mieux que personne, il s'agit là d'une sorte d'extension de Changhaï international, une émanation, une copie, ne disons pas une contrefaçon, des municipalités (française et internationale) instituées par les étrangers et dont l'émanation, la « filiale », pour ainsi dire, n'a pris corps qu'avec le concours de ces derniers.

En superficie, le « plus grand Changhaï » ne représente, comme il est clair, qu'une part infime, minuscule, des territoires classés par l'Almanach de Gotha sous la rubrique : Chine. Les dix-huit provinces, à elles seules, représentent plus de quatre millions de kilomètres carrés dont : 566 000 pour le Szetchouen, 325 000 pour le Kan-sou, 300 000 pour le Petchi-li, 259 000 pour le Kwangtung.

Dans les parties basses des vallées du Fleuve Bleu et du Fleuve Jaune la densité de la population dépasse cent et même trois cents au kilomètre carré.

Dans l'ensemble de ces dix-huit provinces, varié quant aux langues et aux climats, aux intérêts, aux productions, confus quant à l'organisation administrative, à peu près inexistante, les vieilles mœurs et traditions subsistent ainsi que le règne des associations non contrôlées. Ce sont ces coutumes, où, plutôt, ce chaos, ce manque d'organisation qu'il faut réformer. Il ne suffit

pas de décréter des lois dans des conditions telles, d'ailleurs, que la volonté du peuple en est à peu près absente. Il faut toute une organisation, une méthode, un système d'administration et de police propre à en assurer l'application et le respect. Cela est une œuvre de longue haleine et qui exigera sans doute d'autres délais que ceux qu'a pu réclamer la construction de quelques routes et de quelques édifices, plus ou moins décoratifs.

D'ailleurs, pour cette œuvre, le Gouvernement de Nankin a eu, notamment depuis 1932, le concours de la Société des Nations.

Les Japonais ont reçu jadis des Chinois, non seulement l'écriture, mais encore l'architecture, la peinture et la plupart des Arts, sauf celui de tremper l'acier. Depuis, ils ont largement (grâce, en partie, à l'écriture phonétique inventée par le moine Kobo Daïshi au IXe siècle de notre ère) précédé les Chinois dans l'assimilation de la civilisation occidentale. Ils sont en état de rendre à leurs maîtres des IVe et Ve siècles de notre ère les services qu'ils en ont reçus jadis. Moyennant un faible effort un Céleste peut trouver à sa disposition, dans une bibliothèque nipponne, toutes les connaissances physiques, chimiques et naturelles, politiques et morales de l'Occident.

Cet aperçu général ainsi tracé, il ne me reste plus qu'à laisser la parole aux témoins dont j'ai parlé au début de ces lignes.

Les lecteur appréciera par lui-même.

Ed. CLAVERY.

Le Vésinet, 11 Février 1938.

La première édition de ce volume n'est sortie des presses qu'à la fin de mai 1938.

A ce moment (le 21) un publiciste fort averti, M. Marviez, bien connu sous son nom de plume de Polonius, citait dans un article de l'Indépendant les paroles suivantes de Claude Farrère :

« Les Japonais sont en Chine non pas à titre de conquérants mais à titre d'organisateurs et surtout d'ordonnateurs ».

Dans le même sens il reproduisait les avertissements d'un Dr. A Legendre, d'un Colonel Garenne.

Le lecteur constatera donc comment l'autorité de personnalités compétentes corrobore les conclusions du présent essai, résultat de l'étude impartiale des faits.

Nous ne pouvons que lui laisser le soin de dégager la leçon contenue dans les événements attendus mais désormais acquis marquant le triomphe définitif des armes, c'est-à-dire de l'ordre de la méthode, du Daï Nippon, sur le chaos chinois, même galvanisé par divers concours étrangers (principalement britanniques, russes, français, nord-américains, allemands jusqu'à juin 1938), parfois les premiers surpris de se trouver associés.

Les forces japonaises terrestres, maritimes, aériennes sont entrées à Canton le 22 octobre sur les ordes du lieutenant Général Moto Furusho et cinq jours plus tard à Han Kéou.

Ainsi s'achève comme il était à prévoir, la campagne engagée par l'attaque dont une troupe japonaise allant à l'exercice, fit l'objet, le 7 juillet 1937 au pont de Loukouchiao près Pékin et qui, sans l'influence du Kouanming Tong émanation du Komintern aurait pu ne pas entraîner les longues hostilités qui ont suivi.

Selon les instructions du Gouvernement de S.M. l'Empereur du Japon, la voix des canons, des mitrailleuses, des avions de bombardements va se taire. A la destruction va succéder la reconstruction.

Un avenir prochain, souhaitons-le en toute sincérité, en toute confiance, justifiera cet esprit, pour le bien non seulement de l'Extrême-Orient, mais de l'humanité tout entière.

L'effet de recul paraît donner plus de valeur encore aux quelques réflexions suivantes de M. L. Aubert, tirées dans l'avant-propos de son livre toujours intéressant la Paix Japonaise publié il y a trente-deux ans.

L'Europe, la France surtout, qui n'a jamais eu des intérêts spéciaux dans la Chine du Nord, doivent admettre l'inévitable. Il y a quelque chose de changé dans

l'Asie orientale : le Japon y est prépondérant, l'Europe diminuée, la Chine inquiète. Je crois qu'en dépit de l'avantage pris par le Japon sur l'Europe, en dépit de l'attitude actuellement anti-européenne de la Chine, les Européens ont encore un grand rôle à jouer en Extrême-Orient, à condition que c'en soit fini de leurs appétits de conquête, de leur mépris et de leur brutalité de race supérieure, et qu'ils se consacrent à une œuvre de paix et de civilisation à peine ébauchée ».

Dans l'Illustration du 8 septembre M. Edgar Mowrer, collaborateur américain de notre grand illustré de Paris, développe avec beaucoup d'assurance cette idée que l'armée nationale chinoise domine complètement la scène. Ce qui tend à prouver, une fois de plus, qu'il est aisé de prendre ses désirs pour des réalités.

De toutes façons, à propos de la campagne commencée aux bords du Peiho le 7 juilet 1937 par des réguliers de la 29e Division Céleste contre des Nippons, l'expert en cause n'entrevoyait-il, six semaines à l'avance, ni la prise de Canton, 21 octobre, ni celle de Hankéou, 27 octobre.

Quoi qu'il en soit, en novembre, l'envoyé spécial du Temps M. R. V. Gilles expédiait au grand organe du soir une lettre de Shanghaï parue le 4 décembre sous ce titre : Précarité de la situation militaire des Chinois, c'est-à-dire des 24 ou 25 divisions (de 3 ou 4.000 h. chacune) des forces de Tchang Kaï Chek. Ces forces, à diverses reprises se sont défilées avec soin à Soutchéou, à Han Kéou, profitant, ici, d'une voie ferrée encore disponible, là, de tunnels ouverts en toute hâte.

De toutes façons où est, dans ces conditions, l'unité proclamée par certains, de ce peuple de 350.000.000 habitants suivant les évaluations les plus modestes ? Il ne peut venir à bout d' « envahisseurs » provenant d'une contrée de 80 millions au maximum, située au-delà des mers à une distance supérieure à 2.000 kilomètres.

Quoi qu'il en soit faisant écho en quelque sorte, à M. L. Aubert, après plus de six lustres, le Temps dans son premier Paris du 20 courant n'énonçait-il pas que les puissances européennes et américaines allaient être conduites par les circonstances à reconnaître au Japon une situation privilégiée dans l'ancien Céleste Enpire, sans pour cela renoncer à l'essentiel de leurs droits et avantages traditionnels, en fait d'échanges, dans cette région.

Le Vésinet, 24 décembre 1938. E. C.

Le Vésinet, 7 juillet 1939. — Il y a juste deux ans une division chinoise dénommée 29e, engageait le tir contre une compagnie japonaise allant à l'exercice au pont de Lou Kou Chiao près de Pékin. Aujourd'hui le dénouement est proche, manifestement. Entre M. Mowrer, Nord Américain, qui, dans l'Illustration du 8 septembre 1938 proclamait que l'armée chinoise dominait la situation, et M. Gilles, qui — dans une correspondance de Chine publiée, trois mois après, dans le Temps — exposait que l'armée japonaise avait partie gagnée, l'hésitation n'est plus permise; il est bien clair que le second avait raison. Reste la guerre financière, où l'offensive a été déclenchée le 3 novembre 1935 par le Dr H. H. Kung, mené par Sir Frédéric Leith-Ross. Le Japon ne peut évidemment admettre les manœuvres entreprises à l'abri du paravent dressé au moyen du document de Nankin — par les spéculateurs de la Cité, contre le yuan de la Commission de Paix de Pékin (8 janvier 1938) et, par suite, contre le yen national nippon. De là l'institution du contrôle du change dans la Chine du Nord et les complications entraînées par l'application de ce régime aux concessions étrangères comme celles de Tien Tsin où s'organisaient des opérations destinées à tourner la loi de Pékin.

(V. Financial and economie Annual of Japan, 1938, pages 10-17).

Dans ce troisième tirage, le lecteur trouvera, in fine, l'analyse d'ouvrages tels que ceux de MM. le Lt-Colonel Favre, J. Dautremer (Sociétés secrètes et révolte des Taïping), G. Bonneau (poésie japonaise depuis les VIe et VIIIe siècles), Kuni Matsuo (poésie japonaise contemporaine), propres à faire entrevoir l'ambiance politique et morale dans laquelle se déroulent les événements de l'Extrême-Asie, où sont engagés directement, disons au bas mot, cinq cents millions d'êtres humains, formant environ un quart de la population de notre planète.

CHAPITRE PREMIER

Coup d'œil d'ensemble

Les populations chinoises d'après la science sociale (1)

L'auteur de l'ouvrage auquel nous nous référons, M. Léon Poinsard, a longtemps été bibliothécaire à l'Ecole des Sciences Politiques (environ 1885-1895); puis, il est passé à Berne comme Secrétaire Général de l'Union Internationale sur la propriété littéraire.

A titre personnel, dès sa jeunesse, il a étudié les faits sociaux et économiques du monde en appliquant pour les analyser et les classer, les méthodes des maîtres éminents de la Science sociale, Frédéric Le Play, les Abbés de Tourville, de Préville.

Dans son livre, le chapitre consacré à la Chine occupe seize pages (210-226 du tome I).

Nous croyons devoir en donner ci-après quelques extraits propres à faire saisir le point de vue de M. Poinsard qui professait déjà, à titre privé, en 1890, les idées et les conclusions par lui publiées dix-sept ans plus tard.

« La race chinoise apparaît à tous les observateurs

(1) La Production, le Travail et le Problème Social dans tous les Pays, au début du xxe siècle — Alcan 1907, gran in-800 ; deux tomes 593 et 768 pp.

attentifs qui ont pu porter leurs investigations en dehors des villes sous un aspect que les Occidentaux ont peine à saisir et à bien comprendre. Ce n'est ni une nation, ni un empire, selon nos conceptions habituelles. C'est plutôt une juxtaposition, un fourmillement de familles communautaires et patriarcales, vivant avec une complète autonomie sous le haut patronage et le contrôle plus ou moins exact de l'Empereur et de ses mandarins (1).

On ne trouve ici, ni des castes, comme dans l'Inde, ni même des classes comme dans l'Indochine. En effet, l'aristocratie se limite presqu'à la famille impériale, et le mandarinat, ouvert par le concours à tous les jeunes gens capables, constitue une catégorie plutôt qu'une classe. D'où viennent ces différences dans l'évolution sociale de deux races également agricoles et communautaires, et sorties vraisemblablement du même tronc ? Uniquement des influences exercées sur la race par la route de migration qu'elle a sui- vie pour gagner le bassin où elle s'entasse actuellement. Cela a été déterminé de la manière la plus intéressante par les travaux de M. de Préville sur le boudhisme. C'est d'après lui que nous exposerons en résumé ce curieux phénomène social.

...En fait. les Européens sont en quelque sorte bloqués dans les ports ouverts. Là, ils vivent concentrés dans des quartiers spéciaux appelés concessions. Leur

(1) L'organisation ou plutôt la désorganisation sociale n'a pas changé par le tranfert de la capitale de Pékin à Nankin en 1912 et le changement à la même date, de l'étiquette gouvernementale. Sous le régime « républicain » comme sous l'impérial l'exécutif est dépourvu d'organisation concrète, par suite de pouvoir réel, en dehors de la nomination de quelques efonctionnaires dans chaque province.

nombre est d'ailleurs fort restreint. En 1903, ils étaient environ 15.000, presque tous commerçants occupés dans 940 maisons à peu près. Les plus nombreux sont les Anglais, puis viennent les Américains, les Portugais, les Allemands, les Français, etc... Quelques ingénieurs et quelques agents ou ouvriers sont employés à la construction et à l'exploitation des chemins de fer, ou à la gestion des douanes. D'autres encore sont missionnaires. Ces derniers sont les seuls qui exercent une action réelle sur la population, parce qu'ils vivent au milieu d'elle, mais tout compte fait, cette influence est sporadique et infinitésimale; on ne compte pas, en effet, 1.500.000 chrétiens dans tout l'Empire. Il est évident que ces éléments ne suffisent pas pour modifier d'une façon sensible la formation d'un pareil peuple.

En amenant des capitaux, des ingénieurs et des chefs ouvriers, on arriverait certainement, surtout en s'aidant de la protection douanière, à constituer, grâce aux ressources vraiment extraordinaires de la région, des groupes industriels assez puissants pour suffire aux besoins locaux, et même pour alimenter l'exportation. Quelles seraient les conséquences de cette évolution ?

Observons qu'elle ne serait pas faite par les Euro- péens, cela devient très probable. Ils ont rencontré en Extrême-Orient des rivaux qui ont sur eux trois avantages : ils sont situés à proximité ; leur formation et par conséquent leur état d'esprit, sont proches parents de ceux des Chinois, leur intervention est acceptée assez volontiers par les Célestes. Les Japonais qui ont su s'assimiler la civilisation européenne, sont donc admirablement placés pour l' introduire en Chine. Ils peuvent jouer là, en le modernisant, le rôe qui, au moyen-âge, fut celui des Varègues scandinaves parmi les communautés paysannes slaves. Tout d'abord, ils réformeront le mandarinat, pour en faire une administration véritable, instruite et expérimentée, qui s'emploiera

à étendre graduellement les attributions des pouvoirs publics, en restreignant celles de la famille. Toutes les forces vives du pays se concentreront ainsi mieux dans la main de l'autorité centrale; ce sera le renforcement ou plutôt la réalisation de la grande communauté d'Etat, aujourd'hui surtout théorique.

Les races communautaires ne se prêtent pas volontiers, il faut le répéter, au régime du grand atelier D'une part, elles ne sont pas en état de lui donner toute sa puissance; de l'autre, elles se laissent désorganiser rapidement par cette force nouvelle qui tend à rompre le vieux moule patriarcal. La rupture des communautés livre à eux-mêmes des hommes mal préparés par leur éducation traditionnelle à se conduire isolément, et l'on crée ainsi dans un pays de redoutables foyers de misère, de maladie, et de révolte. Nous verrons bientôt par un exemple frappant que ces prévisions ne sont pas exagérées.

Du reste, les Chinois ont déjà fourni la preuve du danger de cette désorganisation sociale. Dans l'empire même, la population des villes, beaucoup plus instable déjà que la classe rurale, se montre prompte à l'émeute, dans ses vastes quartiers de masures sordides et puantes. Les nombreux émigrants chassés par le besoin d'un pays surpeuplé, allant pour un temps travailler au loin, à Panama, au Pérou, dans l'Afrique du Sud ou ailleurs, se trouvent ainsi soustraits à l'autorité familiale et ne manquent pas de constituer des sociétés secrètes, qui fomentent fréquemment des révoltes.

Au Japon, M. Poinsard consacre une dizaine de pages. Le passage ci-après nous a paru particulièrement propre à faire comprendre son point de vue :

...Les nobles japonais étaient autrement préparés que les petits citadins chinois à recevoir et à saisir les idées et les procédés d'Europe. Beaucoup d'entre eux accoururent dans nos capitales, et envoyèrent leurs

fils dans nos écoles. En même temps, on appelait au Japon une foule de professeurs et de techniciens pour organiser et développer sur place des écoles de tout ordre, ainsi que des ateliers, des chemins de fer, des télégraphes, des ports, des arsenaux. Le Gouvernement avait été remis aux mains du mikado, c'est-à-dire d'un souverain spirituel tenu jusque là à l'écart des affaires, incapable par conséquent de les diriger par lui-même. Il s'en remit donc aux anciens daïmois, transformés en hommes politiques modernes. Les clans d'autrefois devinrent tout naturellement des partis politiques, et la classe des samouraï fut une excellente pépinière pour recruter les cadres de l'armée et des bureaux administratifs. C'est ainsi que le Japon, grâce à son aristocratie urbaine, put se transformer en si peu d'années, et prendre les allures d'un état occidental (1).

Assurément, il faut admirer la vive intelligence de la classe supérieure japonaise, et sa facilité d'adaptation. Non seulement elle a copié avec adresse les institutions politiques et militaires de l'Europe, mais encore elle a su se dégager, chose plus étonnante, de certains préjugés que nos aristocrates d'Occident conservent

(1) L'organisation politique a reçu sa forme complète par la constitution de 1889, qui a institué deux chambres. La première est composée de pairs héréditaires, de membres nommés et de membres élus au suffrage restreint. La seconde est élue par les électeurs âgés de 25 ans et payant au moins 26 francs d'impôt direct. Il existe actuellement trois partis : conservateurs, progressistes et tiers parti ou centre. Le budget ordinaire s'élevait avant la guerre à environ 450 millions de francs, plus 82 millions de dépenses extraordinaires. Il a été porté à plus d'un milliard pour couvrir les frais de guerre, et on le maintient à ce taux pour assurer un amortissment rapide des emprunts militaires. La dette publique atteignait, en 1904, le chiffre de 2.500 millions ; elle doit dépasser aujourd'hui 5 milliards (1906).

avec une vanité naïve. Les nobles japonais ne se sont pas bornés, en effet, à remplir les emplois nombreux créés par le nouveau régime, ils ont encore eu le bon sens de se mettre au travail productif. Ils se sont improvisés industriels, négociants, armateurs, banquiers, et profitant des éléments de force et de production que possèdent leur peuple et leur pays, il ont entrepris, non sans succès, de concurrencer les Européens et de leur disputer les positions prises par ceux-ci dans l'archipel ».

Il ne s'agit pas ici de reprendre, après tant de maîtres, l'exposé de l'évolution politique, morale, économique, scientifique, littéraire, artistique du Japon. Le lecteur n'aura que l'embarras du choix entre tant d'ouvages français, anglais, japonais, allemands, du Marquis de la Mazelière à Basil Hall Chamberlain, Lafca dio Hearn, en passant par le R. P. Papinot, des Missions Etrangères, J. Hitomi, S. Goto, et tant d'autres, cités ou non au cours de cet essai.

Un mot nous semble nécessaire pour compléter les données et vues présentées par M. Poinsard. La pleine récupération par le Japon de sa souveraineté judiciaire (en principe en 1894, application pratique à partir de 1900). la suppression des privilèges d'extra-territorialité des étrangers, ont été appuyées par le professeur français Boissonnade, qui de toutes ses forces a coopéré au succès de la juste cause du pays pour lequel il avait préparé dès 1883, avec des experts nationaux, un projet de code civil. Le code actuellement en vigueur est dans la proportion de 52 % de ses articles, pareil au texte appliqué par les tribunaux.

Un auteur plus récent se rencontre, en partie tout au moins, avec M. Poinsard, quant aux caractères des populations chinoises. Dans son Asie des Moussons

(T. I., p. 186), M. Jules Sion s'exprime, en effet, ainsi : « Le Chinois a l'esprit grégaire. Il aime à s'unir en guildes, en sociétés commerciales ou politiques. Certains de ces groupements élargissent aujourd'hui leur horizon jusqu'à embrasser l'ensemble de la Chine et à la concevoir comme une patrie. Très fiers de sa civilisation millénaire ils réveillent le souvenir de son antique puissance et le contraste leur rend plus amères encore les atteintes portées à son intégrité et à son prestige. Ces idées se répandent peu à peu, même dans le peuple ».

Comme nous le verrons plus loin, ce sentiment nouveau, dont M. Sion note ainsi l'apparition est une conséquence manifeste de l'intervention des étrangers occidentaux en Chine.

On ne le rencontre qu'à titre exceptionnel. Il ne fait pas de doute que les idées européennes ou américaines — à part toutefois de vagues et d'autant plus dangereuses notions bolcheviques — ne pénètrent encore qu'une minorité dans l'antique Empire du Milieu.

Pas de sentiment ou d'esprit national véritable. En général un Chinois hors de sa province se considère comme à l'étranger. Ainsi me l'a déclaré Mme Bons d'Anty qui de longues années a vécu à Tchen tou (p. 33), 1906-1916.

Naguère le mot Patrie n'existait pas dans les langues de Chine. Pas de Bourines là-bas.

A propos de la citation qu'il vient de lire, le lecteur comprendra bien qu'elle n'implique de ma part aucun parti pris contre le régime impérial en lui-même sinon le désir de relever un exemple concret de l'incurie officielle chinoise, en général, afin de mieux dégager le fait positif souvent peu connu : cependant l 'inexistence de l'Etat dans le Céleste Empire si ce n est à titre d'apparence, de décor, dans la capitale.

Dans un livre publié à Paris, il y a sept ans, le

« Quart d'heure Japonais », (1) l'auteur, M. Albert ouchard, ancien élève de St-Cyr, décrit quelques épisodes comiques les uns, dramatiques les autres de la vie de son « héros » officier de renseignements en Extrême-Orient. Sa mission le fait passer successivement de Hakodate à Nagasaki, Tientsin, Shanghaï, Foutchéou Amoï, Hong Kong, l'île d'Haïnan où il est suivi par sa « liaison » une jeune chinoise, Mlle Chang Tsé Min, protagoniste du mouvement pan asiatique. Chinese activist, selon l'expression anglaise. Le héros, Jean Bernier, note, chemin faisant, que le Gouvernement de Nankin ne se maintient qu'en faisant exécuter par dizaines par jour des rebelles appartenant aux armées nordistes. Cependant il intervient, avec succès, auprès du quartier général en faveur d'un de ses anciens camarades, d'un de ses « bleus » de Saint-Cyr, Yen Hsi Kiaï, devenu Général du côté des « dissidents » de la région de Pékin. Il obtient en sa faveur tout au moins un ordre de sursis d'exécution. Celui qui le lui annonce a soin d'ajouter, en lui tendant une feuille estampillée de divers cachets : « Vous pourrez attester dans vos écrits que la République chinoise s'honore de s'inspirer comme ses aînées, des plus hauts principes de justice et d'humanité ».

Ce que l'auteur omet de souligner à cette occasion c'est que, pour gouverner, proclamer des principes ne suffit pas. Il s'agit de les mettre en pratique, en application. La déclaration française des droits de l'homme 1789 tient en XVII articles occupant trois petites pages Depuis, les lois et décrets, votés par les Assemblées parlementaires, édictés par les exécutifs qui se sont succédé se comptent par centaines de mille (environ 200.000 depuis 1875 seulement). Il est beau de proclamer la souveraineté du peuple, principe de toute

(1) Les Editions de France, 1931.

autorité, comme le moyen-âge le reconnaissait déjà par la célèbre formule : Vox Populi. Le tout est de faire prévaloir l'intérêt général. Là est le difficile. En Chine où les conditions de climats, de traditions, d'intérêts sont si diverses et, souvent même si opposées, la formule de la fédération paraît s'imposer (1). Seule elle permettra de procurer aux populations distinctes des administrations, organisations civiles, militaires, financières, scolaires conformes à leurs désirs, à leurs besoins, quitte à instituer plus tard une fédération.

Au fond, pour un peuple, posséder un bon gouvernement est affaire de tradition et d'éducation. Aux électeurs de ne choisir, pour les représenter, que des mandataires dignes de confiance par leur caractère, leur expérience, leur capacité; d'écarter les sophistes, les utopistes habiles à débiter de belles promesses, tous ceux qui n'ont pas su donner la preuve de leur in- variable fidélité aux principes essentiels de droiture et d'équité, de dévouement à la nation, en présence de décisions à prendre dans des cas particuliers.

Quant à l'humanité, elle n'atteindra au sort idéal dont elle rêve depuis tant de siècles que le jour où sera positivement et formellement stipulé et respecté entre toutes les Nations, grandes, moyennes et petites puissances, le principe capital : aucun recours à la force sans une préalable décision de justice.

En thèse générale, les Etats, pas plus que les parti- culiers, ne sauraient avoir le droit de se faire justice eux-mêmes.

La Cour Permanente de la Haye doit être admise comme une juridiction supérieure à tous les gouvernements. Aux souverainetés concrètes de reconnaître cette souveraineté idéale. Alors pourra entrer dans la réalité

(1) Comme pour l'Europe, selon M. G. Scelle. Lumière, 19 janvier 1940.

internationale l'idéal de Themis tel que l'ont conçu les Grecs, avec une balance dans la main gauche et un glaive dans la dextre.

Ce thème, d'une vérité morale permanente, a été repris avec un merveilleux talent par le Président Raymond Poincaré dans un de ses plus remarquables discours, en 1919.

Sans doute, pour que cet idéal puisse mieux pénétrer la réalité, pour que soit mis fin à la maxime « la force fait le droit », conviendra-t-il de définir, au préalable, de façon précise, à quelles conditions un peuple est susceptible d'être reconnu comme une pleine entité, une véritable personne du Droit des Gens.

Un exemple concret apportera une preuve de plus à l'appui de l'assertion plus haut citée de M. Poinsard que la Chine n'est ni une nation ni un empire. Il nous est fourni par le lieutenant de vaisseau Francis Garnier qui devait périr à 34 ans, victime des Pavillons noirs aux environs d'Hanoï (21-12-73). En juin 1873, voyageant au Sseu Tchouen, il voit en quoi consiste le service des postes entre Tchong King et Hankéou. Avec une régularité et une célérité remarquables, les départs sont assurés tous les cinq jours, par trois Compagnies particulières. A la descente du fleuve, on se sert de petites barques qui ne font jamais le voyage qu'une fois. Le port d'une lettre est de 40 sapèques (20 centimes). Des courriers extraordinaires franchissent la distance en cinq ou six jours. Il y a onze cents kilomètres. Francis Garnier continue ainsi :

« Les autorités n'interviennent en rien dans ce service, si ce n'est parfois pour faire payer des droits aux compagnies. L'initiative individuelle se substitue, en tout, en Chine, à l'action du gouvernement. Celui-ci est trop corrompu et trop incapable pour se préoccuper désormais des vrais intérêts du pays. Ponts, routes, quais, canaux sont construits par souscription et entre-

tenus par des commerçants. Que n'avons-nous, en France, un peu de cet esprit d'initiative et d'association qui empêchera toujours la grande démocratie chinoise de s'effondrer complétement ! (1).

L'auteur écrivait il y a soixante cinq ans : Depuis, on a pu constater dans notre pays le double phénomène du vote de la loi sur les Associations (1901) et du développement de l'action de l'Etat, des progrès de l'économie dirigée.

En Chine l'ampleur même du problème a été sans doute un obstacle à sa solution. On y chercherait en vain, sous la République comme sous l'Empire, le mot ne fait rien à la chose, une administration digne de ce nom, qu'il s'agisse d'Etat civil ou de Travaux Publics, de Finances ou de Justice soit civile, commerciale ou pénale, en dépit de l'aide envoyée, ces dernières années, par la S.D.N.

Sans doute, suivant la recommandation générale de Descartes, faudra-t-il diviser la difficulté pour mieux la résoudre.

M. Poinsard (p. 13) et bien d'autres auteurs, ont émfis l'opinion que par leurs affinités de langue (écriture), de tradition les Japonais étaient particulièrement qualifiés pour faire pénétrer dans les masses de Chine la civilisation moderne et introduire dans le pays des réformes indispensables.

Ces affinités répondent à un ensemble de faits patents. En voici un exemple, entre tant d autres. Il remonte à une trentaine d'années, c'est pourquoi il ne me semble pas superflu de le rappeler, car dans certain cas, même l 'évidence a besoin d'être démontrée.

(1) De Paris au Tibet, Hachette, 1882, p. 274.

En juillet 1906 s'accomplissait à Pékin la réforme, correspondant à une refonte totale, de l'antique Académie des Han Lin qui recueillait les plus heureux des concurrents au concours triennal ouvert dans la cité impériale pour l'obtention du troisième degré des examens littéraires donnant accès au grade de Docteur, tsinche, et aux fonctions de Mandarin.

Les étudiants d'alors furent engagés à aller poursuivre leurs études à l'étranger. Les présidents de cette Académie eurent avec eux une entrevue au cours de laquelle ceux-ci furent invités à déclarer leur choix : aller au Japon ou en Europe. Or quarante environ se décidèrent pour le Japon et seulement sept ou huit pour l'Europe. Une allocation de 400 taels (1200 à 1 400 fr.) était servie à tout Han Lin au Japon tandis qu'elle s'élevait à 1600 taels (4.800 à 5.000 fr.) pour ceux allant en Europe.

D'autre part, le Dr Tenney, Président de l'Imperial Tientsin University, fondée en 1896 par le Vice-Roi Nang ven Chao, est parti à la même époque (juillet 1906) de Shanghaï avec quarante étudiants chinois, se rendant aux Etats-Unis (1).

Evidemment, cette création n'eut pas que des fins purement intellectuelles ou spirituelles. L'ambition politique n'y fut pas étrangère.

Cette Université fondée, en partie tout au moins au moyen de leur argent et avec le concours de leurs professeurs, fut, pour les Etats-Unis un de leurs principaux moyens de propagande dans l'antique Empire du Milieu, propagande forcément rivale de celle du Daï Nippon.

(1) V. London and China Telegraph (9 juillet-13 août 1906) cité par Ed. Clavery Occident et Extrême-Orient, p. 40.

CHAPITRE II

La Mandchourie vers 1925

— Brigands —

Avant l'intervention des Japonais, en 1931-32, les bandits, brigands, avaient pratiquement le champ libre en Mandchourie, en dehors de la presqu'île du Liao- toung placée directement sous l'influence nippone depuis le traité de Portsmouth en 1906.

Deux témoins étrangers, l'un américain, citoyen des Etats-Unis, l'autre allemand nous donneront un aperçu de l'état de choses auquel je fais allusion.

Le premier, le Dr Hervey J. Hower, professeur à la Faculté de médecine de Pékin, possédant parfaitement la langue de Confucius et plusieurs de ses dialectes fut, au mois de juin 1925, comme il naviguait sur le fleuve Sungari, pris, avec son fils Jim, comme otage par des bandits, Hung hutzes. Il nous a laissé un récit direct et vivant de ses dix semaines de captivité, la plupart du temps très pénible, adoucie parfois, grâce à sa connaissance de la langue, qui lui permettait la communication directe avec les chefs.

Voici ce qu'il écrit au début de ces notes (prises en août-septembre 1925) : Pendant les six ou huit dernières années, le nombre des bandits a beaucoup augmenté en Mandchourie, cela tient, d'une part, au désordre général toujours croissant en Chine et d'autre part, au développement rapide du commerce et de la richesse dans les provinces. Mais la cause la plus importante peut-être de cet état de choses a été l'insouciance des commandants militaires, le relâchement de la surveillance qu'ils étaient censés exercer dans ces

régions éloignées. En conséquence, déprédations dans les villages, enlèvements de voyageurs, attaques de paquebots ont été se multipliant.

Leurs auteurs sont devenus plus hardis dans l'art du kidnapping, comme le Dr Hoover en a fait l'expérience.

Passons tout de suite à la fin, p. 248 : Le lendemain matin, 23 septembre 1925, les bandits et leurs prisonniers gagnaient la hutte où, selon les apparences, eut lieu la bataille qui se termina par la délivrance de l'auteur et la capture de Kao tien Fu, le bûcheron (alias Chung, allié probable des bandits), que le commissaire Chang avait chargé, plusieurs semaines auparavant de s'entremettre avec eux.

Sur le moment, l'affaire de la lutte me fit l'effet d'un combat réel et c'est cette version que j'ai donnée dans mon récit ; mais les événements qui suivirent et les renseignements que je reçus postérieurement m'amenèrent à penser que la lutte avait été simulée...

... C'est une méthode commune en Chine qu'une prétendue bataille pour amener la délivrance d'un captif de marque (p. 249). Il est évidemment une autre condition plus concrète, plus positive, bien qu'on en parle moins, du moins de manière officielle : c'est celle du montant de la rançon.

Ab uno disce omnes.

C'est un tableau analogue que nous présente M. Herbert Böcher, dans son livre Japonais, Chinois, Brigands, dont une traduction française a paru à Paris en 1932, (Berlin 1931). L'auteur, champion allemand de course à pied demi-fond fut, en 1930, professeur à l'Université chinoise de Moukden. Les deux passages suivants, tirés du chapitre IV, les ressources du Maréchal (Tchang Sueh Liang, commandant à Pékin), nous ont paru des plus édifiants :

« Tchang Hsueh Liang est un homme riche. Je sais

qu'il a déposé presque toute sa fortune à la National City Bank of New-York et que c'est là qu'elle est administrée... Au cours de l'année dernière seulement (1930), il a envoyé à New-York cinquante millions de dollars d'argent ou dollars mexicains...

Le Maréchal faisait preuve de la plus grande énergie pour empêcher qu'une seule fleur de pavot fut cultivée sans autorisation expresse, p. 45.

... Quant à l'opium que les officiers de Tchang Hsueh Liang avaient en trop ou qu'ils n'achetaient pas, il devenait la propriété des « Généraux privés » (Cf. infrà page 65). A. Dubos, cf. Evolution de la Chine, 1921.

Il existe un grand nombre de militaires de cette catégorie. Ce sont des marchands qui, pour la plupart, font le commerce de l'opium et qui, au prix d'une forte redevance, ont acheté à Tchang Sueh Liang le titre de « Général ». Avec ce titre ils acquièrent le droit de lever des troupes et de constituer une armée privée. Celle-ci leur est indispensable pour parcourir le pays et acheter l'opium. Sans armée privée, ils ne pourraient se risquer à l'intérieur des terres, car les brigands y sont les maîtres, p. 47 ».

Sur la condition économique de la Mandchourie à cette époque on consultera avec fruit l'ouvrage accompagné des cartes et grafiques publié à Tokio 1931 sous ce titre : The Manchuria Year book par le Tosa Keizei Chosakyoku. The East Asiatic Economic Investigation Bureau.

La situation, après quelques années de gestion japonaise, avait bien changé, comme l'imaginera facilement le lecteur.

Recevant en mai 1935, M. Emile Schreiber, à Hsin King, le Général Minami, Ambassadeur et Comman-

dant en chef des armées japonaises en Mandchourie lui a donné l'aperçu suivant de l'action de son pays :

« Les bandits mandchous encore insoumis séjournent principalement dons les régions montagneuses à l'Est de Dairen et au Nord-Est de Hsin King.

Leur nombre diminue de plus en plus et nos pertes également (1).

En 1932 nous avons eu 2.000 soldats tués par an, 200 seulement en 1934 et en 1935 pas plus de 20.

L'activité des bandits réapparaît surtout en été principalement quand, en raison de la sécheresse, la récolte a été mauvaise et est insuffisante pour nourrir la population... Il sont encore au nombre de 25 000 souvent soutenus par des éléments communistes chinois ou coréens ».

Toujours à Hsin King (Chang kung en 1931) M. Schreiber fut encore reçu par M. Nagaoka, le plus haut représentant du Japon dans cette capitale et il en apprit notamment ceci : Avant l'occupation japonaise 161 monnaies différentes étaient en circulation en Mandchourie. Les Japonais les ont résorbées pour en émettre une seule, garantie par l'Etat, ce qui donne au pays la sécurité financière.

Ainsi le Japon met-il en application la parole de Spinoza : la vertu de l'Etat, c'est la sécurité.

Le réseau ferré de 1932 à 1935 est passé de 7.000 à 10.000 kilomètres. Pour l'électricité et le gaz un demi monopole a été institué.

Le plan quinquennal prévoit 60.000 nouveaux kilomètres de routes.

Le pétrole est devenu monopole d'Etat. Les Compagnies étrangères Standard Oil, Texas Oil, Asiatic Petroleum se sont retirées :

En juin 1938 s'est constituée dans les mêmes conditions. la North China Petroleum C° au capital de 20

(1) E. Schreiber : on vit pour un franc par jour (1935).

millions de yen dont 90 % fourni par des compagnies du Japon du Mandchoukouo et de la Chine du Nord.

De Hsin King, M. Schreiber a gagné Daïren 700 kilomètres par le train Asia, en 7 h. 1/2. Les temps de mai 1895 sont loin, heureusement (v. p. 100).

*

Bien entendu, l'insécurité, dont souffrait la Mandchourie jusqu'en 1931, était loin d'être un phénomène particulier à cette contrée. En réalité, le brigandage était endémique en Chine. Comme nous le verrons ci-après, avec M. Gilbert Stiebel, les vapeurs anglais, français circulant depuis 1898 entre Hankeou et Tchong King étaient toujours pourvus d'une garde mi- litaire de la nationalité de leur pavillon. La situation n'était pas autre dans la région de Pékin. Voici en effet, ce que nous lisons dans un article du R. P. Alexandre Brou, sur Shanghaï catholique, dans les Etudes du 15 décembre 1937 (1) :

« Vers la fin du mois d'août à quelques lieues seulement de Pékin la maison des Frères Maristes de Heishaum a reçu la visite de plusieurs centaines de brigands encadrés et quelque peu modérés par des francs-tireurs.

« Mgr Schraven, Lazariste hollandais, vicaire apostolique de Chengting, a été fait prisonnier lui aussi avec sept de ses missionnaires dont deux Français, dans les derniers jours d'octobre. Tous tués. Les bandits voudraient-ils justifier à leur manière les opérations policières du Japon ? ».

La page qui précède venait d'être envoyée à l'im- primerie, lorsque le Temps du 12 janvier 1939 m'a apporté le télégramme suivant de Pékin :

Un acte de banditisme

« M. Frank Poletti, commissaire postal italien de la

(1) Cf. Gilbert Gile Nicaud. Le Raid Merveilleux de Le Pelletier d'Oisy. Paris-Tokio, 1924 ; pp. 163-164.

région de Pékin ; une femme russe et trois domestiques chinois ont été enlevés par des bandits près du tombeau des Ming, à 45 kilomètres environ de Pékin. Un des domestiques a été libéré. Il était porteur d'un message exigeant une rançon de 30.000 dollars chinois (environ 180.000 francs) ».

N'est-ce pas édifiant ?

De tels faits ne permettent-ils pas de juger quels services réels rendent à la Chine ceux qui aident Tchang Kaï Chek et ses amis dans leur résistance à l'action du Daï Nippon ?.

A Shang haï, (concessions internationale et française), jusqu'en 1937, tout résident riche, pourvu d'importants dépôts en banque, était exposé, surtout s'il était Chinois à être enlevé, kidnapped, par mesure officielle ou officieuse. Une fois au pouvoir des autorités de la République (il en était de même au temps de l' « Empire ») en lieu sûr, en territoire dépendant de la « souveraineté » directe de la Chine, on lui faisait écrire à sa famille une lettre où il déclarait n'être pas trop maltraité mais ajoutait que si ses parents, sa femme, ses enfants voulaient le revoir, il était indispensable de verser une indemnité ou rançon montant par exemple aux 2/3, aux 3/4, voire aux 4/5e de sa fortune, versement pouvant monter, par suite, à de très fortes sommes en taëls, comptés par plusieurs centaines de mille. C'est ainsi que le Kidnapping formait l'une des principales ressources du Gouvernement de Nankin, les autres : Douane, Postes, Gabelles, étant contrôlées par les étrangers, d'ailleurs à la demande même formulée jadis, vers 1858, pour les Douanes, par Pékin. Ceux qui connaissent l'histoire de sir Robert Hart ne me contrediront pas. Une de mes dernières conversations avec mon regretté ami M. R. Doppfeld, Directeur de la poste française à Shanghaï 1896-1910 m'a définitivement édifié à cet égard.

CHAPITRE III

Chine et Japon depuis dix ans

Il y a soixante ans l'appellation Chine désignait non seulement l'intérieur de la Grande Muraille mais encore les « dépendances » telles que Corée, Mandchourie, Mongolie, Turkestan, Thibet, Tonkin, Formose. En 1902, dans le Bulletin de l' Asie Française, un écrivain aussi qualifié que le Cte Robert de Caix de St-Aymour, estimait que, géographiquement, le Yunnan ne faisait pas partie de l'Empire chinois. Aujourd'hui, même pour la Chine proprement dite, limitée aux dix-huit Provinces, la variété, les diversités sont patentes. Les témoins abondent, surabondent. Nous nous limiterons à un choix d'auteurs récents. Nous commencerons par M. Jean Escarra, ancien Conseiller du Gouvernement chinois, Professeur à la Faculté de Droit de Paris. Voici quelques extraits tirés de son livre (1 ).

P. 184 : ...l'auteur ayant évalué à 4 626 512 km. carrés (2) la superficie de la Chine propre, dit que le pays dispose maintenant d'une monnaie fiduciaire gagée par les stocks d'argent nationalisés et que l'Institut d'émission est chargé de maintenir au change de 14 pence 1/2 par dollar chinois. Le conseiller économique

(1) La Chine, le passé et le présent, 214 p., in-12°, Paris, Colin, 1937.

(2) Environ 9 fois la France.

du Gouvernement britannique, Sir Frederik Leith-Ross, qui vient de passer neuf mois en Chine pour y étudier la situation monétaire, écrit en 1936, dans son rapport, que cette réforme était un succès, mais que ce succès ne se maintiendrait que si le Gouvernement central complétait et réalisait son programme de réorganisation in- térieure dans le domaine budgétaire et bancaire. Le Japon a manifesté une violente opposition à une réforme qui s'est faite (plus exactement qui a été tentée) sans lui, voire contre lui, prétend-il, et qui en tout cas, en facilitant la consolidation politique de la Chine, revêt à ses yeux l'aspect d'un défi ».

Nous ne pouvons que nous référer à ce que nous manifestons plus loin (p. 75) à ce sujet. Dans les conditions données, M. Leith-Ross mettait la charrue avant les bœufs.

P. 208, Conclusion :

L'objet de ce livre était de rappeler les données de la civilisation chinoise et d'en montrer l'évolution con-temporaire. Les résultats de cette évolution s'inscriront dans un avenir probablement lointain. Il appartient au lecteur de former ses convictions sur ce que seront ces résultats. J'avais à traiter du passé et du présent de la Chine. Je me refuse à faire des prédictions sur son avenir » (1).

Le livre de M. Escarra est écrit d'un style clair, rapide, avec sincérité et expérience. On trouve à sa lecture plaisir et profit. Il est cependant permis de regretter que l'auteur ait omis de faire ressortir la condition essentielle du « Royaume des Fleurs » si bien définie par Robert K. Douglas, au moyen de l'expression, citée plus haut, « China honey combed with societies ». En Chine, l'Etat n'est rien, les sociétés, congre-

(1) Non mis en italiques dans le texte original.

gations sont tout. Une fois de plus trouve application la formule de mon cher et regretté maître Victor Brochard : la Vérité n'existe pas, il n'y a que des vérités. M. Escarra consacre un paragraphe de deux pages à la société familiale en Chine. Mais il ne nous dit rien des hongs, houeis et autres associations, qui constituent ia réalité politique, économique et sociale du pays, le partageant en une multitude d' « alvéoles », souvent en lutte les unes avec les autres. Invoquons de nouveau témoignage de Francis Garnier qui, nous l'avons rappelé plus haut, se trouvait en mai 1873 au Sseu Tchouen, à Tchong King. Voici comment s'exprime notre illustre compatriote (op. cit., p. 280) : au milieu du silence de la campagne se trouvent quelques maisons de plaisance, où les négociants viennent oublier leurs préoccupations. En général, ces luxueuses résidences sont construites à frais commun par les résidents appartenant à une même province. Je me suis laissé inviter à un dîner dans la villa des négociants du Kiang si. Aux associations de cette nature, originaires d'une même province, s'applique le caractère de Houeis. Cf. p. 19.

En dehors d'elles et pour le moins aussi nombreux se rencontrent en Chine, depuis longtemps, les groupements occultes, aux fins politiques comme les Taïpings au XIXe siècle. Vers 1897, un oncle de l'Impé- ratrice Tseuhi étant entré dans la société secrète des Boxers, s'aperçut qu'elle travaillait à la ruine ou tout au moins à la déchéance de la dynastie des Tsings. Par une manœuvre d'une loyauté douteuse vis-à-vis des Puissances ayant des représentants accrédités à Pékin, il eut l'adresse de détourner le coup qui se préparait, en orientant les Boxers, non contre les Tsings mais contre les étrangers. De là le siège des légations en 1900, l'Impératrice s'étant sauvée au loin dans la direction de Szeu Tchouen.

Dans sa conclusion, il ne sera sans doute pas superflu de le noter, M. Escarra se rencontre en pleine concordance avec le Cdt Casseville qui, dans son livre, analysé plus loin (p. 28), écrit textuellement ceci : p. 26. Le futur statut de la Chine s'annonçait (1928) comme devant être un amalgame assez compliqué des systèmes occidentaux et soviétiques et des idées nébuleuses de Sun Yat Sen. Tout en haut, le Parti, réuni annuel- lement en une assemblée qui, théoriquement, représente le peuple.

P. 37. L'Unité de la Chine, qui aurait dû être le résultat le plus immédiat de la victoire sur les armées de Mandchourie (octobre 1928), n'avait fait qu'un progrès moral.

P. 39. Il existe, à côté des taxes que peut percevoir le Gouvernement, une quantité d'impositions levées dans les villes et les provinces, par les chefs militaires qui y ont leurs troupes et qui servent d'abord à l'entretien des armées. Si bien que les dépenses militaires réelles de la Chine atteignent des chiffres fabuleux ».

L'expression d'armée appliquée ici à des bandes organisées surtout en vue du brigandage paraît fort proche de ce qu'on appelle en français un abus de mot.

Jadis tel auteur français. M. Farjenel, pour ne pas le nommer, écrivant sur la Chine avec une sorte d'attendrissement, citait avec complaisance ce proverbe céleste : De bon fer on ne fait pas un clou, d'un brave homme on ne fait pas un soldat ».

Que dirait-il s'il revenait aujourd'hui en ce monde ?

Politique du Japon en Extrême-Orient

François de Tessan, Par les chemins Japonais, Pion 1918, p. 9. Le Japon mort et vif, Baudinière 1928.

Dans son ouvrage publié, il y a une dizaine d'années

à Paris, notre Sous-Secrétaire d'Etat aux Affaires Etrangères, qu'un nouveau Cabinet vient de faire passer à la Présidence du Conseil, grand voyageur, nous donne un exposé clair et vivant, en 253 pages et quatorze chapitres, de la condition intérieure du Japon, de ses relations avec l'extérieur. L'un des chapitres, le IXe, a pour titre: devant le chaos chinois (pp. 158-171).

L'auteur rappelle que « de 1867 à 1899 l'Empire du Soleil Levant a lutté contre les privilèges de l'Occident » , c'est-à-dire pour conquérir la plénitude de sa souveraineté, par la suppression des tribunaux consulaires.

Il continue en ces termes p. 163 : « Quel est le but du Japon en Chine ? Il lâcherait volontiers les concessions, « les principes d'extra-territorialité, le contrôle « douanier, à la condition d'obtenir la sécurité de ses « propres sujets et un traité commercial favorisant ses « exploitations et ses exportations en Chine. Il tâchera de négocier... avec les chefs lui paraissant de taille à sortir le pays du gâchis. Il sera patient jusqu'à l'extrême limite. Il étudiera toutes les combinaisons propres à une médiation entre les partis rivaux. Naturellement, le Japon agira, selon sa manière, en déployant son activité dans la coulisse et en respectant toutes les apparences, à moins que des événements exceptionnels ne l'obligent à sortir de cette réserve ».

En mai 1931, Nankin a prétendu abolir, par mesure unilatérale, les traités dits inégaux.

Le 24 juin 1938, à Changhaï, le porte-parole des autorités japonaises a annoncé l'abolition des droits d'exterritorialité dont jouissent les étrangers dans toutes les parties de la Chine contrôlées par les Japonais.

Il est clair que ces droits, anormaux, n'ont pas à survivre à leur raison d'être : l'absence d'organisation administrative, policière et judiciaire adéquate.

P. 60. « D'après le professeur Oyama, le Japon doit trouver un champ nouveau à son activité en Chine, mais il n'y pourra pas grand chose, étant en compétition avec l'action conjuguée des Anglais et des Américains... « Une issue pourrait être la conclusion d'une alliance sino-russe-japonaise ». Ceci fut écrit 1927 !

P. 242. « M. Sugimura (l'actuel et très distingué, Ambassadeur de son pays en France (1), directeur du bureau européen du Japon pour la S.D.N., a fait, à la fin de 1926, une tournée dans sa patrie pour y enquêter sur les progrès de la Ligue. Pendant un mois, il a été réellement le héros de toutes les réunions. Il a été obligé de prononcer trois ou quatre allocutions par jour ». Dans la capitale à Tokio il prononça un discours qui fut partout reproduit et longuement commenté. M. de Tessan en donne une traduction sinon complète, du moins étendue. La conclusion, qui nous paraît mériter d'être reproduite est ainsi conçue : « C'est seulement de la pénétration de tous les idéaux, de leur force commune, de la considération que les peuples se doivent entre eux que naîtra une société meilleure et que nous retirerons tous les bienfaits d'une entente entre l'Orient et l'Occident ». Nous adhérerons volontiers à cette noble pensée estimant seulement que l'objectif de la politique internationale ne doit pas être tant de faire naître une seule société meilleure, que d'assurer la concorde entre des sociétés diverses indépendantes, mais pratiquant entre elles la Justice et la sympathie, sachant accroître pour leur profit mutuel

(1) Pendant l'impression de la seconde édition, S. E. M. T Sugimura dut, au grand regret de ses nombreux amis français, quitter Paris (le 14 décembre) pour retourner au Japon. L'obligation de veiller au rétablissement de sa robuste santé, ébranlée à la suite de trois interventions chirurgicales dans une clinique de Neuilly, l'a contraint bien malgré lui à cette détermination.

leurs échanges intellectuels et matériels. En un mot, là Concorde internationale doit être un peu comme l 'har- monie dans un orchestre où tous les artistes ne jouent pas à l'unisson, bien au contraire, mais où chaque instrument doit exécuter, selon le rhytme voulu, sa partie.

Une suite de brefs extraits cueillis au cours des quatorze chapitres achèvera, croyons-nous, d'éclairer le lecteur, de lui montrer avec quelle méthode, quelle impartialité M. de Tessan a mené son enquête portant non seulement sur les aspects les plus variés de la vie japonaise, mais, ce qui est sans doute plus important encore, sur l'esprit qui anime cette vie.

P. 120. « Kobé-Osaka formant, face à la Chine, une agglomération commerciale et industrielle qui fait pendant à l'agglomération Tokio Yokohama, face aux Etats-Unis ». L'auteur fait évidemment allusion à l'orientation économique, non topographique, du premier des deux centres joints auxquels il se réfère.

P. 121. Grâce à la double impulsion donnée à Kobé et Osaka, le Japon poussera hardiment ses affaires en Extrême-Orient et rayonnera avec plus d'intensité au moment où les luttes commerciales prennent dans le Pacifique une formidable ampleur.

P. 126. M. Kiyoshi Kawakami, dans la Revue des Nations début de 1927 : Le J apon est forcé de chercher les moyens de son expansion économique par tous les procédés pacifiques. S'il n'y parvient pas ou si les puissances, sous un prétexte ou un autre, bloquent la route à ce légitime et pacifique désir, son destin ne peut être que la stagnation, la famine, la déchance. Le Japon ne peut, bien entendu, accepter ce sort. La race qui forme le peuple est virile, vigoureuse et prévoyante ». Notons en passant qu'ici la race est un composé de trois éléments principaux : aïno, mongol, malais. M. Kiyoshi Kawakami est l'auteur du livre sur le Ja-

pon et la Paix mondiale dont nous avons parlé plus haut.

P. 145. Les délégués du Japon s'étaient rendus à Paris (en 1919) pour les négociations de Paix avec enthousiasme et dans l'espoir qu'un code de fraternité humaine sortirait des délibérations des vainqueurs. Ce fut, pour eux, une déception cruelle de constater que l'on écartait les questions qui les touchaient particulièrement.

P. 147. M. Shoji Foju rapporte qu'en avril 1919 un meeting monstre fut tenu au Temple de Hongwanji à Tokio (appartenant à l'une des 12 principales confessions bouddiques dont les centres sont à Kyoto) et que là, des motions furent adoptées où il était affirmé que le Japon tenait dans ses mains la paix de l'Extrême-Orient et qu'il maintiendrait cette paix en dépit des intrigues de certaines nations occidentales pour créer des troubles en Chine ».

P. 148. Dr. Masataro Sawayanagi.

Août 1919 : « Connaître mieux ses voisins est important avant d'aller plus loin... L'attitude observée vis-à-vis des délégués japonais à la Conférence de la Paix dévoile la pensée des gens d'Occident disposés à nous traiter en étrangers plutôt qu'en égaux. Peut-être n'y a-t-il pas de mauvaise intention de leur part... ».

P. 151. Le 1er août 1926 on vit se réunir à Nagasaki un Congrès panasiatique où se rencontrèrent une cinquantaine de délégués du Japon, de l'Inde, de la Chine, des Philippines, de l'Indo-Chine de la Corée et du Siam ».

« Il y eut des projets concernant les échanges intellectuels et matériels, la construction de chemins de fer, fondation des centres de propagande, création de banques pour le commerce inter asiatique...

« C'était là un programme idéal qui ne fut pas dis-

cuté dans le calme, loin de là ! La fraternité asiatique ne se manifesta pas avec la sérénité boudhique.

P. 153. Le deuxième Congrès panasiatique s'est tenu à Changhaï du 1er au 4 novembre 1927.

« Le Japon ne demanderait pas mieux que de servir de trait d'union entre les deux mondes et que d'éviter les chocs plus ou moins lointains que d'aucuns pro- phétisent. Ecoutez ce que disait à ce sujet M. Sugi- mura, l'un des diplomates les plus avertis de son pays : si les nations de l'Europe faisaient un dixième des efforts que les Japonais ont consacrés à la compréhension de la civilisation européenne, elles pourraient mieux apprécier notre civilisation. Cette compréhension réciproque et le respect mutuel qui s'ensuivrait entre les peuples de l'Occident et de l'Orient serviraient puissamment à consolider la paix du monde ».

M. Sugimura, dit M. de Tessan en 1928, ne me paraît pas du tout avoir tort.

Depuis le 25 juillet 1937, rappelons-le, M. Sugimura représente comme Ambassadeur son pays en France, après avoir rempli brillamment la même mission en Italie.

En cette année du tricentenaire du discours de la Méthode ne convient-il pas d'évoquer l'immortelle formule de Descartes. Cogito, ergo sum, principe essentiel, avec son corollaire, Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée, de cette compréhension réciproque et de ce respect mutuel indispensables au maintien de la paix physique entre les peuples de la planète ? Nous disons paix physique ou matérielle, car, dans l 'ordre scientifique et même moral, les luttes, comme il est clair, peuvent être fécondes.

P. 199. Le 10 mai 1927 le Nichi Nichi de Tokio, s'exprimait ainsi :

« Nous n'éprouvons aucune rancune contre les procédés commerciaux inamicaux des Anglais; nous ne

sommes pas non plus autrement flattés ou joyeux à l'an- nonce que la Grande-Bretagne rechercherait de nouveau l'alliance qu'elle a volontairement dénoncée. Suivant l'expression favorite des Anglais, il nous plaît, pour le moment, d'attendre et, de voir « wait and see » ce qui sortira de là ».

« En faisant la part du persiflage que peut se permettre un journaliste — et non un diplomate — n'y a-t-il pas là un raisonnement qui découvre le fond de la pensée nippone ?

« Oui, les Japonais ont appris à compter surtout sur eux-mêmes et s'ils sont quelque peu désabusés ce n'est point, on l'avouera, de leur faute. Cela ne les empêchera pas de rester courtois et conciliants dans toutes les circonstances de la vie internationale. Cependant ils entendent défendre leurs intérêts propres au milieu de l' économie asiatique ».

P. 202. « L'ambition des Japonais serait de rayonner sur toute la partie du continent asiatique où ils sont attirés par leur prestige et par leurs intérêts. Ils parviendront un jour à remplir ce programme, mais leur politique de l'air est en ce moment en retard.

Les Japonais veulent des ailes en abondance suffisante pour dominer le ciel d'Extrême-Orient, cela fait partie de leur plan général d'action et de modernisation... ».

Le magnifique voyage accompli en mars 1937 par le Kamikaze, le Vent de Dieu, de Tokio à Londres et retour a été un premier symptôme révélant au monde à quel point étaient prophétiques les vues ici exprimées il y a dix ans. Le raid Le Pelletier d'Oisy, Paris-Tokio, est de mai 1924.

P. 163 .. « Si pendant longtemps, les partis de Tokio accordèrent leur appui aux grands chefs militaires du Nord Yuan-Che-Hai, Tuan-Chi-Jui, Chang-Tso-Sin, ils ne négligent pas, maintenant d'entretenir

des intelligences dans les partis sudistes... Malgré les excès des « rouges » à Han-Kéou, Kiu-Kiang et Nankin, le gouvernement japonais s'est montré modéré dans ses blâmes et demandes de réparations. Il est approuvé par l'opinion publique, qui est pacifiste, à l'exception des clans militaires et navals dont l'influence décroit sans cesse ».

Jean Ray. — Au début de 1933 le centre Européen de la Conciliation internationale, dotation Carnegie, a accueilli un important mémoire de notre compatriote M. Jean Ray, docteur en droit. Ce mémoire réplique à celui de M. Escarra, sur la position, l'œuvre et la politique du Japon en Mandchourie a été jugé, par l'importante entité que je viens de citer, digne des honneurs de l'impression en un volume de plus de 150 pp. in-12°, partagé en six chapitres. Ecrit avec beaucoup de netteté et d'objectivité, il constitue un élément de haute valeur dans l'instruction ouverte devant l'opinion sur la situation en Extrême-Orient. Cependant nous entendons d'ici l'objection du lecteur ; cet auteur, à coup sûr fort distingué, a des attaches personnelles avec le Gouvernement de Tokio. N'a-t-il pas gagné, par ses mérites, le titre flatteur et les fonctions de Conseiller juridique de ce Gouvernement ? En principe de tels scrupules sont justifiés. Mais puisque nous avons cité M. Escarra, le lecteur serait le premier sans doute à s'étonner de nous voir omettre la contre-partie, surtout quand il s'agit d'un témoignage de la valeur de celui de M. Ray. Nous tenons à rester discrets. Comment, cependant, ne pas produire à titre d'exemple, ce passage vraiment caractéristique et dont le fond ne saurait prêter à discussion.

... L'action japonaise en Mandchourie n'était point isolée et unique. Je vous ai rappelé antérieurement que certaines régions, qu'on appelle « dépendances extérieures » ou « possessions extérieures » de la

Chine s'étaient récemment détachées d'elle. On peut dire que toutes ces dépendances extérieures lui ont complètemnt échappé: la Mongolie et le Turkestan sont dans l'orbite de l'Union Soviétique; quant au Thibet, il a proclamé, il n'y a pas très longtemps, son indépendance, au bénéfice probablement de la Grande-Bretagne. Cependant ces événements-là n'avaient pas suscité les mêmes appréhensions, les mêmes inquiétudes que les événements de Mandchourie.

Pourquoi ? C'est que si, du point de vue juridique la Mandchourie peut se rapprocher des pays que je viens de citer, il en est tout autrement du point de vue économique...

... Vous savez en quoi consiste essentiellement ce problème chinois : il tient dans le fait de la désorganisation de la Chine, qui entraîne les compétitions des diverses Puissances intéressées...

... Le 8 février 1925, à un moment où la Grande-Bretagne se trouvait amenée à prendre certaines mesures pour la protection de ses intérêts, Sir Austen Chamberlain, qui était alors Secrétaire d'Etat aux Affaires Etrangères, écrivait ceci au Secrétaire général de la Société des Nations :

« Depuis 1922 la Chine est devenue plus désunie « que jamais. Le Gouvernement nationaliste de Can« ton a étendu son autorité sur la plus grande partie « du pays au sud du Yang-sté et demande à être re« connu comme le seul Gouvernement de la Chine « toute entière. Ce fait a modifié l'hypothèse sur la« quelle reposait la politique dont on était convenu « à Washington » (cf. p. 73). Ici nationalisme : soviético-socialiste.

Cet état de désagrégation anarchique, à son tour, la Commission Lytton l'a constaté.

Cdt Henry Casseville. — Nankin contre Tokio, un volume in-12, 224 pp., Berger-Levrault, 1934.

Deux portraits (ceux du Maréchal Chang Kai Chek et du Général Chang Hsue Liang), deux cartes, très claires, très utiles.

L'ouvrage de M. de Tessan, analysé ci-dessus, nous a conduits jusqu'à la fin de 1927. Celui-ci retrace les événements qui se sont déroulés dans les bassins des Fleuves, Si Kiang, Bleu, Jaune, Amour, de cette dernière année, jusqu'à la fin de 1933.

Désirez-vous savoir ce que signifient au juste des noms tels que ceux de Sun Yat Sen, Feng Hu Siang (maréchal chrétien) le général Chang Hue Liang, le maréchal Tchang Kaï Chek, nommé Président de la République en octobre 1928 par le « Comité Central Politique », et bien d'autres éléments de la politique en Extrême-Orient ? Prenez l'ouvrage du Cdt Casseville et vous en serez informé sans effort. L'auteur y expose d'une plume alerte, ce que lui a appris une enquête pertinente menée sur place, comme attaché militaire.

Voici comment il apprécie l'attitude de la S.D.N. en présence de l'intervention du Japon en Mandchourie, intervention indispensable en raison de la carence de toute autorité politique locale. P. 145, 147, janvier 1932.

« Le boycottage (anti-japonais) sévissait plus que jamais à Shanghaï ». Il avait commencé dès 1906.

Les troupes nippones se heurtèrent à la résistance des Chinois et le 29 janvier des avions bombardaient Chapeï.

La défense chinoise était dirigée par le Général Tsai Ting Kai commandant la 19e Armée... Le 3 mars l 'armée chinoise reculait à 20 kilomètres de Shanghaï; les hostilités cessaient le même jour...

« L 'opinion mondiale fut unanime à condamner l'attitude de Tokyo ».

Une incidente manque, semble-t-il. A la suite du

sujet de cette phrase : l'opinion mondiale — ignorante en général, de ce qu'est, en réalité, l'ancien Céleste Empire — eut-il convenu de dire, croyons-nous et nous ne sommes pas seul de notre avis (v. pp. 22, 204).

Mais le Cdt Casseville continue : le recul de l'armée chinoise eut du moins pour effet d'arrêter les hostilités...

Le 5 mai (1932) l'accord fut obtenu sur la base d'un compromis rédigé par le Ministre d'Angleterre ».

Peu après, 1935, l'Italie élevait au rang d'Ambassadeur son représentant en Chine, Comte Ciano, gendre du Duce M. Benito Mussolini. Quel bénéfice pratique le Gouvernement de Nankin a-t-il retiré de cette attention diplomatique ? (cf. infrà p. 92).

164. Les délégués japonais à Genève pouvaient présenter en faveur de leur thèse concernant les désordres chinois, des arguments sérieux; mais la S.D.N. voulant appliquer en tous temps et en tous lieux les mê- mes principes de justice internationale (c'est-à-dire sans s'inquiéter de savoir ce que recouvrait, en réalité, le titre de « nation » attribué à certains groupes de populations E.C.), la Chine, par un singulier retour des choses, faisait figure d'accusatrice. Il est vrai que C.T. Wang qui avait dénoncé tant de traités « inégaux » n'était plus ministre des Affaires Etrangères. pp. 166-167. Dans la nuit du 1er au 2 janvier 1933, à la suite d'un incident... les Japonais attaquaient Shanhaikouan... et l'occupaient dans la journée du 2...

Nankin protesta et rédigea de nouvelles notes adressées à Tokio et à Genève demandant à la S.D.N. d'empêcher de nouvelles agressions. La tragi-comédie continuait; la Chine, dont l'armée nationaliste s'était, quelques années auparavant, emparée de la concession anglaise de Han-Kéou (1927), implorait maintenant la S.D.N. pour la restitution d'un village enlevé par les Japonais ».

Je m'arrête, presque tout le volume, écrit avec une compétence indéniable, serait à citer.

Une simple réserve me paraît cependant utile à exprimer, ou, si préfère le lecteur, un desideratum relatif à une lacune à combler dans la prochaine édition. M. Casseville, autant que la première lecture de son livre me permet d'en juger, ne fait nulle part mention ni des congrégations professionnelles ni des sociétés secrètes constituant pourtant l'unique armature concrète des populations Célestes. Nous attendons de sa compétence un exposé à ce sujet lors d'un nouveau tirage de son livre si propre à éclairer le public occidental sur les hommes et les choses de là-bas,

M. Roger Labonne a voyagé, a vu, voici trois ans, sans autre parti pris que celui de tenter d'observer et de décrire les choses, autant que possible, telles qu'elles sont. Aussi parle-t-il sans ambages, dans son livre récent Le Tapis Vert du Pacifique (1).

Sur le papier le budget chinois présente 830 millions de taels — aux dépenses et 680 millions aux recettes, ces dernières constituées uniquement par les douanes (52 %), la gabelle, les taxes consolidées et le droit de timbre cf. p. 40. Particularité caractéristique : il est difficile de percevoir légalement des impôts personnels, l'état civil n'existant pas (2). Il n'y a pas

(1) In-12°. 292 pages. Paris, Berger-Levrault, 1936.

(2) Cependant il existe une loi sur l'Etat Civil du 12 décembre 1931, entrée, tout au moins nominalement, en vigueur le 1er juillet 1934. Une traduction française par F. Théry et Hoang Sou-Hsiang a été donnée au Recueil Sirey, 1934. De même, une traduction du Règlement de détail avec le texte original. Mais ces documents paraissent être, jusqu'à présent fort peu passés dans la pratique. Ils font partie de cet « appareil de décor » où la S.d.N. se plaît à voir le signe indubitable de l'existence de la République chinoise. Esse est percipere, esse est

davantage de système monétaire régulièrement établi. Naguère le Haï Kouan tael était une monnaie de compte correspondant nominalement à 37 g. 795 d'argent fin. L'ancien écu français de 5 frs pesait 25 grammes au titre de 900 1000e. Le Haikouan tael valait donc environ 8 frs or soit 40 francs papier 1928. Déduction faite des douanes dont le produit est absorbé à peu près complètement par les emprunts étrangers, les recette, nominales, de la République chinoise montaient à environ 320 millions de taels soit au plus deux milliards 560 millions de francs papier. On ne sait pas d'ailleurs en quoi consistent les lois fiscales.

Une fois nommés, les fonctionnaires, les mandarins, au nombre de quatre ou cinq, en tout, par province, n'agissaient plus qu'à leur guise, veillant, en général, à ne pas trop s'aliéner les populations. Celles-ci n'obéissaient que s'il leur convenait aux décrets venus de Pékin. Quant à une inspection quelconque des Finances, le nom même d'unè telle institution demeurait, je crois, inconnu, dans la langue de Cofucius.

P. 226. M. Labonne parle de la Chine « masse amorphe de 450 millions d'habitants ».

Comme nous l'avons signalé plus haut, M. Robert K. Douglas caractérise ce pays par une expression plus juste, semble-t-il, bien que difficile à traduire littéralement en français, en le désignant comme « honey-combed with societies » c'est-à-dire « mise en rayons ou en alvéoles, ainsi qu'une ruche, mais une ruche sans reine, par les Sociétés ».

De toutes façons, un fait demeure patent. Jusqu'à présent, l'Etat n'est pas organisé en Chine.

C'est ce qu'enseignait déjà, en 1890, nous l'avons

percipi a dit Berkeley. Genève semble faire volontiers ap- plication de la seconde partie du célèbre axiome formulé voici 220 ans par l'Evêque d'Armagh. (V. infra p. 76).

vu, M. Léon Poinsard, alors bibliothécaire aux Sciences Politiques à Paris.

...Voici bientôt quatre ans, Y. M. Goblet, Docteur ès Lettres, rédacteur au Temps, a publié cher Berger-Levrault son Crépuscule des Traités.

Le Chapitre VI de ce remarquable ouvrage, dont l'auteur se recommande par une compétence et une im- partialité qu'il serait superflu de faire ressortir, est consacré (pp. 100-141) aux Marches Continentales du Japon. On y lit notamment ceci p. 127 :

A s'en tenir aux faits, le Japon paraît être la seule puissance capable d'une action organisatrice dans l'anarchie extrême-orientale. Le gouvernement du Mantchoukouo, comme sa population, se compose de Mantchous, de Mongols et de Chinois qui, peu à peu, se groupent pour fonder une nouvelle nation. Mais ce qui pour le moment garantit le mieux la vie du nouvel Etat, c'est l'appui du Japon, appui qui ne lui fera pas défaut : car, suivant les conclusions de la délégation japonaise à la Société des Nations, dans ses « observations » du 21 février 1933, « la reconnaissance du Mantchoukouo et l'appui qu'on lui donnera constituent la seule voie qui puisse mener à une solution satisfaisante de la question de Mantchourie et au maintien d'une paix durable en Orient ».

En octobre 1938, six Etats ont reconnu officiellement le Mantchoukouo : l'Allemagne, l'Italie, le Salvador, la Pologne, le Siam et le Japon. L'Empire Britannique, les Etats-Unis d'Amérique du Nord ont transformé en agents officieux d'anciens agents privés de Compagnies Commerciales pour le pétrole ou autres.

P. 131. Ainsi le pays mongol s'étend largement sur le versant oriental des plis montagneux limitant à l'ouest le bassin du Liao — et l'on peut dire que la terre du Jehol, placée par l'administration en Mon-

golie intérieure, le fut par la nature en Mantchourie, tandis que le district de Barga, partie d'une province mantchourienne, se rattache par sa terre à la Mongolie.

Aussi les confédérations du Jehol, celles de Chaota, et de Chosatou, sont en contact permanent avec les bannières du Fengtien et elles ont toujours formé des « comités » prêts à la lutte pour l'indépendance. Et de même que le Jehol est géographiquement en Mandchourie, il possède l'élément populaire qui salua avec le plus de satisfaction la création du Mandchoukouo.

Ainsi s'explique la première phrase de la commu- nication de M. Hsieh Chieh Shih, ministre des Af- faires Etrangères du Mandchoukouo à ses collègues des autres pays: « J'ai l'honneur de vous informer que les provinces de Fengtien, Kirin, Heïlongkiang et Jehol, le district spécial de Tong-cheng (ancienne zone du chemin de fer) et les Hongs (confédérations) mongols des diverses bannières, se sont unis pour établir un gouvernement indépendant en rompant leurs relations avec la république de Chine, et ont créé. le 1er mars 1932, le Mandchoukouo ou Etat de Mandchourie ».

Dans une correspondance consacrée à la Mongolie intérieure (Temps, 20 novembre 1934), M. André Duboscq nous présente l'observation significative que voici : « Il y a lieu de croire que les Mongols sont encouragés au dehors à demander une reconnaissance formelle d'une Mongolie intérieure indépendante, par le Gouvernement de Nankin. Il est certain qu'une Mongolie intérieure, à l'indépendance de laquelle Tokio aurait plus ou moins contribué, enlèverait un considérable souci de l'esprit japonais...

Sans doute la Chine (1) montre en Mongolie, comme

(1) Soit le Gouvernement de Tchang Kaï Chek, alors à Nankin.

dans ses autres possessions extérieures, un renouveau d'activité politique indéniable; mais cette activité vient bien tard et l'on se demande ce qu'elle pourra sauver de son antique domination... Nous savons que trop que la politique en Extrême-Orient se développe sui- vant une forme qui n'est pas la nôtre ».

Une des particularités bien connues d'ailleurs de la Chine au point de vue diplomatique tient au fait que les Ambassades et Légations restent à Pékin tandis que le siège du Gouvernement depuis 1911 est à Nankin, distance : quatre jours de voyage par chemin de fer et bateau, douze heures en avion. Les journaux du 5 août 1937 ont publié la dépêche suivante de Daïren (Port Arthur).

« M. Kawagoe, ambassadeur du Japon en Chine, accompagné de deux secrétaires, est arrivé ce matin par avion, venant de Tien Tsin. Il s'embarquera aujourd'hui pour Shanghaï, d'où il gagnera Nankin. Il se serait déclaré prêt à entamer des négociations en vue d'un règlement à l'amiable du différend ».

Quelque surprise que puisse faire naître surtout, après un délai de trois ou quatre semaines, cette information, quelque énigmatique que puisse demeurer son caractère pour le lecteur moyen (1), un chose n'en reste pas moins certaine :

Dans une partie quelconque du monde, un Etat pour durer, même pour mériter ce titre, doit savoir maintenir l'ordre à l'intérieur de ses frontières.

Excelsior, 27 septembre 1937.

Article de M. E.-W. Peters, attaché six années durant à la Shanghaï Municipal Police : « Opium, fléau chinois. Il est l'objet d'un trafic d'influence des plus

(1) A ce sujet, des éclaircissements intéressants sont donnés dans un article publié le 11 septembre 1937 par l'Illustration, p. 29, sous le titre de la Guerre de Chine et les initiales R. L. (Roger Labonne) comme signature.

dangereux pour la race même. En fermant les yeux les douaniers acquièrent de petites fortunes ». Il s'agit de douaniers chinois appartenant au service des douanes maritimes (jadis I.M.C.) fonctionnant sous le contrôle d'étrangers (cf. p. 45).

Il y a une douzaine d'années, une personnalité chi- noise expulsée de la Concession internationale pour abus divers, intrigues croisées pour et contre le gouvernement du Kuomin Tang, trancha la difficulté en s'embarquant à destination d'Europe. En cours de traversée le Gouvernement de Nankin prit le parti de le désigner comme délégué de la Chine à la S.D.N. à Genève où il prit rang et fut reçu avec tous les honneurs dus à son rang.

A la fin de 1924 fut organisée, pour ce personnage, une séance solennelle en Sorbonne, sous la présidence de l'éminent mathématicien M. Paul Painlevé.

Maurice Larrouy. — Le Cargo tragique, Fayard 1936.

Sous forme de roman, l'auteur, en démarquant quelque peu les noms, décrit les luttes, intrigues, marchandages de toutes sortes qui se sont déroulés il y a quelques années entre trois « généraux » célestes, pour la possession de l'exploitation de la région de Han-Kéou, taillable et corvéable à merci, d'ailleurs comme le reste du territoire.

Bien d'autres auteurs seraient à citer tels que Haushofer, Maurette Fr., Chevallier. Temps du 26 septembre. Eventuellement, ils feront l'objet de notes complémentaires.

Le 26 septembre, les journaux de Paris ont publié des dépêches de Shanghaï ou de la région, d'après lesquelles le parti communiste du Nord de la Chine aurait déclaré se rallier au Gouvernement national de Nankin et mettre ses forces à la disposition de ce der-

nier. Déjà, trois semaines plus tôt, des informations analogues avaient été mises en circulation. Certaines « armées » communistes de la zone du Fleuve Jaune annonçaient que, sur l'ordre des bolcheviks, évidemment elles enlevaient de leur pavillon « l'étoile de Moscou » et qu'elles se préparaient à combattre avec les troupes de Çhang Kaï Chek.

L'auteur consacre les chapitres 8 (pp. 266-271) et 10 (pp. 273-284) à l'émigration et l'idée d'expansion pour accroître ses forces de cette nature dans la région de Vladivostock.

JAPONAIS AU DEHORS

Depuis plus d'un demi siècle l'interdiction de s'expatrier ne pèse plus sur les sujets du Daï Nippon. Jusqu'à présent cependant, les seules régions où ils ont émigré en nombre appréciable sont la Corée, la Chine, Formose, les Iles Hawaï, le Brésil, les Iles Philippines. On en trouve quelques-uns jusqu'en Nouvelle-Calédonie. Dans le domaine des Fils du Soleil Levant, l'île de Yeso ou Hokkaïdo (90.000 kilomètres carrés environ, trois fois la Belgique, latitude de la Normandie, n'a encore qu'une faible densité de population, environ 22 au kilomètre carré (dix fois moins que la Belgique).

Dans la Revue (avril-juin 1937) d'Histoire Politique et Constitutionnelle M. Henri Hauser a traité le sujet en pleine connaissance de cause. Il nous dit qu'on estime à près de 150.000 le nombre des Japonais ins- tallés au Brésil dont 130.000 dans le seul Etat de Sao-Paulo; 80 % du total des immigrants, la plupart cultivateurs. D'après les chiffres fournis par le Consulat du Japon le nombre annuel des immigrants qui était de 6.330 en 1885 atteignait 11.169 dès 1928 et par une progression continue 24.090 en 1933. /

Fernand MAURETTE, Sous-Directeur Bureau Internationale du Travail.

Aspects sociaux du développement industriel au Ja- pon.

Genève 71 pp., in-8°., 1 fr. suisse, 1934. L'auteur donne le résultat de son enquête concernant quatorze catégories d'industries : filature et tissage, fonderie de fer, verrerie, allumettes, porcelaine et poterie, isolateurs électriques, ampoules, montres et horloges. bicyclettes, stylographes, caoutchouc, brasserie, imprimerie, laque.

On voit que la part des anciennes industries traditionnelles, ou plutôt des anciens métiers du Japon est restreinte, dans l'ensemble. Dans cette étude, le distingué Sous-Directeur du Bureau International du Travail ne s'est pas occupé des constructeurs d'aviation dans la Terre du Soleil Levant. M. Maurette examine ensuite les conditions du travail, le coût de la vie, le rendement.

Parmi les conclusions, je citera celle-ci : Le Japon a, dès à présent, ratifié douze conventions internationales du travail. Des organisations ouvrières, des économistes estiment qu'il pourrait envisager six ratifications de quelques autres accords : durée du travail (Washington), repos hebdomadaire, interdiction du travail de nuit, etc.

Général K. HAUSHOFER, Professeur à l'Université de Munich.

Le Japon et les Japonais; 302 pp., in-8°, 28 cartes, 32 gravures. Préface et traduction du Dr. Georges Montaudon, Payot 1937.

Il est clair qu'il s'agit là des mots d'ordre partis, non de Nankin mais de Moscou.

Peut-être, du reste, certaines influences extérieures

non Moscovites, mais britannique, américaine, n'en sont-elles pas tout à fait absentes ? c'est là une simple question que nous nous permettons de poser, sans prétendre la résoudre.

Un fait cependant est à noter. A la fin de juillet un accord est intervenu entre la Grande-Bretagne et l'U.R.S.S. au sujet des armements navals. Ce document laisse toute latitude au Gouvernement des Soviets pour équiper et développer sa base navale de Vladivostock, dominatrice de l'Est.

Le Général professeur Haushofer paraît s'être peu occupé, dans cet ouvrage, des conditions sociales et politiques de l'ancien Empire du Milieu ni de ce que ces conditions représentent pour celui du Soleil Levant. Il traite spécialement de la dynamique démographique du Japon. L'avenir ethno-psychologique de la culture et de la structure de l'Etat japonais.

Nous ne pouvons songer à reproduire ici seulement les titres des quelque quarante chapitres (répartis entre cinq livres). Peu d'ailleurs de ces chapitres ont trait à la politique extérieure. Par contre nous croyons rendre service au lecteur en citant cet extrait de la conclusion, p. 282, propre à révéler l'esprit positif dans lequel l'ouvrage est conçu.

« Le Japon à la tête d'un Etat tampon susceptible de nourir 70 millions d'habitants et 20 de plus dans l'avant pays qui lui sert de marche sera difficilement attaquable pendant un siècle. Par contre, il fera figure d'un allié désirable même si toute autre possibilité d'expansion lui est refusée.

« Pour l'Empire frémissant à l'intérieur, des séismes et de pressions sociales, l'obtention de ce but est l'enjeu de son avenir prochain... Qui se glisse entre les deux, Chine et Japon, qu'il vienne de la terre ferme (U.R.S.S.) ou de la mer (Empire britannique ou Etats-

Unis) s'expose aux pressions des deux, qui sont même susceptibles de s'allier contre lui ».

En attendant, une dépêche de Shanghaï (29 septembre) annonce le départ pour Moscou de l'Ambassadeur des Soviets à Pékin Nankin. Ce voyage est présenté comme un symptôme dénotant la préparation d'une entente entre les peuples de l'U.R.S.S. et ceux de la Chine, pour soutenir la cause du « Communisme », terme employé d'ailleurs sans définition spéciale.

Par contre, une dépêche du 4 octobre fait connaître que l'Empereur à Tokio a offert un grand dîner en l'honneur de l'Ambassadeur des Soviets.

Plus tard, le 2 mars 1938, M. Hirota fut en condition de déclarer à la Diète que les rapports avec les Puissances demeuraient sur un pied favorable.

A diverses reprises, au cours de ce chapitre, et notamment p. 33, nous avons fait allusion aux sociétés secrètes en Chine comme constituant de façon traditionnelle, la principale pour ne pas dire la seule armature des populations diverses établies dans le peys. A ce sujet nous sommes certains de rendre service au lecteur, en lui signalant l'article de M.R.T. Barrett : Secret Societies in China, publié par le périodique : Great Britain and the East dans son numéro du 3 mars 1938.

Le 27 juin 1938 M. Trautmann, Ambassadeur d'Allemagne en Chine, s'est embarqué à destination de Berlin où il a été appelé par son Gouvernement. Au début de l'année, il s'était entremis, sans succès d'ailleurs, en vue d'amener la solution du conflit par une médiation du Reich entre le Gouvernement de Tchang

Kai Chek à Hankéou et le Cabinet de Tokio, (cf. p. 172).

En février l'Allemagne avait reconnu le Mandchoukouo cf. p. 68).

En ce même mois de juin 1938, le Gouvernement du Reich avait, sur l'intervention spéciale du Général Oshima, attaché militaire du Japon, rappelé la mission militaire de soixante-dix officiers dirigée par le Général Feldhausen, qu'il entretenait depuis plusieurs années auprès du Maréchal Tchang Kai Check.

Les autorités anglaises ont refusé aux exportateurs allemands d'avions militaires destinés aux armées chinoises le droit de faire assembler à Hong-Kong les piè- ces détachées d'appareils récemment arrivés à bord de navires allemands afin de pouvoir permettre aux appareils de fabrication germanique d'effectuer des vols de « démonstration » avant qu'ils soient définitivement livrés aux autorités militaires chinoises.

D'une manière générale sur les multiples dessous de la contrebande des armes par la Rivière des Perles et Canton au cours du conflit de 1937-38 en Chine, le lecteur trouvera d'instructives indications dans l'article de Mlle Gilberte F. Ch. Morant : Canton pris que vont devenir les trafiquants d'armes ? in Intransigeant du 25 octobre 1938. Il s'agit là d'un phénomène constaté partout où des circonstances analogues se sont produites à Madagascar en 1894-95, en Afrique du sud 1897-1900, au Maroc 1924-1925 et sans vouloir citer ici des exemples plus proches de nous dans le temps et dans l'espace.

Le 8 octobre 1938, le général Oshima a été nommé Ambassadeur du Japon à Berlin. Né en 1889, il

avait été désigné en 1934, donc à 45 ans, pour le poste d'attaché militaire adjoint en Allemagne. Avec M. de Ribbentrop il prit une part active à la conclusion du pacte anti Komintern de novembre 1936.

C'est lui, dit-on, qui, par ses constantes et insistantes représentations, en avril-mai 1938, comme attaché militaire près l'Ambassade à Berlin, contribua le plus directement à déterminer, juin 1938, le rappel de la mission du général Falkenhausen et de ses 70 officiers auprès des troupes de Tchang Kaï Chek. Le général est passé, en décembre, par Paris où il a rencontré quelques parents et amis.

D'après diverses informations d'Avril-Mai 1939 le général Oshima se serait, ainsi que son collègue à Rome montré positivement partisan d'une entente militaire formelle entre son pays et les Puissances de l'axe Berlin-Rome. La majorité du Cabinet de Tokio se serait montrée adverse à une telle politique préférant maintenir l'indépendance du Daï Nippon à l'égard des problèmes politiques de l'Europe Centrale.

Trois mois plus tard, coup de théâtre. Le 25 août 1939 le général Oshima, comme ambassadeur a reçu de Tokio l'ordre de protester auprès du chancelier Hitler contre le pacte de non-agression et d'amitié signé deux jours plus tôt par son Ministre des Affaires Etrangères von Ribbentrop avec le collègue de ce dernier, M. Molotov, dûment qualifié par M. Staline.

Trois mois après le pacte anti-Komintern, M. A. Hitler cédant, selon sa coutume, au besoin de manifestations oratoires, a célébré, en février 1937, la supériorité de la race blanche, surtout germanique, bien entendu, sur les autres. Il a dû se rétracter à la suite de discrètes marques d'étonnement émanant du Japon.

CHAPITRE IV

1) Esprit de Province en Chine

Evénements de Canton, 1926. M.

Albert Thomas dans le Nord, 1928. Evénements actuels. MM. A. Duboscq, Demaître.

Dans ses correspondances adressées l'année dernière d'Extrême-Orient au « Temps », M. André Duboscq a eu le mérite, très justement apprécié, d'offrir au public en un style net et clair, une suite de Choses vues. Un des exemples les plus caractéristiques et instructifs à cet égard nous paraît être le passage suivant tiré d'une lettre de Nankin, juin 1937, publiée dans le n° du 18 du même mois.

« La collaboration anglo-chinoise existe pleinement depuis le séjour en Chine de Sir Frédéric Leith-Ross, il y a deux ans, Je suis d'avis que plus que toute autre une politique des chemins de fer peut créer des liens solides entre la Chine et nous...

...Pour éviter les déceptions, il faut s'attendre au moins aux difficultés de provincialisme qui déjà se fait sentir. J'entend par là... un moyen, un prétexte si l'on préfère, pour des autorités militaires ou civiles d'une ou plusieurs provinces, avides de succès ou de profits, à batailler contre le Gouvernement central au nom de droits provinciaux plus ou moins justifiés. Quel que soit le point de départ, le résultat toutefois reste le même :

Nankin peut se trouver de nouveau gêné de la même façon qu'avant l'état de choses créé par le talent et l'habileté de Tchang Kaï Chek... ».

M. A. Duboscq a pleinement raison. Sa réflexion est fondée sur les faits, des faits patents, je veux dire connus de la planète entière.

Il y a une douzaine d'années, lorsque j'avais l'honneur de représenter la France en Colombie, il m'est arrivé de relever dans un journal de Bogota, le Espectador, le télégramme suivant de Shanghaï : « 1 1 Septembre 1926 ». Je le citerai à titre d'exemple, j'allais dire d'échantillon propre à édifier le lecteur :

« Après sa déclaration de guerre aux Cantonais, le Gouverneur Son Chuan fang a envoyé à l'armée de Canton un énergique ultimatum, dans lequel il lui intime d'évacuer immédiatement les villes et agglomérations de la province de Honan, dont elle s'est emparée

« Sun Chuan Tang a une armée de deux cent trente mille hommes fournis par les cinq provinces qu'il domine. Il les tient prêts à résister aux Cantonais qui avancent sur le territoire de Honan ».

Ce télégramme, provenant évidemment de source sûre, peignant la situation en traits sobres et nets, a été fourni aux quotidiens de Bogota par la United Press de New-York.

Retracer en détail les événements d'alors m'entraînerait trop loin. Cependant, pour achever le fixer le lecteur, de lui montrer combien M. Duboscq avait raison de traiter d'énorme, l'été dernier, l'opinion plus haut reproduite, je crois devoir citer, concernant la rivalité entre Cantonais et provinces du Centre ou du Nord, ce bref extrait d'un autre télégramme de la United Press et de la même date du 11 septembre 1926, mais expédié, en ce cas, de Londres :

« La lutte intense et acharnée continue entre les Can-

tonais et l'Armée alliée de Wu pei fu pour la possession de Outchang et de Hankéou.

Ou pei fou, attendant des renforts que lui a envoyés le Gouvernement central de Pékin (la capitale étant transférée depuis 1912 à Nankin), le maréchal Tchen pao sin et son nouvel allié le général Chuan fang, dictateur des cinq provinces du littoral central ».

Dix ans se passent et nous retrouvons dans la même région une situation des événements presque littéralement pareils à ceux qui viennent d'être sommairement évoqués.

On lisait en effet dans le Journal de Shanghaï du 31 janvier 1936: Depuis un mois la Chine a les yeux tournés vers Hou Han Min le nouveau Président du Conseil Permanent du C.C.F. et fidèle disciple de Sun yat sen.

Le Tchong Hing Pao, la Renaissance, organe de M. Hou han min à Hong Kong est interdit à Nankin.

Li Tchung Yah, Tchan chi tong l'homme fort (Tiu Kiun) de Canton, et Kouang si ne tiennent pas du tout à voir M. Hou Han min partir pour Nankin.

Quelques mois plus tard, d'après l'agence nippone Domei, les autorités de la Chine du Sud auraient déclaré la guerre au Gouvernement de Nankin.

Le 5 juin, une dépêche de Hong Kong à Londres faisait savoir que le Conseil Politique du Gouvernement de Canton venait de publier un décret nommant les généraux Tchen Chi Tang et Li Tchung Yen, chefs des armées du Kouang Tong et de Kouang si, respectivement, Commandants en chef, des premier et quatrième groupes d'armées des forces nationales anti-japonaises du peuple.

Pour achever de donner une idée de l'état de choses prévalant dans le Sud, du côté du Fleuve de l'Ouest, les quelques faits suivants s'étendant sur une période de quatre mois environ, juin-septembre 1936,

nous paraissent se passer de commentaires. Leur simple juxtaposition suffira, semble-t-il, a édifier le lecteur :

Dans le Temps du 22 juillet 1936, un article de M. André Duboscq : La politique et les grèves d'étudiants en Chine, débutait ainsi :

« Le 2 juin dernier les dirigeants des provinces méridionales du Kouang Toung et du Kouang Si esquissaient un mouvement militaire vers le Nord afin, disaient-ils, de combattre les Japonais qui pénètrent au Nord du pays. Puis au bout de quelques jours on s'apercevait qu'en somme c'était au Gouvernement central que les deux provinces en avaient ».

Le 3 août: le maréchal Tchang Kaichek a envoyé un ultimatum aux autorités révoltées du Kouang-si, les invitant à se soumettre avant le 5 août faute de quoi il enverrait contre elles une expédition punitive.

12 août: le Gouvernement de Nankin prétend établir un impôt sur le revenu, même sur les étrangers.

A la même date le maréchal Tchang Kai Chek arrive à Canton en vue de négocier.

Le 17 août un télégramme de Canton signale un violent typhon dans le Sud de la Chine et une autre dépêche de la même provenance annonce que le général Lin Ouei Tchen, commandant de l'aviation kouangsiste, a déserté les rangs de ce parti.

Il est arrivé un avion à Canton accompagné de plusieurs membres de l'Etat-major.

Le 18 août le maréchal Tchang Kaï Chek enjoint à ses adversaires (région de Canton) d'avoir à quitter le pays sous trois jours.

Le 20 août les deux généraux kouangsistes rejettent l'ultimatum.

26 août deux journalistes japonais sont tués à Chengtou. Cet assassinat est présenté comme la conséquence de la campagne de la presse chinoise contre la réou-

verture du consulat nippon dans la capitale du Szetchouen.

Pakhoï est occupé par les forces kouangsistes.

30 août le maréchal Tchang Kaï Chek demande aux généraux kouangsistes Li Tsang, Ien et Paï Chung Kaï d'arrêter les hostilités trois jours pendant lesquels M. Ouang Ching Ouei, ancien juge de La Haye, rendra visite aux chefs kouangsistes à Nankin pour tenter d'obtenir une médiation. (Cf. Temps, 3 janvier 1939).

Shangaï 2 septembre 1 938 : Le chemin de fer Canton-Hankéou a été inauguré officiellement hier.

7 septembre : un accord assurant le maintien de la paix dans la Chine du Sud est intervenu après plusieurs semaines de négociations et de démonstrations belliqueuses.

Li Tsung Ien, récemment privé de son rang de commandant en chef de l'armée du Kouang-Si va demeurer dans cette province comme commissaire à la pacification.

L'ancien commandant en second, Paï Chung Hsi a été transféré à Nankin en qualité de membre permanent du Conseil de la Défense Nationale.

Ce que les dépêches ne disent pas, c'est que la langue parlée dans le Sud de la Chine est incompréhensible dans la région du Centre et réciproquement. Il s'agit là d'un fait positif et incontestable, souvent méconnu en Europe, cependant. Quand des représentants des divers territoires classés sous la rubrique Chine veulent se réunir en Assemblée nationale, ils n'ont qu'un moyen de s'entendre entre eux ; ce moyen consiste à recourir à l'anglais, ce qui du reste est à la portée de la plupart des notables, ayant fait des études soit en Angleterre, soit aux Etats-Unis, soit dans les concessions étrangères de Shanghaï, Hankéou, Tientsin ou à Hong Kong, mais ne constitue pas un lien patriotique particulièrement solide.

De toute façon, au moment ou nous écrivons, nous voyons le « Général » Paï Chung Hai reparaître comme défenseur de « son », territoire sur le Fleuve de l'Ouest. Le rôle du « Conseil de la Défense Nationale » s'est évanoui comme une vapeur, une fumée.

Le lecteur non prévenu, ne peut qu'être induit en erreur par l'expression de « généraux chinois ». Il s'imagine avoir affaire à des généraux appartenant à une hiérarchie, une organisation d'ensemble comme il en existe dans tous les pays d'Occident. En Chine, rien de tel. Au temps de l'Empire, le Souverain avait à lui, payée sur sa propre cassette ou son traitement au budget, une armée de 100 à 150.000 hommes, occupant dans le pays un territoire correspondant en superficie à ce que peut être Seine-et-Oise par exemple pour la France. Toutes les autres troupes étaient, en réalité, des bandes commandées par des chefs ayant réussi à grouper autour d'eux 50, 1.000, 2.000, 10.000, 20.000, hommes, parfois davantage. L'expression chinoise qui les désigne : Tiou Kiuns est traduite par les britanniques et nord américains d'Extrême-Orient, par Strongmen, homme forts, terme qui a le mérite de ne pas égarer les imaginations, de ne pas créer de méprise (cf infra p. 69).

Dans Excelsior, M. Demaître leur consacre, depuis le début de février 38, une série d'articles où il les peint d'après nature. Je ne puis qu'engager le lecteur curieux de connaître autant que possible la chose, derrière le mot, de recourir à ces études vivantes, impartiales, sincères. Plus on cherche à analyser les faits bien contrôlés concernant la Chine, plus va se dissipant le concept d'un pouvoir central effectif, positif, dans ce pays.

A la fin d'octobre 1928, M. Albert Thomas, alors

Président du Bureau International du Travail se rendit en Extrême-Orient, passant d'abord par Moscou, gagnant ensuite la Chine par Irkoutsk, le Baïkal, Kharbine...

Ne sachant trop à quelle porte frapper, M. A. Thomas vit tour à tour les maréchaux Chang-Tsio-Liang, Chang Sueh Liang à Moukden, le Maréchal Yen Shiskan à Pékin, le Maréchal Li Tsong Jin à Hankéou. M. Gustave Moulin à qui nous empruntons cette donnée ne peut s'empêcher d'y ajouter ce commentaire : Que de Maréchaux! M. Albert Thomas qui n'est pas militariste, a ressenti, paraît-il, quelque dépit. La Chine, après tout n'a été « depuis l'origine, qu'un membre un peu formel de notre organisation » peut-on dire dans la relation du voyage du Président d'alors du B. I. T. (1).

Sian, décembre 1936 — Nankin, février 1937 épisode du « régime » politico militaire en Chine

Tchang Kaï Chek et Tchang Sueh Liang ou du Chensi au Kiang-Sou

Le 10 décembre 1936, Tchang Kaï Chek, Président de la République chinoise dont la Capitale officielle est Nankin depuis 1912, tombait prisonnier d'un de ses généraux (c'est-à-dire chefs de bandes plus ou moins importantes) à Sian fou, capitale de Chensi, au N.O. du pays.

A la suite d'une tentative de médiation par un Aus- tralien, puis de l'intervention directe de Mme Tchang Kaï Chek, le chef de l'Etat a pu rentrer à Nankin, moyennant sans doute le versement d'une somme ronde.

(1) Revue franco-nipponne, janvier 1930. N° 62.

Quelle a été la suite de l' « Affaire » ?

Il n'est pas inutile de s'en enquérir pour quiconque désire voir les choses telles qu'elles sont et se rendre compte de façon quelque peu précise de la nature des mœurs politiques actuelles dans l'ancien « Empire des Fleurs ».

Mieux que tous les commentaires et dissertations, les extraits ci-après tirés de la presse parisienne d'il y a un an pourront servir à édifier le lecteur.

Pour plus de clarté, nous reprendrons les choses depuis la veille du départ du Maréchal, de Nankin, début décembre 1936.

Nankin — 22 novembre 1936.

Opérations dans la Mongolie intérieure.

Les troupes Mongoles, Mandchoues ont lancé une nouvelle attaque contre Taolin.

L'envoi de troupes par le Gouvernement central (aucun détail permettant d'apprécier l'effectif, la nature de ces troupes) a été motivé par l'attitude du « Maréchal » Tchang Sueh Liang qui s'opposerait à la réorganisation du gouvernement provincial et de l'administration militaire (l'expression est assez curieuse, dans son caractère vague et plutôt civil) de la Chine du Nord-Ouest (pas de définition).

On spécifie d'autre part que les troupes rebelles actuellement opposées aux troupes gouvernementales sont commandées par Yang Hou Tchen qui s'est proclamé gouverneur et commandant en chef du Chansi.

Pour mieux orienter le lecteur il ne sera pas superflu de signaler expressément que la province de Chensi (190.000 km avec plus de 17 millions d'habitants) située entre celles du Kan Sou et du Chansi a une frontière commune longue d'environ 500 kilomètres avec le pays des Ordos au sud de la Mongolie extérieure qui gravite depuis longtemps sous l'influence de l'U.R.S.S.,

Irkoutsk près du lac Baïkal se trouve à quelque 1.500 kil. au nord par environ 103 long E. Paris.

Pékin — 3 décembre.

Le Maréchal Tchang Kai Chek est arrivé en avion dans le Nord. — Le Gouvernement de Tokio n'a rien à voir dans le présent conflit entre la Mongolie intérieure et le Sui Yuan.

Pékin — 7 décembre.

Le Maréchal Tchang Kai Chek est arrivé en avion à Sian Fou (ou Hsingan).

L'influence communiste gagnerait certains éléments des troupes de Tchang Sueh Liang commandant en chef des armées chinoises contre les rouges dans le Nord-Ouest chinois. Le jeune maréchal a réussi un coup de maître. (Echo de Paris, 14 décembre).

14 décembre — La Révolte militaire au Chensi. Le Maréchal Tchang Kai Chek se trouvait à une quarantaine de kilomètres de Sian Fou quand la révolte a éclaté.

Les troupes soulevées étaient engagées dans la répression du mouvement communiste.

Elles demandent qu'une alliance soit faite avec les armées communistes chinoises pour entrer en guerre immédiatement contre le Japon.

Le « jeune maréchal » Tchang Sueh Liang a téléphoné à Nankin demandant au gouvernement (sic) d'adopter la politique en faveur de laquelle ses hommes viennent de se prononcer. (Cf. supra p. 27).

18 décembre, M. Donald, Australien, tente une médiation.

23 décembre, Mme Tchang Kai Chek part pour Sian Fou. Elle obtient que son mari lui soit rendu pour le Jour de Noël, afin de mieux gagner les sympathies des Occidentaux.

27 décembre, de Shanghaï. On annonce officiellement la libération, sans condition, du Maréchal Tchang

Kai Chek dont le premier acte a été d'ordonner la cessation des hostilités et le retrait des troupes gouvernementales de la province de Chensi.

Tchang Sueh Liang a expliqué que la révolte était le résultat d'un quiproquo, de Nankin. Le Maréchal et Mme Tchang Kai Chek sont arrivés à Nankin par la voie des airs venant de Lo Yang.

5 janvier 1937 — Nankin.

Le Maréchal Tchang Sueh Liang a été transféré à la prison militaire de Nankin.

On ignore si le Maréchal sera réintégré dans ses fonctions à Sian Fou.

6 janvier — Le gouvernement enverra à Sian Fou le Général Ouang Tchou Tchang ancien « subordonné » (?) de Tchang Sueh Liang en vue de sa nomina- tion éventuelle pour la pacification au Chensi.

9 janvier — La situation au Chensi.

Les troupes gouvernementales (en quoi consistent-elles ?) ont reçu l'ordre de se porter immédiatement vers Sian Fou d'où elles s'étaient retirées après la mise en liberté du Maréchal Tchang Kai Chek.

On annonce que les troupes du Maréchal Tchang Sueh Liang qui se trouvent à environ 80 kilomètres à l'Est de Sian Fou auraient déjà ouvert les hostilités.

Les quelques données qui précèdent résultant, non de considérations plus ou moins tendancieuses, mais de faits positifs, permettront au lecteur d'apprécier la si- gnification, la portée d'informations telle que la sui- vante trouvée ces jours-ci (1er février 1938) dans la presse : le Maréchal Tchang Kaï Chek a convoqué à Hankéou tous ses généraux.

Nous le laissons juge.

D'autre part, les journaux ont donné en même temps la nouvelle que voici : « Tchang Kaï Chek a fait transporter à Tchong king, ville du Ssetchouen sur le fleuve Bleu, l'Hôtel des Monnaies de Nankin ».

Il n'est pas superflu de ne pas oublier à ce propos que les espèces ou billets produits par cet Hôtel des Monnaies n'ont jamais circulé, tout au plus, qu'entre 2.000.000 d'habitants de l' « Empire des Fleurs », sur un total de 350 000 000 à 400 000 000.

On ne peut que répéter ce qui a été proclamé il y a trois mille ans sur les bords du Gange : l'illusion (Maya) est la reine du Monde.

Cependant, depuis, Descartes est venu et a montré qu'avec de la méthode les hommes peuvent peu à peu scruter, entrevoir en quoi consiste cette réalité qui se cache derrière les apparences, mettre un peu d'ordre dans le chaos des faits matériels, des groupes humains.

Mais sans doute Descartes a-t-il peu de disciples au pays de Confucius de Laotseu, des hongs, des houeis.

Un article « Le Coup d'Etat de Sian » signé de Mme Tchang Kaï Chek et suivi de quelques extraits du Journal du Maréchal Tchang Kaï Chek (traduction Robert Delle Donne) a paru dans la Revue de Paris du 1er mars 1938. Il est précédé d'une introduction par M. Maurice Pernot donnant un rapide aperçu de la vie et du rôle du Maréchal entré dans la carrière politique par son mariage, fin 1937, avec la plus jeune des trois filles de la riche famille Soung, devenant ainsi le beau-frère de Sun yat Sen, de M. Kung et de M. Soung.

Dans l'article de Mme Tchang Kaï Chek le récit des événements s'arrête au jour de Noël 1936.

Aucune explication n'est donnée quant à la libération du Maréchal, M. Kawakami et d'autres auteurs laissent entendre que celle-ci ne fut pas obtenue seulement à prix d'argent mais moyennant aussi des gages donnés au parti communiste prenant son mot d'ordre à Moscou. Au moment où va paraître cette troisième édition, janvier 1940, Tchiang Sueh Liang incarcéré derechef depuis près de deux ans, est toujours tenu au secret par Tchang Kaï Chek.

3) Situation actuelle

Ambassades et Légations à Pékin

Gouvernement à Nankin, puis à Hankéou puis au Szetchouen

Avisos étrangers sur le Fleuve Bleu

Opinion de M. le Général Vidal

Au moment où j'achève ce chapitre, ce soir, 17 février, le Temps m'apporte, dans sa dernière heure, l'information suivante :

La prochaine reconnaissance de Mandchoukouo par l'Allemagne.

Berlin, 17 février 1938.

La reconnaissance de Mandchoukouo par l'Allema- gne est maintenant sérieusement envisagée à Berlin et les milieux japonais de Berlin l'attendent dans un bref délai.

Le Mandchoukouo et l'Allemagne établiront réciproquement des légations dans les capitales respectives.

Le nouvel Ambassadeur du Japon à Berlin, M. Toko, avait commencé les pourpalers à ce sujet avec le baron von Neurath qui, sans être opposé à cette reconnaissance, avait préféré attendre le résultat des efforts de médiation entrepris par le Reich dans le conflit sino-japonais. Ces tentatives ayant échoué par deux fois, le Troisième Reich et le nouveau Ministre des Affaires Etrangères, M. von Ribbentrop, semblent décidés à reconnaître prochainement le Mandchoukouo.

On ne croit pas que l'Allemagne reconnaisse encore le Gouvernement chinois de Nankin patroné par les Japonais ». (Cf. pp. 54, 172).

Quel meilleur épilogue aux remarques qui précèdent, je veux dire quelle meilleure preuve que la souveraineté chinoise en tant qu'autorité centrale-constituée n'est

qu'une chimère, un décor, entre cour et jardin, jadis à Pékin, puis à Nankin, aujourd'hui à Han Kéou ou à Tchong King, confluent du Kia ling Kiang.

Le spectateur n'a que l'embarras du choix. Il constate d'ailleurs, non sans surprise, qu'alors que le « siège du Gouvernement » était officiellement à Nankin, au cours des dernières années, les « Légations » de 1900, transformées depuis peu en Ambassades, étaient restées à Pékin.

De plus n'y a-t-il pas quelque chose d'anormal à voir croiser de façon permanente sur le Fleuve Bleu, jusqu'à 1.000 kilomètres et plus, de la mer, avisos et petits croiseurs étrangers, anglais, français, allemands, japonais, italiens, espagnols, américains, hollandais, portugais, etc. ?... constamment prêts à se porter au secours de telle ou telle « mission » menacée, est ainsi la preuve que l'autorité locale est nulle ou annihilée ?

D'ailleurs un petit navire français de type spécial remonte une fois par mois bien au-delà d'Hankéou et des rapides d'Ichang, jusqu'à Tchoung King.

L'un des premiers à s'être engagé dans ces gorges fut le lieutenant de vaisseau Francis Garnier qui, le 21 décembre 1873, devait périr massacré par les Pavillons Noirs, aux environs d'Hanoï. Le 2 juin, à l'aide de forces bateliers et de travailleurs de bonne volonté attelés à la cordelle, il avait remonté au-delà de Han Keou, vers le Seseutchouen, Tchong King, voyage dont il a laissé un attachant récit dans son livre De Pa- ris au Tibet (Paris, 1882, v. notamment pp. 208-213). A partir de Long Than notre vaillant compatriote dut prendre la route de terre pour passer du bassin du M en Kiang dans celui du Wou Kiang (cf. p. 22).

En 1893, Mme B. de F., jeune femme de notre attaché militaire à Pékin, fut la première Française (avec son mari) à remonter le fleuve jusqu'à Itchang.

Elle le fit en jonque, grâce aux coolies obligeamment fournis par M. Ludlow, Commissaire des douanes impériales chinoises (I. M. C.) à Itchang. Cette jonque particulièrement confortable et moderne était, en réalité. le propre house boat, la résidence fluviale du Commissaire.

Cinq ans plus tard, en 1898, à bord d'un petit aviso à faible tirant d'eau spécialement construit à cet effet, le lieutenant de vaisseau Hourst réussit à remonter le fleuve jusqu'à Itchang, et même jusqu'à Tchong King.

En 1904 la relation de cette navigation, périlleuse par les écueils par la lutte constante entre le courant, parut en un volume qui attira beaucoup l'attention, non seulement en France, mais encore en Europe même, bien entendu et jusqu'en Extrême-Orient.

En 1900, après le siège des Légations, afin de porter aide aux Missions, le capitaine de corvette, futur amiral Mornet à bord la Surprise remonta, au-delà de Hankéou, jusqu'aux approches des rapides.

Désormais sont régulièrement franchis, même aux hautes eaux, les rapides ou étranglements séparant les deux principaux biefs du grand fleuve qui partant des confins du Thibet, aboutit à Shanghaï.

Dans son livre pittoresque un Miroir Chinois, récit de voyage de Changaï au Sze tchouen en remontant le Fleuve Bleu, mai-juin 1924, Mme Florence Ayscough décrit ainsi ce célèbre passage d'Itchang à Kweitcheou : « Notre puissant vapeur » Mei Jen, Beauté et « Bienveillance, a mis une journée entière, de l'aube « au crépuscule, pour accomplir le trajet d'Itchang à « cet endroit; les jonques mettent des semaines à faire « ce même trajet contre le courant, mais à l'époque de

« la crue, elles descendent la rivière avec la rapidité « d'une flèche (1 ) ».

Mais, ne nous égarons pas... Revenons-en à Hankéou limite de la navigation pour les navires de fort tonnage. Ce port fluvial est relié à Pékin par une voie ferrée de 1 300 kil. Dans l'été de 1932, la Commission de la S.D.N. ayant atteint Hankéou en remontant le fleuve à bord d'un bâtiment pourvu, pour sa défense, d'une compagnie d'infanterie, et n'ayant fait que quelques rares escales soigneusement préparées d'avance, eut l'idée de gagner la capitale au moyen de la ligne franco-chinoise traversant les provinces de Honan, du Chansi et de Pechili. Consulté par le chef de la Commission, Lytton, Nankin s'opposa formellement au projet démontrant donc par là, de façon patente, son in- capacité d'assurer la sécurité dans cette vaste région voisine de la Mongolie extérieure, passée depuis plusieurs années sous l'influence de Moscou, sans que le monde s'en fût en quoi que ce soit ému.

A la fin d'une étude de la situation en Chine, publiée, en janvier 1937, par la Revue Franco-Chinoise, vol, XVII, n° 4, M. le Général Vidal s'exprime ainsi :

...La situation reste grave dans le Chansi. La propagande encore plus anti-gouvernementale que communis- te, faite dans le Nord-Ouest par Chang Sueh Liang a porté ses fruits, le Kan sou musulman s'agite et le calme est loin d'être rétabli dans le Chensi. La collusion s'accentue entre l'armée rouge et les propres troupes de Chang Sué Liang à Sian-Fou.

(1) Op. cit. Pierre Roger, Paris 1925, p. 137. Les noms chinois sont transcrits selon la méthode adoptée par M. A. Vissière.

Comment la Chine pourra-t-elle éliminer le virus bolchevique ? Il faut rendre cette justice au Japon que son Gouvernement et surtout son armée de Kouang Toung s'emploient à écarter le danger de contamination qui menace tout l'Extrême-Orient ».

Nous ne chercherons pas d'autre conclusion aux notes qui précèdent, destinées à mettre le lecteur en présence des faits tels qu'ils se développent dans la région sud- ouest de Pékin.

A plusieurs reprises et notamment p. 59, nous avons cherché à mettre le lecteur en garde contre l'illusion suscitée par le terme de « généraux » employé en France comme traduction de celui de tiukiuns, c'est-à- dire, chefs de bandes, de grandes compagnies, en Chine, strongmen selon la version anglaise plus typique, plus exacte. Il s'agit en effet de chefs dominants, provisoirement, telle ou telle région, chacun pour son compte et sans aucune hiérarchie entre eux. Le lecteur en désire-t-il une preuve de plus? L'Almanach de Gotha, autorité reconnue partout, nous fournit celle-ci (édition de 1928) :

Le pouvoir du Gouvernement de la Chine du Nord a pour garantie les troupes Alliées du Nord du Yang Tse Kiang). Chef: Tchang Tso lin (Mandchourie) père de Tchang Sueh Liang, Chou you peu (Tcheli) Chang Touang Chang, Chantoung et Sun Chouan Fang représentent un territoire passant, selon les circonstances, à Nankin ou au Chantoung ».

Reprenons l'Almanach de Gotha, 165e édition (1928). Son exposé quant à la Chine du Sud nous parait tellement édifiant et significatif qu'il serait dommage de ne pas le reproduire ici :

Le pouvoir du Gouvernement de la Chine du Sud, originairement militaire (gouvernement de Canton) fondé

par le Général Tchang Kai Chek et le Kuo ming tang conquit la Chine au Sud du Yang Tse Kiang, à la fin de 1926. L'influence de l'U.R.S.S. sensible d' abord fut écartée (provisoirement) au début de 1927. L insurrection de la Chine du Sud entra alors en décadence Tchang Kai Chek donna sa démission. Un Gouvernement civil s'institua à Nankin, un rouge à Han Kéou (Wou han). Une conférence d'Union se tint à Nankin le 15 septembre 1927, sans résultat pratique Chang Kai Chek revint à Nankin en octobre 1927. L'essai de révolte communiste commencée à Canton le 20 novembre 1925 n'avait finalement pas abouti.

Le général « Chrétien » Teng Huh Siang est en alliance avec Moscou en Mongolie du Sud, dans le Hunan, au Kansou, au Chansi. Fondé sur le Kouo mingtang, Ten Shi Chan (en Chansi) observe cependant la neutralité envers le Sud et le Nord. Les provinces du Yannan et du Szctchouan avec leurs propres gouvernements militaires (à leurs têtes, des généraux ou maréchaux, Tiu Kuns), jouissent d'une certaine in- dépendance.

En réalité l'état de guerre civile intestine subsiste dans les Dix-Huit, ou Vingt-Deux, Provinces à l'état constant, endémique. Nous renonçons à en décrire ici les multiples et complexes manifestations s'entre croisant souvent, réagissant les unes sur les autres.

A titre de simple échantillon, parmi tant d'autres qu'il serait aisé de relever dans la presse quotidienne, citons l'exemple que voici.

Un dépêche du 2 septembre 1930 a annoncé la formation d'un gouvernement nouveau par les leaders nordistes : le général Yen Hsi Chan ayant accepté la présidence, délégua la formation des ministères à un de ses collaborateurs et partit aussitôt pour le front afin de diriger l'attaque contre les forces de Nankin.

Dans la remarquable publication de l'Union des Viles et pouvoirs locaux fascicules 23, Domanial 225, Décembre 1938, M. le Dr Harry Goetz, directeur adjoint du Kommunal wissenschaftliches Institut, Berlin, consacre un exposé fort détaillé, 16 colonnes, à la Constitution de l'Etat Chinois. Nous ne pouvons que recommander à son attention les faits et données qui précédent. Il est d'ailleurs très préparé à en saisir la signification, car il nous dit lui-même, au début de son étude : « Le peuple chinois, avec son assemblage de races, présente de telles différences que les habitants du nord et du sud peuvent, par exemple, souvent à peine être considérés comme appartenant au même peuple. L'Empire chinois n'impliquait donc pas, pour les Chinois, l'idée de nation, mais était plutôt un fait qui incarnait le trône sacré des dragons. Ce n'est qu'après que les idées étrangères eurent exercé l'influence sur les anciennes conceptions chinoises, que les Chinois cultivés (ayant fait des études en Europe ou en Amérique) apprirent à comprendre ce que c'est qu'une nation. Il en résulta peu à peu le vif désir de supprimer les nombreux privilèges accordés, au XIXe siècle, aux Puissances occidentales ».

Mais le moyen d'y parvenir, les Célestes ne surent pas le prendre, à la différence des Japonais, qui dès 1892 avaient installé chez eux Tribunaux pourvus de Codes sur le modèle de ceux de France et d'Allemagne.

M. le Dr Goetz signale d'ailleurs de façon typique les sociétés secrètes, tout au moins en théorie, groupes de paysans, artisans et marchands, organisés pour lutter contre le maître du moment s'il menaçait de devenir trop tyrannique...

En réalité le pouvoir de l'Empereur était de caractère spirituel plutôt que temporel. Ses décrets étaient sans

force dans les provinces dès lors que les populations ne les acceptaient pas spontanément.

A diverses reprises, notamment pp. 76, 83, nous avons été amené à montrer l'état de tension qui a succédé, dans les relations anglo-japonaises, à l' alliance qui, ayant commencé en 1902, a pris fin en 1921 au Congrès de Washington.

Dans The fortnightly Review, novembre 1935. Le Baron Keishiro Matsui, Ambassadeur du Japon à Paris 1916-20, délégué à la conférence de la Paix à Paris 1919. Ministre des Affaires Etrangères 1924. Ambassadeur à Londres 1925, a consacré à ces relations un article écrit avec une incontestable compétence.

Voici la traduction de quelques passages pouvant donner un aperçu de l'opinion de l'éminent diplomate.

Nous n'estimons pas nécessaire de discuter le point de savoir si les raisons de la législation anti-japonaise dans les dominions britanniques sont de caractère racial ou économique. Nous ne nous soucions pas d'envoyer des émigrants dans ces Etats où l'entrée des Japonais n'est pas désirée.

...Ayant consolidé sa position à la suite des guerres étrangères successives, le Japon est maintenant, comme il est admis, le « leader » de toutes les races asiatiques et en fait est destiné à servir de modèle pour leur reconstruction et développement, comme nations, ainsi que de leur avancement international. Par suite la croissance et le progrès du Japon affectent la Grande-Bretagne non seulement directement, mais indirectement (p. 518).

(En 1932), il advint que la tête de la commission d' enquête dépêchée par la Ligue fut Lord Lytton. Ceci fut peut-être une circonstance fâcheuse pour les relations anglo-japonaises.

... Nous ne laissons pas d'apprécier les sérieux efforts des délégués britanniques à Genève auprès de la

Société des Nations; le fait n'en demeure pas moins que la Grande-Bretagne, un des membres les plus influents de la Société, a voté pour l'adoption, par l'Assemblée, d'une résolution pour la non reconnaissance du Mandchou kouo, et pour la législation du boycottage des marchandises japonaises, résolution qui contribua tant à aggraver la situation dans notre partie du monde ».

Cependant la Grande-Bretagne se vît bientôt dans l'impossibilité d'ignorer ses relations avec l'empire (mandchou). De là l'envoi de la mission (économique) Barnby, dès 1932 en attendant la reconnaissance de jure qui ne pourra manquer de se produire un jour ou l'autre.

On lit dans Le Temps, 31 mai 1939.

Protestation japonaise auprès de l'ambassade de France en Chine

Shanghaï, 30 mai.

Le porte-parole de la marine japonaise à Shanghaï, a déclaré à la presse que M. Morishima, conseiller de l'ambassade du Nippon en Chine, a fait à l'ambassade de France des représentations sur l'abus que font les Chinois du pavillon français.

On sait que, depuis le début des hostilités en Chine, cette question des pavillons étrangers a fait l'objet de nombreux échanges de notes entre les représentations diplomatiques étrangères et les autorités nippones. Celles-ci ont affirmé à maintes reprises que les Chinois utilisaient des pavillons étrangers pour protéger soit des immeubles, soit des navires.

Dans le même organe, N° du 5 juin 1939.

Protestation japonaise contre l'utilisation du pavillon britannique

On télégraphie de Shanghaï :

Le ministère de la marine japonaise a adressé aux

autorités britanniques une note protestant contre l'utilisation du pavillon britannique par les Chinois et le transport d'armes et de munitions destinées aux partisans de Tchiang Kai Chek par des vapeurs britanniques.

La note japonaise relève un certain nombre de cas où des navires britanniques ou des vapeurs chinois camouflés en vapeurs britanniques « se seraient livrés à une activité préjudiciable aux opérations militaires japonaises ».

Elle informe les autorités navales britanniques que, dans certains cas, la marine nippone ne se contenterait pas d'un simple examen certifiant la nationalité du navire battant pavillon britannique, et que, d'une manière générale, les autorités japonaises ne pourraient plus tolérer que des tierces puissances s'adonnent à un commerce susceptible de venir en aide à Tchiang Kai Chek.

La politique japonaise envers l'Europe

On télégraphie de Tokio, le 27 mai 1939:

Un accord est intervenu vendredi, au cours d'une réunion des ministres des départements de la défense nationale, au sujet de certains points de détail concernant la politique japonaise envers l'Europe, telle qu'elle avait été définie au cours de la réunion du 20 mai entre le président du conseil et les ministres des affaires étrangères, de la guerre, de la marine et des finances. En dernière analyse, cet accord a pour base le respect et la garantie des droits et intérêts normaux des Etats et ressortissants étrangers en Chine.

CHAPITRE V

L'une des faces du confit sino-japonais

Problème monétaire

Décret du 4 Novembre 1935, Nankin

Création à Pékin d'une Banque fédérale de réserve, 9 Janvier 1938

Jusqu'il y a trois ans, il n'y avait pas en Chine d unité monétaire, même à titre de simple essai. Les encyclopédies nous apprenaient bien qu'il y avait une telle unité appelée taël. Mais elles ajoutaient tout de suite : le taël est un poids d'argent, once, variable selon les villes. En pratique, pour les relations avec le dehors on se servait en général des dollars mexicains. A l'intérieur, dans les ports, circulaient simultanément le taël de Tientsin, le taël Haïkouan, le dollar de Bombay, la piastre de Saïgon, le yen japonais, etc... (p 32).

Le 3 novembre 1935, sir Frederic Leith Ross fit rendre par M. Kung, Ministre des Finances un décret tendant à ne donner pouvoir libératoire qu'aux billets de la Banque Centrale de Chine, de la Banque de Chine et la Banque des Communications.

L'argent qui se trouvait entre les mains du public devait être échangé contre les billets dans un délai de trois mois et toutes autres obligations pouvaient être

valablement acquittées au moyen de ces billets. Un Comité de la Réserve monétaire composé de représentants des Banques et du Commerce était chargé de la concentration et du contrôle des émissions de billets et de leurs réserves.

Ainsi l'expert financier britannique, en mission auprès du Gouvernement de Nankin pendant l'été de 1935, avait prétendu stabiliser le change chinois au moyen d'une circulation de billets réglée par la Banque de Chine et ayant pour gage de l'argent. Il fit rendre un décret prescrivant aux banques et aux particuliers le dépôt de toutes les monnaies, de tous les lingots de ce métal à la Banque. En principe, les dispositions de ce décret étaient fort bien conçues et susceptibles de résultats favorables. Mais l'expert n'avait oublié qu'une chose, c'est que, comme organisation financière, administrative, judiciaire ou autre, le Gouvernement de Nankin n'était qu'une apparence, une fiction. Les provinces du Tcha Har, Ho-Pei et autres voisines de Pékin ne tardèrent pas à déclarer que le métal blanc ne sortirait pas de leurs frontières. Avant de rentrer en Angleterre, Sir Leith-Ross fit bien (de Hong-Kong) un voyage au Japon, mais sans grands résultats.

Il est sans doute très versé en fait de finances mais paraît peu au courant des conditions politiques réelles en Chine, conglomérat des guildes, corporations, congrégations hongs (sociétés par profession), houeis (socié- tés groupant dans une province les originaires d'une autre province, par exemple, dans le Chansi, les Chinois provenant du Sse tchouen), enfin sociétés secrètes qui ont toujours pullulé dans l'Empire du Milieu (1). Jusqu'à présent celui-ci n'est pas autre chose qu'un

(1) V. Lt Colonel Fabre. Sociétés Secrètes en Chine. Paris, Maisonneuve 1933.

tel amalgame ou conglomérat. La nomination d Ambassadeurs à Nankin ou à Tchoung King ne change rien à l'affaire.

La Chine n'est pas un Etat au sens que nous donnons à ce terme en Occident.

Cette opinion est loin, comme il va sans dire, de nous être strictement personnelle: Nous croyons la partager avec de hautes personnalités qui sont les premières à rendre hommage aux talents financiers de Sir Frederic Leith-Ross. Celui-ci, aujourd'hui délégué de la Grande-Bretagne à la S.D.N. est d'origine écossaisse. Comme plus d'un parmi ses compatriotes, sans remonter jusqu'à Law, il a considéré qu'il convenait de suivre avec la rigueur d'un syllogisme la politique financière en Chine. Sa seule méprise consiste, ainsi qu'il paraît à plus d'un, à avoir prétendu bâtir le palais de l'unité financière sur des fondations politiques, économiques et sociales peu stables ou même parfaitement instables.

But de la Banque Fédérale chinoise de réserve

Quelques semaines plus tard les informations ci-après étaient publiées à Hankéou (v. le Temps du 24 février) apportant une entière confirmation à ce que nous écrivions au mois d'août 1937.

On estime, dans les milieux financiers autorisés, que les Japonais en créant une « Banque fédérale chinoise de réserves » à Pékin, poursuivent un double but, tout d' abord former un bloc monétaire japonais, coréen, mandchourien et chinois, et ensuite réagir contre la mesure inspirée par la Grande-Bretagne, en séparant la Chine du bloc de la livre sterling.

La réforme financière introduite par le ministre des finances, le docteur H.-H. Kung, le 3 novembre 1935,

sur la recommandation de Sir Frederic Leith-Ross, conseiller financier du gouvernement britannique, a été une source constante de complications variées. Maintenant que Pékin, Tien-Tsin et les capitales des provinces de Hopei, Chansi, Chantoung, Tchahar, Suivuan, Kiangsou, et Tchékiang sont dans les mains des Japonais, ces derniers pensent que le moment est venu de porter un coup sérieux au nouveau système monétaire chinois, en séparant le dollar chinois de la livre anglaise et en liant le dollar chinois au yen japonais.

Cependant les observateurs financiers font remarquer que si le gouvernement chinois est capable de garder la Chine du Sud et spécialement les provinces de Kouangtung et de Foukien, où les Chinois d'outre-mer ont d'importants dépôts, il ne sera pas difficile de maintenir le système monétaire chinois. Mais dans ces derniers temps beaucoup de ces dépôts ont été transférés au dehors, par ex., à Hong Kong, New-York, etc.

Le lecteur sait comment le problème a été résolu à cet égard par l'opération militaire menée, avec une maîtrise accomplie, du 13 au 21 octobre 1938, c'est-à-dire du débarquement à la baie de Bias, un peu au nord de Hong-Kong, à la prise de Canton sept jours plus tard.

Création à Pékin d'une Banque Fédérale de réserve

A ce sujet le Journal de Shanghaï a publié le 9 janvier 1938, le télégramme suivant de Tokio :

Le « gouvernement provisoire de la République de Chine » a formé, hier, un comité d'organisation de la Banque fédérale de réserve de Chine Pékin.

Le comité comprend M. Pien Shou-sun, directeur de la Banque de Chine, M. Hsu Po-yuan, directeur de la

Banque des Communications, M. Hsia Yunsheng, directeur de la Banque du Hopei oriental et cinq autres banquiers.

La banque de réserve qui « aura pour but d'unifier et de stabiliser la monnaie en Chine », sera organisée conjointement par le gouvernement provisoire et des banquiers chinois avec un capital de 50 millions de dollars qui sera souscrit en parties égales par le gouvernement provisoire et les banquiers.

La nouvelle banque sera la seule banque d'émission en Chine et les billets émis par les banques affiliées seront retirés de la circulation à une date fixée

Les huit banques affiliées sont la Banque de Chine, la Banque des Communications, la Banque du Hopei oriental, la Banque du Hopei et les quatre autres banques du nord de la Chine.

On pense que la nouvelle banque commencera à fonctionner à la fin de février.

Reuter.

Il s'agit ici, spécifions-le pour éviter toute équivoque, du Gouvernement provisoire institué à Pékin le 14 décembre dernier (v. supra p. 67).

Plusieurs mois après la publication de la première édition de ce présent ouvrage, il m'a été possible de consulter à la bibliothèque de l'Ecole des Sciences Politiques, un livre tout récent propre à compléter et à éclairer l'exposé qui précède. Il m'a donc semblé intéressant d'en mettre ici l'essentiel à la disposition du lecteur.

HSIA CHINC HSIUNG,

B.A.M.A. Yenching University diplômé des Sciences Politiques, Paris Docteur en Droit, Paris.

La reconstitution monétaire et bancaire de la Chine contemporaine in-8° de 162 p., Paris Librairie Technique 1938 (imprimé en Belgique)

Voici un livre rédigé, à coup sûr, avec beaucoup de conscience et de méthode. Après une préface par S.S. M. Wellington Koo, Ambassadeur en France, de l'ex-gouvernement de Nankin, il comprend une introduction de trois pages montrant les trois grandes divisions ou parties de l'ouvrage consacrées respectivement :

I. — au régime monétaire depuis la révolution (1911) jusqu'à l'avènement du gouvernement national (1927).

II. — situation bancaire pendant la même période. Chemin faisant, nous apprenons des choses intéressantes ayant trait d'ailleurs à des époques de beaucoup antérieures à la nôtre, ceci par exemple (p. 33). La banque du Chansi fit son apparition au VIIIe siècle. Chansi est le nom d'une province les plus riches en mines de charbon, au nord-ouest de l'Empire, région sud de Pékin.

Pendant un temps, de 1802 à 1872, le gouvernement monarchique confia généralement les recettes publiques (M. Hsia Ching Hsiung reste muet quant à la nature et à l'importance de ces recettes publiques) sous forme de dépôt aux banquiers du Chansi et les chargea de faire circuler les billets émis par l'Etat.

A la suite de l'ouverture de la ville de Shanghaï comme port commercial aux commerçants étrangers, les échanges commerciaux s'étaient rapidement développés et le système monétaire incohérent d'alors avait été reconnu incapable de faire face à la nouvelle situation.

Les Banques locales (Tsing Tsang) se limitaient au simple change des diverses espèces de monnaies.

Mais elle entrèrent en rivalité non seulement avec les banques étrangères, mais avec celles du Chansi.

Elles créèrent une chambre de compensation (imitation de l'Occident) qui fut approuvée par une loi du 7 février 1913.

La troisième partie fut consacrée à la réforme monétaire du 4 novembre 1935.

Au début de son chapître I, l'auteur nous étonne un peu quand il nous dit que la question du métal argent, au point de vue monétaire, devrait remonter jusqu'à l'Union latine en 1865. Mais que fait-il des écus de cinq livres ou de cinq francs de l'ancien régime sans remonter jusqu'à l'antiquité et aux pièces éginetiques ?

Pour en revenir à la Chine, M. Hsia Ching Hsiung nous rappelle qu'avant le Gouvernement national trois lois importantes avaient été promulguées, 1909, 1910, 1920 destinées à mettre un terme à la situation anarchique. Mais elles n'ont pas abouti et ont laissé sub- sister les racines du mal qui tenait « en grande partie à l'état politique ».

En ce qui touche la réforme monétaire du 6 avril 1933, transformant l'étalon argent de facto en étalon argent de jure, l'auteur déclare qu'elle a placé la Chine dans une situation plus insupportable qu'auparavant.

Il se montre plus optimiste quant à la réforme du 4 novembre 1935. Il nous dit en effet : à la lumière de la courte expérience d'un an de la nouvelle politique monétaire suivie depuis la fin de 1935, nous pouvons déjà en faire ressortir quelques heureux résultats... ».

Mais deux faits nous permettent de conclure que Hsia Chin Hsiung fonde sur des documents, et sur des documents quelque peu périmés, ses appréciations. En effet, l'expérience dont il parle s'arrête à la fin de 1936. Il s'abstient et pour cause de rien dire des événements de 1937 encore moins de 1938. Même pour la

période considérée de 1935 à 1936, à la profonde surprise du lecteur, pas une seule fois n'est prononcé le nom de Sir Frederick Leith-Ross, le véritable inspirateur du décret du 4 novembre 1935 : circulation de billets officiels garantis par un dépôt d'argent métal ! Il ne désigne pas non plus le ministre des finances, M. Kung. Il se borne à dire la décision prise par le Gouvernement national n'est nullement hasardeuse ». Il ne souffle mot non plus de la décision rapidement prise par les provinces du Nord de ne laisser l'argent métal sortir de leurs frontières comme nous l'avons signalé plus haut. (Cf. p. 77).

Ces graves lacunes n'ajoutent pas beaucoup, évidemment, à l'autorité de son exposé. Le moins qu'on puisse en dire c'est qu'il n'est pas à jour, ce qui ne lui enlève pas d'ailleurs son mérite quant aux périodes passées.

Celles-ci sont discutées par un jeune Chinois évidemment, versées dans les traditions de la contrée, formé en même temps, aux méthodes historiques de l'Occident.

Le dernier état du problème dans la région N. E. de la Chine est donné de façon positive par les deux télégrammes suivants qui viennent d 'être publiés à Paris.

On télégraphie de Pékin, 8 mars 1939:

La Chine du Nord entrera définitivement dans le bloc yen, formé par le Japon et le Mandchoukouo, le 10 mars. C'est à cette date que le gouvernement provisoire de la République chinoise mettra en vigueur les règlements sur les contrôles des changes et les affaires. A partir de cette date, la monnaie dite « nationale », autrement dit la monnaie légale du régime de Tchiang Kaï Chek, sera bannie de la Chine du Nord, et remplacée par les billets de la Banque fédérale de réserve de la République de Chine.

Il est significatif que le nouveau décret sur les changes ne s'applique ni à la Chine du Centre, ni à la Chine du Sud, qui sont ainsi, au point de vue monétaire. considérées comme des pays étrangers. Le taux de change est basé sur la parité de un shilling deux pence pour un yuan. C'est le taux de change du yen.

Toutes les transactions en devises étrangères devront être centralisées par la Banque fédérale de réserve. Les douanes refuseront les permis d'exportation et d'importation aux commerçants qui ne pourront pas produire un bordereau de change régulier. La Yokohama Specie Bank a été chargée des opérations de change pour le commerce extérieur.

Prêts anglais à la Chine

Londres, 9 mars.

Sir John Simon a annoncé à la Chambre des communes, la formation par le gouvernement chinois d'un fonds de stabilisation de 10 millons de livres sterling.

Deux banques anglaises ont souscrit cinq mill ions de livres pour ce fonds. Le reste sera fourni par les deux banques de l'Etat chinois. (Cf. p. 113).

Il a ajouté que les deux banques anglaises ont reçu l' engagement que la trésorerie leur rembourserait toute perte. Un projet de loi dans ce sens est en cours d'élaboration.

La déclaration du chancelier de l'Echiquier a été motivée par une interpellation d'un député travailliste qui avait demandé si des mesures avaient été prises pour préserver la stabilité du dollar chinois par rapport à la livre sterling.

Les milieux financiers américains estiment que la décision de Londres a été prise pour répondre aux crédits de 25 millions de dollars accordés pour les exportations en Chine.

Le Temps ajoute à ce propos : « On sait qu'à partir du 10 mars, le territoire chinois occupé par les Japonais sera soumis au contrôle des changes. Pour organiser économiquement ce territoire les Japonais veulent y avoir une monnaie sur laquelle ils puissent agir. L'établissement au même moment d'un fonds de stabilisation de la monnaie chinoise par des banques anglaises avec garantie du gouvernement britannique a pour but de défendre les intérêts anglais en Extrême-Orient, ce qui nécessite avant tout une monnaie chinoise stable ».

Mais la livre sterling elle-même peut-elle être stable depuis qu'elle a cessé d'être convertible en or ?

Au cours de la conférence du 17 mars 1932 à l'Ecole des Sciences Politiques, défense et illustration de l'Etalon or, M. Jacques Rueff, inspecteur des Finances, attaché à notre Ambassade à Londres s'est fait applaudir quand il a montré les efforts du Gold Exchange Standard. « Il a désolidarisé les mouvements de crédits des mouvements d'or... De ce fait, le Gold Standard Exchange a été l'une des causes essentielles de la grande crise de spéculation qui s'est terminée en septembre 1929 puisqu'il a retardé le moment où l'influence de freinage due au jeu de l'étalon d'or devait se faire sentir ».

Sous ce titre « Avilissement du dollar chinois », le 9 juin 1939, le Matin a publié le bref avis suivant :

« Depuis deux jours, on a constaté à Londres un fléchissement marqué du dollar chinois qui se traitait hier, nominalement, à 7 pence contre 8 1/4. niveau auquel il se tenait depuis un an environ, et qui, jusque-là avait été défendu par l'intervention continue du fonds de contrôle chinois.

On peut rappeler qu'en novembre 1935, le dollar

chinois s'étant rallié à l'étalon sterling ( ?) après son détachement de l'étalon argent (en fait, son rattachement au métal argent), avait été stabilisé à 14 pence 1/2

N'est-ce pas là un signe des temps ?

N'en ressort-il pas, clair comme le jour, que même la « Cité » commence à ne pas partager l'optimisme des communiqués de Tchong King touchant les défaites infligées aux « envahisseurs » japonais ?

Quelle meilleure conclusion au présent chapitre ? La crise dont le dénouement approche ainsi de façon de plus en plus manifeste a commencé, ne l'oublions pas, voici plus de trois ans.

C'est ce qu'entre autres preuves, nous montre un article signé R. S. publié le 25 février 1936 par l'Intransigeant, sous ce titre : « Comment Londres travaille en Chine ». Nous y lisons notamment ceci : Que va faire à Canton Sir Frederick Leith-Ross ? Il ne le cèle point, tenter l'unification du système monétaire chinois. C'est-à-dire donner à la Chine la cohésion qui lui manque sur le plan financier comme sur le plan politique. C'est-à-dire renforcer la Chine face au Japon menaçant ».

D'abord, répétons-le, prétendre fonder l'unité morale et politique, administrative de l'immense « Céleste Empire par une mesure monétaire telle que le décret du 3 novembre, c'était mettre la charrue avant les bœufs, selon l'expression d'une haute personnalité japonaise.

De plus, l'auteur de ces lignes sait, de science certaine, que le gouvernement de Tokio n'a pas considéré comme procédé amical, de la part du Royaume-Uni, la mission de Sir F. Leith Ross chargé, au printemps de 1935, de régler le problème monétaire chinois sans concours ni intervention quelconque du Japon.

A notre sens, une telle politique retardait de plus d'un demi-siècle.

Le rêve des César, Charlemagne, Charle Quint, Napoléon, Guillaume Il ne doit-il pas être aboli à jamais ?

A l'heure actuelle, que serait, sans le Royaume-Uni, le budget de la guerre de Tchang Kai Chek ?

pp. 121. Aux dernières nouvelles (octobre 1938) Grande-Bretagne et Etats-Unis se sont entendus pour procurér à Tchang Kaï Chek un crédit de près d'un milliard de francs.

La crise du dollar Chinois, créé par le décret du 3 novembre 1935, a pris plus d'acuité au cours de ces derniers mois. C'est ce qui ressort des nouvelles rapportées plus loin (chapitre III, p. 121 et IIIe Partie.

En même temps, le Gouvernement britannique n'a cessé de soutenir financièrement, tant qu'il a pu, le parti de Tchang Kaï Chek.

Le 18 décembre 1939 a été publiée à Paris la dépêche suivante venant de Tokio :

« Selon le Nichi Nichi, on s'attend à une prochaine reprise des pourparlers entre le Vice-Ministre des Affaires Etrangères, M. Tani, et l'Ambassadeur de Grande Bretagne, Sir Robert Craigie, au sujet de la situation à Tien-Tsin.

Ces pourparlers porteraient, notamment, sur la question des stocks d'argent métal en dépôt dans les concessions étrangères de cette ville ».

L'intérêt particulier de cette brève information ne consiste-t-il pas à mettre en évidence la compétition économique, monétaire, latente sur les conflits politique, militaire, maritime et aérien ?

CHAPITRE VI

Rapprochement entre les événements actuels et le début de la guerre russo-japonaise

Par qui le premier coup de canon fut-il tiré le 8 février 1904 ?

Dans les temps actuels, encore beaucoup de Français de bonne foi, y compris des personnalités officielles, considèrent, à propos des événements en cours en Extrême-Orient, qu'ils ont commencé comme la guerre russo-japonaise en 1904, sans déclaration, sans notification préalable. Il y aurait eu anticipation des états de fait sur les états de droit.

Cette manière de voir, reconnaissons-le, est conforme à l'opinion généralement répandue. Pourtant d'une part, elle ne concorde pas avec les faits de juillet 1937 tels que les expose la notice : les Incidents du Nord de la Chine (1), de l'autre elle est en contradiction positive avec la version que, depuis trente ans je suis habitué à considérer comme exacte quant à l'attaque de Port-Arthur, dans la nuit du 8 au 9 février 1904. Voici, en peu de mots, comment il est permis de croire que les choses se sont passées.

(1) Paris, Baudinière 1937. Violation par les Chinois des accords de 1932.

Le 8 février 1904 le croiseur russe Varyag, accompa- gné de la canonnière Korietz, allant au devant de torpilleurs japonais signalés au large, sont sortis ensemble, peu après midi, du port coréen de Chemulpo. Une fois les eaux territoriales dépassées, soit cinq heures, la canonnière russe a tiré la première contre le croiseur japonais qui, naturellement a riposté — comme devait s'y attendre son adversaire — mais qui, en outre, a fait une chose qui aurait surpris celui-ci s'il en avait été in- formé. Par T.S.F. le croiseur japonais donna avis, à l'Etat-Major Général de la Marine à Tokio lequel, aussitôt par la même voie, donna ordre à son escadre dans la mer Jaune de commencer le bombardement de Port-Arthur. Cet ordre reçut exécution à la fin de la journée vers minuit, première application, semble-t-il, de la T. S. F. dans une action internationale aux armées.

Tels sont, sauf erreur, les faits des 8-9 février 1904, qui ont marqué le signal du début des hostilités entre la Russie et le Japon. Un télégramme publié par le Temps en dernière heure, dans son numéro du 11 février (Petit Temps), dit en propre termes que le premier coup de canon fut tiré le 8 du même mois, par la canonnière Korietz. Notons que le Varyag et le Korietz rentrèrent aussitôt, le 8 février, à Chemulpo. Ils y étaient encore quatorze jours plus tard, contrairement au droit des gens; l'escadre de l'Amiral Uriu les obligea à en sortir.

D'ailleurs, pour interpréter ces faits comme il convient, il y aurait lieu évidemment de les replacer d'abord dans leur ambiance et, à cette fin, il faudrait commencer par rappeler la demande d'explication (suite d'une négociation commencée en Août 03) adressée en dernier lieu, par écrit, le 13 janvier 1904 par le Baron Kurino, Ministre du Japon à St-Pétersbourg, au Chancelier russe, Comte Lamsdorff et que celui-ci — par un

manque de courtoisie sans précédents dans les rapports entre puissances européennes ou américaines — avait laissée sans réponse aucune au bout de trois semaines. La demande d'explication portait notamment sur les mouvements des troupes envoyées contrairement aux traités et arrangements (1898-1903) de Moukden vers la frontière coréenne, dans l'intérêt d'un groupe de courtisans ayant combiné (en partie à l'insu du premier ministre et de l'Empereur Nicolas) l'affaire dite des « forêts de Yalou ».

Le 6 février, conformément à ses instructions, le baron Kurino, depuis (1909-1910) Ministre à Paris, avait envoyé au Comte Lamsdorff un office catégorique portant que, dans ces conditions, en présence de ce silence prolongé de façon aussi anormale, son Gouvernement reprenait sa liberté d'action.

Deux jours plus tard intervenait, au large de Chemulpo, la canonnade dont la canonnière Korietz prit l'initiative, comme il est rappelé plus haut.

Toutes les intrigues à Pétrograd concernant l'Extrême-Orient (1903, début 1904) ont pivoté autour de la « Compagnie du Yalou » dont l'animateur principal fut l'Arménien Alexeieff fait Amiral Général par le Grand Duc Alexis, Grand Amiral. Par là, par cette coterie, fut réglée l'attitude hautaine et passive de la Chancellerie vis à vis de la Légation du Japon. Dans son livre important Mon Ambassade en Russie 1903-1909 (1), M. Maurice Bompard donne, à cet égard, les détails les plus édifiants. Sur un seul point l'exposé de l'éminent diplomate paraît comporter sinon une réserve, tout au moins une demande d'éclaircissements. Voici, en effet, ce que nous dit M. Bompard.

Le 9, vers 10 h. du matin, son collègue et ami, M. Kurino, privé de communications depuis deux jours.

(1) Paris, Plon, 1937.

est venu le trouver pour lui demander si le bruit répandu en ville, d'après lequel, la veille, 8 (vers 17 h. t. de Corée) un croiseur japonais aurait tiré contre une canonnière russe. L'Ambassadeur de France répondit instantanément, sans hésiter, par l'affirmative.

Comment était-il informé de façon si précise et si sûre, vingt-six ou vingt-sept heures au plus après l'évé- nement (du 8, vers 3 h. du soir à Chemulpo, au 9, à 10 h. du matin à Pétrograd en retard de sept heures environ sur l'heure de Tokio. Il ne cite aucune dépêche à ce sujet. La nouvelle en cause aurait dû, forcément, lui être transmise de Paris... De toutes façons, un tel télégramme, dont il faudrait connaître la provenance exacte, s'il a existé, aurait été en contradiction avec celui que le Temps devait publier le lendemain.

Quoiqu'il en soit, ce qui précède trouve sa nette confirmation dans le passage suivant littéralement traduit d'une publication officieuse du Gouvernement nippon : The Russo Japanese War, éditée à Tokio, en 1904 (1).

« Il était environ 5 heures du soir, le 8 février quand l'escadre détachée sous le commandement du vice-amiral Uriu arriva au large de Chemulpo escortant des transports japonais. Peu après, le Chiyoda sortit au-de- vant de l'Escadre et signala la possibilité de débarquer les troupes à ce port en dépit de la présence de deux navires de guerre russes. En conséquence, l'Escadre s'approcha de l'entrée; la cannonnière russe Koreetz sortit alors et fit feu sur la flotille japonaise de torpilleurs qui, en retour, lança deux torpilles contre l'assaillant, mais manqua le but.

Le moment d'après le navire russe fit demi-tour, apparemment en grande alarme. Il fut suivi à l'instant

(1) Tokio, 1904, Kinkodo Shoseki Kabashiki Kaisba, n° 1, p. 75.

par les torpilleurs qui prirent position de chaque côte des deux bâtiments russes de façon à être en état de les couler au premier signal. A 8 heures (20 heures) tous les transports commencèrent à débarquer leurs troupes. Il n'y eut point de difficultés apportées de la part des Russes et l'opération s'accomplit avec succès dans le délai donné, etc... »

L'engagement à Port Arthur (p. 28). « La nuit (du 8 au 9 février) était noire et les croiseurs destroyers faisant route sur Port Arthur, au lieu d'ouvrir le feu à distance sur l'ennemi, croisèrent lentement dans ces parages sous le couvert de l'obscurité jusqu'à ce qu'ils fussent tout près des Russes, les torpilleurs suivant lentement et avec précaution, dans leur sillage. Quand ils furent assez près des bâtiments russes pour que les lumières à travers les hublots donnassent une idée distincte des dimensions et des formes de ces navires et pour que l'on pût voir les Russes préparer leurs canons, les canonniers japonais ouvrirent un feu rapide et mortel sur l'ennemi, ce qui jeta les Russes dans une vio- lente confusion. Cependant l'ennemi se remit bientôt du choc ainsi reçu et une chaude canonnade continua pendant quelque temps... »

Dans la conclusion d'un article (Revue de Droit international 1905 pp. 517-542) sur la Guerre et la Déclaration de Guerre, M. Nys, membre de la Cour Permanente d'arbitrage s'explique avec netteté sur le problème de droit des gens qui nous occupe ici quand il évoque la manière de voir de M. H. Nagaoka qui avait invoqué la théorie de l'ultimatum pour justifier son pays de l'accusation d'avoir méconnu les règles du droit international en attaquant Port Arthur dans la nuit du 8 au 9 février 1904. L'écrivain japonais cite les termes de la note du 6 février, remise par le Bon Kurino

au Cte Lamsdorf, Ministre des Affaires Etrangères à Pétrograd... A ce propos, M. Nys conclut comme suit : « La vérité est que pas n'est besoin de pareil raisonnement. La conduite du Japon a été conforme au droit et sur le sens de la rupture des relations diplomatiques, il n'y avait nul doute possible : elle signifiait la guerre ».

Avouons que pour plus d'un esprit moderne suivant un paradoxe récemment mis en avant par des écrivains sachant cultiver agréablement l'ironie, un certain scepticisme à l'égard des investigations tendant à établir des vérités historiques ne manque pas d'élégance.

Mais les auteurs de discours officiels n'adoptent pas toujours ce point de vue. Par exemple, à la fin d'un discours de la fin d'Août 1937, l'orateur, M. Léon Blum, pour ne pas le nommer, s'occupant des hostilités engagées en Extrême-Orient, s'est exprimé ainsi : « Je dis guerre, bien qu'il n'y ait pas eu de déclaration de guerre, etc. ».

Ce sujet est manifestement assez délicat et complexe. Cependant, à propos de l'opinion ainsi manifestée. une simple remarque nous sera-t-elle permise ? Une déclaration de guerre en forme suppose en présence deux entités, deux personnes réelles droit des Gens.

Or tel n'est point ici le cas. En effet bien que membre de la Société des Nations, la Chine, la République de Nankin, le Kuoming Tang n'est pas, en dernière analyse, une nation. Ne paraît pas du moins mériter ce titre un simple assemblage de guildes, corporations, congrégations, hongs, houeis, et aussi de sociétés secrètes. Celles-ci, en effet, de temps immémorial ont fleuri dans l'Empire du Milieu, témoins des Taïping, les Longs Couteaux. les Boxers, la Triade, le Lys Blanc (v. Robert K. Douglas. Europe and the Far East 1904, p. 83) (1). Où était Tchang Kaï Chek

(1) Cf. l'ouvrage cité plus haut (p. 80) du Lieutenant-Colonel Fabre, ancien Ministre. Maisonneuve, 1933.

en décembre 1936 ? Sous quelles influences est-il revenu à Nankin ? Les troupes régulières chinoises ont pris l'initiative de tirer contre des soldats japonais allant à l'exercice, conformément aux traités. Cette initiative s'est produite le 7 juillet 1937 au pont de Lou Kou Chiao près de Pékin. Sans le Kouo Ming Tang inspiré par le Komintern, l'incident eut été réglé pacifiquement entre autorités japonaises et chinoises locales.

Quand on va au fond des choses, le conflit en Chine n'est pas à proprement parler une guerre mais une vaste opération de police destinée à établir l'ordre et la paix. Etait-il besoin de rappeler au lecteur les faits dont le chapitre IV, quatorze pages plus haut, lui a donné un aperçu édifiant, nous imaginons-nous ?

Dans la préface d'un ouvrage publié en 1921 (1) M. K. K. Kawakami l'a dit nettement : « La Chine se « montre radicalement impuissante à diriger ses propres « affaires et il va bien falloir que les pays civilisés s'en« tendent une fois pour toutes pour lui constituer une « sorte de tutelle internationale ».

Là, croyons-nous, git la clé du problème. C'est ce que fait ressortir avec raison l'auteur qui, pendant la guerre, a publié plusieurs importants ouvrages sur le Japon, aux Etats-Unis.

Pour notre part, qu'avons-nous fait, avec l'Espagne, au Maroc ? De telles missions impliquent des responsabilités que les nations civilisées ne sauraient esquiver.

Jusqu'à ces toutes dernières semaines, le Gouvernement Japonais n'insistait que sur la nécessité de réorganiser ou plutôt d'organiser les régions adjacentes au Mandchoukouo.

Au Tonkin, toute la colonie chinoise est répartie

exclusivement entre deux Congrégations houeis, les-

(1) Le Japon et la Paix Mondiale. — Ed. Roger.

quelles, d'ailleurs, ne diffèrent guère que par le langage, l'une employant celui de Canton, l'autre celui du Foukien. En Equateur, région de la Costa, les Chinois, au nombre de 1.200 environ, appartiennent tous à la Société Asiatique. En vain l'un des Fils du Ciel tenterait-il de s'installer dans la République fondée par les Sucre et les Bolivar, les Aguire, Jijon, Florès, d'y subsister de façon indépendante, sans être affilié.

Par une anomalie que nous ne pouvons que constater, sans être en mesure de l'expliquer, les Célestes ne sont d'ailleurs pas admis, par le peuple de la République andine, à faire du commerce dans les villes de la Montagne (Sierra, 2.000 à 3.000 m.), bien que la constitution soit la même, quelle que soit l'altitude. De prime abord, il semblerait pourtant que seule la nature physique, — et non la vérité constitutionnelle, — soit sujette à changer, à varier avec l'altitude.

CHAPITRE VII

De la souveraineté navale du Japon (1)

Dans son « Premier Paris » du 10 février le Temps a commenté l'attitude du Japon en présence de la démarche commune accomplie la veille auprès de lui par les Etats-Unis, l'Angleterre et la France. Il était clair, dès lors, que l'Empire du Soleil Levant n'entendait être limité dans son action navale par aucune convention internationale. Le grand organe du soir s'est exprimé ainsi à ce sujet : « On a beau affirmer à Tokio que cette attitude n'impliquerait aucune menace pour les autres puissances, il n'en serait pas moins vrai que, à la lumière de l'impérialisme nippon tel qu'il s'affirme actuellement en Chine, il y aurait là une situation de fait qui ne laisserait pas d'être assez préôccupante ».

Cette conclusion paraît appeler deux simples remarques.

D'une part le Japon est pleinement fondé à se prémunir, à prendre quelques précautions. En effet, il ne saurait guère avoir complètement oublié l'imposition dont il a été victime en 1895, quand Russie, Al-

(1) Revue des Ambassades, Février 1938.

lemagne et... France, — disons-le à regret — se sont coalisées pour l'obliger à restituer Port-Arthur à la Chine, restitution indispensable à l'indépendance de Pékin, suivant l'allégation alors mise en avant par les trois Cabinets de Pétrograd, Berlin, Paris à l'instigation du premier d'entre eux. L'Amiral de Beaumont, qui commandait alors notre Division navale en Extrême-Orient, obtempéra. A quoi eut servi de donner sa démission ? Mais, dans son for intérieur il condamnait la manifestation qui eut lieu aux environs de Tche fou (1) supra p. 29.

Trois ans plus tard, à peine, la Russie s'installait elle -même dans la place d'où elle avait fait partir le Japon par le moyen et sous le prétexte qui viennent d'être rappelés.

D'un autre côté, quelle a été l'attitude de la France et de l'Angletette quand, le 7 mars 1936, le Reich, après répudiation unilatérale, — formelle et délibérée — de plusieurs clauses du Traité de Versailles et du Traité de Locarno dans son ensemble a déclaré qu'il s'armait sans limites. L'année d'avant (17 mars), il avait réoccupé la zône démilitarisée de la rive gauche du Rhin.

En vain, en Mars, Avril et Mai l'Angleterre a-t-elle demandé à Berlin des explications à ce sujet.

Les protestations de la France gardèrent, semble-t-il un caractère officieux.

(1) On the 9 th of May, when in a little steam tug the two Japanese peace commissioners not knowing how far the Chinese would keep faith, approached Chifu, where the ratifications were to take place, the sight of the mighty allied fleet of the three Powers as against the little steamtug was ludicrous. It was like that of roaring wild beasts about a dove. William Elliot Griffis formerly of the Imperial University Tokio : China's Story in Myth. Legend and Annals. London, Constable and Co, Itd. 1912, p. 253.

Quoi qu'il en soit, au mois d'Août, les Gouverne. ments français, anglais et belge, dans une note rédigée de concert au sujet d'une conférence destinée à rénover et à confirmer Locarno se sont bornés à faire mention de « l'initiative allemande » du 7 mars, sans commentaires ni épithète d'aucune sorte.

Et pourtant, n'y avait-il pas là des motifs de préoccupation plus immédiats, plus directs que dans le cas actuel où il s'agit, en somme, d'un pays qui revendique sa place au soleil et le droit de faire en Chine, dans sa sphère extrême-orientale, ce que nous avons fait, par exemple, en Afrique du Nord, ce que la Grande-Bretagne a accompli ailleurs en vertu de missions tenant, pour ainsi dire, à la nature des choses... l'ordre, l'organisation ayant, en vertu de lois sans doute non écrites, puissantes cependant, des droits, même des devoirs, sur le désordre, le chaos.

Enfin l'Angleterre a-t-elle consulté le Japon avant de constituer sa formidable base navale de Singapour solennellement inaugurée aujourd'hui même 15 février 1938? N'a-t-elle pas conclu, fin juillet 1937, avec l'U.R.S.S. un arrangement pour la limitation réciproque des armements navals, mais spécifiant expressément que le Gouvernement de Moscou avait carte blanche à Wladivostock, nom qui, si je ne me trompe, signifie Dominatrice de l'Est ?

Dans la récente Exposition, le Ministère italien de la Marine militaire avait installé une intéressante section dans une péniche partagée avec le Ministère de l' Air. Cette péniche était amarrée à la rive gauche de la Seine entre le Pont de l'Alma et le Pont d'Iéna. A la frise de la salle, où figuraient divers petits modèles de navires, un plan en relief du port de Livourne, avait été inscrite, en italien, la sentence suivante : « En temps de paix, c 'est la marine militaire qui établit la hiérar-

chie entre les nations ». Cette manière de voir ne renferme-t-elle pas une grande part de vérité, à condition qu'il soit bien entendu que c'est de hiérarchie politique et matérielle qu'il s'agit ici ?

Au début du mois de Février 1938, divers journaux de Paris, Excelsior, Matin, etc... ont donné les photographies de quelques petits vaisseaux chinois coulés, échoués à la suite de la rencontre avec l'escadre japonaise. Ce que ces journaux n'ont pas dit, mais ce qui est le fait, c'est que ces bâtiments avaient été construits au Japon à la suite d'une commande passée en 1932, par le Gouvernement de Nankin, alors censé en guerre avec celui de Tokio.

« Cosas de España » entendais-je dire déjà dans mon enfance lointaine ! A plus forte raison faut-il admettre aujourd'hui que les choses d'Extrême-Orient requièrent une initiation spéciale, surtout dans l'ordre de la politique étrangère. Le cri de Kellermann en 1792, à Valmy, et de Mirabeau dès 1790, dans la Marine: « Vive la Nation ! » n'a pas retenti jusqu'en Chine.

Depuis peu d'années, il a été introduit, dans l'antique Empire du Milieu (le seul civilisé au monde), par quelques étudiants ayant fréquenté les Universités étrangères.

Des personnes dignes de foi m'ont assuré que Son Exc. M. Wellington Koo, Ambassadeur de Tchang Kai Chek à Paris, possédait beaucoup mieux l'anglais que la langue de Confucius. Son prénom n'est-il pas déjà un indice assez significatif ?

De toutes façons les relations diplomatiques en Extrême-Orient, ne sont pas conçues sous le même angle qu'en Occident.

L'Ambassadeur du Gouvernement de Nankin au Japon n'a quitté Tokio qu'en juin 1938, ne l'oublions pas.

CHAPITRE VIII

La Chine dans l'ordre international

L'Almanach de Gotha 1938

Base de la représentation diplomatique, Pékin Diversité intérieure et ses conséquences

Le Temps du 27 février 1938 consacre un article à la 175e édition de l'Almanach de Gotha qui venait de paraître. Les quelques lignes suivantes, concernant la Chine et sa condition actuelle au point de vue in- ternational me paraissent singulièrement significatives.

« Dans ce miroir qu'est le Gotha se réfléchissent tous les événements, nationaux et internationaux, survenus au cours de l'année. Au chapitre « Chine » du nouveau volume est donnée, à côté de la composition du gouvernement national, celle du gouvernement provisoire établi à Pékin le 14 décembre dernier. La Mongolie intérieure est indiquée comme formant un Etat indépendant » (cf. p. 56).

Dans son édition de 1928. cette même publication dont le juste renom est si solidement établi depuis longtemps, donnait au chapitre : Chine totale, le budget de 1919-1920, ajoutant: il n'a pas été établi de budget depuis cette date. Il s'agit là d'un fait bien

réel, en dépit de son caractère négatif, qui paraît avoir été entièrement négligé par la S.D.N. quand en 1931-1932 celle-ci commit relativement à l'Extrême-Orient une incroyable aberration. Comment en effet, autrement que par une grave et fort injuste méprise. avoir pu mettre un Etat décor comme la Chine en balance avec une nation dans toute la force du terme telle que le Daï Nippon, l'Empire du Soleil Levant, dont le monde entier a salué l'avènement, voici un demi-siècle, dans le concert des Grandes Puissances de la planète ?

Quant à la constitution d'un gouvernement à part dans la région de Pékin, elle ne représente en aucune façon une nouveauté, un phénomène sans précédent.

Il y a bientôt quarante ans, M. Pierre Leroy-Beau-lieu, mort héroïquement à Vic-sur-Aisne, septembre 1914, comme lieutenant d'artillerie, écrivait ceci dans sa « Rénovation de l'Asie » (1) :

« A Pékin même on semblerait tenté, lorsque la peur de la Russie n'est pas trop dominante, de confier au Japon plutôt qu'à une puissance européenne le soin de rendre un peu de vie (organisée, ordonnée) à la Chine, s'il est possible encore ».

Entre maintes autres manifestations analogues, on peut citer le télégramme suivant de Londres 2 septembre 1930, publié le même jour, par l'Intransigeant, sous ce titre en gros caractères: Le Réveil de Pékin.

On mande de Pékin au Daily Telegraph qu'à une conférence des Leaders nordistes, samedi, à Taï Youan, la formation immédiate d'un gouvernement nouveau a été décidée, sous la présidence du Général Yen Hsi Shan. Ce dernier a accepté et, après avoir délégué la formation des Ministères à un de

(1) Paris, Hachette, Mars 1900, Préface p. XI.

ses collaborateurs, il est reparti pour le front afin de diriger l'attaque contre les forces de Nankin.

Le nouveau gouvernement comprendra onze minis- tères et sept sont déjà pourvus de leur titulaire, parmi lesquels se trouve le général chrétien Feng You Hsiang.

Un Comité spécial est chargé de rédiger les lois organiques du nouveau Gouvernement.

L'attitude du corps diplomatique vis-à-vis du nouveau pouvoir n'est pas encore connue (application de la prudente maxime : Wait and see). Pour le moment, le ministre britannique continue à reconnaître et à traiter exclusivement avec le Gouvernement de Nankin ».

Actuellement, février 1939, trois « Commissions de la Paix » fonctionnent à Peiping, Nankin, Kaïfengfou. Composées de Chinois et de Japonais, elles restent indépendantes les unes des autres ce qui n'empêchera pas plus tard d'établir entre elles une connexion, notamment pour les relations avec l'étranger. Comme nous l'avons exposé plus haut, on prendra modèle, alors, sur le système fédératif des Etats-Unis. Comme le lecteur s'en souviendra (v. pp. 100 et 55), c'est tout au moins ce qui ressortait de manifestations officieuses de Gouvernement de Tokio, en Août-Septembre derniers.

L'Italie et le Japon

En 1935, à la suite de l'initiative prise par l'Italie, les représentants de la plupart des Puissances, grandes ou moyennes, en Chine, ont été élevés au rang d'Ambassadeur (cf. Supra p. 44). Quel bénéfice concret le « Gouvernement de Nankin » a-t-il retiré de cette mesure ? Celle-ci pourtant, au premier abord. pouvait sembler un témoignage de plus haute considération, un appui moral, tout au moins, envers les successeurs des Empereurs Ming et Tsing, pour ne pas

remonter au-delà du XIVe siècle. Il nous a été agréable, ne le dissimulons pas, de retrouver ce point de vue, exposé avec toute la compétence et la dextérité requises sous la plume de M. Charles Loiseau dans un article de l'Echo de Belgrade du 24 novembre 1937.

Condition intérieure du pays

Quoiqu'il en soit, il apparaît de façon de plus en plus manifeste que l'unité politique en Chine n'est qu'un leurre, de même d'ailleurs que l'unité linguistique. Ce n'est pas le Rev. W.S. Pakenham Walsh qui me démentira. Dans son livre fort intéressant Twenty years in China (1897-1919) il le déclare sans ambages : dans le Nord, aux environs de Pékin, mon chinois du sud, de la région de Canton, ne me servait de rien.

Il y a quelque quatre-vingts ans, de jeunes Chinois du Kouang toung, des novices lazaristes, transférés de Hong-Kong à Shanghaï ont dû pour correspondre avec leurs confrères du Séminaire (du Kuang-si ou du Tche Kiang) recourir au latin.

La Bible Society de Londres a dès à présent édité vingt versions des Saintes Ecritures, en autant d'idiomes distincts se rattachant par les ideogrammes, tout au moins, à la famille chinoise; plus quatre traductions en des langues totalement différentes, parlées par des populations dont les ancêtres avaient précédé les Chinois à l'intérieur de ce qui est devenu l'Empire du Milieu (Moïs, Miao-tseus, Lolos, etc.).

Dans son premier Paris du 15 août 1928, le Temps, à propos de la situation en Chine, confuse à raison de désaccords au sein du Kuomingtang, d'opérations militaires diverses, écrivait ceci : « l'impression d'ensemble qui se dégage de toutes ces circonstances est que le Gouvernement de Nankin manque encore de la sta-

bilité nécessaire pour qu'il puisse parler et agir réellement, avec toute l'autorité d'un pouvoir sûr de ses moyens, au nom de la Chine entière ». A Genève on paraît avoir tenu peu de compte de cette manière de voir qui, pourtant avait le mérite de mettre le public en présence non d'une opinion toute faite d'après de vaines apparences mais d'une analyse impartiale, objective comme on dit, de la nature des choses, dans ce qui fut le Céleste Empire. C'est ce que montra bien la suite des événements, tels que les révèle notamment une remarquable correspondance de M. André Duboscq publiée à la veille même du conflit sino-japonais, par le Temps du 18 juin 1937, sous ce titre : La question qu'on se pose en Chine. Tout l'article serait à citer car il est écrit avec netteté, d'après des constatations directes.

L'auteur montre que l'esprit de méthode et de discipline qui anime Tchang Kaï Chek est indispensable à l'œuvre commencée. Mais il ajoute que le succès final serait, dans l'opinion d'observateurs impartiaux gravement compromis si « des difficultés entre provinces devaient renaître et si l'unification relative déjà réalisée par le Généralissime n'était que superficielle et momentanée ». Quand M. A. Duboscq écrivait cela, rappelons-le, il y avait six mois à peine que Tchang Kaï Chek avait été pendant quinze jours à Sian (Chensi) prisonnier de son subordonné, Tchang Sueh Liang, lequel un mois plus tard était incarcéré puis relâché par son adversaire, à Nankin (cf. p. 76).

En conclusion, le distingué correspondant du Temps explique, de façon particulièrement nette, ce qu'il faut entendre par difficultés du provincialisme en Chine. « Il ne s'agit pas d'un sentiment régionaliste comme on peut en trouver ailleurs », mais d'un moyen, un prétexte si l'on préfère, pour des autorités militaires ou civiles d'une ou plusieurs provinces avides de suc-

cès et de profits, à batailler contre le Gouvernement central au nom de droits provinciaux plus ou moins justifiés. Quel que soit le point de départ, le résultat toutefois reste le même : Nankin peut se trouver gêné de la même façon qu'avant l'état de choses » subsistant depuis quelques mois, au moins pour la forme.

En somme les choses, là-bas, vont, sous la République, sensiblement comme sous l'Empire. A peu près nulle part il n'y a de police nationale. La conséquence est ce que le lecteur imagine. Ecoutons ce que M. R.K. Douglas, déjà cité, écrivait il y a plus de trente ans : Le jeune Empereur Kang si, à l'instigation du Marquis Tseng (qui mourut le 12 avril 1890) rendit un édit conçu en termes vigoureux (strong worded) dans lequel il donnait ordre aux gouvernements provinciaux de faire tout ce qui était en leur pouvoir pour abolir les postes sans utilité (pour l'Etat). Une nouvelle édition de ce décret contre le maintien des offices superflus fut l'acte final qui conduisit à la déposition de l'Empereur en 1900 et à l'attaque des Légations qui suivit (op. cit. p. 284). Griffis dans son histoire de Chine (1912) confirme pleinement ce qu'avait dit, à cet égard, son devancier, ajoutant seulement que les édits de réforme en 1898, furent rendus sous l'influence d'un patriote Kang Yu Wei, (op. cit. p. 257) (1).

Un dernier mot en guise de conclusion — provisoire. En présence de la masse constituée par l'ensemble, des populations chinoises, au fond très variées entre elles, le problème qui se pose est fort complexe. N'est-ce pas le cas d'appliquer pour la solution, l'une des règlees de la Méthode de Descartes; diviser la difficulté pour la mieux résoudre ?

Il n'y a pas dans l'ancien Empire du Milieu, qui se

(1) c/Griffts China's Story London. Constable 1912 pp. 63, etc...

considérait comme seul et unique au monde, civilisé s'entend, de traditions nationales comme celles que représentent en France les noms de Vercingétorix et de Clovis, de Roland, de Philippe Auguste et de Jeanne d'Arc, de Duguesclin, de Bayard, de Louis XI, François 1er, Henri IV, Louis XIV, Voltaire, Mirabeau, Danton, Kellermann, Kléber, Marceau, Hoche. Napoléon, Suffren, Caillié, etc... Il paraît que jusque dans ces dernières années tout au moins il n'existait pas dans la langue de Confucius d'idéogramme correspondant au mot Patrie.

La flotte chinoise du Sud fut fondée en 1886 à Foutchéou dont un Français, M. Gicquel, (mort à Paris 1896) créa l'arsenal. Le Capitaine Lang de la marine britannique eut, tout d'abord, le commandement des navires.

Huit ans plus tard ces bâtiments reçurent de Pékin l'ordre de se porter à l'aide de l'escadre du Nord, pour lutter contre le Japon. Il leur fallut deux mois pour achever leur mobilisation.

Avant d'arriver dans les eaux du Petchili, vers la mi-septembre, ils apprirent la grave défaite subie à l'embouchure du Yalou, par les forces navales du Nord. Du plus loin qu'ils aperçurent la flotte japonaise. ils lui firent parvenir, par signaux, le message sui- vant : « Attention ! ne pas confondre, nous sommes l'escadre du Sud, nous n'avons rien à voir avec l'escadre du Nord ».

Par la suite des temps, peut-être verrons-nous les Etats-Unis de Chine et même, pourquoi pas ? les Etats-Unis d'Europe. Pour le moment, un plan d'organisation par région, d'ailleurs grandement nécessaire, paraît seul susceptible d'application pratique. Sous le régime d'une autorité centrale à peu près factice, de multiples travaux publics indispensables pourtant au

bien-être ou à la sécurité des populations ne s'exécutent pas. A ce point de vue le rapport du Dr Stamper, délégué de l'organisation d'hygiène de la S.D.N. pendant trois ans en Chine est des plus instructifs (1). Son auteur énumère notamment onze grandes calamités naturelles (survenues pendant une période de vingt-cinq ans) dont les conséquences désastreuses auraient pu en grande partie être évitées si des mesures adéquates, bien étudiées, avaient été prises en temps utile.

La carence du prétendu « pouvoir central » est manifeste.

Décidément, l'Empire du Milieu, celui de Kanghi (1662-1723) ou de Sun Yat Sen a vécu, entrant à son tour, dans le domaine du passé, après l'Empire Romain, celui des Incas, l'Empire Romain de Nation Germanique, dont le traité de Presbourg, 1805, a consacré la fin.

Vivent les laborieuses et ingénieuses populations chinoises, appelées à remplir leurs destinées, dans l'ordre et la paix, sous l'égide de l'Empire plus maritime que terrestre, plus idéal que matériel du Soleil Levant, prêt à mettre à leur portée, avec le moindre effort, les conquêtes des sciences, les ressources des techniques modernes.

TERRORISTES

Il est bien manifeste qu'il existe dans les diverses parties de la Chine nombre d'habitants, entre autres des notables, qui se rendent compte des services qu'ils peuvent attendre des Japonais et qui seraient prêts à

(1) Bulletin trimestriel de l'organisation d'hygiène de la S.D.N. Vol. V. no 4 Genève.

V. Bulletin de la Ligue des Sociétés de la Croix Rouge, Paris. Juillet 1937.

leur prêter leur concours par exemple dans les Commissions de la paix. Il est clair en même temps que qui veut essayer de se représenter avec quelque exactitude la Chine qu'on ne voit pas à propos de la Chine qu'on voit ne saurait omettre de constater l'existence de divers groupes occultes de terroristes ne reculant devant aucun moyen voire devant le crime pour châtier ceux que, de leur propre autorité, ils taxent de traîtres sur le soupçon d'être disposés à coopérer avec les Japonais. En voici, entre autres, une preuve tirée de la Gazette de Bruxelles du 8 mars 1938 qui a publié le télégramme suivant, de Shanghaï, 7 mars :

Ce matin, alors qu'il quittait sa résidence située dans la concession française, le général Tcheou-Feng-Chi, ancien commandant de la XXe armée, a été tué par deux individus qu'on croit être des terroristes.

Selon des informations, le général Tcheou-Feng-Chi devait prendre le portefeuille de la guerre dans le nouveau gouvernement de la Chine centrale, dont la constitution serait prochaine.

Un télégramme de Tokio 29 mars, nous apporte un autre fait criminel de la même série :

« On mande de Pékin à l'agence Domei que cinq Chinois ont tiré. hier après-midi, des coups de feu sur M. Ouang Ke Min, président du comité exécutif du gouvernement de Pékin.

« On n'a pas pu identifier les agresseurs de M. Ouang, qui l'ont attaqué au moment où il regagnait sa résidence en automobile.

« M. Ouang n'a pas été atteint, mais un Japonais qui l'accompagnait a été légèrement blessé au visage et à l'épaule gauche ».

En général, ceux qui ont coopéré avec nous au Maroc n ont pas été exposés à payer de leur vie le concours par eux prêté à notre action.

Les attentats et crimes de cette nature basse et lâche se sont multipliés au cours de ces derniers mois. Au moment où je relis ces feuilles pour la deuxième édition, la presse m'en apporte un exemple par ce télégramme de Tientsin 26 décembre 1938 : M. Wang Tchou Ling, Président de la Chambre de Commerce Chinoise, Commissaire à la gabelle sous le nouveau régime, a été assassiné par les terroristes qui ont tiré sur lui trois balles de revolver à la sortie d'un restaurant de la concession française

De nouveaux et graves attentats, comprenant cinq meurtres, ont été commis à Shanghaï ainsi que l'a signalé la presse entre les 7 et 9 février dernier, et d'autres à Koulang Sou, Amoy, en avril-mai de cette année 1939.

La complexité de la situation dans l'ancien Empire du Milieu tient en grande partie au fait que si la souveraineté locale est médiocre et inconsistante, il existe en divers points des dix-huit Provinces soit à Shanghaï, Canton, Hankéou, Tientsin, — sans parler du « quartier des Légations » (depuis 1936 Ambassades) des postes spéciaux, des enclaves dépendant de souverainetés étrangères, européennes ou américaines. Un tel ensemble de circonstances ne se rencontre nulle part ailleurs dans le monde. Des abus multiples en résultent. Des meneurs de la campagne de terrorisme dont nous venons de parler mettent à profit cet enchevêtrement d'autorités pour préparer et commettre leurs attentats criminels contre tels ou tels de leurs concitoyens, que de leur propre chef, ils inculpaient de trahison.

On l'a vu en avril-mai 1939 à Kulang Sou près d'Amoy. En voici un nouvel exemple, concernant Tientsin. La presse du 10 juin 1939 nous le fournit.

Tokio, 9 juin 1939.

On mande de Tien-Tsin à l'agence Domei qu 'à la suite du refus des autorités britanniques de livrer les assassins de M. Tcheng Chi Kang, des douanes chinoises, le maire de Tien-Tsin a publié hier un ordre enjoignant à tous les résidants chinois exerçant une fonction dans le gouvernement chinois ou la municipalité de quitter le territoire des concessions anglaise et française dans les vingt-quatre heures.

Plus d'une centaine de fonctionnaires chinois et leurs familles avaient déjà quitté ce matin le territoire desdites concessions.

D'autre part, les autorités japonaises ont également décidé de supprimer les éléments terroristes antijaponais.

La veille on avait appris que M. Ouang Tching Oueï, ancien Vice-Président du Kouo Ming Tang était parti le 2 juin pour Tokio. Il était accompagné du Général Kita, chef des services politiques des armées japonaises de la Chine du Nord. Les Japonais souhaiteraient confier à M. Ouang Tching Ouei la formation et la direction d'un nouveau gouvernement groupant les provinces du Nord et du Centre de la Chine occupée.

De la presse de Paris, 12 juin 1939 :

« Tokio, 11 juin. — (Dép. Havas). — L'agence Doméi rapporte qu'une dépêche de Nankin annonce qu 'un certain nombre de membres du gouvernement de Nankin ont été victimes d'une tentative d'empoisonnement.

On pense qu'il s'agit d'un poison qui avait été versé

dans le vin servi lors d'un banquet offert en l'honneur du vice-ministre des affaires étrangères japonais par le gouvernement de Nankin. Toutes les personnalités présentes ont été plus ou moins malades, mais aucune n'est décédée.

Un certain nombre d'arrestations de Chinois suspects ont été effectués. »

Cet attentat, heureusement, semble-t-il, sans conséquences graves, achévera d'édifier le lecteur sur les procédés auxquels n'hésitent pas à recourir, dans l'om- bre, les adversaires des Japonais, partisans plus ou moins avérés de Tchang Kaï Chek. Voilà donc à quel degré de lâcheté criminelle peut mener la passion de l' « assiette au beurre » dans l'ancien pays de Confucius.

En dépit de tout, il faut avoir confiance dans sa régénération prochaine au contact des fils du Daï Nippon, fidèles aux meilleures traditions de la civilisation extrême orientale et en, même temps parfaitement initiés aux connaissances de l'Occident.

Les nouvelles subséquentes n'ont pas d'ailleurs confirmé l'optimisme qu'avaient paru justifier les premiers renseignements sur les suites de la tentative d'empoisonnement au banquet de Nankin.

Dès le 14 juin on apprit que deux des victimes avaient succombé en dépit de tous les soins qui leur furent prodigués.

Les journaux de ce matin, 12 aout 1939, annoncent que la Grande-Bretagne a décidé de remettre aux autorités japonaises quatre chinois compromis dans les récents attentats terroristes et qui s'étaient réfugiés sur la concession de Tien tsin.

CHAPITRE IX

Vers la fin du conflit d'Extrême-Orient

Le point de vue japonais

Après la destruction, la reconstruction

Maintenant qu'ont pris fin, tout au moins dans leur phase essentielle (25 octobre 1938) les hostilités ouvertes en Chine il y a quinze mois et demi, plus d'un lecteur se demandera, sans doute, ce que va pouvoir être un avenir prochain dans les vastes contrées où les armes du Daï Nippon ont entrepris de faire régner l'ordre et la paix.

L'article suivant, publié sous le titre qui précède, dès le 10 septembre 1938 par l'Indépendant, à Paris, et le 14 du même mois dans La Flandre Libérale, à Gand, apporte une réponse fondée sur des données paraissant provenir de bonne source :

La chronique de M. A. Duboscq dans « Le Temps » du 28 août 1938 se recommande, comme toujours, par une information remarquablement avertie en présence d'une réalité plus mobile que jamais en Extrême-Orient. Le passage suivant emprunté par le collaborateur du grand organe parisien du soir au livre récent de M. Escarra nous paraît mériter une spéciale attention : « Ce

qu'il y a de légitime dans le besoin d'expansion du Japon peut être satisfait d'une manière bien plus efficace par la coopération de deux peuples forts, dont les qualités sont complémentaires, que par une politique d'agression ».

Cette pensée des plus significatives, renferme, sans conteste, une grande part de vérité.

Nous n'en voulons pour preuve qu'un exposé des conditions possibles de la paix que des circonstances particulièrement propices nous ont permis de recueillir ces jours-ci (1) dans des milieux japonais, de la part de hautes personnalités.

Avec la chute d'Hankéou, devant, d'après les dernières nouvelles, survenir dans un délai assez prochain, prendra fin la principale phase de la lutte engagée depuis quatorze mois. Cet exposé offre donc un intérêt d'actualité incontestable. Aussi croyons-nous devoir le transcrire sans autre préambule, pour l'édification de nos lecteurs. Ceux-ci ne seront sans doute pas fâchés d'apprendre en quoi pourra consister l'honora- ble Paix japonaise, dont parle M. Escarra, sans peut-être en avoir encore une idée bien nette et positive.

Voici donc comment les perspectives prochaines sont, pensons-nous, envisagées en haut lieu à Tokio:

« Dans deux mois, c'est-à-dire après l'occupation de Hankéou (2), l'affaire sino-japonaise entrera dans une phase nouvelle. Les troupes nippones arrêteront leur avance vers le Sud si l'Angleterre et la France cessent de fournir, par Hong-Kong et l'Indochine, du matériel à Tchang-Kai-Shek. Si celui-ci le demande, nous envisageons même d'accepter un armistice. Mais nous pourrons le considérer — non pas comme le représentant de la Chine — mais comme celui des provinces où il

(1) Indépendant 10 septembre 1938. Flandre Libérale, 14. (2) Fait accompli le 26 octobre 1938.

exerce un pouvoir effectif. En Europe, on n'a pas permis au Kaiser de faire la paix de Versailles. Un état d'esprit analogue règne chez nous (cf. p. 184).

« La Chine est un continent. Son régime politique devrait évoluer sur cette base géographique. Avant la révolution de 1911, l'Empereur régnait nominalement sur ce pays, continent divisé en provinces, chacune administrée par un gouverneur général... Aujourd'hui encore, la Chine est trop vaste pour être gouvernée par un pouvoir unique. Si nous divisions ce pays en quatre ou cinq grandes provinces ayant chacune une large autonomie, sous une souveraineté centrale, la Chine serait mieux organisée. Si, au contraire, nous nous efforcions de placer un pouvoir unique, les divers éléments du pays, malgré les différences de langues, de races, de mœurs, etc., nous nous heurterions inutilement à de nombreux obstacles. Personne n'est de taille à accomplir une telle œuvre. Il en résulterait de continuelles guerres civiles, semblables à celle de 1911 et à celles qui l'ont précédée. L'intégrité de la Chine devrait être respectée, mais en s'inspirant des méthodes américaines et non russes. Les régions du nord et du centre, grâce à notre concours, jouissent déjà d'une large autonomie. Suivant l'état de l'évolution politique, nous pourrions y ajouter, après la paix, les provinces du Sud, etc... avec un gouvernement fédéral, comme celui de Washington. qui représenterait la Chine au dehors; l'administration intérieure serait confiée à chaque gouvernement provincial, qui gérerait librement son territoire.

Le Japon a besoin des matières premières chinoises comme le coton, la laine, le sel, etc... en échange de ses produits manufacturés. Si les relations économiques se développent entre les deux pays, la solidarité des intérêts constituera la meilleure garantie de paix.

« L'Angleterre. l'Amérique et la France n'ont au- cun intérêt vital à l'exploitation des richesses naturelles

de la Chine, car elles sont abondamment pourvues dans leurs territoires ou leurs vastes colonies. Leur commerce avec la Chine est limité à la vente des produits de l'industrie lourde (locomotives, matériel de chemins de fer, ponts, etc...). La Chine ne possédant guère d'articles d'exportation, les ventes se font généralement à long terme, ce qui gêne beaucoup l'équilibre financier et met obstacle au développement et à la prospérité du pays. Mais si le Japon achète à la Chine des matières premières, le pouvoir d'achat du peuple chinois augmentera, et les Chinois pourront faire plus d'acquisitions au dehors. Ainsi la collaboration nippone en Chine ne pourra qu'y favoriser le commerce européen et américain.

« La clé de la situation est avant tout le rétablissement de l'ordre, condition préalable de toute activité économique. Telle est notre simple manière de voir à l'égard de la grande oeuvre de reconstruction chinoise. Les intérêts occidentaux, chinois et nippons sont en parfaite harmonie. Nous devons donc collaborer le plus étroitement possible au profit de chacun et de tous. Le Japon ne craint pas la concurrence étrangère, car son activité économique sera concentrée dans l'exploitation des richesses naturelles chinoises, à laquelle les puissances étrangères n'ont qu'un intérêt moins direct et beaucoup plus limité. Au contraire, si les capitaux anglais, américains ou français sont introduits en Chine sous la forme de chemins de fer, de ports, de ponts, etc... ils seront d'un réel avantage pour le Japon qui pourra ainsi mieux importer chez lui des matières premières et exporter vers la Chine ses produits manufacturés.

« La destruction est en cours depuis plus d'un an. Tous les hommes de bonne volonté pensent à l'urgente nécessité de la reconstruction. L'heure de la paix et

de la collaboration sonnera bientôt. Nous envisageons l'avenir avec espoir et confiance ».

Quelques mots pour compléter cet aperçu, écho, répétons-le, d'opinions japonaises qualifiées.

D'une part ces opinions concordent avec celles de M. Ant. Duboscq, auquel nous nous sommes plusieurs fois référé. Celui-ci, fin 1937, écrivait: « une fois la paix intérieure assurée, les intérêts occidentaux et américains trouveront place en Chine à côté de ceux du pays et des Empires nippon et mandchou. »

D'autre côté, dans la partie de son attrayant Tour du monde concernant l'Extrême-Orient, M. Marc Chadourne nous dépeint ainsi la situation telle qu'il l'a vue là-bas, il y a quatre ou cinq ans :

« Sous sa mollesse et sa frénésie, ses désordres et ses misères, la Chine, on ne saurait jamais assez le répéter, garde un pouvoir de se refaire une grande force élémentaire, qui, chroniquement, rétablit l'ordre en son apparent chaos » (p. 162).

L'assertion ainsi formulée nous paraît, ne le dissimulons pas, non seulement gratuite, mais aventurée. Depuis longtemps, nous estimons, avec nombre d'observateurs impartiaux, que les populations du Fleuve Jaune, du Fleuve Bleu, du Si Kiang, ou fleuve de l'Ouest, ont besoin d'une aide extérieure, nommément de celle de l'Empire du Soleil Levant, pour s'organiser et s'équiper à la moderne. C'est ce qu'enseignait déjà M. L. Poinsard, il y a cinquante ans... Le Dr A. Le-gendre en juge de même.

Après avoir été de 1905 à 1907 directeur de l'Ecole Impériale de Médecine de Tcheng-tou au Szeu-Tchouen. Depuis il a en tous sens arpenté les dix-huit Provinces. En Janvier 1938 il écrivait dans la Revue des Ambassades : « L'Empire Chinois n'a jamais constitué une nation au vrai sens du mot ».

C 'est d'ailleurs l'avis de beaucoup de Célestes eux-

mêmes et, comme il est évident, une franche coopération de leur part est une condition « sina qua non » de l 'entreprise envisagée, c'est-à-dire indispensable à son succès.

Au point de vue économique, il est un point sur lequel les déclarations qui précèdent ne contiennent pas d 'indication déterminée. Mais elles doivent impliquer qu'il n'y aura pas de discrimination douanière contre les pays ayant des traités ou des « accords » de commerce avec cette entité quelque peu illusoire que fut le gouvernement de Pékin, puis de Nankin.

Ceci posé, pourquoi le Japon n'accomplirait-il pas en Asie Orientale une œuvre au fond semblable, en dépit de différences dans certaines modalités extérieures, à celles que la France, l'Italie, la Grande-Bretagne et en quelque mesure aussi, l'Espagne, ont menées à bien dans l'Afrique du Nord, et ailleurs ?

Il est clair que l'exposé qui précède ne se présente pas avec le degré de certitude que peuvent offrir les pronostics et prophéties des sciences physiques surtout dans l'ordre astronomique. Dans le domaine politique, dans la politique internationale au moins autant que dans l'autre, trop de facteurs entrent en jeu pour qu'une anticipation puisse prétendre à autre chose qu'à un certain degré de probabilité dans telle ou telle hypothèse donnée. Par exemple, l'attitude du Japon, maître du pouvoir de la Chine occidentalisée (selon l'expression de Great Britan and the East 27 octobre) dépendra forcément, pour une bonne part de la conduite des Puissances Européennes et Américaines.

Si celles-ci manifestent de l'hostilité, le Gouvernement nippon pourra-t-il se comporter de la même façon que si elles observent scrupuleusement la neutralité ? C'est ce qu'indique le télégramme suivant de Tokio à l'Agence Radio, 28 octobre :

Le Japon et le pacte des Neuf puissances

Commentant la récente note américaine accusant le Japon de ne pas avoir tenu la promesse qu'il avait faite de maintenir le régime de la porte ouverte en Chine et de poursuivre une politique de discrimination contre les intérêts américains dans cette partie du monde, le porte-parole du ministère japonais des affaires étrangères a déclaré aujourd'hui aux journalistes qu'étant donnée la nouvelle situation existant actuellement en Chine le fameux pacte des Neuf puissances devrait être revisé de fond en comble.

Le même porte-parole a donné à entendre que le gouvernement japonais prendrait à ce sujet l'initiative de proposer une modification dudit pacte, « étant donné que les nouveaux régimes fonctionnant maintenant en Chine tendent à limiter les intérêts étrangers dans cette partie du monde ». (Temps du 30 octobre 1938).

A l'heure actuelle, que serait, sans le Royaume-Uni le budget de la guerre de Tchang Kaï Chek ?

Aux dernières nouvelles, les Etats-Unis et l'Angle-terre se sont entendus pour procurer à Tchiang Kaï Chek un crédit de près d'un milliard de francs. Ceci n'est peut-être pas entièrement conforme à la neutralité ni surtout fait pour hâter la fin des hostilités dans l'ancien Empire des Fleurs, tout au contraire. La revendication des Etats-Unis pour le maintien intégral des anciens traités implique la durée perpétuelle pour la Chine de son état d'infériorité d'il y a cent ans, de sa mise en tutelle par les puissances européennes et américaines... Une telle politique risque par suite d'entrer en conflit avec une doctrine de Monroe extrême orientale, légitime après tout. Or, en interdisant, comme elle l'a fait, en 1904, l'accès de son territoire

aux Jaunes, en dehors de toute condition sanitaire ou de police, la République Nord-Américaine n'a pu invoquer les grands principes de l'humanité, sinon ce qui lui semblait être son propre intérêt. Ces mesures ont été reprises et resserrées en 1907.

De toutes façons, depuis bientôt trois ans, Etats-Unis, Grande-Bretagne, se sont associés à l'U.R.S.S. pour soutenir le parti de Tchang Kaï Chek, les uns par des crédits, les autres par l'envoi de canons et de munitions au moyen de routes ou de voies d'accès les unes améliorées, les autres créées de toutes pièces, en Mongolie, au Turkestan, en Birmanie...

Au mois d'octobre 1938, au cours du compte rendu d'une réunion tenue à Tokio, l'hebdomadaire Trans- Pacific a reproduit une déclaration de l'Ambassadeur de France affirmant qu'aucun transfert d'armes n'a été effectué par la ligne Hanoï-Nacham (Kiang-si) qui doit être prolongée jusqu'à Nanning. Le lecteur curieux de détails à ce sujet pourra les trouver dans la Revue France-Japon (Paris) N° 36, p. 593.

Bornons-nous à signaler trois faits positifs qui pour n'être pas toujours relevés par la presse n'en paraissent pas moins mériter de retenir l'attention de quiconque s'intéresse au rôle qu'il appartient à notre pays de jouer en Extrême-Orient.

1° Depuis Juillet 1937, le trafic de la voie Hanoï-Mongtseu à Yunnan fou par le Fleuve Rouge (terminée en 1910) a triplé.

La ligne travaille à bloc (correspondance de Haiphong, juillet 1938).

2° en Juin 1938, Yunnan fou, comme Moukden en 1931, Nankin en 1932, 1935, ...Pretoria en 1896. était plein de marchands de canons.

3° en Septembre 1938 une équipe d'ingénieurs français a aidé l'état-major de Tchang Kaï Chek à

creuser à l'O. de Hankeou, des tunnels par lesquels a pu s'évader une bonne part des meilleures divisions de l'apprenti dictateur, chef nominal de la république chinoise depuis 1928 (Great Britain and the East, octobre 1938).

Nous nous abstiendrons de commentaires. Le lecteur voudra bien seulement, espérons-nous, nous rendre cette justice que depuis l'origine nous nous sommes montrés partisans pour notre pays d'une attitude de neutralité en présence du conflit survenu en juillet 1937, à l'intérieur des dix-huit Provinces.

Dans son numéro du 4 décembre 1938 le Temps a publié sous la signature de M. R. V. Gilles une lettre de Shanghaï contenant des informations de première main sur : la Précarité de la Situation Militaire des Chinois, c'est-à-dire pour être plus précis, spécifiquement parlant, du parti de Tchang Kaï Chek, associé au Kouo Ming Tang.

Le 31 Décembre la presse de Paris a annoncé que, l'ex-premier ministre Ouang Chang Ouei, avait quitté Tchoung King sur le Fleuve bleu se rendant à Hong Kong après s'être déclaré partisan de la paix avec Tokio.

Citons ici un passage caractéristique d'un Premier-Paris du Temps du 19 janvier 1939 — premier Paris anonyme, par définition, mais ou transparaissent l'expérience et la clairvoyance de M. A. Duboscq .

« Si Tchiang Kaï Chek groupe la jeune Chine intellectuelle, ou tout au moins une part de cet élément, auteur de lui, il ne faut pas oublier que Ouang Ching Ouei a consacré sa vie entière à la Chine révolution-

naire démocratique qu'il est disciple de Sun Yat Sen et qu'il joint à ce titre d 'une très grande popularité et que la position qu'il vient de prendre comme le rôle qu'il vient d'assumer ne seront pas réduits à néant par un trait de plume du Kouo ming tang, Ouang Ching Ouei s'est donné une mission qui ne fait que commencer ».

Par la suite Ouang Ching Ouei a achevé de rompre tous liens avec le gouvernement artificiellement maintenu au Szeu tchouan, spécialement avec Tchang Kaï Chek. (V. presse quotidienne avril-mai 1939).

A la suite de divers télégrammes des 30 mai-4 juin sur l'abus fait par les Chinois du pavillon français, puis du pavillon britannique, le Temps du 6 juin a inséré le télégramme suivant de Shanghaï, la veille, relatif à une protestation japonaise contre l'emploi du pavillon américain par les Chinois :

Les autorités japonaises ont demandé aux autorités américaines à Shanghaï de prendre les mesures nécessaires pour empêcher les Chinois de construire des établissements militaires à proximité des propriétés américaines. Les Japonais ont également protesté contre l'emploi par les Chinois du pavillon américain.

L'opinion prédominante au Japon en ce qui concerne l'intervention éventuelle du pays dans les affaires d'Europe proprement dite forme évidemment un thème assez complexe et à propos duquel il est difficile de formuler une vérité absolument positive et invariable. A cet égard les informations suivantes publiées à Tokio le 6 juin 1939 paraissent traduire la tendance qui semble prévaloir dans l'ensemble du pays : ne pas prendre d'engagement ferme à l'égard de problèmes n'intérssant pas de façon directe l'Extrême-Orient.

Selon les milieux bien informés, les dernières pro-

positions japonaises pour le renforcement du pacte antikomintern, qui ont été fixées au cours des délibérations gouvernementales de samedi et de lundi, seraient câblées prochainement aux ambassadeurs du Japon à Berlin et à Rome, le général Oshima et M. Shiratori, pour être transmises au Reich et à l'Italie.

Les grandes lignes des décisions prises par le cabinet de Tokio, la veille de la conclusion de l'alliance militaire italo-allemande, le 6 mai, ne seraient pas changées. Les nouvelles instructions formuleraient simplement le point de vue japonais d'une façon plus détaillée et plus concrète, en tenant compte de certaines observations communiquées à Tokio par le général Oshima et par M. Shiratori.

Un autre télégramme, de même provenance et de même date parait d'autant plus intéressant à retenir qu'il conduit en somme à une conclusion analogue tout en se plaçant, au point de départ, sous un angle différent.

Le Japon et « l'axe »

Tokio, 6 juin.

La presse japonaise consacre peu de commentaires aux décisions prises par le gouvernement au sujet de sa politique européenne, limitée, dit-on, à un programme antikomintern, mais, en général, elle regrette que le public ne soit pas mieux éclairé.

Toutefois, le Kokumin, qui a toujours été le plus ardent avocat de l'alliance militaire du Japon avec l' Allemagne et l'Italie donne aujourd'hui une note différente. Le journal écrit que la situation européenne n intéresse le Japon que pour autant qu'elle pèse sur les affaires d'Extrême-Orient. Il demande au gouvernement de ne prendre aucune décision qui, en engageant trop le pays dans les complications européennes, risque de gêner son action en Asie.

Dans son numéro de décembre 1933, la Revue Contemporary Japan a publié sous ce titre : Revendications navales du Japon, un fort intéressant article de M. Gumpei Sekine, capitaine de la Marine impériale. La thèse que soutient l'auteur avec vigueur et talent est que le Japon ne peut accepter indéfiniment la proportion 5-5-3 (dix à six au total) que la Grande-Bretagne et les Etats-Unis cherchent à lui imposer par la convention de désarmement. Ces quinze pages conservent encore aujourd'hui leur vif intérêt, elles complètent très utilement ce que nous aura dit plus haut, au chapitre VII (pp. 99-104) de la souveraineté navale du Japon. Leur auteur fut plusieurs années chef de la 1re section au Bureau de la Revue au Ministère de la Marine à Tokyo après avoir été attaché naval près l'Ambassade du Japon au Brésil.

CHAPITRE X

Bibliographie spéciale

A. Situation en Extrême-Orient au point de vue politique et économique

B. Aperçu d'études diverses dans les domaines littéraire, artistique et psychologique

Il ne saurait s'agir ici d'une bibliographie d'ensemble, même limitée aux vingt-cinq ou trente dernières années. D'abord, le présent essai constitue déjà, en un sens, une bibliographie raisonnée et commentée, dressée à un point de vue déterminé. Puis, pour une liste absolument complète, sans aucune omission, des ouvrages en toutes langues ayant trait indistinctement à la Chine et au Japon, un volume n'y suffirait pas. D'ailleurs, comme le sait le lecteur, la tâche a d'ores et déjà été accomplie, de façon magistrale, jusqu'au début du XXe siècle, par MM. Cordier pour la Chine, et le Chev. von Wenkstern pour le Japon.

Cependant, il ne nous paraît pas sans intérêt de don- ner ci-après, à l'intention des lecteurs curieux d'informations topiques et précises, une bibliographie spéciale de publications en français et en anglais, concernant le conflit, qui, depuis la fin de juillet dernier, a mis aux prises, en Extrême-Orient, l'armée et la marine japonaises avec les « grandes Compagnies » chinoises aidées par la faucille et le marteau, aussi par la croix gammée. Dans une publication toute récente : La

Chine, le Japon et les Puissances (Rieder, début de février 1938), M. Félicien Challaye rend raison, comme il suit, de l'application, au Céleste Empire actuel. de cette expression empruntée à nos XIVe et XVe siècles français. « Les leaders du Kouo ming tang que j'interrogeais alors, 1917 — nous dit ce philosophe grand voyageur, — réclamaient l'établissement d'une république parlementaire fondée sur le suffrage univer- sel jusqu'à cette époque impossible, en tout cas sur un large suffrage (1).

« Les dirigeants du Kouo ming tang ont de plus en plus nettement pris conscience des obstacles s'opposant à la réalisation de leur idéal. L'un, c'est la toute puissance des généraux des tioukinns Strong men, dominant le pays à l'aide de leurs armées les grandes compagnies de la Chine actuelle et luttant les unes contre les autres pour satisfaire leurs ambitions. L'autre, c'est l'humiliant protectorat des Puissances étrangères visant à maintenir ou même à étendre encore leur domination » (supra p. 43).

Ce protectorat (dont nous parlons d'ailleurs plus haut, voir chapitre IV : esprit des provinces) M. Challaye le qualifie d'humiliant mais il omet de nous en donner la raison. Il en a une pourtant : elle est, au fond, bien connue de quiconque s'est occupé de l' Extrême-Orient, mais il convient de la rappeler quand l'occasion se présente. Cette raison, c'est la carence de l'autorité locale. Depuis quelques années, le Gouvernement, dont le siège a été à Nankin, jusqu'à la fin

(1) Op. cit., p. 25. Il nous paraît difficile de concevoir un suffrage quelconque, de même qu'un service militaire obligatoire, un système d'impôts directs sans état-civil. Or, cet élément premier de l'administration manque encore à la Chine en dépit de lois et règlements édictés il y a trois ans et restés encore à peu près lettre morte. V. Supra p. 42.

de décembre dernier, disposait bien de divers codes : code pénal, d'instruction criminelle, de commerce, grâce à la collaboration de M. J. Escarra. Mais il avait, et pour cause, négligé d'organiser des corps de police urbaine, judiciaire ou autres. De sorte que les sentences des rares tribunaux, quand elles venaient a être rendues, demeuraient dépourvues de sanctions, de force exécutoire. Les avisos étrangers sur le Fleuve Bleu n'ont d'autre raison d'être que d'assurer un minimum d'ordre, de protection, aux nationaux, aux missions religieuses des divers pays, autrement sans défense.

Dans son manuel de Politique Etrangère (T. III, Paris, 1906), M. Bourgeois l'expose nettement. Il s'agit ici d'un fait patent pour tout lecteur ayant eu, parmi ses parents ou ses amis, quelque officier de notre marine à bord d'une de nos unités en croisière permanente sur le Yang-Tsé- Kiang ou sur les côtes de Chine, de Canton à Tien-tsin.

Ceci posé, afin d'éviter toute équivoque, voici les titres de quelques publications éditées au cours de ces derniers mois et ayant trait directement aux événements rapportés par la presse de Paris et d'ailleurs, sbus la rubrique générale : le conflit sino-japonais, considéré au point de vue du Droit :

A) Les incidents du Nord de la Chine, 16 pp. in-8° avec un plan croquis de Pékin.

Récit jusque vers le 20 juillet 1937. Editions Baudinière. Début d'octobre 1937. 2 fr.

PAUL MARTIN. — De quoi comprendre les événements d'Extrême-Orient. — Les menées du Komintern.

23 pp. in-8°. Editions Baudinière fin octobre 1937. Deux cartes :

a) Provinces de Chine. Ilôts soviétiques 1934-1935.

b) Cartes des zones d'influence et des routes d'infiltration soviétique notamment vers le Chensi, la 8e armée chinoise. 2 fr.

Contre-Amiral S. YAMAMOTO: Le point de vue catholique sur le conflit sino-japonais. 15 pp., In-8° octobre 1937.

Au mois de décembre 1937, l'Amiral Yamamoto a été reçu par le Saint Père.

Le jour même où je revise l'épreuve de cette page (16 mars), la presse annonce l'arrivée de l'Amiral à Paris. Celui-ci n'a aucune mission officielle. Il voyage comme simple particulier avec l'intention d'expliquer aux nombreux amis qu'il compte dans les milieux catholiques d'Europe, étant catholique lui-même, le point de vue japonais dans le conflit actuel. « Nous n'avons jamais rien manifesté contre le peuple chinois et, au contraire, notre plus grand désir est de collaborer avec lui au développement de son propre pays (Le Temps). Ceci est à rapprocher de ce que M. Roger Labonne fait ressortir dans son livre, cité plus haut, « Le Tapis vert du Pacifique ». Le chapitre IX Le Japon Diplomate, pp. 131-139 est particulièrement instructif à cet égard. « Les autorités chinoises qui, dit l'Amiral, mènent la propagande de haine, doivent faire place à d'autres, et c'est pourquoi, en tête de notre programme nous avons mis le remplacement du gouvernement de Tchang-Kai-Chek par un gouvernement d'hommes raisonnables et compréhensifs ». Franchement, le point de vue de la politi- que de la Nation nippone se défend de lui-même. La Nation française pourrait-elle admettre qu'indéfiniment, en Afrique du Nord, soient prêchés l'hostilité contre elle-même, le boycottage contre ses marchandises ?

Parmi les collègues de l'Amiral Yamamoto on pour-

rait en citer d'autres, chrétiens, par exemple, l'Amiral Tadao Hatano, depuis quelques années à la retraite.

Il y a huit ans l'Osservatore Romano a signalé l'entrée au Vatican de trente-huit toiles dues au pinceau d'un grand artiste jaopnais moderne, M. Seiko Okamoto, retraçant la suite des scènes tragiques où les martyrs chrétiens affirmèrent leur foi. (Croix, 27 fév. 1931).

Au Congrès eucharistique de Buda Pest, mai 1938, le Japon a été représenté par un Comité National présidé par le R. P. Paul Taguchi Katoritiku Chu-O Shuppaubu. Association catholique japonaise.

SEIZABURO TAKAHASKI : Le Japon et les ressources mondiales. In-8°, 47 pages de texte serré comprenant : Introduction. La population du Japon. Industrialisation, colonisation, émigration et commerce extérieur. Les ressources matérielles du Japon. Mandchouko. Le Japon et les ressources en matières premières.

The Foreign affairs Association of Japan, septembre 1937. — Imprimé à Paris, 17, rue Cassette.

Même centre. Imprimé à Tokyo: Why Japan had to fight in Shangaï 50 sen. — 54 pages, deux autres fort claires Chine ( ?) du centre et du nord. Shangaï. Plusieurs croquis.

M. NAOTAKE SATO, ambassadeur du Japon en France de 1935 à 1937. Le Problème de la population et l'industrialisation du Japon.

Conférence faite le 7 février 1936, sous la présidence de M. André Siegfried, de l'Institut, au Cer- cle interallié, devant les membres du centre d'Etudes de politique étrangère, pp. 5-21 de Politique étrangè- re, 2 avril 1936, 13, rue du Four, Paris (VIe). (infra 81).

F.A.A.J. Novembre 1937.

YACORO HOKAO, Managing editor : the economist, Social Po/icy in Japan, 32 pp. in-8°. Historique. Condition présente. Allocations pour les retraites. Santé publique. Assurances. Département de la santé sociale.

SAKUTARO TACHI- LL. D., Professeur honoraire à l' Université de Tokyo : The principle of the open door in China and Mandchoukoo, 33 p., in-8°, 80 sen.

F.A.A.J. décembre 1937.

Maghachira Kimura, editor the economist : Japan's agrarian problems, in-8°, 38 pp., 50 sen; au Japon, en Chine et en Mandchoukouo ; 25 cents aux Etats-Unisi Is, ailleurs.

Tandis que la condition économique de l'agriculture au Japon a été indubitablement défavorable vers le moment de la crise en 1930-31, une revue rétrospective de la situation révèle que le fond de la dépression a été atteint pendant ces années. La situation générale s'est améliorée depuis, bien que le progrès ait été lent. P. 32.

SAKAMOTO N., docteur en droit : L'affaire de Mandchourie, 1931.

TSURUMI (YUSUKA), ancien député, délégué de l'Association japonaise pour la Société des Nations à la XIVe assemblée de l'Union internationale des associations pour la Société des Nations. Le conflit sino-japonais. Le Japon et la Société des Nations. La question de Mandchourie. Le boycottage anti-japonais en Chine. In-8° 1932.

TULLIE (A. R.), docteur en droit : La Mandchourie et le conflit sino-japonais devant la Société des Nations. Gr. in-8°, 1935, avec une carte politique. Librairie du recueil Sirey.

What is involved in the North China situation ?

South Manchuria Railway Compagny Herald Press Tokyo, 29 pp., in-8°, 1937.

The communists... have found in the anti-Japanese slogan on the other tand, a most effective but well camouflaged inroad to an eventual mastery of China, 56.

En appendice, pp. 20-22, résumé très important des textes traités et conventions 1901, 1902, 1933, 1935 déterminant la position spéciale du Japon dans le Nord de la Chine.

The China incident and Mandchoukouo. Id Ibid. 14 pp., 1937.

K. MATSUDAIRA, docteur en Droit, diplômé de l'Ecole des Sciences politiques. Le droit conventionnel international au Japon. Gr. in-8°, 1931, Recueil Sirey.

TOGARI, Capitaine de vaisseau, Attaché naval (1935) près l'Ambassade impériale du Japon à Paris. Louis-Emile Bertin. Son rôle dans la création de la marine japonaise. Recueil Sirey, gr. in-8°, 1935.

M. E. Bertin fut en mission au Japon de 1886 à 1890, soit de 46 à 50 ans. Il fournit les plans des quatre premiers croiseurs de 4.200 tonnes, qui formèrent comme le « noyau » de la flotte militaire moderne du Daï Nippon : Matsushima, Ikitsushima Akitsushima, Hakodate. Deux furent construits à Yokoska près Tokio alors; arsenal fondé en 1868 par M. Verny près Yeddo; un à St-Nazaire, le quatrième en Angleterre.

M. E. Bertin, de retour en France, fut appelé successivement à la Présidence de l'Académie des Sciences à celle de la Commission des constructions navales.

De 1902 à 1924, année de son décès, il fut le président actif et respecté de la Société franco-japonaise.

En 1907 il organisa et dirigea l'Exposition maritime de Bordeaux. Au mois de juillet, une division navale japonaise composée des Croiseurs Tsukuba et Chitosé, sous le commandement de M. le vice-amiral Ijuin, fit, à son intention, escale dans la Gironde, au retour de Londres, où elle avait représenté l'Empire du Soleil Levant aux fêtes du couronnement de S.M. le Roi Edouard VII. Les deux navires mouillèrent entre le Verdon et Royan. Le Tsukuba avait été construit au Japon. Un des officiers, au retour en chemin de fer de Sauternes à Bordeaux, me dit à ce propos: « Nous sommes aussi fiers de ce succès technique que d'avoir gagné la guerre de Mandchourie ».

Ce fut sur le conseil de M. Bertin que le Japon construisit en 1888 sa base navale de Kuré.

François CHEVALLIER. Suite remarquable de correspondances adressées au Temps depuis août 1937. La plus récente, février 1938, a paru dans le n° du 22 février. L'auteur de cette dernière lettre souligne les déclarations faites par le Gouvernement japonais au sujet des droits et intérêts japonais en Chine, à l'occasion de sa décision de rompre avec le Gouvernement (je prendrai la liberté d'ajouter ici le qualificatif pseudo Ed. Cl.) et de traiter avec les Gouvernements autonomes qui se constituent dans les différents territoires occupés par les troupes japonaises. M. F. Chevalier a pris, avec grand succès, la parole devant le Comité de l'Asie Française, fin juillet 1939.

Bulletin d'Information de la Société des « Amis du Japon 12, avenue du Maine, Paris XVe.

Quarante numéros parus du 12 août 1938 au 1er août 1939 (fascicules de huit à dix pages au ronéo). — L'amitié franco-japonaise. — Les résultats militaires après 13 mois de campagne. — Témoignage d'un missionnaire. — Déclaration du Général Louchkov, délégué en Extrême-Orient du Commissariat du peuple à l'inté-

rieur. — Pour la sauvegarde des intérêts français. — La Politique extér. japonaise et ses facteurs économiques.

France Japon. Revue mensuelle de liaison intellectuelle entre la France et le Japon publiée par le Comité Franco-Japonais de Tokio 41, avenue Hoche, Paris. Directeur: Naomichi Sakamoto. — Comité de Rédaction Claude Farrère de l'Académie Française, K. Akiyoshi, T. Watanabe, Rédacteur en chef : Kuni Matsuo. Secrétaire général: Alfred Smoular; 45 numéros, abondamment illustrés, parus depuis le 15 novembre 1934. Plus de cent vingt collaborateurs. Art. Littérature (Haï Kai), Histoire, économie politique. Dans le dernier numéro à signaler notamment : Retour du Japon, par M. Claude Farrère, extrait de son nouveau volume : Le grand Drame de l'Asie. — Le Bouddhisme japonais, par le professeur D. T. Suzuki.

Japan To day. Supplément mensuel pour les pays d'Outre-mer, du grand quoditien de Tokio: Bungeishunju. Consacré à la littérature, aux arts, à la politique.

Edité en anglais, en français et en allemand sous la direction de M. Kan Kikuchi.

Parmi les articles dans notre langue citons dans le n° 5 (août) la culture japonaise par M. D. Banno, dans le n° 6 (septembre arrivé à Paris le 15). La calligraphie comme élément de notre éducation par M. I. Arishima. Il est indispensable de dominer ses nerfs pour tracer comme il convient les traits de pinceau des idéogrammes. « Ce qui est de grande importance pour l'exercice de l'esprit des enfants, c'est la concentration de toute l'attention sur la pointe du pinceau, pendant l'exécution de l'idéogramme », dans le n° 7 (arrivé à Paris le 17 octobre 38), Influence de la Littérature japonaise, par Konzo Nahajima. Dès 1885, Bin Veda s'attacha avec acharnement à la traduction

des Parnassiens, Symbolistes Français. Dans le n° 5, Goethe in Japon von Shosho Chino. Une chaire de littérature allemande a été créée à l'Université de Tokyo en 1894.

JAPONICA. — Piccola Biblioteca Orientale, diretta de L. Magnino. Grotta Ferrata, 1936, XV.

Ouvrage de vulgarisation où l'auteur, en 80 pp. in- 12°, expose d'une plume alerte et compétente les principaux traits du développement politique, économique et social du Japon depuis le dernier tiers du XIXe siècle.

Dans une courte préface, S. E. M. Y. Sugimura, Ambassadeur de Japon à Rome Quirinal, avant de ve- nir à Paris, recommande ce petit livre à ses amis italiens qui pensent à une expansion pacifique rationnelle et concrète de leur noble nation vers l'Asie Orientale.

L'autre déclare, p. 25, que deux facteurs primordiaux dominent la politique nippone dans le continent asiastique. Le facteur démographique et le politico militaire qui voit un grand danger dans l'intervention soviétique dans la République chinoise.

Au sujet du premier de ces deux éléments, M. L. Magnino, professeur à l'Institut oriental de Rome-Naples sera sans doute le premier à reconnaître que la Chine n'est pas destinée à devenir pour le Japon une colonie de peuplement. Ce sont plutôt les Chinois qui seront appelés à peupler l'île de Yeso qui ne compte encore que 2.000.000 d'habitants au lieu de 15 millions qu'elle pourrait facilement nourrir.

Du même : Il fattore geografico nell'evoluzione dei popoli dell' Asia orientale. Rassegna Italiana, Aprile 1938.

Il Giappone e la dottrina pancasiatica. Universo. Ottobre 1937.

La Mongolia i suoi probleme. Instituto Geografico Militare italiano. N° 4, Novembre 1938. XVII.

Du même : Pan'asiatismo e pansovietismo, la vita Italiana. Maggio. 1938 XVI.

The fortnighthy Review, november 1935, Baron Keishiro Matsui, Ambassadeur du Japon à Paris 1916-20, délégué à la conférence de la Paix, à Paris, 1919, Ministre des Affaires Etrangères, 1924. Ambasadeur à Londres, 1925-29. Son article, pp. 514-523, jette un puissant trait de lumière sur les relations anglojaponaises. Le lecteur nous pardonnera de reproduire ici l'analyse déjà, en partie, donnée plus haut.

Nous n'estimons pas nécessaire de discuter sur le point de savoir si les raisons de la législation anti-japonaise dans les dominions britanniques sont de caractère racial ou économique. Nous ne nous soucions pas d'envoyer des émigrants dans ces Etats où l'entrée des Japonais n'est pas désirée... Ayant consolidé sa position à la suite des guerres étrangères successives, le Japon est maintenant, comme il est admis, le « leader » de toutes les races asiatiques et en fait est destiné à servir de modèle pour leur reconstruction et développement, comme nations, ainsi que de leur avancement international. Par suite la croissance et le progrès du Japon affectent la Grande-Bretagne non seulement directement, mais indirectement (p. 518).

Il advint que la tête de la commission d'enquête dépêchée par la Ligue fut Lord Lytton. Ceci fut peut-être une circonstance fâcheuse pour les relations anglojaponaises.

Nous ne laissons pas d'apprécier les sérieux efforts des délégués britanniques à Genève auprès de la Société des Nations; le fait n'en demeure pas moins que la Grande-Bretagne, un des membres les plus influents de la Société, a voté pour l'adoption, par l'Assemblée,

d'une résolution pour la non reconnaissance du Mandchou kouo, et pour la législation du boycottage des marchandises japonaises, résolution qui contribua tant à aggraver la situation dans notre partie du monde ».

Cependant la Grande-Bretagne se vît bientôt dans l'impossibilité d'ignorer ses relations avec l'empire (mandchou) De là l'envoi de la mission (économique) Barnby ».

Dès 1932, en attendant la reconnaissance de jure, qui ne pourra manquer de se produire un jour ou l'autre, le Gouvernement mandchou, à Hsin King avait engagé, officiellement, un conseiller américain et un autre britannique. En fait ces personnalités servaient et continuent sans doute de servir comme « agents de liaison » officieux avec leur gouvernement, pour les affaires économiques. La réalité comporte des « biais » ignorés de la Théorie pure, de l'Abstraction.

Pierre Lyautey — Chine ou Japon in-12, 248 pp. Plon 1933.

Cet ouvrage est le compte rendu, tracé d'une plume vive et experte, d'un voyage accompli d'août 1932 à janvier 1933 du Havre à Marseille par New-York, Kasas City, San Francisco, Tokyo, Osaka, Nagasaki, Pékin, Port Arthur, Kharbine, Shanghaï, Hong-Kong, Canton, le Tonkin et l'Annam.

Mon jeune ami, Mariano de Ortega Morejon, élève à l'Ecole des Sciences Politiques, neveu de mon regretté chef de jadis à Londres, M. André Lequeux, m'a signalé l'intérêt de ce volume et je l'en remercie vivement. Les quelques extraits ci-après, dont le thème se rattache directement à celui de l'article du baron Matsui, pourront sans doute en donner une idée au lecteur, en lui montrant les réactions des affaires d'Extrême-Orient sur celles du reste du monde et notamment les répercussions, les échos de Genève, à Tokyo.

Shanghaï, Moukden et Canton. Chemin faisant, l'auteur décrit le régime des enlèvements de personnes riches, à Shanghaï : le kidnapper agit par mandat du ciel et dans un esprit démocratique; le ciel est épris d'équité et la démocratie suppose le nivellement. Puis, au cours d'une relation brève d'un déjeuner réunissant des marchands d'armes et quelques maîtresses des dits marchands, il nous dit (p. 127): la conversation vint sur le rapport Lytton. « Il est excellent, conclut le marchand d'armes. Je n'ai que le temps de courir en Europe. Ils (ceux du Kouo Ming Tang) vont être obligés de faire la guerre ! L'amie de ce marchand reprend : Cette fois nous la tenons la guerre. Ah ! nous en avons eu du mal ! Il a fallu retenir à Pékin tous ces experts internationaux et bien leur expliquer quels monstres sont les Japonais... ». Trois semaines après, l'auteur, naguère brillant officier de notre cavalerie, est à Canton, dont il marque le caractère chinois faisant contraste avec ce que l'on voit à Shanghaï, à Hong Kong. Il rend visite dans l'année au Lycée français, à M. Chou, commissaire local des affaires étrangères et celui-ci lui tient ce langage : Les Puissances ont des capitaux considérables investis en Chine et elles en ont peu au Japon (P. 226). Elles seront bien forcées de prendre parti pour nous... Nous avons une arme diplomatique et nous tenons à nous en servir. Et puis, les Japonais sont satisfaits; à Shanghaï, mars 1932, notre 19e armée les a surpris et les a quelque peu descendus de leur piedestal militaire. En Mandchourie nos volontaires (c'est-à-dire francs-tireurs guerillas) occupent la majeure partie du pays... (Cf. banditi, pp. 28, 30).

Si nous sommes en guerre avec le Japon, nos généraux seront alors obligés de cesser leurs rivalités personnelles, leurs hostilités de condottieres pour faire un front commun contre l'étranger. L'unité militaire et

politique de la Chine s'affirmera ainsi... Les puissances en intervenant, agiront sur le Japon pour en obtenir des sacrifices dans l'ordre politique ou territorial, etc... ».

Ainsi Tchang sueh Liang comptait sur la S.D.N. en 1931. à Moukden.

Voici la conclusion de l'auteur, publiée en 1933: Le rapport Lytton en donnant à la Chine l'appui verbal de l'Occident vient de faire triompher ici le parti de la guerre et je sens ici des réactions toutes prêtes contre l'apathie du Nord... A Canton, on veut la guerre. Or, la Chine, si misérable, a besoin avant tout d'ordre, de sécurité, il lui faut procéder à sa reconstruction économique ou plutôt à sa construction tout court ».

M. Pierre Lyautey, répétons-le, écrivait cela il y a cinq ans. Nous ne pouvons que le féliciter de sa clairvoyance. Ses déductions s'appuyaient sur des données directes, recueillies sur place. Elles gardent aujourd'hui toute leur signification, toute leur valeur.

Sur un point seulement le distingué écrivain semble ainsi laissé subsister une lacune dans son analyse : le concours du Japon paraît indispensable à la Chine pour sa réorganisation.

André L. AVERDOINGT. Une Croisière en Extrême-Orient. 108 pp. in-4 couronne. Edit. de la Jeune Académie, 1938.

Notes prises au cours d'une très rapide traversée France-Japon et retour par Hong Kong, Shanghaï effectuée Octobre 1935-Janvier 1936 à bord des paquebots des Messageries Maritimes Aramis (de Marseille à Kobé, 7 Octobre-12 Novembre) et André Lebon (Décembre 1935-7 Janvier 1936).

A Shanghaï au début de Novembre 1935, l'auteur raconte qu'il est allé avec sa femme, dans les faubourgs de la ville visiter les institutions charitables des Pères Jésuites. Près de leur observatoire de Zi-Ka-

Waï, à la porte de leur hôpital, on avait ramassé ce jour-là vingt-huit nouveaux-nés chinois, pour la plupart des filles; une fois nettoyés et habillés, avant de les mettre dans leur berceau, ils sont en quelque sorte étiquetés afin de les reconnaître toujours, puis avec le baptême ils reçoivent un nom. Ils sont des centaines et des centaines, dans des dortoirs immenses, sous la surveillance des religieuses.

A mesure qu'ils grandissent, ils apprennent des métiers de toute sorte, dentelles, broderie ou tapis; ils aident les religieuses, puis se marient entre eux, étant tous catholiques ; ils vont alors fonder un honnête foyer dans les environs, et vivent de leur profession.

Le service sanitaire de la ville ramasse, annuellement, le matin dans les rues, plusieurs milliers de cadavres d'enfants morts, et, quand on y songe, c'est absolument effarant.

Mais que dire du récit d'un père jésuite habitant le Nord. Il m'expliquait que les Chinois jettent spécialement les filles sur le fumier où elles sont souvent mangées par les porcs. L'intérêt l'emporte sur l'instinct de la bête.

Sur le Yang-Tsé-Kiang, ou ailleurs, chaque chef de bandits exploite une région, et les bateaux paient une redevance à divers endroits, pour ne pas être rançonnés, à moins qu'à ce moment-là ne se trouve une canonnière européenne fortement armée, que les bandits respectent, et qu'ils laissent passer avec le bateau. Cf. Supra pp. 68-72, parcours Hankeou Tchong king.

Doux pays que celui-ci qui, jadis, fut le plus civilisé du Monde, mais où le brigandage s'étend avec le communisme, au fur et à mesure que disparaît le contrôle européen.

Quand nous arrivâmes à L'Aramis on commençait

à être inquiet à notre sujet ; mais je leur dis que notre guide nous ayant fait passer pour des diplomates, nous étions en sûreté partout. Les bandits chinois n'aiment par les histoires, et pour eux un diplomate peut être aussi bien un ambassadeur qu'un simple vice-consul qui n'est même pas de carrière.

(Cela n'empêche pas que pendant l'été de 1932, la mission Lytton, de la S.D.N. ne put se rendre par le chemin de fer, de Hankéou à Pékin).

Le lendemain, nous quittons Changhaï, après y avoir laissé M. et Mme Pila qui devaient faire leur entrée d'une manière plus représentative, dans les eaux japonaises, sur le croiseur français Primauguet.

M. Averdoingt rentra en France par le paquebot suivant, l'André-Lebon, de la ligne des M. M., partant de Kobé vers le 1er décembre 1935, pour arriver à Marseille le 7 janvier 1936.

Il note en passant par le Nouveau Changhaï (chinois) un vaste Hôtel de Ville, style pagode, édifié là, évidemment, à titre de réclame.

Chan Chung Sing. Les Concessions en Chine. Thèse pour le doctorat. — Jury : Président, M. Geouffre de Lapradelle; suffragants : MM. Basdevant et Rolland.

Dans son introduction l'auteur dit : Depuis l'ouverture de la Chine au commerce européen, les étrangers non asiatiques ont obtenu le droit de résider dans les ports et villes chinoises dits à trenté.

Les Concessions ne sont pas dans l'histoire propre à la Chine...

En 1537, les Portugais continuèrent d'être admis à Macao. Sous le signe du commerce et du jeu.

Après un accord de principe en 1844, une proclamation de Tao tai du 6 avril 1844 détermina les limites de la Concession française.

Dans les premiers temps cette Concesison fut admi-

nistrée par le Consul de France (M. de Montigny 1842-1852) puis fut soumise au régime commun de Sand Régularisation, 1854. Elle se sépara de la Concession Internationale en 1862 et, depuis 1868, elle est dotée d'une municipalité propre. Qui dit municipalité dit école de la république. S.P.Q.R. célèbre groupe d'initiales transformé à Anvers en S.P.Q.A, à Bruxelles en S.P.Q.B., à Amsterdam en S.P.Q.A, à Malines en S.P.Q.M. Les premières Municipalités fondées dans le Nouveau Monde par les Espagnols étaient considérées par eux comme des Républiques. Par exemple, voir dès 1544 les actes de la Municipalité de Quilo.

Chan Chung Sing. — Les Concessions en Chine. Presses Universitaires de France, 1925.

Thèse pour le doctorat en droit, le jury étant ainsi composé: Président: M. Geouffre de Lapradelle; Assesseurs: MM. Basdevant et Rolland.

LIN YUTANG. La Chine et les Chinois. Préface de Jean Escarra. Avant-propos de Pearl S. Buche. Avertissement de l'auteur. Traduction de MM. S. et P. Bourgeois. 396 pp. in-8, Payot, mars 1937.

L'ouvrage est divisé en deux grandes parties, savoir : 1° Les Bases (pp. 17-148), avec quatre chapitres, le peuple chinois, le caractère chinois, la mentalité chinoise (intelligence, féminité, défaut d'esprit scientifique, logique, imagination), idéal de vie (religion); et 2° La Vie (149-392) ou plutôt les divers aspects de l'existence; vie de la femme (ou des femmes), vie sociale et politique, vie littéraire, vie artistique (calligraphie), l'art de vivre (bien manger et bien boire).

Dans sa préface M. J. Escarra s'exprime ainsi: « On sera d'abord sensible à la sévérité exceptionnelle avec laquelle M. Lin Yu-Tang juge sa nation.

Justement fier de sa grandeur, il ne s'en dissimule pas les misères ». (Reste à savoir quelle est sa zône ?).

Ce à quoi l'auteur fait écho par cette phrase de son avertissement en date de Changhaï, sans doute il y a cinq ou six ans : « Je n'écris que pour ceux qui possèdent ce solide bon sens qui fit la réputation de la Chine ancienne et qui est si rare de nos jours ». Cette résonnance cartésienne dans l'antique Empire du Milieu est assez inattendue, avouons-le. Mais sans doute M. Lin Yu-Tang n'entend-il pas le terme bon sens tout à fait de la même façon que l'auteur du Discours de la Méthode.

Les quelques extraits suivants tirés de la IIe partie La Vie (chapitre VI) pourront donner une idée de l'esprit dans lequel M. Lin Yu-Tang a écrit.

Les éléments qui constituent la vie sociale européenne tels que sports, politique, religion, se font remarquer par leur absence. Pas d'église, pas de monde religieux. Les Chinois s'abstiennent consciencieusement de parler politique. « Ils ne procèdent pas par élection, et ne font pas de politique de café. » (p. 186). L'auteur omet de dire qu'il y a à cela, entre autres, une raison majeure : le café est encore à peu près inconnu dans les classes populaires, au pays du thé.

Chaque famille en Chine est, en réalité, une unité communiste guidée dans ces activités par le principe « Fais ce que tu peux, prends ce qu'il te faut » (p. 195).

Il se peut que la corruption ou squeeze soit un vice public, mais elle est certainement une vertu familiale.

Selon Ku hong ming, la conjugaison la plus courante dans la grammaire chinoise est celle du verbe : « to squeeze ». On peut ajouter : « to kidnap ».

Si étrange que cela paraisse, le communisme chinois engendre l'individualisme chinois et l'esprit de

famille, poussé à l'extrême, aboutit à une cleptomanie générale teintée d'altruisme. La cleptomanie peut parfaitement aller de pair avec la plus grande probité personnelle et même la philanthropie, ce qui n 'a rien d'anormal même en Occident.

« En Chine, le vol au Trésor National n'entraîne aucun châtiment » (p. 197).

En cela M. Lin Yu Tang se rencontre avec son confrère nippon M. Kawakami qui, dans son ouvrage Chine-Japon cité plus haut, fait ressortir presque dans les mêmes termes la corruption, les exactions de tant de fonctionnaires au pays de Confucius.

« Un gouvernement de la Chine à la façon de Confucius et de son inadéquate morale a toujours été l'un des gouvernements les plus dépravés que le monde ait jamais connus ». L'auteur a d'ailleurs soin d'ajouter que « les fonctionnaires chinois ne sont pas plus corrompus que ceux d'Occident ». Chacune de ces deux assertions paraît si peu conciliable avec l'autre qu'elle semble plutôt se hérisser par l'effet seul de la comparaison avec sa voisine. Selon le jeune auteur à qui manifestement l'aplomb ne fait pas défaut, le remède, pour avoir au moins un semblant de gouvernement in- tègre consisterait simplement à traiter les fonctionnaires en escrocs (p. 231).

Mais cette rapide revue du curieux ouvrage de M. Lin Yu Tang risquerait de nous entraîner bien loin. Avant de conclure, notons incidemment que les neuf chapitres du livre, autant que j'en ai pu juger, ne font aucune mention de ce qui constitue, en dehors de l 'Etat, réduit, nous le savons, à l'état de décor, l'armature des populations chinoises, je veux parler des corporations, congrégations et sociétés secrètres. C'est une assez sérieuse lacune.

Revue des Ambassades. — (Janvier 1938)

Dr. F. A. LEGENDRE. La vraie situation en Chine.

« Qui donc a voulu cette guerre dont les suites peuvent être si redoutables pour la Chine et des plus dangereuses pour la paix générale ? Qui l'a voulue ? Mais le Kouo Ming Tang et en particulier son aile communiste qui s'impose partout grâce à l'or soviétique ».

...« Mais la guerre contre le Japon c'est de la part de la Chine pure folie. Certaine propagande nous parle sans cesse d'une Chine transformée, d'une Chine forte, « unifiée ». Quelle duperie ! L'Empire Chinois n'a jamais constitué une nation au vrai sens du mot ».

L'auteur est bien connu pour sa compétence en fait de choses d'Extrême-Orient et de Chine en particulier, dont il a une expérience exceptionnelle. Il y a plus de trente ans, en 1905, il était Directeur de l'Ecole impériale de médecine à Tcheng tou, capitale du Sze Tchuen, sur le Kia Ling Tang, affluent de gauche du Yang tse Kiang. Depuis, comme chargé de diverses missions il a parcouru le pays en tous sens, possédant la connaissance non seulement du Kouan hoa ou langue mandarine, mais de plusieurs dialectes. D'autre part, il a résidé, en toute indépendance, au Japon. Dans son livre si substantiel, si nourri, l'Asie contre l'Europe (Plon 1932), il soutient et démontre cette double opinion : c'est une illusion de croire que Nankin va rétablir l 'ordre (p.92); l'unification de la Chine est une mystification (pp. 276-280).

Il émet l'avis que les Chinois ne sont pas 500 millions comme on le croit généralement mais 260 (p. 93) et en outre l'appendice pp. 361 à 367 traite spécialement le sujet : La population de la Chine est-elle aussi considérable que le disent nos classiques ?

Il rappelle que les Chinois ont révoqué par mesure unilatérale les traités inégaux 1930, mai 1931 (p. 338). La troisième partie (pp. 101-248) est consacrée au Japon. Le lecteur trouvera grand profit à y avoir recours

directement. Voici quelques extraits du chapitre V (Avenir du Japon).

L'ordre, la paix que le Japon a fait régner sur la Mandchourie aux heures les plus troubles de la révolution chinoise n'ont pas peu contribué à la transformation économique de cette vaste et riche contrée. En dehors des deux grandes industries du charbon à Fus-hum et du fer à An Shan, on a vu, grâce aux capitaux japonais, se développer les entreprises de céramique, des huileries et savonneries, etc... L'électricité, le gaz ont fait leur apparition.

Mais le Japon ne pouvait perdre de vue la question alimentation. Il a donc établi des fermes modèles et pratiqué activement la sélection des céréales et des animaux, sélection ignorée du Chinois.

Il a introduit avec succès la culture de la betterave à sucre.

Une des œuvres japonaises les plus utiles a été le reboisement de la Mandchourie méridionale dévastée par l'indigène, complètement dénudée avec les graves conséquences qu'on devine : inondation, sécheresse. Le Japonais, depuis qu'il protège le territoire, a planté un total de 80 millions d'arbres, d'essences de valeur, comme le pin, le chêne, l'érable, l'orme, le noyer sauvage, etc. Il a insufflé à ce pays une nouvelle vie dont la Jeune-Chine, en particulier, les politiciens du Kouo Ming Tang, ne lui sont guère reconnaissants: au contraire. Même Tchang Sueh Liang (1), le jeune et sympathique dictateur de Mandchourie, laisse revenir son antipathie pour le Japonais. Cependant, c'est grâce à celui-ci, et rien qu'à lui, que la Mandchourie doit aujourd'hui, non seulement sa prospéritié, mais encore et

(1) La suite des événements n'a pas confirmé l'optimisme du Dr Legendre à l'égard de ce personnage (V. supra, p. 67).

surtout son indépendance. Sans le Japon, ce vaste territoire, d'une si grande importance stratégique et économique, vrai glacis et grenier de la Chine du Nord, serait maintenant terre russe, terre soviétique.

J. C. BALET, Que veut le Japon ? Que veut la Chine ? Préface de Georges Leygues, fac simile d'un autographe du Général Nogi. Edition du temps présent. Paris 1931, une carte.

Exposé très méthodique du problème d'Extrême-Orient, en neuf chapitres, un avant-props et une conclusion.

Les faits présentés après vérification et contrôle soi- gné eussent été propres à éclairer la S.D.N. Mais celle-ci paraît en avoir tenu peu de compte (p. 113) l'auteur nous dit : Dans la nuit du 18 septembre 1931, une centaine de malandrins qui furent reconnus pour des soldats réguliers de l'armée mandchoue, de Chang Sue Liang s'amusaient à détruire la voie ferrée du chemin de fer japonais du sud mandchourien. Ce n'est pas d'ailleurs la première fois.

L'armée Mandchoue s'élevait à 200.000 hommes soutenue par un arsenal parfaitement équipé par des Allemands à Moukden. Les gardes-voie japonais de Port-Arthur à Chang chung ne pouvaient dépasser 15.000.

Cependant, nous dit M. Balet, le jeune maréchal Chang Sué Liang qui — selon le Temps du 20 octobre est emprisonné à Heng Yang Hounan depuis juillet 1938 — alors à Pékin fit savoir à ses troupes que le mieux était de s'abstenir. Cela, M. Herbert Böcher, cité plus haut, p. 17, nous le confirme pleinement ajoutant que le maréchal lui a sérieusement affirmé le 26 septembre 1931 que la S.D.N. allait faire déguerpir les japonais, assertion qui d'ailleurs ne devait pas être maintenue plus de quarante-huit heures.

Selon M. Gilbert Stiebel dont nous signalons plus loin le curieux ouvrage l' Enfer Céleste, 1931. Tchang Sueh Liang au cours d'une de ses visites à Paris où il a mené joyeuse vie aurait gagné la cravate de la Légion d'Honneur ! Il nous a paru difficile de le vérifier, mais l' Echo de Paris du 14 décembre 1936 en contient la preuve.

Du même : Quelques mots sur le Dodoitsu (poèmé de quatre vers, en tout vingt-six syllabes). France-Japon, n° 36, Décembre 1938.

Paul SIMON, Professeur d'Economie Politique, à Liége et à Verviers. La guerre en Extrême-Orient. Réponse à Mgr Paul Yupin, vicaire apostolique de Nankin, 64 pp. in-12 couronne, 14 photogr. G. Leens, édit., Verviers.

Mgr. Yupin était en France en février 1939. Une brillante réception a été offerte en son honneur, à Versailles, par S.E.M. le Comte de Fontenay, ancien Ambassadeur auprès du Vatican.

Politique Etrangère, périodique publié par le Centre d'Etudes de Politique Etrangère, 13, rue du Four.

N° 3, juin 1938. Robert LEURQUIN, agent d'information du Ministère belge de la Guerre : Stratégie de la Guerre sino-Japonaise et intérêts européens (pp. 266- 279). Cf. Tribune des Nations du 15 décembre 1936.

P. 270. Il n'y a pas d'armée chinoise. Il y a cent soixante divisions réparties entre les divers seigneurs de la guerre (les strong men, dont nous avons parlé plus haut, les tiu Kihns). Hormis les vingt-cinq divisions de Chiang Kai chek, les autres ne sont que des hordes sans cadres, sans ravitaillement, sans service d'Etat-Major et sans solde depuis cinq mois, beaucoup plus redoutées par le civil chinois que par l'envahisseur. Les grades y sont distribués avec une fantaisie qui leur enlève toute signification militaire ».

« L'armée japonaise constitue un des meilleurs matériels humains qui soit, si pas le meilleur ».

N° 5. Octobre 1938. Keuzo TAKAGANAGI, Professeur à l'Université de Tokio : Observations sur le conflit d'Extrême-Orient (pp. 460-467).

« Depuis le conflit sino-japonais, non seulement la Russie Soviétique, mais l'Angleterre, les Etats-Unis et d'autres nations occidentales se sont montrées peu favorables au Japon. Tout naturellement les Japonais qui désirent avoir des amis, se sont rapprochés des pays qui leur restaient compréhensifs. Il n'y a là rien de surprenant. Mais cela ne veut pas dire que le Japon soit un Etat totalitaire.

Je crois qu'après la chute de Hankéou, une œuvre constructive pourrait être entreprise.

Si, au contraire, la Grande-Bretagne et la France entretenaient en Extrême-Orient l'antagonisme qui divise le Japon et la Chine (Kuo ming tang) les résultats seraient désastreux pour toutes les parties intéressées ».

North Chinese Graphic, June 1938, vol. 1-3, périodique de 24 pp., in-4°, abondamment illustré de photographies.

Les articles (en idéogrammes chinois combinés, avec l'écriture phonétique japonaise), comme les images ont pour thème général : le retour de la paix dans le centre de la Chine. Voici quelques-uns des titres (d'après leur version en anglais) Liang Hung Chieh, Président de la commission exécutive du Régime Nouveau, Nankin;

Bibliothèque des sciences modernes à Pékin ; Entraînement professionnel pour les orphelins à Pékin; fabrication du verre; aide du Japon au redressement de la vie rurale ; distribution de graines, réparation des voies ferrées, organisation des transports ; marchés, etc... Production de la soie.

L'auteur du présent essai n'a pas attendu aujourd'hui pour manifester son opinion quant au caractère factice de la Chine en tant qu'Etat et quant à la méprise commise lorsqu'on la considère comme une nation au sens où ce terme est entendu depuis la Révolution française, c'est-à-dire comme réservé à un peuple sa-chant se gouverner lui-même.

Exemples d'articles en ce sens :

Ambassades et consulats, novembre 1931 ; Commerce, 21 février 1933; Minuit-Journal, 26 septembre 1933. l'Amitié franco-japonaise vue de Hollande.

Agence diplomatique et coloniale, janvier, mars, juin 1936, notamment: Sauver la race, 30 janvier 1936; L'avènement du Japon dans l'économie générale du monde, 13 février 1936, à propos de la conférence donnée, le vendredi 7, au cercle Interallié, par Son Excellence M. N. Sato, ambassadeur du Japon. V. Supra p. 78.

B) Incidemment, les auteurs suivants peuvent être recommandés en toute confiance au lecteur attiré par la vie littéraire et artistique, par l'étude des rapports intellectuels entre l'Occident en particulier, la France et l'Extrême-Orient, nommément le Japon. Il est entendu d'ailleurs qu'il ne s'agit ici que d'un simple hors-d'œuvre destiné à relever ou simplement à varier quelque peu le ton général, peut-être un peu austère de ces notes.

SOUEO GôTO, professeur à l'Université Keio, L'influence française au Japon depuis l'époque des Tokugawa jusqu'à la guerre sino-japonaise. Cette étude fort érudite, extraite du Bulletin de la Maison franco-japonaise, t. VIII, n° 2-4, juillet 1937 est

dédiée à la mémoire de M. Sylvain Lévi, très regretté directeur français à la Maison franco-japonaise de Tokyo.

OKAKURA KAKUZO, Le livre du thé, traduit de l'anglais par Gabriel Mourey, illustrations de Loka-Hasegawa, 1927, André Delpeuch.

« Le culte du thé, institué au XVe siècle par le Ja- pon. est fondé sur l'adoration du beau parmi les vulgarités de l'existence. Il est essentiellement le culte de l'Imparfait puisqu'il est un effort pour accomplir quelque chose de possible parmi toutes les choses im- possibles que nous rencontrons dans l'existence... » La devise attribuée par V. Hugo aux conjurés d'Hernani : Ad augusta per angusta pourrait lui convenir.

Michel REVON. Anthologie de la littérature japonaise. Delagrave, 1912.

KUNI MATSUO, en collaboration avec RYNKO KA-WAJI et Alfred SMOULAR. Histoire de la littérature japonaise des temps archaïques, IIIe, IVe siècles de notre ère, à 1935, 225 p. in-12, Société française d'Editions littéraires, Paris, Bibliothèque du Hérisson.

Albert DOUSDEBÈS. Tchou chin goura ou Une ven- geance japonaise, traduction française, d'après l'anglais de Frederick V. Dickins. 29 gravures sur bois exécutées au Japon par des artistes japonais tirées en trois tons, noir, gris, bleu, sur papier japonais poudré d'argent, 220 p. grand in-8°, Paris, P. Ollendorff, 1886. C'est le célèbre drame des 47 ronins (chevaliers errants). Une nouvelle traduction :

Tchikamatsu, a été donnée par Ch. JACOB, 418 p. in-8°, Paris, E. Leroux 1929.

TORMIA. Voyage au Japon. Figuière, 1927. couronné par l'Académie française.

Geneviève MORITA (auteur de l'ouvrage précédent).

Un coup d'œil sur la musique et la danse traditionnelles au Japon. Tokyo, 1937 ; illustrations en couleurs par le Maître Someï Yuki, membre de l'Académie des Beaux-Arts, Tokyo.

KIKOU YAMATA. Vie du général Nogi. Lib. Gallimard, 1931, in-12, 128 pp.

Du même auteur qui, de par ses études, comme de par sa naissance, possède une connaissance exceptionnelle de l'un et l'autre peuple: Le Genji, traduit d'un roman du XIe siècle (Plon), Masako, Le Shoji (Stock), Ballades et Promenades (Tokyo, 1918). Sur des lèvres japonaises, poèmes et légendes de No, préface de Paul Valéry. Le Divan, 1924. La trame du Milan d'or (Stock), etc.

M. SATO, l'un des fondateurs de la Revue France-Japon, Directeur de la Maison du Japon à la Cité Universitaire.

Choix de poésies traduites du japonais et publiées sous les auspices de (Hai-Kaï), de l'office pour la collaboration intellectuelle. Palais-Royal, 1936.

Kuni Matsuo et Steinilber-Oberlin. Les Hai kai de Kikakou. 344 pp., in-12. Les éditions Crès, Paris. 1927.

Environ trois cents haikaï traduites — avec commentaires — de Enomoto Kikakou, célèbre auteur de nombreux recueils de ces poésies courtes en dix-sept syllabes qui sont le propre du Japon. Né en 1658 dans la province d'Omi, Kikakou vécut beaucoup à Edo (Tokyo). Il mourut à 49 ans, ayant eu pour maître le célèbre poète Basho (1643-1694) dont il resta toujours le disciple favori.

AKIMASSA NAKANISHI, poète, critique littéraire. Pourquoi j'aime la France, dans « Revue Franco-Nipponne », 5e année, n° 12, janvier 1930. Dans Le même numéro, H aikai, par René et Henri DRUART.

Midori no Sato (1929). Pincements de cordes (1921- 1924).

D'autres essais de haikai en français, notamment par J. VOCANCE, sont donnés dans la Revue « France-Japon », n° 20, 1936.

Gilberte HLA-DORGE, docteur ès lettres de l'Université de Paris, diplômée de l'Ecole des Langues orientales. Une poétesse japonaise au XVIIIe siècle: Kaga No Tchiyo. Avec préface de M. Michel Revon, ancien professeur à la Faculté de Droit de Tokyo, professeur à la Faculté des Lettres de Paris. Paris, G. P. Maisonneuse, 1936, 254 pp., grand in-8°.

André BEAUJARD, docteur ès lettres. Les notes de chevet de Sei Shonagon, dame d'honneur au Palais de Kyoto (environ l'an 1000). Préface de S. E. M. Adatci. — Maison Neuve. 1934, 330 p., in-8°.

Shei Shonagon, son temps et son œuvre. Préface de Michel Revon, même éditeur, 1934. — 378 pp., in-8°.

Baron N. MATSUDAIRA, docteur de l'Université de Paris. Les fêtes saisonnières au Japon (Province de Mikawa). Etude descriptive et sociologique. Paris, G. P. Maisonneuve, 1936, 176 pp., grand in-8°.

Georges BONNEAU, docteur ès lettres, ancien professeur à l'Université impériale de Kyoto, ancien professeur à l'Institut franco-japonais du Kansai. La sensibilité japonaise. Tokyo, l'auteur, 1934, Kokusai Shuppan Insatsuka, 400 pp., in 18°.

Emile LUTZ. Les grains du collier. 1932.

Notre compatriote, lettré délicat, a transposé en français l'art des poèmes japonais de 31 et 17 syllabes, tankai, haikai. V. Bulletin de la Société franco-japonaise, n° 71, 1931.

Léon QUENEHEN, de la société des poètes français. Sonnets japonais, in-8° couronne, 40 pp., Lagache, Nanterre, 1934.

Début de l'avant-propos. Depuis longtemps déjà le Japon attire les archéologues et les artistes, les explo- rateurs, le savants et les hommes de lettres.

La France peut compter parmi les nations qui se sont le plus intéressées à son histoire, à ses mœurs, à sa physionomie ethnologique, etc »

Selon une méprise assez fréquente mais qui n 'en est pas moins une méprise, M. Quenehen croit que jusqu'en 1868 le Japon était jalousement fermé aux Européens.

Dès 1549-1550 St François Xavier put librement prêcher l'Evangile dans Kiou Siou.

En 1866 le Gouvernement du Shogun avait appelé à Yeddo une mission militaire française comprenant les futurs généraux Chanoine, Brunet, etc., M. Léonce Verny, ingénieur des constructions navales de France, organisait l'arsenal de Yokoska.

S. E. M. YOTARO SUGIMURA, ambassadeur du Japon en France. L'evoluzione del Giappone, Instituto italiano per el Medio e Estremo Oriento. Roma 1937.

L'anima Giapponese. Napoli, 1937 (R. Instituto superiore Orientale).

Pourquoi la France est-elle pour moi une seconde patrie? « France-Japon », novembre 1937.

Dans de précédents articles, comme l'a montré M. de Tessan (v. supra, p. 23), l'auteur, ancien délégué du Japon à la S.D.N., a émis avec netteté cette idée essentielle qu'un effort de compréhension est indispensable de la part de bien des esprits en Occident. pour arriver à concervoir la valeur intellectuelle et morale de l'Empire du Soleil Levant, le respect auquel il a droit à l'égal des principaux parmi les membres du Concert des Nations civilisées, dans l'ordre spirituel aussi bien que dans le temporel, s'entend. A environ un demi-siècle de distance, cette pensée si sage, si humaine fait écho à celle que MM. H. Gauthier et

A. Desprez formulaient déjà dans leur Guide à l'Exposition de 1878: « La nature humaine n'est-elle pas la même partout ? Elle est seulement plus ou moins cultivée, civilisée (j'ajouterai : éprise d'idéal). A cet égard, les Fils du Soleil Levant ne le cèdent à aucun peuple » (1).

A propos de l'effort de compréhension qu'avec raison S.E. M. SUGIMURA sollicite de la part de l'Occident, notons pour être juste que son rôle, sa nécessité ont été non seulement connus mais mis en application. depuis asez longtemps déjà, depuis plus d'un siècle, En effet, sans remonter à St François Xavier qui déclarait les Japonais « délices de son âme », nous voyons au XVIIIe la première société Asiatique fondée par les Hollandais à Batavia en 1781. Cette société a publié des Verandelingen de 1780 à 1845. Au cours du XVIIIe siècle la Compagnie néerlandaise des Indes orientales a envoyé à Yeddo plusieurs ambassades importantes dont les chefs, des savants, ont rapporté des relations fort intéressantes. Tout le monde connaît les remarquables travaux accomplis là-bas par von Siebold, médecin de la même Compagnie en 1829-1830 puis en 1859-1860.

La Société Asiatique de Paris a été fondée en 1822, l'Asiatic Society à Londres en 1823.

Ces Compagnies avaient trouvé leur modèle dans le groupement créé dès 1781 à Batavia pour l'étude généralisée des civilisations philosophiques et artistiques de l'Extrême-Orient.

Depuis bientôt quarante ans, le Louvre possède une remarquable section d'Extrême-Orient dont les principaux éléments ont été constitués par les collections Grandidier. L. Gonse, Marteau, Vever, par les résul-

(1) V. Ed. Clavery. Les Estampes Japonaises en cou- leurs. Génie Français, 1935, p. 57.

tats des explorations et fouilles pratiquées par MM. P. Foucher 1895-1897 (Ghandara) Paul Pelliot dans le Turkestan 1906-1909.

Si l'Encyclopédie de Diderot est assez sommaire quant au Japon, il n'en est plus de même pour le La-rousse de 1865 pour la Grande Encyclopédie vingt ans plus tard, l'Encyclopedia britannica 12e, 14e Editions, les œuvres analogues en Allemagne, Italie, etc...

Désormais, l'immortelle parole « Aimez-vous les uns les autres » doit de plus en plus être complétée et confirmée par celle-ci « Comprenez-vous les uns les autres ». Le lecteur en veut-il une preuve directe parmi tant d'autres qui ne manqueront pas de s'offrir à son esprit? Dans son numéro de Juin-Juillet 1937, la Vie Intellectuelle, le périodique fort apprécié publié depuis dix ans d'abord à Juvisy, puis à Paris par les fils de St Dominique, a donné sous ce titre : Un philosophe chinois, une pénétrante étude, analyse de la thèse de doctorat du P. Wang Tch'ang tche : la philosophie morale de Wang Tang ming, quelque peu postérieur à Confucius.

Si l'espace ne m'était mesuré, il serait intéressant de résumer ici le chapitre où le Rév. Parker Walsingham, dont nous avons invoqué plus haut l'autorité, a consacré aux Classiques Chinois, dans ses remarquables Souvenirs de vingt ans de mission en Chine, à Foutchéou, Pékin, etc. L'esprit qui l'inspire est semblable à celui des Pères de l'Eglise qui savaient reconnaître des éléments chrétiens dans les œuvres des philosophes et des poètes de l'Hellade et de Rome. Le principe de la conscience est le même à travers toute l'humanité. St Paul l'a dit à peu près en ces termes voici bientôt deux mille ans. Telle est la conviction du Révérend missionnaire, de l'Eglise anglicane, M. A. de l'Université de Dublin qui de 1897 à 1919 a prêché l'Evangile dans l'antique Empire du Milieu, où Sun

yat sen proclamèrent, surtout pour la forme, en 1911 une République plus ou moins teintée de marxisme.

Il est certain que quelques progrès se sont accomplis, dans l'inter-compréhension des peuples des divers continents et des diverses latitudes, depuis le temps encore très pâle où, dans un ouvrage imprimé à Paris au début du règne de Louis XIV, on pouvait lire ceci. (Histoire du Temps, août 1647, novembre 1648, p. 28), Paris, MDCXLXIX : « La gloire du Roi des Français étoit de commander à des personnes libres, que son règne et sa domination n'estoit pas semblable à celle des Princes barbares de la Chine et du Japon qui commandoient à des peuples qui n'avoient que le visage d'hommes! ».

Invraisemblable, mais textuelle, une telle phrase laisse entrevoir la profondeur de certains préjugés de jadis, qui peut être n'ont pas encore entièrement disparu aujourd'hui (ex : conférence aux Ambassadeurs, 6 décembre 1938).

N'oublions pas d'ailleurs que quatorze ans plus tôt, dans son discours de la Méthode, Descartes avait écrit « que le bon sens est la chose du monde la mieux partagée » et que peu après son arrivée à Nagasaki, St François Xavier s'exprimait ainsi au sujet des habitants de l'île où il rencontrait toute liberté pour prêcher la foi du Christ. « Japoneses deliciæ animæ meæ ».

En 1879, a paru chez Alphonse Lemerre, sans nom d'auteur, une petite plaquette ; Le Japon artitisque et littéraire, faisant écho, sans aucun plan prémédité, bien entendu, d'une part à St François-Xavier au XVIe siècle, à S. E. M. Y. Sugimura, au XXe siècle, de l'autre. Les sept brefs chapitres (66 pp. petit in-16) traitant des laques, des céramiques, des peintures, sculptures, du théâtre (les 47 Ronins), des fleurs, des romans, des poésies la plupart inspirées par la lune (Toki-no-ki) sont dédiés aux artistes. La conclusion

n'est pas exempte d'un certain pessimisme, heureusement démenti par les faits : « l'exportation avilit les produits modernes de ce pays et les Japonais arriveront, comme les Chinois, à ne plus façonner, au lieu de boîtes laquées, que des boîtes en carton peint ».

L'âge d'or de l'art a fait son temps au Japon; l 'âge de fer de l'industrie commence ».

Ceci a été écrit il y a soixante ans ; le lecteur réagira de lui-même.

Sans doute se souviendra-t-il d'une prouesse accomplie il y a deux ans par d'héroïques techniciens nippons et qui ne pouvait, du reste, être prévue en 1879 même en Europe. Je veux parler du vol parfaitement calculé et préparé par les pilotes du Kamikazé M. M. Iinuma et M. K. Tsukagoshi qui, en dix jours à peine, ont rattaché Tokio à Londres et, en moins de temps encore, ont accompli le trajet de retour. L'industrie et l'art de l'aviation, le rêve d'Icare revenu réalité n'impliquent-ils pas à la fois science, poésie et vaillance ?

Plus récemment encore, comme signe du temps, relevons avec satisfaction qu'une des premières expositions des artistes japonais modernes, peintres, sculp- teurs, graveurs, décorateurs, auteurs d'œuvres pour la publicité a été ouverte en plein cœur de Paris, à la Galerie Bernheim Jeune, du jeudi 15 au vendredi 30 décembre 1938, sous la direction de M. K. Hasegawa, parisien depuis plus de vingt ans. Y ont pris part environ soixante-dix artistes se rattachant aux écoles les plus diverses de la peinture à l'huile, depuis MM. Kono, Kaminagai, Missori Okhane jusqu'à M. Touroumi, Mlle Masako Matsumoto. L'influence de Van Gogh se révélerait dans certains paysages. M. Rikizo Takata fait vivre sur sa toile un aspect de l'Acropole d 'Athènes, harmonieux ensemble de l'Erechteiôn et du Parthénon, en tonalité grise légère.

Au printemps de 1922 une importante exposition d'art japonais, au Grand Palais, sous le patronage de MM. Raymond Poincaré, Président de l'Instruction publique et de S. S. M. le Vicomte Ishii, Ambassadeur du Japon, comprenait trente-six peintures à l'huile, sur toile, par autant de maîtres nippons, parmi lesquels Foujita, Hira'oka, Katata, Iskikawa, Kanayama, Kishida, Minami, Nakagawa, Nakamura, T. Ohno, Okada, Otta, Suzuki, Yunoki...

Pour en revenir au mois dernier, décembre 1938, M. Mounet Satomi, spécialiste de l'art de l'affiche, a traité de façon franche et directe, un peu schématique, ce thème tracé en toutes lettres sur un ruban : la lumière jaillit de l'Union de l'Orient avec l'Occident.

Traduite en images. cette devise devient une sphère terrestre présentant tour à tour ses faces au même flambeau. Dans leur essence, les consciences humaines sont douées d'unité. (Cf. p. 147).

Déjà, il y a sept ans, M. Maurice Dekobra a fait au Japon un rapide séjour dont il nous rend compte sous une forme humoristique, n'excluant pas les réflexions et observations sérieuses, dans son livre Samouraï huit cylindres. Au chapitre VIII, 129-142, nous trouvons le compte rendu d'une visite rendue par l'auteur à un respectable bonze du Temple de Kinka Kugi, Pavillon d'Or. Vers la fin de l'entretien, M. Azuma, le bonze de la secte Zen, relève un propos de M. Dekobra constatant que la science occi- dentale n'a pas réussi, jusqu'à présent, à donner une définition précise de la matière qui naît, dure et se transforme. De là, à concevoir une morale des atomes, il n'y a qu'un pas à franchir.

« Vous le franchirez bientôt, répond M. Azuma, j'en suis sûr et vous pourrez dire enfin que le bouddhisme asiatique et l'esprit scientifique européen se sont donné la main » (p. 142).

Comme faisant écho à cette parole ainsi qu'au symbole graphique de M. M. Satomi, une sphère terrestre présente tour à tour ses faces au même flambeau. Un distingué homme de lettres, notre compatriote M. René La Bruyère, a donné, dans la Revue parisienne déjà citée (N° 36), un alerte article sous ce titre : France-Japon, nos deux peuples doivent se comprendre. L'auteur s'inspire avec raison de cette opinion qu'il formule nettement : « Ceux qui ont suivi la marche de l'impérialisme nippon n'ont jamais douté de l'issue de la guerre de Chine. Il y a trop de réflexion et de sagesse dans les plans de l'état-major, trop d'abnégation dans les exécutants — (Hypéride, il y a vingt-quatre siècles, exprimait une pensée analogue) — pour que l'objec- tif ne soit pas atteint... »

Dans le même fascicule, fort élégant, abondamment illustré, comme les précédents, d'intéressants articles de MM. Moncharville, ancien professeur à la Faculté de Droit de Strasbourg, G. Roux, Sous-Directeur de l'Institut Pasteur, le général Shioden, Secrétaire général de l'Aéro-Club du Japon, le professeur Titaro Sujuki, versé dans l'histoire du bouddhisme au Japon, Mme Kikou Yamata, qui sait si bien incarner en sa gracieuse personne l'union des génies des deux peuples, fait ressortir des aspects divers des civilisations respectives de l'ancienne Gaule et du vieux Yamato, l'un et l'autre en renouvellement constant.

A propos de l'impérialisme nippon dont parle M. R. La Bruyère, dirons-nous qu'il est temps, en plein XXe siècle, de renoncer à l'ancienne expression de Concert européen et de faire appel désormais à un Concert du Monde, entre les multiples éléments de l'Humanité ?

Ne convient-il pas de coopérer à la conciliation, incontestablement possible, entre les impérialismes qui se partagent les divers continents ? N'y a-t-il pas là

un devoir qui s'impose de plus en plus à tous les hommes de bonne volonté, à quelque « race », à quelque « sang » qu'ils appartiennent ?

Ceci donne toute sa signification, toute sa portée à la conclusion d'un article que, dans le Journal du 16 février, M. Nguyon-Dai-Khe a publié sous ce titre : Jeunesses Annamites 1939. Qu'en juge le lecteur: L 'Annam se relèvera peu à peu (de se matérialisme dans lequel il s'enlise).

« Au point de vue moral, cette même élite intellectuelle devra bien montrer que, sous des apparences souvent contradictoires, la morale occidentale ne diffère pas tant de nos principes confucéens, que les doctrines nouvelles et anciennes vont de l'une à l'autre progressivement avec continuité et non par opposition.

Le monde vit partout avec les mêmes bases : l'amour du prochain, la famille, le respect de la personne humaine... ».

Ce ne saurait nullement être notre prétention de présenter ici une énumération exhaustive de tous les travaux et essais par lesquels l'Occident a traduit son désir de pénétrer l'âme de l'Extrême-Orient, d'établir un fond commun entre la sienne (si tant est qu'il en ait une, sinon « polygonale ») et l'autre, de ne pas se contenter des dehors, paysages et monuments et autres Japoneries d'automne, de Loti, encore que celles-ci renferment d'admirables descriptions, par exemple celle de Nikko.

A ce titre d'études érudites, méthodiques, nous ne saurions omettre le TOUNG PAO ou « Archives concernant l'Histoire, les Langues, la Géographie, l'Ethnographie et les Arts de l'Asie orientale » périodique fondé en 1890 sous la direction de Henri Cordier, bibliothécaire à l'Ecole des Langues Orientales, Paris, et Gustave Schlegel, sociologue allemand, auquel suc-

cédèrent Ed. Chavannes (1904-1916) et Paul Pelliot (depuis 1921).

Aujourd'hui, depuis 1936, une nouvelle série est publiée par les soins de M. Paul Pelliot, de l' Institut, professeur au Collège de France, et J. J. L. Duyvendack, professeur à l'Université de Leyde. On sait les services exceptionnels que par sa vaillance, son énergie, sa connaissance accomplie de Chinois de Pékin, M. Paul Pelliot a rendus lors du siège des Légations (Juin-début d'août 1900).

Parmi les divers volumes édités dès à présent dans les collections : Sinica leidensis edidit Institutum Sino- logium Lugduno Batavorum, signalons le T. IV, consacré à Li Ssù (280-208 avant J.-C.). Ce personnage est qualifié de « Premier Unificateur de la Chine au temps de la dynastie Ch'in ». En face du contenu des divers chapitres du présent ouvrage, le moins qu'on puisse penser à ce sujet, c'est, semble-t-il, qu'il reste encore fort à faire !

L'Inde, où parvint Alexandre, élève d'Aristote, en 326 avant notre ère, peut être considérée comme le trait d'union, le pont entre l'Ouest et l'Est de l'Eurasie, l'Inde, où s'affrontent vichnouistes, civaïtes... musulmans, quelques rares nestoriens, quelques boudhistes encore plus clairsemés. C'est en 1808, c'est-à-dire il y a cent trente ans que Guillaume de Schlegel a publié son livre capital, de la langue et de la philosophie des Hindous, dont on a déduit tant de conséquences, les unes légitimes, les autres non.

The Nestorion documents and religion in China. The New Edition of prof. Saeki work on recently discovered Materials.

8 vo., XX, 519 pp. dont 96 de texte chinois, 14 fac similes et manuscrits, 38 cartes.

E. D. Brill., Libraire Leide, 1938.

Emile LICENT S. J. — Comptes rendus de onze années, 1923-1933, de séjour et d'exploration dans le bassin du Fleuve Jaune, du Païho et autres tributaires du golfe de Paï ksa. 1200 pp. de texte, 250 photographies, nmobreuses cartes, Leide-Brille, 1939.

Les investigations poursuivies pendant plus de deux lustres, avec tant de méthode et de compétence par le P. Licent concernant principalement diverses régions de la Mandchourie, de la Mongolie intérieure, du Pays des Ordos, les provinces du Shensi, du Shansi, Hopei (précédant le Chili), du Honan et de Chantoung.

R. P. A. PAPINOT, des Missions Etrangères. — Dictionnaire d'histoire et de géographie du Japon, un fort vol , in-8°, 500 pp. Tokyo San Sensha Kelly Yokohama, juillet 1906. Publié aussi en anglais.

Abbé Michel RIBAUD. Le Bouddhisme, article en 65 grandes colonnes dans le Dictionnaire de sociologie publié sous la direction de A. Jacquemet, du clergé de Paris. La partie concernant le bouddhisme japonais est très développée et traitée avec une particulière compétence, car l'auteur ayant passé plusieurs années de sa vie au Japon, a ressenti puissamment l'attrait de la civilisation du grand et noble peuple habitant les îles du Soleil Levant. Il a étudié en détail sa langue, son histoire, sa littérature, ses mœurs et a cherché avec succès à mettre le fruit de ses recherches à la portée du grand public de langue française au moyen d'un important ouvrage en cours de publication : Voyage du jeune Stanislas au Japon, depuis 1929, chez l'auteur, auj. 2, rue de La Feuillade, Paris (2e). V. Bulletin de la Société Franco-Japonaise, N° 70, décembre 1929.

Le Japon pendant la guerre européenne. Paris, Lethielleux, 264 pp., in-12, 1919.

Dans son chapitre V, l'auteur fait ressortir la fidé-

lité du Japon à la cause des Alliés. Voici sa conclu- sion : « Puisse la tempête qui sévit actuellement parmi les nations se résoudre également bientôt en une paix de raison, qui sera le prélude du règne définitif de la véritable fraternité humaine ».

ALLIER (Raoul). — Les troubles de Chine et les Missions Chrétiennes Fischbacker, 281 pp., 1901.

Ce livre publié au lendemain du mouvement des Boxers et du siège des Légations à Pékin, 1900, comprend trois parties : 1 ) les missions catholiques ; 2) les mission protestantes ; 3) une crise de fanatisme en Chine.

Dans l'Année Philosophique 1901, M. F. Pillon s'exprime ainsi à ce propos :

« Ce n'est pas la propagande chrétienne qu'il faut condamner, c'est le protectorat religieux, tel qu'il se pratique en Chine. M. Allier montre très bien que ce protectorat est un non sens ».

Peut-être MM. Allier et Pillon ne se sont-ils pas représenté assez positivement la signification, la raison d'être de ce protectorat exercé par les catholiques, par la France, succédant depuis le XVIIIe siècle, au Portugal ? N'était-il sinon la démonstration patente de l'absence de toute autorité de police régulière, sur place ?

De toutes façons, l'action des missions religieuses prenait et prend en Chine toutes sortes de formes diverses. Car n'est-il pas écrit : « il est plusieurs demeures dans la maison de mon Père » ?

Aux XVIe et XVIIe siècles on sait l'influence gagnée par les Jésuites auprès de la cour de Pékin par leurs connaissances en Astronomie. Les noms des PP. Schall de Bel, Ricci sont connus de tous.

Vers 1905-1908 les missionnaires protestants, docteurs en médecine, tinrent à Shanghaï, Nankin plu-

sieurs Congrès pour dresser un vocabulaire anatomique valable pour les dix-huit provinces et qui faisait cruellement défaut au pays de Confucius et de Lao tseu. Naturellement les religieux anglais, américains, suisses, hollandais, scandinaves, n'accomplissaient pas cette tâche indispensable sans le concours de collaborateurs du pays, en général permis par eux.

Enfin est-il besoin de rappeler au lecteur les bienfaits que comporte, pour la jeunesse des bords du Tse Yang kiang l'existence d'un établissement tel que l'Université l'Aurore à Shang haï dont l'observatoire astronomique et météorologique (Zika wei) rend d'ailleurs des services à l'humanité entière ?

Society for the propagation of the Gospel in Foreign Parts, Westminster, Londres, S. W. 1904.

The Christian Faith in Japan, 2e édition, 152 pp., in-12.

L'auteur le Rév. Herbert Moore fut, 1891-1895, membre de la St Andrew Brotherhood, Tokyo. Il devint ensuite missionnaire à Kobe.

M. A. ANDREADES, de l'Académie d'Athènes, membre de l'Institut. A propos du Miracle japonais. « Revue bleue », 4 avril 1931 :

... Le régime constitutionnel n'a été introduit qu'après toutes les autres réformes en 1889. Lui-même n'a pris un caractère démocratique que peu à peu ; le droit de vote n'était accordé au début qu'à 500.000 électeurs : ce nombre fut porté à 1.500.000 en 1908 et à 12.500.000 en 1925. C'est dans l'exemplaire même adressé par l'auteur à S. E. M. Adatci, Président de la Cour internationale de La Haye, qu'il nous a été donné de lire cette lumineuse étude écrite au retour d'un voayge au Japon où M. Andréadès avait représenté son pays au XIXe congrès de statistique.

Le 3 mars 1931 l'agence indo-pacifique a fait con-

naître en ces termes une décision du Conseil privé relative à la réforme électorale :

« Le nombre des électeurs augmente de 1.200.000 par l'abaissement de l'âge qui, actuellement de 25 ans, sera désormais de 23 ».

Dans sa haute sagesse faite d'expérience et de clairvoyance, l'Empereur de la Restauration, S. M. Mutsu Hito était intervenu dans la rédaction de la Constitution de 1889, oeuvre, pour une bonne part, du Comte puis duc Ito, plusieurs fois Président du Conseil. Le souverain avait tenu à laisser subsister une certaine imprécision dans la délimitation entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Cette suprême habileté a permis d'éviter bien des crises dans bien des conflits, les progrès de l'un devant s'accomplir en coopération avec l'autre et non à ses dépens. Le 3 novembre 1935, le Cinquantenaire de l'inauguration du Régime constitutionnel au Japon a été célébré par une grande réception en la résidence du Premier Ministre, à Tokyo. Le 3 novembre 1936, eut lieu l'inauguration du Palais du Parlement dont la construction avait commencé en 1919.

S 'il leur est permis désormais de faire l'ascension de Fuji-Yama, les femmes n'ont pas encore le droit de vote au Japon. Mais cela les empêche-t-il de jouer, dans leur pays, depuis des siècles, un rôle de premier ordre dans la société, dans la famille et dans les œuvres, dans l'art, la littérature et désormais aussi dans les sciences ?

Qui nous décrira l'influence profonde qu'ont exercée, qu'exercent encore dans les campagnes les religieuses desservant les temples de la déesse Soleil (la Soleil) Amaterasu et où les travailleurs de la terre ou de la mer en face de leurs difficultés ou de leurs épreuves, vont chercher aide ou protection mystiques ? Parées du prestige de leur virginité, elles donnent indirectement

des conseils aux fidèles, paysans, bûcherons, pêcheurs, qui les considèrent comme les intermédiaires, les interprètes de la divinité. Indications dues à S. E. M. Sugimura.

K. K. KAWAKAMI. Le Japon en Chine. 298 pp. in-12. Grasset, juillet 1938.

L'auteur depuis une vingtaine d'années a donné une série de publications de valeur sur la politique en Extrême-Orient, par exemple Le Japon et la Paix Mondiale (1921), Le Pacifique (1923) et de nombreuses autres en anglais. Dans ce nouvel ouvrage il traite avec netteté, sûreté, les sujets suivants : Moscou arme la Chine, l'Armée rouge se met en marche, l'Alliance Komintern Kuomingtang, Le japon a-t-il commis ou subit une agression, les événements de Shanghaï. Si le Japon l'emporte.

En 1936 le Japon signe avec l'Allemagne un pacte anti-communiste, ce qui était son droit et même son devoir en présence des menaces croissantes dont il était l'objet de la part du Komintern et du Kuomingtang (v. notamment pp. 40-52).

Le passage suivant auquel nous nous bornerons, ne voulant pas nous laisser entraîner, donnera une idée de la complexité des éléments en présence en Chine et des combinaisons susceptibles de se produire entre eux : « Après avoir fait la paix avec les Communistes, le généralissime Chang Kai Chek donna aux forces rouges le nom de 48e armée, ce qui en faisait une partie intégrante de l'énorme armée nationaliste. Chu Teh, le chef militaire rouge, reconnu, dirigé par Moscou et aidé par les agents de Moscou, se nomma lui-même Commandant en chef de cette nouvelle armée. Cette armée dont la force a été estimée entre 150.000 et 200.000 hommes, constitue l'épine dorsale des gigantesques armées qui, depuis 1934, combattent les

Japonais dans le Shansi, le Sui-Yuan, le Ho-pei et dans les régions avoisinantes » (Tcheli, Chantoung).

M. Duboscq, dans son article du 27 août (Temps 28) paraît négliger ce point de vue. Il reprend à son compte le mot de M. I. Escarra : « Si la Chine se trouvait en mesure d'imposer ses conditions au Japon, elle trouverait devant elle plus d'une Puissance pour l'empêcher de profiter de sa victoire »...

Il y a un an, nous l'avons vu, M. Escarra déclinait positivement de formuler aucun pronostic sur l'avenir de la Chine.

En tout cas l'hypothèse ici envisagée appartient au domaine d'Uchronie, d'où l'on n'a jamais réussi à dégager de conclusions pratiques.

Et puis que la Chine soit un Etat, c'est là une hypothèse contredite par le précepte de Spinoza dont les faits ont toujours apporté la pleine justification...

En 1901, après le siège des Légations à Pékin (juin-août 1900), les Puissances envisageaient parfaitement le partage de l'Empire du Milieu. Les preuves abondent, surabondent. Elles pourraient remplir plusieurs volumes. On les rencontre à foison dans les premiers tomes du Bulletin de l'Asie Française, années 1901, 1902 et suivantes, in-4° de 5 à 600 pages chacun.

L'Angleterre se serait réservé le Bassin du Fleuve Bleu. La France avait des visées non cachées sur le Sud. M. Robert de Caix écrivait (n° d'août 1901): « La domination chinoise au Yunnan ne paraît s'expliquer par aucune raison géographique : « A l'heure actuelle nous croyons savoir que bien faibles sont les contributions apportées par cette province au « Gouvernement central ». Dès le 2 mai 1898, M. Hanotaux prescrivait à M. Pichon, à Pékin, de demander la concession d'un chemin de fer Pakhoi Si Kiang, ce qui était accordé le 28 du même mois.

Dans sa conclusion M. Duboscq émet l'idée qu'après tout pourrait prévaloir la politique que préconisait Radek en 1932, entente, en Extrême-Orient, entre Moscou et Tokio, règlement pacifique des intérêts mutuels. Ce serait à souhaiter.

Comme la complexité n'est pas un monopole pour l'Extrême-Orient, le pacte de 1936 avec le japon n'a pas empêché l'Allemagne — le lecteur ne l'a pas oublié — d'entretenir jusqu'à fin juin 1938 auprès du Gouvernement de Tchang Kai Chek une mission mi- litaire de soixante-dix officiers, parmi lesquels le général Falkenhausen, de vendre à ce même gouvernement armes et munitions, notamment des avions en février, etc.

« Il y a de l'irrationnel dans le monde » avait coutume de dire mon cher et regretté maître. L'expérience de la vie m'a constamment confirmé la vérité de cette parole. En fait d'exemple tragique s'intéressant au monde entier, ne s'applique-t-elle pas à 1914?

Ceci n'empêche pas d'ailleurs l'irrationnel d'avoir souvent beaucoup de bon et de charme, d'être en plus d'un cas, comme la condition même de la vie.

Seulement il faut s'entendre. Est-ce à l'irration- nel — du fait qu'il paraît indispensable à la vie, au monde — que doit appartenir le dernier mot ? Ceci est un autre thème. L'Idéal de Justice, Thémis demeure.

Paul PELLIOT, de l'Institut. La Haute-Asie. 37 pp., in-8°, photogravures (fresques des grottes des mille Bouddhas, Turkestan).

A la fin du VIe siècle, l'unité de l'Empire Chinois, rompue depuis deux siècles, s'était refaite au profit d'une dynastie nouvelle, bientôt remplacée par celle qui devait, après les Han, laisser un souvenir glorieux entre tous, celle des T'ang », p. 14.

La forme de boudd 'hisme qui peu à peu s'est élaborée chez eux (le Tibétain), le lamaïsme avec ses

incantations et sa sorcellerie, était mieux au goût des nomades que le bouddhisme plus froid des Chinois. Lhasa est aujourd'hui la métropole religieuse des Mon- gols de Mongolie comme de leurs frères les Bouriates de Transbaïcalie et même les Kalmouks de la Basse-Volga (p. 15).

Dans la même plaquette l'auteur, distillant à merveille une érudition remarquablement compétente, nous entretient de façon lumineuse du manichéisme, du nestorianisme. Notons en passant que d'après M. Pelliot, Nestor, évêque de Constantinople, aurait soutenu au Concile d'Ephese, qu'il y avait dans le Christ deux personnes. D'après d'autres auteurs, le fond du débat (431) était de savoir si la Vierge était ou non mère de Dieu, Theotokos ou Xhristokos. Nestor, qui soutenait la seconde thèse, fut battu par l'intervention du Légat de l'évêque de Rome. Ses disciples arrivèrent, près de deux siècles plus tard (608) à Si an fou, capitale du Chensi, où une inscription célèbre, en faisant foi, a été découverte au début du XVIIe siècle. D'ailleurs, au bout de deux siècles environ, le culte nestorien avait cessé (800) dans cette capitale des Han. Vers 1625, sous l'empereur Ming Xun Chi, le jésuite allemand Schall de Bell « fit construire une belle église à Signan fou par la libéralité des païens même dont il avait gagné la bienveillance par sa science dans les mathématiques. » (Dict. de l'abbé F. X. de Feller). N'est-il pas significatif de noter ainsi incidemment comment cette ville du N.-E. de la Chine, proche de la Mongolie, servit, voici treize siècles, puis ,derechef, il y a trois siècles, de point de rencontre, en quelque sorte, entre les croyances de l'Occident et celles de l'Extrême-Orient ?

A KAMMERER. L'Urbanisme et les mœurs au Japon. Le Musée Social XLVe année, n° 7 et 8, juillet et août 1938, 5, rue Las Cases.

M. Albert Kammerer, au cours de sa brillante carrière aux Affaires Etrangères 1899-1937, a fait deux séjours dans l'Empire du Soleil Levant : en 1906, à son retour du Consulat d'Hankéou qu'il avait géré pendant quelques mois et en 1936, comme Ambassadeur.

Dans l'intervalle, s'était produit le terrible tremblement de terre du 1 -2 septembre 1923 dont il nous présente une description directe, d'après P. Claudel. M. Kammerer nous donne du reste une impression personnelle. Pour la reconstruction des deux cités de Tokyo et de Yokohama on a pris exemple sur San Francisco où, lors du tremblement de terre de 1910, seuls avaient résisté les grands immeubles en carcasses d'acier. Sur ce point d'ailleurs on fit bien, car en 1923, les seuls immeubles qui ne se soient pas effondrés furent aussi les très rares bullbuildings existant à cette époque. Tout fut fait à l'instar.

M. Kammerer ne s'est pas contenté de ses missions diplomatiques dans des postes tels que Rio de Janeiro, Ankara, Tokyo. Il s'est acquis un juste renom par ses travaux de haute érudition concernant les navi- gations dans la Mer Rouge vers l'Inde et le Nord de l'Afrique au Moyen âge.

Etudiant les relations des Japonais avec les étrangers occidentaux, il remonte jusqu'à St-François Xavier dont il cite le mot : « Ce peuple superstitieux n'a pas de croyance religieuse bien établie ». Sans doute le Saint fils de Loyola ignorait-il le Shintoïsme où s'exprime l'âme même du Daï Nippon et les trésors religieusement gardés depuis 26 siècles dans le temple d'Isé non loin de Nagoya, témoins de la foi que le pays a en lui-même. M. Kammerer ne s'y est pas trompé, il nous dit: à partir de 1700 nous assistons à une renaissance du Shintoïsme. Il nous entretient ensuite du Bushido dont le professeur Nitobé a constitué la théorie il y a 40 ans.

En fait il y eut des chevaliers, des boucnis, il y a huit ou neuf siècles et sans doute avant.

La conclusion de l'Ambassadeur se résume ainsi : « même s'il est catholique, un japonais a pour premier culte celui de l'Empereur et des ancêtres; son second le Shinto, son troisième le Boushide

« Dans ce qu'elle a de superficiel, l' âme japonais est dominée par la politesse, dans ses réflexes intimes « Combien enfin les vertus de la race sont hautes et justifient les éclatants succès du Nippon ».

Me sera-t-il permis d'ajouter comment l'intelligence du peuple japonais s'est révélée dès le temps où son gouvernement prétendait le faire vivre à part du reste du monde ? Au cours du XVIIIe siècle il sut s 'initier à la cosmologie des Copernic et des Newton, au début du XIXe, des sociétés secrètes traduisaient l'anatomie de Sappey, la Chimie de Berzélius. La première autopsie fut pratiquée à Nagasaki en 1857 (1).

L'opération exécutée sur autorisation spéciale du Gouverneur acheva naturellement de trancher le débat entre deux clans rivaux, partisans de la médecine occidentale et tenants de l'ancien système de la Chine, où la connaissance du corps humain se réduisait à peu près à celle des points d'acupuncture. (V. G. Soulié).

En 1875 le japon eut à son service 500 maîtres européens et américains hautement qualifiés pour toutes les sciences politiques et morales, physiques, chimiques et naturelles de l'Occident.

Depuis plus d'un demi siècle tout en sachant conserver sa personnalité, ses caractéristiques nationales, l'Empire du Soleil Levant s'est pleinement assimilé les connaissances de l'ancien et du nouveau Monde.

(1) V. Dr Léon ARDOUIN, médecin de 1re classe de la marine : Aperçu de l'Histoire de la Marine au Japon. Paris, Berger-Levrault, 50 pp., in-8, 1884.

Exposition Internationale de Paris 1937. Nippon. Section scientifique.

Comme en 1878, 1889, 1900 le Japon a pris part à l'Exposition internationale de Paris 1937. A côté des arts traditionnels de la soie, de la laque, des jardins miniature figurait; dans son Pavillon, une section scien- tifique. L'effort industriel du japon au cours de ces appareils choisis uniquement d'après le critérium posé dernières années y était représenté par 40 objets ou par la condition de constituer une originalité au point de vue scientifique, comme le dit le distingué Dr Tuzi dans la préface du Catalogue. Ces articles étaient répartis entre les domaines de la physique, de la chimie de l'électricité, de la mécanique moderne.

Citons entre autres : un nouvel acier magnétique, un aimant en oxyde métallique, un équipement de téléphotographie ou appareil à irradiation convergente, un nouvel oscillatoire à électron, résistance électrique en porcelaine recouverte d'une couche de carbone cristallisé, un indicateur de gaz explosifs par procédé physique. Le Directeur de la Section présente, au nom de l'Institut de Recherches Physiques et Chimiques, Tokio, un appareil de photo élasticité.

L'opération consiste à déterminer les tensions intérieures à l'aide de la coloration des franges apparaissant sur les modèlees en matière transparente et élastique soumis à des forces extérieures et non à l'aide de la lumière polarisée.

Depuis la grande manifestation célébrée par 47 nations civilisées aux bords de la Seine, il y aura bientôt deux ans, le mouvement des recherches désintéressées ne s'est pas ralenti au Daï Nippon, en dépit du colossal effort requis par les opérations en Chine, de si vaste envergure. C'est ce que nous apprend M. N. Vigneron au cours d'un remarquable article par lui consacré à l'état solide de l'eau dans le dernier numé-

ro de la Nature (15 décembre 1938). En effet dans la section de son étude traitant de la neige ou plutôt des blancs flocons de neige présentant, dans la nature, une variété de formes déconcertante, il signale que les laboratoires étaient incapables de réaliser une neige comportant les multiples cristaux formés dans l'atmosphère .

Il ajoute « Un savant japonais, U. Nakaya, a étudié le problème avec une patience inlassable et il a finalement réussi à produire artificiellement et dans des conditions bien déterminées une grande variété de cristaux de neige ».

Ainsi va croissant la part prise par le japon aux investigations méthodiques grâce auxquelles les hommes pénètrent peu à peu la nature du monde extérieur. En 1919, le bacille de la fièvre jaune a été découvert, à Guayaquil, par le savant Noguchi, travaillant pour la Rockfeller Institution.

Une autre contribution notable, dans le domaine physique, nous vient du savant nippon Yukawa dont nous entretient M. L. Houllevigue au cours de la récente chronique du Temps (1er février) consacrée à un nouveau venu en physique atomique, l'électron lourd. Le lecteur pourra en juger par ce passage :

« La perte de masse éprouvée par les protons et les neutrons lorsqu'ils se sont agglomérés en un noyau atomique est l'équivalent de l'énergie dépensée lors de la formation de ce noyau.

On peut évaluer ainsi la stabilité du noyau par le travail à dépenser inversement pour le pulveriser en ses éléments séparés...

« On n' a jamais réalisé cette pulvérisation intégrale. Pourtant en 1935 , Yukawa, constatant que cette perte de masse ne cadrait pas avec une théorie de la désintégration donnée par thermie — avait proposé de substituer à la paire de particules, électron + partrino, pos-

tulée par cette théorie une particule unique possédant la charge électrique unitaire de l'électron, mais avec une masse matérielle cent fois supérieure.

« Nous nageons là en pleine hypothèse... ».

Sans doute, mais, de toute façon, c'est là de la part du savant nippon, une remarquable investigation dans l'ultra-physique, c'est-à-dire, de la coopération intellectuelle au suprême degré.

La grande obligeance de M. Houllevigue me permet d'ajouter que le mémoire original de Yukawa a été analysé dans la grande revue anglaise Nature d'octobre 1938 (tke Yukawa particle of heavy electron), dans la Revue des Questions Scientifiques, publiée à Louvain (article de M. Gueber) enfin dans le Journal de Physique (article sur le Mesoton — décembre 1938).

Dans la Science et la Vie d'avril 1939, le même auteur nous dit sur le même sujet: « En 1935, le physicien japonais Yukawa pour faire cadrer avec l'expérience une certaine théorie de la désintégration due à Fermi, avait imaginé l'existence possible d'un nouvel élément, l'électron lourd, doué d'une charge élec. trique, positive ou négative, égale à celle de l'élec- tron normal, mais dont la masse matérielle serait environ 200 fois plus grande; comme l'électron est lui-même 1.800 fois plus léger que le proton on voit que le nouveau constituant aurait une masse inférieure, mais cependant comparable à celle du proton, noyau atomique de l'hydrogène.

Cette hypothèse semble expliquer convenablement les propriétés connues des particules cosmiques, ou du moins d'une partie d'entre elles ; elle a donc été adoptée par la plupart des physiciens... ».

M. Yukwa est professeur à l'Université de Kyote. Un de ses meilleurs élèves, M. Keizo Moreska accomplit, depuis l'automne de 1938, un stage, au Collège de France, au Laboratoire Joliot-Curie.

C. Emigration - Population

H. Hauser. Professeur honoraire à la Sorbonne : l'Immigration au Brésil et le problème Japonais. — Extrait (12 pp. in-8°) de la Revue d'Histoire Politique et Constitutionnelle. Sirey. Avril-juin 1937.

Il y a trois ans M. H. Hauser, correspondant de l'Institut, dont l'enseignement à la Sorbonne a été si goûté de nombreuses générations d'étudiants a fait heureusement, avec trois ou quatre collègues de notre Université, partie d'un mission qui a fondé à Rio de Janeiro une Faculté des Lettres comme il en avait été créé une, quelques années auparavant, à Saô-Paulo.

L'éminent professeur a été fort apprécié là-bas, comme il l'avait été en Lettonie, en Esthonie et ailleurs, au dehors. De son séjour au cœur politique de la vaste République fédérale, il a rapporté diverses études attachantes, entre autres un essai fort net et topique sur un phénomène de véritable signification humaine et sur lequel cependant, nous ne possédons en général que des notions assez vagues : l'immigration japonaise au Brésil. D'après des données sûres, elle se réduisait à 6 330 en 1885. Elle s'est développée surtout après que, par une mesure dont l'arbitraire saute aux yeux les moins avertis, les Etats-Unis, y compris l'archipel des Hawaï, s'étaient fermés ( 1904- 1907) de façon presqu'absolue à l'immigration jaune.

Ce n'était là d'ailleurs, comme chacun sait qu'un prélude. Aujourd'hui, dans l'U. S. A., où la densité de population ne dépasse pas 15 à 16 au kil. carré, toutes les immigrations sont à peu près prohibées. Nulles pour les provenances de l'Asie, elles sont tombées à 15 ou 20 000 par an pour les autres pays d'origine, au lieu de 300 à 400 000 il y a une trentaine d'années.

L'exode des travailleurs ruraux du Nippon a été organisé avec beaucoup de soin et de méthode. Il

s'agissait avant tout de développer les cultures du riz, du coton, du café, de la soie... dans l'Etat de Saô- Paulo. Le Japon lui-même est acheteur de ces produits dont certains comme le coton et la soie sont pour lui des matières premières de première importance.

Selon l'Almanach de Gotha, l'immigration japonaise au Brésil aurait été de 18 630 pour la période 1910-1918. Elle serait montée de 3 022 en 1919 à, 9 084 (par an) en 1927. M. Hauser nous dit que le nombre des immigrants atteignait 11.169 dès 1928 et par une progression continue 24.090 en 1933. Sur un peu plus de 6.000 familles introduites de 1931 à 1933 le tiers a pu être installé immédiatement sur des lots de colonisation que les occupants exploitent comme petits propriétaires.

On estime à peu près à 150 000 le nombre des Japonais installés au Brésil dont 130.000 dans le seul Etat de Saô-Paulo.

Nous ne pouvons qu'engager le lecteur à recourir à l'étude de M. H. Hauser pleine de vues d'ensemble, d'observations prises sur le vif, (cf. Tierras Baixas).

En dehors des îles Aléoutiennes pour la chasse marine aux cétacés, des îles Hawaï pour la culture des cannes à sucre, des ananas, etc..., exutoire fermé depuis trente ans par mesure législative, en dehors du Brésil, un courant d'immigration nippon ne se porte vers les îles Philippines. Ce courant, pour toutes destinations, ne dépassait pas 950 en 1899 nous apprend Yves Guyot dans un article du Bulletin de la Société Franco Japo- naise 1910.

Pour en revenir tout de suite à notre époque contemporaine, et aux Philippines, voici ce qu'au cours d'une étude de la Vie Intellectuelle (1) nous apprend à ce sujet un écrivain qui depuis vingt-cinq ans se con-

(1) La grave question des Philippines, 25 nov. 1935.

sacre avec succès aux problèmes de politique extérieure, M. Paul Mousset : « Aujourd'hui, plus encore que du temps de l'Espagne, une toute petite mi- norité (alimentée par l'Université de Manille) contrôle les quatre millions de l'archipel...

Pour les Nippons « l'Archipel peut constituer un autre champ d'expansion impériale. Le terrain a été préparé de longue date : partout les Japonais pullulent, toute une province de l'île de Mindanao est, en fait une colonie japonaise et chaque semaine des paquebots partent de Yokohama pour Davao sans même faire escale à Manille... ».

Ce que M. Mousset omet de nous dire, c'est qu'en 1934, l'année où il écrivait, l'immigration aux Philippines a été évaluée à 17 210 (Gotha) dont 10 042 Chinois, 5824 Américains, 1386 Japonais.

Ce qui paraît remettre quelque peu les choses au point et montre le risque d'intervention japonaise sous un aspect moins imminent qu'on pouvait l'imaginer d'après les premières phrases, plus haut citées, de notre distingué auteur.

Selon M. H. Tahara, Député, le nombre des émigrés japonais dans le Nord et le Sud Amérique, les îles Hawaï et les autres parties du Monde (la Chine et la Mandchourie exclues) est de 650 000 environ (1).

Marcel Requien. — Le Problème de la Population au Japon. — Bulletin de la Maison Franco-Japonaise. Année 1934. N° 3. 134 pp. in-12°. Cour. Kobé 1934. Tokyo-Paris. Imprimé à Tokyo.

En onze chapitres, répartis entre quatre parties, l'auteur étudie successivement avec beaucoup de méthode les données géographiques, les facteurs qui favorisent

(1) V. The Pulse of Japan, p. 110.

l'accroissement de la population, ceux qui sont susceptibles de l'entraver.

A la fin du volume, une carte montre par un jeu bien compris de teintes et de signes conventionnels, la densité, très variée, de la population, par départements. Dans le Hokkaïdo grand comme trois fois la Belgique. elle n'est que de 22 au kil. carré. Dans le Nord de Honshu, elle est inférieure à 100. Elle dépasse 1 000 dans la région de Tokyo, d'Osaka. Les autres zônes les plus denses, de 500 à 999 au kil. carré, sont le Nord de Kyushu, Nagoya (entre Tokyo et Osaka). Produire pour vendre afin d'avoir, par des crédits au dehors, le moyen d'acheter des vivres (et des matières premières) sur les marchés extérieurs est une nécesisté qui s'impose au Japon de façon impérieuse, comme d'ailleurs à bien d'autres peuples.

Il y a quatre ans Mme Andrée Viollis (veuve du savant M. d'Ardenne de Tizac) a soutenu que le japon était une chaudière prête à éclater. Ceci ne correspond pas aux faits exposés de façon impartiale par M. Requien. Dans sa conclusion celui-ci établit positivement ceci : l'agriculture s'est développée suffisamment pour faire face aux besoins alimentaires du pays.

Ci-dessus nous avons eu occasion de signaler les études consacrées à l'ancienne musique japonaise par M. Lerroux, ancien chef de musique militaire française, en mission au Japon 1875-1885 (Soc. Fr. Jap. 1909), et par Mme Geneviève Morita (Tokyo 1937).

Complétons ces indications par la suivante :

A. WESTARP. — A la découverte de la musique japonaise (Bull. Soc. Fr. Jap. 1911). Cet auteur qui

vient de passer en Extrême-Orient plus de trente ans partagés entre la Chine et le Japon a, en portefeuille, plusieurs essais portant sur l'art de ces contrées, entre autre : la Musique comme moyen de mobilisation spirituelle » (pour le Japon).

Okakura Yoshisaburo. — The japanese Spirit, with an introduction by George Meredith 132 pp. in-12. London, Archibald Constable, 1905.

P. 88. — Notre moi actuel, quels que soient les vêtements dont on a pu le couvrir, est demeuré toujours fidèle dans son esprit, à son culte natif. Généralement parlant, Boudhistes, Chrétiens et tous, nous sommes en- core Shintoïstes jusqu'à ce jour, dès lors que nous sommes nés Japonais. Cela pourra vous paraître quelque peu paradoxal, voici l'explication, etc.

Japon et Extrême-Orient, revue mensuelle, Edmond Bernard, Editeur, Paris, 1923-24.

Principaux collaborateurs : Claude Maître, Noël Peri, R. Akutagawa, S. Natsuwe, R. Martinie anc. Attaché naval à l'Ambassade de France au Japon.

Marc Vincent. — L'Indochine devant le conflit Sino-japonais, 16 pp. in-8, Paris, La Gazette Parisienne, N° 240, Août 1938.

Page 150 nous avons fait allusion à l'unité des consciences humaines, dans leur essence.

A ce propos le lumineux feuilleton de M. L. Lavelle (Temps du 9 avril) sur les tendances et la vie

de la conscience nous paraît propre à éclairer et à confirmer ce que nous avons voulu dire. Nous en détacherons les remarques suivantes :

Dans le monde moral, pas plus que dans le monde physique, il n'y a pas, il ne saurait y avoir, à la fois, deux types de boussoles — c'est-à-dire ne marquant pas le même Nord — en désaccord, et pourtant admis comme également valables !

DEUXIÈME PARTIE

Revue de la situation dans ces dernières années

I

CHRONOLOGIE SOMMAIRE DES OPÉRATIONS 1937-1939

7 juillet 1937. — Un bataillon de la 29e division chinoise attaque près du pont de Liou Kou Chiao (Marco Polo, environs de Pékin) une compagnie japonaise de 150 hommes allant à l'exercice.

9 novembre 1937. — Les troupes japonaises occupent Shangaï. — Un mois après Nankin, 13 décembre.

2 janvier 1938. — L'Ambasadeur allemand à Hankéou, Trautmann, intervient pour présenter les conditions de paix offertes par le Japon. Elles sont écartées. (Cf. supra p. 68).

25 janvier 1938. — Création d'un hôtel des Monnaies au Sseu tchouen, Tchong King, sur le modèle de l'hôtel américain de Philadelphie ; jusqu'à présent bien peu de pièces sont sorties de ces nouveaux ateliers à 2.500 kilomètres de Shanghaï.

31 janvier 1938. — Toutes les régions avoisinant Shanghaï sont temporairement fermées aux étrangers à l'exclusion de Hong jao et Chapei.

10 mai 1938. — Les troupes impériales japonaises du Nord (Tientsin), et celles du Sud (Shanghaï, Nankin) opèrent leur jonction près de Sou Tchéou. La ville tombe, les quatre voies ferrées qui s'y rencontrent étant coupées.

Quelques jours avant, d'après l'opinion d'un expert ayant été sur place, le Journal s'était montré sceptique quant à la chute de la cité que des techniciens allemands, trois ou quatre ans plus tôt, avaient pourvue de défenses, fortifications perfectionnées, à l'occasion

d'une guerre civile. Sou Tchéou, port ouvert en 1905 comptait 700.000 habitants il y a quelques années. Suivant un proverbe, cette ville était le Paradis du Céleste Empire.

Le 4 mai, les divisions propres de Tchang Kaï Chek profitèrent de la dernière voie restée libre pour prendre la direction de l'Ouest, c'est-à-dire de Hankéou. Dès lors environ cent mille soldats plus ou moins improvisés peu entraînés, demeurent dans la cité encerclée. Dans ees conditions, les 6 et 7 mai, leurs « généraux » filèrent par la voie des airs, au moyen de quelques avions restés dans la ville après le départ des troupes de Tchang Kaï Chek.

Prise de Canton; 21 octobre 1938 — sept jours après le débarquement des troupes nippones à Bias, sur le littoral au nord de Kowlong.

Prise de Hankéou — 25 octobre 1938.

Le 9-10 février 1939. — Des forces japonaises évaluées à 8 à 9000 hommes débarquent à l'île d'Haïnan, dont elles s'emparent presque sans coup férir. Elles avancent jusqu'au port de Yulin, au sud, disent les journaux du 15 (cf p. 116).

Le 13, le vice-consul du japon à Hoai-how, M. Matsudaïra, accompagné du capitaine de vaisseau Mayeda et du lieutenant-colonel Imada, a rendu visite au Consul de France M. lankelevitch, le seul Consul étranger à Haïnan. Il l'a assuré que les troupes japonaises maintiendraient la paix et l'ordre dans l'île et qu'elles prenaient l'entière responsabilité du respect de la vie et des résidents étrangers. M. lankelevitch a rendu sa visite à M. Matsudaïra.

Dans des manifestations officieuses intégrées dans un article sur la situation en Chine, publié le 10 septembre par l'Indépendant à Paris, par la Flandre Libérale à Gand (voir pp. 158-159), quelques jours plus

tard, des personnalités japonaises qualifiées avaient émis l'idée suivante: Si la France et l'Angleterre s'abstiennent de continuer à ravitailler Tchang Kaï Chek en armes et en munitions, les troupes nippones s'abstiendront de progresser vers le sud, après la prise de Hankéou (fait accompli six ou sept semaines plus tard).

A diverses reprises en décembre 1937 — janvier 1938 Tchang Kaï Chek a déclaré solennellement que c'en était fait, qu'en raison de l'offensive (plus exactement la riposte) japonaise, l'unité de la Chine des dix-huit Provinces était un fait accompli. Reste alors à expliquer un phénomène patent dont la raison échappe : comment 350 millions d'habitants, unis, n'ont-ils pas réussi à refouler de chez eux les forces d'un peuple de 70.000.000 d'habitants opérant à 2.000 kilomètres de leur base, de l'autre côté de la mer ?

A la fin de décembre 1938, l'Agence Domei a publié les indications suivantes sur les pertes comparées des forces japonaises et chinoises pendant les dix-sept mois de campagne depuis le début des hostilités pont de Lou Kiou Chiao, 7 juillet 1937, près Pékin, (Marco Polo), Japonais: 47.103 tués; Chinois: 823.000 morts laissés sur le terrain.

Les pertes de l'armée chinoise étaient évaluées à plus de deux millions d'hommes, sans compter les pertes résultant de la rupture des digues du Fleuve Jaune que quelques chroniqueurs français ont décrite comme devant marquer, au prix d'héroïques sacrifices, l'échec définitif de l' entreprise des Japonais, comme l'incendie de Moscou (1812) avait marqué, pour l'armée de Napoléon, le commencement de la retraite de Russie.

La zône occupée mesurait, il y a deux mois, 1 515 700 kilomètres carrés, soit environ trois fois la France, 47 % de la Chine propre. Elle est peuplée de

170 millions d'habitants soit 68 % de la population de la Chine, ce qui ne ferait pas monter celle-ci à plus de 255 millions, soit une centaine de millions au-dessous du total évalué il y a une quarantaine d'années par le Dr Louis Legendre.

L'Almanach de Gotha de 1937 donne pour ce même total, le nombre de 429 millions 1/2 dont 1.069.069 étrangers parmi lesquels 800.536 Japonais, 70.777 Russes, 15.756 Britanniques, 6.611 Américains, sans doute parmi ces derniers de nombreux Chi- nois et Japonais retour des Etats-Unis, 3.758 Français, 3.120 Allemands. En 1934 le nombre des Chinois à l'étranger dépassait 11 millions.

Il y a deux mois les japonais occupaient en totalité les sept provinces du Chahar, du Suiyan, du Ho pei, du Chantoung, de Chansi, du Kiang sou et de l'An houei, la plus grande partie du Ho nan, une partie de Tchékiang, du Kiang si et du Kouang toung.

V. Tokyo Gazette, N° 20, February 1939, pp. 21-46; et March n° 21. June — july — 24, 25.

Le 14 juin 1830 (la flotte avait appareillé le 25 mai de Brest et de Toulon), la France a débarqué ses troupes à Sidi Ferruch, près d'Alger. Les opérations de pacification de l'Afrique du Nord ont duré 104 ans. Elles se sont achevées, en effet, le 14 mars 1934 lors de la soumission à Tiznit, au Nord du Territoire d'Ifni, des derniers rebelles ou « dissidents » qui se sont rendus aux mains des Généraux Catroux et Trinquet.

En 1830, l'Algérie seule comptait trois millions d'habitants partagés en deux cents tribus en luttes continuelles les unes avec les autres. En 1928, comme me l'a nettement marqué un de mes frères quelques semaines avant sa mort au Djebel Arlal (8 décembre),

les indigènes mzabites, kabiles et autres étaient six millions, jouissant de la paix française.

La méthode des Maréchaux Bugeaud, Randon, en Algérie, Lyautey au Maroc, tel est l'exemple idéal dont s'inspirent les fils du Soleil Levant, dans l'antique Empire des Fleurs. Ils travaillent pour eux, comme il est clair, mais, en même temps, pour autrui, pour l'humanité. Il y va, du reste, de leur propre intérêt.

Comme l'a dit récemment M. André Duboscq, avec sa netteté coutumière : « une fois l'ordre rétabli, la Chine est assez grande pour donner de l'ouvrage et des profits, non seulement aux Chinois et aux Japonais, mais encore aux Européens et aux Américains ».

Or, est-il besoin d'y insister ? La notion de paix, sans autorité, sans ordre, sans organisation méthodique, est une contradiction dans les termes.

Le 10 mars 1939, les journaux de Paris ont publié le communiqué suivant de l'ambassade du Japon :

Des textes divergents ayant été transmis concernant la déclaration faite par M. Arita, ministre des affaires étrangères, devant la commission du budget de la Chambre des représentants, le 6 mars, sur le principe de la politique étrangère japonaise, en réponse à une question qui lui avait été posée, l'ambassade du japon à Paris croit utile de communiquer la traduction des passages essentiels :

Le pacte anti komintern conclu entre le japon, l'Allemagne et l'Italie pour s'opposer aux machinations du Komintern, constitue l'axe de a politique étrangère japonaise. Cela est évident rien qu'en considérant les agissements du Komintern en Chine, qui ont été une des causes principales du conflit actuel.

Toutefois, l'établissement de l'ordre nouveau en Asie orientale ainsi que l'affermissement de la position

mondiale du japon ne peuvent être réalisés uniquement par le pacte antikomintern conclu entre le Japon, l'Al- lemagne et l'Italie; il est nécessaire, d'autre part, de faire comprendre parfaitement la position du Japon à l'Angleterre, aux Etats-Unis, à la France et à d'autres puissances.

Dans ces pays, on semble considérer les rapports existant entre le Japon, l'Allemagne et l'Italie comme « une union des Etats totalitaires contre les démocraties ». Une telle vue est complètement erronée. Il est évident que le pacte antikomintern n'est nullement dirigé contre l'Angleterre, les Etats-Unis, la France ou d'autres pays.

Ceci est à rapprocher de ce qui est spécifié par la plume de M. Hachiro Arita au début d'un attachant volume in-8° de 134 pages, publié en décembre 1938 par le Tokyo Information Bureau sous le titre The Pulse of Japon, le Pouls du Japon :

Le Japon n'a pas la moindre intention de conquérir la Chine. Tout ce qu'il désire, c'est une politique mutuellement avantageuse (beneficial) de coopération sino-japonaise. Loin d'exclure de Chine les placements et le commerce des autres nations, le Japon va les accueillir à bras ouverts. Un bloc économique tripartite comprenant : Chine, Japon et Mandchoukouo, telle est l'extension du désir du peuple nippon. Les hommes d'Etat britanniques et américains devront être en état de comprendre que les demandes du Japon ne sont ni menaçantes, ni agressives. (V. plus haut, chap. IX)

Nous croyons que la mise à exécution d'un raisonnable désarmement naval et que la paix du monde qui doit en être la conséquence ainsi que la réduction des charges financières publiques dépendent seulement de l'attitude des Puissances du monde, dès lors que celles-ci se montreront disposées à comprendre la position et

les requêtes (claims) du japon et à soumettre sérieusement les requêtes à un nouvel examen (op. cit. pp. 6-7).

Une note de la publication nous avertit que l 'original japonais de l'article, d'où le passage est extrait d'après la version anglaise, a été publié en mars 1938 par la revue : « Kokusai Chishiri et Hyoron » de Tokyo.

A la fin de la dernière session de la Société des Nations (décembre 1938-janvier 1939), M. Emile Charveriat, représentant le Ministère français des Affaires Etrangères a déclaré que « la Chine défendait son existence nationale ».

Le distingué diplomate ne s'est pas autrement expliqué, sans doute pour plus d'une raison, sur ce qu'il fallait entendre au juste par « existence nationale » d'un amalgame de populations qui ne possède, à proprement parler, aucun des ministères qui constituent ailleurs l'organisation de l'Etat, intérieur, finances (les revenus provenant des douanes, des gabelles et des postes contrôlées par des étrangers) travaux publics, justice, marine, instruction publique, etc... Naguère, il existait bien à Pékin, à Nankin, des institutions dénommées Ministère de l'Intérieur de la Justice des Travaux Publics, etc. Mais, en général, leur action s'arrêtait à Pékin ou à Nankin. A quoi se réduisait le rôle des Ministères des Finances, de l'Instruction Publique, abstraction faite des étrangers ?

D'autre part, le gouvernement de Tchang Kaï Chek doit-il être identifié avec « la Chine » ? That is the question. Nous avons vu ce qu'il en était au Congrès de mars 1929 (V. J. Rodes, pp. 131-132).

Le 5 mars 1938 est arrivé en avion à Tchong King le très distingué et très fin Ambassadeur nommé par la

France auprès de Tchang Kaï Chek. S. E. Robert Charles Henri Cosme.

Il devait présenter ses lettres de créance à M. Lin Seu, président du gouvernement Chinois, en fait, du factice Etat dont la capitale, depuis quinze mois, a été à Nankin et à Han Kéou. Actuellement (fin mars) il ne semble pas que la cérémonie ait été célébrée. Par contre, selon des rumeurs accueillies par la presse de Paris, le gouvernement, transféré fin octobre à Tchong King, se prépare à émigrer encore plus à l'Ouest et plus au Nord dans la partie où les us et coutumes chinois sont restés comme figés depuis des siècles et où d'ailleurs les populations étaient restées quasi indépendantes de Pékin.

Les Puissances occidentales s'unissent à l'U.R.S.S. pour agir auprès de Tchang Kaï Chek, le galvaniser, l'encourager à résister : Quand même !

Cependant la victoire finale de l'ordre, la méthode, l'organisation sur l'apathie, l'inertie et la confusion ne paraît pas douteuse.

En janvier 1891, le sujet de composition écrite pour le Droit international, au concours d'entrée aux Affaires Etrangères fut : Reconnaissance d'un Etat nouveau et d'un nouveau gouvernement. Le sens général des réponses admises fut à peu près celui-ci : « doivent être reconnus les Etats et les gouvernements quand, étant acceptés de la majeure partie de la population, à l'intérieur du territoire, ils y font régner l'ordre et la paix, assurant pour tous la liberté du trafic ».

Un télégramme de Shangaï à la presse parisienne du 5 juin 1939 a annoncé que ce jour M. Henri Cosme Ambassadeur de France en Chine s'était embarqué à bord du croiseur Lamothe-Piquet afin de regagner son poste via Haïphong, Hanoï, Yunnan fou.

Les agences soit officielles soit officieuses ont d'ail-

leurs été très sobres de renseignement sur l'activité du distingué diplomate depuis son arrivée à Tchong King, le 5 mars, par la voie des airs.

M. Cosme était de retour, le 15 juin, à cette résidence, ayant usé de l'avion, depuis Yunnan fou.

De toutes façons, nous nous permettons de recommander à l'attention de Son Excellence la conclusion que voici d'un article de M. P.-B. de la Brosse dans l'Asie Française, reproduit dans la Politique de Pékin du 1er janvier 1939. « A notre avis, la répercussion du conflit sino-japonais ne menace pas la position de l'Indo-Chine, mais à deux conditions : soyons forts et soyons sages réservant pour la défense de nos intérêts véritables la fermeté de nos résolutions et la puissance de nos moyens ».

En novembre 1938 la Japan Society de Londres a publié le volume XXXV des Transactions and Proceedings (47e session 1937-38), avec une suite de mémoires et d'articles aussi variés qu'intéressants, par le Dr Ingram Bryan — Livres anglais et lecteurs japonais —, le capitaine C. R. Boxer, — Ambassade portugaise au Japon, 1644-1647 —, le capitaine O. T. Tuck, — le drame comique du Japon, — M. Katsuko Yoshida, — la femme japonaise, — le pro- fesseur Dol, — les anciens mythes et traditions du Japon, — le professeur A. F. Thomas, — le système de la famille au Japon.

Dans ce beau volume, accompagné de remarquables illustrations, est encartée une petite plaquette (17 cm x 12) de 8 pages : Impressions of a visit to the Far East par M. G. S. Sale M.C.T.D. Military Cross. Territorial Division.

M. G. S. Sale est fils de M. Charles V. Sale,

Vice-Président depuis plusieurs années, de la Japan Society.

Le bref passage suivant, traduit du deuxième paragraphe, donnera tout au moins un aperçu du sens général des impressions recueillies par cet observateur alerte, averti, au cours de sa visite au Japon, pendant l'été de 1938.

« Quant au présent conflit, je m'en tiens à l'opinion que, quoi qu'il arrive, au japon doit être laissé le rôle de Puissance dominante, posant sur ses épaules le manteau que la Grande-Bretagne a si légèrement laissé glisser en 1927 quand nous avons abandonné nos concessions à Hankéou, à la requête des Chinois, ins- pirés par l'intrigue des Soviets (1).

La Russie est une quantité entièrement inconnue et je n'ai pas d'informations ou de connaissances spéciales mais mon sentiment personnel est que la Russie n'interviendra pas à moins d'être elle-même attaquée.

Conclusion :

Je crois qu'il y a de la place pour tous et un rôle à jouer, pour chacun, et que si la Grande-Bretagne et le japon ne peuvent arriver à un accord pour coopérer, il en résultera une tragédie pour la Chine, le Japon et la Grande-Bretagne ».

Les fournitures d'armes et de munitions, les subsides financiers accordés à Tchang Kaï Chek sont d'abord une manière de prolonger la lutte et les misères pour les Célestes, puis une façon de compliquer la tâche de ceux qui veulent aider ces derniers à tirer application et bénéfice de tous les avantages de la civilisation moderne.

(1) Dans les mêmes conditions, l'Angleterre, en 1928, abandonna l'organisation du Tribunal mixte et admit l'institution, par le Kuomingtang, d'un Tribunal entièrement Chinois à Shanghaï.

Le lecteur aura profit à lire à cet égard l'article publié en septembre 1938 dans le Taisiku, par M. Ryui- chi Fujisang et reproduit en anglais dans l'ouvrage dont nous parlons plus haut, The Pulse of Japon. L'auteur y traite pp. 54-56 des voies à suivre pour porter secours à la Chine; ces moyens d'améliorer la condition des masses, doivent précéder de façon immédiate les entreprises destinées à faire avancer la culture intellectuelle proprement dite.

Moins que partout ailleurs la politique en Extrême-Orient, n'est soumise aux lois des sytlagismer. Nous l'avons vu plus haut, à propos du Reich co-signataire avec l'Empire du Soleil Levant de l'entente antikomintern de novembre 1936, et cependant fournissant à Tchang Kaï Chek une mission militaire complète jusqu'en juin 1938. En voici une autre preuve tirée des journaux du 7 juin 1939.

Les officiers anglais arrêtés à Kalgan

On télégraphie de Tokio :

On mande de Kalgan à l'agence Domei, que le lieutenant-colonel C.-R. Spear, attaché militaire près l'ambassade britannique à Tchoung-King, et le lieutenant Cooper, officier interprète du bureau de l'attaché militaire, qui ont été mis depuis le 15 mai en état d'arrestation par la gendarmerie japonaise de Kalgan, sont inculpés d'espionnage.

Les autorités nippones les accusent d'avoir parcouru en tous sens la zone occupée par les forces japonaises et prétendent que lorsqu'ils furent découverts le 15 mai, au village de Sanghu district de Cholu, sur la ligne de Pékin à Han-Kéou, les attachés militaires britanniques étaient vêtus d'habits civils en piteux état et avaient une attitude suspecte.

De sources japonaises, on annonce qu'auparavant le lieutenant-colonel Spear avait rendu visite aux chefs

chinois de Tchoung-King, puis avait circulé beaucoup dans les zones d'opérations militaires du Seu-Tchouen, Chensi, Hopei, et s'était arrêté à Yenan, au quartier général de l'armée rouge chinoise, d'où il avait, dit-on, donné par la T.S.F. de l'armée rouge, des indications sur l'occupation japonaise du Chansi aux autorités britanniques de Pékin.

Quant au lieutenant Cooper, il aurait, selon les mêmes sources, rejoint le lieutenant-colonel Spear sans avoir avisé les autorités japonaises de son déplacement.

Des informations résumées plus haut, p. 84, concernant l'occupation de Haïnan, il ne paraît pas inutile de rapprocher la déclaration du porte parole du Ministère des Affaires étrangères japonais, à propos des envois d'armes et de munitions en Chine par le territoire indochinois (28 octobre 1938, publiée à Paris le 20 octobre). Il y est dit notamment ceci. « En octobre 1937, le Gouvernement français prit spontanément la décision d'interdire en Indochine le transit des armes et munitions à destination de la Chine...

Malheureusement, nous apprenons de source autorisée que ce qui se passe en Indo-Chine ne répond pas toujours aux assurances réitérées du Gouvernement français!... » Depuis la prise de Canton, par exemple, le trafic à destination de l'armée de Tchang Kaï Chek est devenu plus intense. Comment, s'exerce le contrôle des colis déclarés machines agricoles ? Quel est leur contenu réel ?

Le 21 juin les journaux de Paris ont publié les informations suivantes de Tokio 12 h. 15. (Paris, même jour, 3 h. 6) :

Tokio, 21 juin.

Un communiqué du ministère de la marine publié à 12 h. 15, annonce qu'à 5 h. 30 ce matin, les forces navales nippones avaient brisé la résistance chinoise et

occupaient complètement toutes les îles dominant Soua-Teou.

A 8 h. 30 les navires de guerre nippons commencèrent à pénétrer dans le port en déblayant les obstacles et enlevant les mines qui obstruaient la passe.

D'autre part, les rapports de l'aviation de reconnaissance japonaise signalent que les forces japonaises ont pénétré hier à 16 h. 30 dans la ville de Soua-Teou.

Tokio, 21 juin.

Dans une déclaration à la presse, le porte-parole du ministère de la marine a dit que la marine japonaise étant bien décidée à redoubler d'efforts pour renverser le gouvernement de Tchiang Kaï Chek, avait résolu de renforcer le blocus des côtes chinoises. A cette fin, a-t-il déclaré, l'occupation de Soua-Teou s'impose car c'est par là que Tchiang Kaï Chek reçoit des quantités d'armes et de munitions de l'étranger.

Munitions de l'étranger

Bien entendu, ceci est démenti à Londres. Cependant, un fait est patent. Depuis l'occupation de Canton (19 octobre 1938) et de Han Kéou (25 octobre), le grand courant de contrebande d'armes de Hong Kong Kow loon et la voie de Canton Hankéou a été forcément interrompu. A coup sûr, il a cherché ailleurs des dérivés.

D'autre part, Swateou (Chan téou) ouvert en 1867 au commerce extérieur est en développement intense. La population de 40.000 habitants en 1890 est passée à 140.000 dans ces derniers temps. La place exporte du sucre, du tabac, du thé, des porcelaines. La population des alentours émigre en nombre vers le Siam, Malacca, Singapour etc.

Nous avons cité déjà plus haut une correspondance adressée de Shanghaï au Temps par M. Gilles, sur la situation militaire en Chine décidée en faveur du Japon fin novembre 1938.

Six mois plus tard, une nouvelle lettre, du même expert, met les choses au point de façon d'autant plus claire et nette que le texte en est accompagné d'une carte établie avec le plus grand soin. Les armes japonaises dominent, en général à l'Est du Fleuve Jaune et au N.E. du Fleuve Bleu. Au Sud, elles occupent Canton, Fou-déou Amoy (N° du 1er juillet 1939).

Fin novembre dernier, elles se sont emparées de Nanning fou, au N. E. du Tonkin, sur un affluent de droite du Si Kiang.

Après l'occupation du Haïnan et de la région de Pakhoï, il s'agit là visiblement d'un ensemble de mesures destinées à restreindre la contrebande des armes et munitions en direction du haut Yang tse Kiang.

Le Gouvernement a d'ailleurs déclaré, comme en d'autres circonstances analogues, que les droits et intérêts légitimes des étrangers seraient respectés. Répétons-le, dans la Chine réorganisée, soumise, peut-être dans le système fédéral, — au régime de la paix, dans l'ordre et la justice, il y aura place pour toutes les entreprises honnêtes, pour tous les travailleurs capables, cherchant loyalement à gagner leur vie.

Cela, nous le croyons d'autant plus volontiers qu'il y va de l'intérêt même, bien entendu, de l'Empire du Soleil Levant.

Tous ses fils responsables se rendent compte qu'ils ne sauraient, à eux tout seuls, mettre en valeur l'immense Chine, aux ressources encore, pour une très large part, inexploitées. Il y a là une tâche virtuelle qui régissent une ample mise de fondes.

II

A Travers la Chine

Jusqu'au Sze Tchouen il y a sept ans

Les récents événements dans les vallées des fleuves Jaune, Bleu et du Si Kiang, ou rivière de l'Ouest, donnent un intérêt d'actualité aux impressions, prises sur le vif, au cours d'une rapide « croisière » de Marseille à Marseille accomplie en quatre mois pendant l'année 1930 par un voyageur averti M. L. Stiebel dont voici les principales escales : Hong-Kong, Changhaï, Tsing tao, Chang-haï-Kwan (Grande Muraille), Dairen, Moukden, Peïping (Pékin), Nankin (en avion entre ces deux dernières capitales), Hankéou, Itchang, Chunking et retour à Changhaï en descendant le fieuve Bleu.

L'auteur a visité à Changhaï, Moukden, Pékin, les établissements destinés au divertissement des étrangers et des gens du pays : maisons de jeu, de danses et autres, boîtes de nuit peuplées, en bonne partie de « filles d'officiers supérieurs russes ». Les spectacles préférés des Chinois sont les courses de lévriers et les matches de pelote basque, ces deux sports n'étant d'ailleurs que l'occasion de paris. Là-bas, le goût du jeu prédomine.

A propos de la justice chinoise, M. Stiebel rapporte des faits tendant à montrer l'exploitation des étrangers par des victimes d'accidents provoqués. Ainsi, il paraît qu'à Paris, en 1848, quelques individus se sont jetés sous de brillants équipages afin de toucher de

(1) Cilbert Stiebel : Au Céleste Enfer, Voyage en Chine, 222 pages in-12, gros caractères. Editions Baudiniére, Paris-14e, 1932 (15-II-39 E.-C.).

Article paru dans « l'Indépendant » du 7 janvier 1939.

fortes indemnités. Mais les juges n'ont pas encouragé, en général, ce genre de sport juridico-social. Il n'en serait pas de même, selon notre auteur, aux bords du fleuve Bleu.

A Tsing tao, le voyageur voit l'amiral Chen commandant l'escadre du Nord de la marine chinoise, dont le port d'attache est Lao chan Bay. Il est commandité par Moukden, donc allié de Nankin en théorie, mais, en réalité, son propre maître et vrai seigneur féodal de ses navires.

Ceci est à dédier à M. le général Vidal qui, dans un article récent de la Revue Franco-Chinoise (vol. XIX, N° 3) au cours d'une chronique consacrée aux événements actuels, a écrit cette phrase simple mais de portée singulière : « Faute de puissance navale, les ports chinois sont bloqués » (1937).

De Dairen à Moukden, M. Stiebel a profité d'un train rapide et propre d'une compagnie japonaise.

Mais pour passer de Moukden à Pékin par Chankhaï-Kwan (août 1930), il a dû faire usage d'un train chinois. Je renonce à reproduire la description qu'il en fait; je me bornerai à noter qu'elle est écœurante, surtout en ce qui concerne les wagons de deuxième et de troisième classe, souillés de toutes manières, d'une saleté repoussante (pages 112-118).

Entre Pékin et Nankin, environ 800 kilomètres à vol d'oiseau, sans le léger crochet par Tsi nan Fou, au total à peu près six heures en avion (1930), M. G. Stiebel a survolé, à côté de la capitale du Chantoug, le tombeau de Confucius (né 551 avant J.-C.) auprès duquel les Japonais, depuis 1937, ont installé une garde militaire d'honneur.

Auparavant, pendant la période qui a suivi le dé-

part (1911) de la dynastie Tsing, les sectateurs de Sun yat Tsen et de Karl Marx affectaient l'oubli ou le dédain à l'égard du grand philosophe moraliste du VIe siècle avant notre ère, dans le royaume Lou, aujourd'hui province de Chantoug, comme me l' a appris en 1930 M. Hou young Ling, jeune Chinois (Nankin), fort distingué alors de passage à Paris.

Nankin présentait pour Tchang Kaï Chek l'avantage de ne pas avoir de « quartier diplomatique » avec tous les privilèges reconnus aux étrangers dans celui de Pékin (page 143).

M. Stiebel quitte sans regret Nankin, « triste trou dans lequel on ne peut même pas trouver une bouteille d'eau de Cologne », « Pauvre Chine pillée par les communistes, dit-il, razziée par les militaires, rançonnée par les fonctionnaires ! ».

A Hankéou, l'inondation aggrave encore la misère du peuple. Le bateau heurte des cadavres en putréfaction.

Pour remonter le fleuve, l'auteur prend un vapeur anglais gardé par des fusilliers écossais (page 164). « Je me rends compte que la vie des blancs à Ichang ne doit pas être rose tous les jours. Encore moins celle des Japonais, car la propagande contre eux a pris une extension formidable ».

Page 168: « Dans le serein, une odeur fade, insinuante, plane sur toute la ville : celle de l'opium que fume sans se cacher la population entière... ».

Non sans avoir assisté à l'atroce supplice infligé à deux criminels (pages 169-172), M. Stiebel s'embarque sur un vapeur anglais pour Chungking. Le navire, blindé, est pourvu d'une garde anglaise armée de fusils-mitrailleurs, de pistolets contre les bandits et les pirates. L'auteur paraît ne pas prendre très au sérieux les risques à cet égard. Il y a des arrangements possibles avec ceux qui cherchent à exploiter les voya-

geurs. Par contre, il décrit de façon saisissante les gorges du « Foie de Boeuf », du « Poumon de Cheval », de la « Boîte à Vents»; les rapides de la « Gueule du Buffle», du « Cheval Furieux», du « Glorieux Dragon ».

A Chungking (environ 2.500 kilomètres depuis Changhaï), il prend une chaise à porteurs, seul véhicule de l'endroit.

J'arrive à ne plus les plaindre, dit M. Stiebel, en parlant des misérables habitants de la ville, ouverte au commerce extérieur en 1891. Le premier bateau à vapeur y est arrivé en 1898. Tous borgnes, ou scrofuleux, ou rachitiques, lépreux (p. 190) ». Sans doute l'auteur exagère-t-il un peu. Toujours est-il qu'en attendant le bateau pour repartir, il fait, dans l'admirable campagne environnante, toute en collines fraîches boisées, connaissance de ces gentils poneys de Szeu-tchouen au pied sûr (p. 192).

Des poneys, notons-le en passant, se trouvent également en Mongolie.

Ainsi s'expliquent bien des aquarelles chinoises, des décors de porcelaine où l'on voit tant de cavaliers aussi hauts, parfois même plus, que leurs montures.

Comme me le faisait remarquer récemment un éminent ami, l'excellent artiste Maurice Denis, il n'y a là nulle faute de dessin ou de perspective. Ces proportions inattendues tiennent à la nature même des choses, aux faits, aux êtres observés.

Les îles ont en général la spécialité des poneys : Shetland, Crête et comme me le faisait remarquer récemment (août 1939) mon collègue Cli Le Lorrain, les îles Chiloe au sud du Chili :

Revenons au Sze Tchuen et aux impressions rapides recueillies. voici sept ans, par M. Stiebel.

En 1905 le gouvernement impérial avait fondé, à Tchentou, capitale, une école de médecine, sous la direction de notre compatriote le docteur Legendre Cinq généraux tiennent le Sze Tchuen et parviennent à y maintenir la paix, c'est-à-dire la paix avec les autres provinces, grâce aux grandes difficultés de communication, gorges et rapides du fleuve, absence de routes, etc...

Telle est la contrée où Tchang Kaï Chek a transféré son « gouvernement » un peu avant la chute de Hankéou (24 octobre 1938).

Entre Ichang et Changhaï, le voyage se déroula dans la monotonie d'un fleuve que l'inondation a fait grand comme la mer.

La garde de marins français en fut pour ses frais d'arme au pied (p. 207).

A Hankéou, l'auteur, qui, trois jours plus tard, devait s'embarquer à Changhaï sur le Porthos, des Messageries Maritimes, recueille l'opinion que voici : « Cinq cents hommes bien armés et décidés suffiraient largement pour conquérir la Chine ».

Avouons que la façon dont les Japonais se sont emparés de la Mandchourie, en octobre 1931, et de Canton, sept ans plus tard, justifie ce jugement plutôt sommaire. Le lecteur en quête de détails les trouvera dans le livre de Herbert Böcher (Japonais, Chinois, Paris, 1932), et un article d'un correspondant occasionnel du Temps (28 novembre 1938).

Pour la Chine centrale, il en a été un peu autrement.

Evidemment, M. Stiebel n'avait pas eu le temps de voir les vingt-cinq ou trente divisions de Tchang Kaï Chek entraînées par des officiers allemands. Surtout il ne prévoyait pas l'extension que devait prendre, en 1937-1938, le ravitaillement des réguliers et irréguliers célestes, en armes et munitions, avions, etc...

par l'U. R. S. S., la Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne, la Tchécoslovaquie. L'escadre de Lao Chan n'a pas été ravitaillée, et pour cause. Aussi a-t-on pu voir que son rôle a été parfaitement nul.

Le lecteur saura tirer de lui-même la conclusion que comportent ces observations recueillies peut-être sans beaucoup de méthode, mais de façon directe et sincère par M. Stiebel.

Celui-ci s'abstient d'ailleurs de nous parler des corporations, congrégations et sociétés secrètes; c'est une sérieuse omission. Deux mois ne laissent pas découvrir ces organisations.

De toute façon, il eût été souhaitable que son voyage s'accomplit dix ou douze ans plus tôt, soit en 1919 ou 1920. Son livre eût alors contribué à éclairer, à édifier la Société des Nations. L'Assemblée de Genève eût peu-être hésité à admettre dans son sein cet amas de populations sans aucune autorité nationale, vouées jusqu'à présent à la routine, à la confusion, au désordre, et trop souvent à la misère.

Le livre de M. Stiebel force peut-être un peu la note dans le sens pessimiste envers la Chine. Mais il n'en est pas moins utile et intéressant, car, écrit avec intelligence et sincérité, il peut servir d'antidote, de réactif à l'égard d'autres publications, nombreuses, dont les auteurs se sont préoccupés moins de dépeindre la Chine telle qu'elle est, que de la faire apparaître telle qu'ils la voient dans leurs espérances ou leurs songes.

Sous ce titre : Ecrit en Chine (1), le comte Gilbert de Voisins a publié, en 1923, les impressions d'un voyage accompli par lui en compagnie d'un sinologue émérite, Victor Segalen, en Chine, à cheval de Pékin

(1) Crès, éditeur, 2 vol., petit in-8°, 230-196 pp.

7 août 1909 à Lan Tchéou (Kansou 23 octobre) Tchoutou (Szetchouen 10 décembre) Tchoug King (siège actuel du Gouvernement de Tchang Kaï Chek.

(1er janvier 1910). — Retour en bateau en descendant le Yang Tsé Kiang de Tchoug King à Shanghaï (4-28 janvier 1910). Ces notes, tracées de façon droite, sincère, originale, sont d'un curieux et d'un amateur averti. Elles méritent de retenir l'attention. A certains égards elles concordent avec celles de M. Stiebel.

Le comte de Voisins, descendant de la Taglioni, est mort au début de décembre 1939, des suites d 'une longue maladie. Poète, romancier, il était devenu gendre de l'illustre chantre des Troppées, José Maria de Heredia.

Parmi ses œuvres, on cite : Le Bar de la Fourche, Sentiments.

Le 13 mars 1939, la presse, à Paris, a publié le télégramme suivant de Tokio :

UN MISSIONNAIRE ITALIEN TUÉ AU CHANSI

Les troupes japonaises luttant contre les troupes communistes chinoises dans le nord-est du Chansi ont trouvé le corps d'un missionnaire italien, le père J. Cocchi, dans un village voisin de Kouo-Sien. Le missionnaire avait été enlevé le 6 mars, avec un de ses assistants indigènes, par une trentaine de soldats chinois communistes.

A rapprocher de ce qui est exposé aux chapitres II et III du présent ouvrage. A l'intérieur du territoire dénommé Chine, la transformation des brigands ou soldats et inversement est de pratique courante.

Le 14, un télégramme de Londres à Paris a communiqué la dépêche Reuter ci-après, venant de Tchong King:

ON EST SANS NOUVELLES D'UN AVION DE TRANSPORT

DE LA COMPAGNIE EURASIA

On s'inquiète ici du sort des passagers, au nombre de quatorze, et de l'équipage d'un avion de transport parti de Tchong King dimanche pour Kunming, dans le Yunnan, direction Birmanie (Novembre 1938).

Parmi les passagers de l'avion se trouve le directeur de la succursale de Hong-Yong de la Banque centrale de Chine. L'appareil appartient à la compagnie sinoallemande Eurasia.

Nous reproduisons ici cette nouvelle — tragique fait divers, — parce qu'elle apporte un symptôme topique de la persistance des liaisons plus ou moins masquées entre la République Chinoise, manifestement sous l'égide de Moscou et le Reich.

La mission Feldhausen, composée d'une centaine d'officiers, engagée par Nankin en 1930 (J. Rodes) a pu être officiellement rappelée en juin 1938, et rentrer, pour une part appréciable. L'aide prêtée par Berlin, avec Moscou, au dictateur Tchang Kaï Chek, n'a pas pour autant, entièrement disparu.

III

Après la grande guerre - Progrès de la campagne bolchevico communiste 1926 Le Japon réagit (1)

L'auteur de l'Enfer chinois, M. Stiebel, qui, nous l'avons vu, a pendant quatre mois voyagé à travers le « Royaume des Fleurs » donne dans son livre une description de malpropreté repoussante de l'état constaté dans les trains entre Changhaï kouan et, surtout, Tientsin à Pékin.

M. Jules Gautier qui a publié voici douze ans son livre la Chine brûle a passé, lui, près de trente ans 1900-1927 dans l'antique Empire du Milieu ou du Fils du Ciel. Il a connu les deux régimes plus différents dans les termes, dans la forme, que dans le fond. Au sujet des chemins de fer il se contente de dire : « La saleté des trains est indescriptible ».

« Le réseau a été construit par des Etrangers avec des capitaux étrangers et en général dans des conditions avantageuses de prix.

Malheureusement, il est livré partout à la soldatesque qui s'en sert sans discernement (pp. 52-55). »

Il a été témoin de l'abdication britannique à Hankéou en janvier 1927. Nous y avons fait allusion p. 180. Mais le témoignage direct positif de M. J. Gautier me paraît, m'a paru particulièrement propre à éclairer le lecteur qui me saura gré, sans nul doute, de reproduire les quelques passages que voici :

« J'arrivais par hasard, en visite à Hankéou, le 3 janvier 1927, quand commençait la forte pression de la racaille contre les marins et les volontaires anglais, qui avaient mission de la contenir à la limite de leur concession.

(1) L'Indépendant, 24 juin 1939. Quelques jours après M. A. Tardieu ce repris le même sujet dans le Journal.

Je vis à l'œuvre les propagandistes communistes professionnels.

Montés sur les trétaux, à quelques mètres à peine de la concession anglaise, ils avaient, à leur droite, une pancarte, haute de quatre mètres, large de trois, sur laquelle était peint un anglais caricaturé, bedonnant, terrorisé. Un ouvrier chinois, armé d'un couteau, lui ouvrait le ventre, d'où l'on voyait les entrailles s'échapper.

C'était l'invitation, à tous, d'aller à côté faire le même geste. Et le propagandiste d'exciter la foule : « Pour un travail pénible vous gagnez à peine quelques sous par jour. Pas même de quoi vous nourrir et nourrir vos enfants qui ont faim. Vous peinez de longues heures, courbés sous de lourdes charges. Et votre patron l'Anglais, lui, que fait-il ? Il s'assied quelques instants dans un fauteuil, signe une lettre, donne quelques ordres, et reçoit pour cela, chaque jour, des centaines de francs. Il va s'amuser, jouer au tennis, danser. Le soir, il donne des festins. Supporterez-vous cela longtemps ? Ne sentez-vous pas qu'il a peur, que votre nombre le fait frémir.

« Les Anglais n'ont pas le droit de vous voler votre riz. Frappez. Tuez ». Et l'accent et les gestes, ajoutaient encore, aux discours démoniaques de ces agitateurs de profession, que la soi-disant police chinoise laissait « travailler » sans intervenir.

« La foule devenait houleuse, de plus en plus hystérique, et cela dura deux jours. Tout le ramassis des pauvres hères, des voyous, toute la racaille que peut compter un port d'un million d'individus, étaient présents à ce rendez-vous macabre que les propagandistes leur avaient assigné, pour donner l'assaut à la concession britannique, et, devant eux, ils poussaient des enfants. Ils voulaient que les Anglais, pour se défendre, tirent, afin de pouvoir ramasser d'innocentes et jeunes

victimes, et promener leurs cadavres dans les rues de la ville chinoise, pour ameuter davantage encore la populace.

« Et les marins et les volontaires anglais furent sublimes de courage. Ils eurent assez de maîtrise sur eux-mêmes, pour refuser aux agitateurs les coups de feu, que ceux-ci désiraient.

« Ils ont résisté jusqu'à l'extrême limite, sous les insultes, les crachats, les pierres qui les blessaient.

« Cependant, ils savaient qu'ils n'avaient que quelques coups de feu à tirer, pour que cette foule décampât semblable à des moineaux. Ils ont tenu jusqu'au 5 janvier 1927, jusqu'à ce que le Consul général britannique leur ait commandé de se replier.

« On ne saura, sans doute, jamais, quelles furent les tractations entre le chef de la police chinoise et le Consul général britannique, qui en fut dupe. Il est probable que les communistes, à Hankéou, ont été aussi surpris de savoir les leurs en possession de la concession anglaise, que le Consul général britannique de constater que le contrôle de sa concession lui avait échappé.

« Et les jours tristes commencèrent...

« Les communistes firent grand état de ce qu'ils appelèrent leur victoire sur les Anglais. Des processions sans nombre, des démonstrations de toutes sortes, fêtèrent cet événement. »

Le gouvernement de Canton vint s'installer à Wu-chang. Le bureau politique, avec Borodine à sa tête, planta sa tente à Hankéou, et les bolchéviques régnèrent en maîtres sur Wuhan qui fut décrétée la nouvelle capitale de la Chine.

Pages 160 et suivantes, l'auteur nous donne sur le régime bolchevico-communiste installé en 1926-27 à Canton, des détails typiques édifiants que j'aimerais pouvoir reproduire. Mais il faut savoir se borner. Con-

tentons-nous de rappeler que Borodine, délégué de Moscou, organise un semblant de gouvernement qui est en réalité une dictature de terreur au moyen d'une police syndicale, appelée « Piquets de grève ». L'art d'appliquer la chimérique doctrine de Karl Marx ne consiste pas à supprimer le Capital mais à faire passer per fas et nefas les capitaux gros ou petits des poches des gens qui les avaient mis de côté, dans celles des citoyens qui en avaient envie, sans avoir pratiqué l'épargne et surtout dans les poches de ceux qui, ayant réussi à prendre la tête des syndicats, s'attribuèrent les leviers de commande. Mais ce sujet serait inépuisable... Limitons-nous à un abrégé des derniers chapitres de M. J. Gautier, témoin averti :

« Pour s'affranchir des maux de la soldatesque, les Chinois ont souhaité un instant l'avènement des théoriciens moscoutaires. De deux maux, ils ont choisi le pire.

« Si à Hong Kong, les Anglais avaient résisté jusqu'au bout aux fauteurs de désordre, le mouvement bochevico-communiste n'aurait pas pris l'extension que nous lui connaissons. »

Page 104 : « A Hankéou les concessions étrangères représentent et surtout représentaient depuis la grande guerre une œuvre importante des Etrangers en Chine. Elles se succèdent sur la berge, chacune en une bande de terrain de cinq cents mètres de profondeur moyenne sur environ six ou sept cents mètres de longueur.

« Limitrophe de la ville chinoise, la concession anglaise, puis la russe, la française, l'allemande et la japonaise.

« ...Depuis la grande guerre, la Chine a repris la partie concédée à l'Allemagne et la Russie a rendu celle qu'elle détenait. Ces deux anciennes concessions sont parées du nom de « districts spéciaux » et

ont encore un semblant de l'aspect que lui avaient donné les Etrangers, mais inévitablement elles redeviennent ville chinoise, c'est-à-dire sans police sérieuse, sans service moderne de voirie, sans budget régulier... »

A Tientsin, « les deux plus anciennes concessions — la britannique et la française — ont atteint le développement de grandes villes (p. 111) et comme à Shangai, comme à Hankéou, les Chinois sont très heureux d'y habiter.

« La cité, jusqu'à présent, a la bonne fortune d'abriter une garnison de troupes internationales pour la protection des Légations étrangères (écrit en 1927, neuf ans après ces Légations devinrent Ambassades) à Pékin à deux cents kilomètres. »

Après la guerre, les concessions allemandes et autrichiennes furent reprises par la Chine.

(Ainsi, au moment où le pays, tout au moins le Sud, tomba de plus en plus sous l'influence de Sun Yat Sen et de Karl Marx) et un peu plus tard, les Russes lui abandonnèrent la leur. Enfin, dernièrement, les Belges ont renoncé à celle qu'ils avaient obtenue, mais sur laquelle ils n'avaient absolument rien fait.

La grande guerre a valu aussi le retour de Tsingtau aux Chinois.

Pour être équitable, il faut dire que les Allemands avaient fait en ce pays du Chantoung un effort considérable...

... Si les Japonais n'ont pas pu conserver Tsingtau et le Chantung, ce qui est regrettable pour tous... ils ont admirablement développé le Sud de la Mandchourie ».

En définitive, par suite d'un ensemble de causes que le lecteur imaginera sans peine, il y eut depuis un quart de siècle retrait plus ou moins accentué de l'action européenne en Chine.

Par une contradiction assez singulière, les Etats-Unis, qui n'estiment pas — peut-être non sans raison — les Philippins encore aptes à se gouverner eux- mêmes, se sont montrés disposés, à bien des reprises, à laisser opérer en Chine le libre jeu de l'autonomie, en grande partie peut-être parce qu'ils espéraient le diriger, comme il arrivait souvent dans les dernières années des Tsing. L'Université impériale de Tientsin, ouverte en 1906, fut en réalité une création américaine...

En dehors de la Mandchourie, disait M. Gautier, il y a douze ans, le Japon a aussi acquis des intérêts dans le Shantung et le Foukien ne le laisse pas indifférent.

Sous peine de succomber lui-même, selon notre auteur, « le Japon ne peut pas tolérer le communisme bolchevique en Chine. Le Japon moins que tout autre peuple, ne peut tolérer le grand chaos en Chine ».

Ce sera aussi notre conclusion.

Montrons par un exemple comment ce point de vue est entré dans les faits.

Les outrages que ses nationaux et son pavillon ont subis à Nankin en 1926 n'avaient toutefois pas décidé le Nippon à sortir de son expectative.

Cependant, un lieutenant de sa marine de guerre s'était suicidé, avait accompli le harakiri, se déclarant incapable de survivre à la honte ressentie en voyant les Japonaises, disons maltraitées, et le drapeau national piétiné par la soldatesque des soldats chinois.

Vinrent alors, en avril, les assauts de la populace contre la concession japonaise de Hankéou.

Les marins japonais tirèrent, et l'ordre fut rétabli rapidement, car les bolchevistes communistes n'aiment pas l'emploi, contre eux, des armes à feu : ils ne sont passés maîtres que dans l'art de la propagande.

Quelques pages plus haut, M. Gautier fait ressortir comment le Gouvernement d'Hankéou, dit Nationaliste (en réalité bolchevico-communiste) fêtait en 1926 l'arrivée dans la ville du communiste anglais Tom Mann, du communiste français Jacques Doriot. qui venaient apporter à la Chine sociétiste les félicitations et les encouragements de leurs pays respectifs...

Borodine, délégué de Moscou, présidait à cet essai d'application des théories marxistes. L'expérience prit fin, d'ailleurs, en 1928.

Le lecteur curieux de plus de détails sur la crise intérieure, dénoncée par M. Jules Gautier dans son livre, et d'en voir les développeents jusqu'en 1931-32, pourra les trouver dans les Documents suivants présentés par le Japon à la S.D.N. 1932.

A. — Crise en Chine, 176 pp., in 4°.

Avec sept annexes :

1° Pirates chinois, 72 pp.

2° Attentats commis en Chine par des Chinois contre des Etrangers autres que des Japonais, pendant les dix dernières années 1922-1931 ; 36 pp.

3° Communisme en Chine, 64 pp.

4° Etat actuel et validité des 4 demandes, 111 pp. 5° Enseignement anti-étranger en Chine, 84 pp. 6° Infractions en Chine aux traités, 124 pp.

7° Boycottage anti-étrangers, VI-81 pp.

p. 15. rien que dans la Chine du Sud, plus de 150 Japonais furent attaqués et virent leurs biens détruits.

Dans les régions du Yang tsé à Nanking, Wouhou, Kiou Kiang, Han Kéou, Tchang shu, Itchang et Tchounking les nationaux britanniques et japonais subirent des attaques violentes.

En tête de l'annexe 3 une carte de Chine, au 7 millionième, montre les régions du pays complètement sovietisées, savoir, au sud : entre la baie de Bican et

Swateou (Haiplenz, Louteng), au N, E. d'Amoy zô- nes du Foukien et du Kiang si, toute la Mongolie extérieure (Ou dé) englobée, naturellement, par la Sibé- rie. Des zônes d'étendue considérable figurent comme livrées à l'influence communiste, notamment : presque toute la rive droite du Yang tsé (sauf les bords mêmes du fleuve et de ses principaux affluents) sur la rive gauche de grandes parties des provinces du Houpe, du Honan et de l'An hoei

Document B, imprimé en juillet 1932. — Les relations du Japon avec la Mandchourie et la Mongolie, 210 pp.

Plus annexe de XI, 46 pp. Disparition des traités, accords d'actes divers (Liao toung 15-27 mars 1898).

Une grande carte des chemins de fer accompagne cette publication et aide beaucoup à l'intelligence du contenu.

Quelques notes prises dans les journaux de Paris — Septembre-Octobre 1 931.

22 septembre. — Le Gouvernement japonais a reçu de vigoureuses protestations du Gouvernement chinois accusant le Japon d'ignorer le pacte Kellogg et demandant le retrait immédiat des troupes japonaises, cela, à la suite de l'occupation de Kirin (Kilin) par les Japonais.

Le 15 octobre. — A la S.D.N. M. A. Briand, en présence de MM. Alfred Sze (Chine), Yoshzawa (Japon) s'exprime ainsi :

« Nous constatons que du côté japonais on réitère l'assurance que le Japon n'a pas d'arrière pensée territoriale et qu'il est à examiner sans réserve que la sécurité, la vie et les biens de ses ressortissants soient assurés » (cf. supra, chap. I et II).

Le 16 octobre. — M. Wilden, Ministre de Fran-

ce, a quitté Pékin pour Nankin. L'attaché militaire français — chef de bataillon de Casseville — s'est rendu à Moukden.

Le Japon ne peut accepter la participation des Etats-Unis aux délibérations de la S.D.N.

Les plus belles périodes oratoires ne peuvent rien changer à la réalité des faits. De 1921 à 1931 le brigandage a été en Mandchourie en pleine recrudescence. Les auteurs du pacte Kellogg n'ont pu, à aucun moment, avoir pour but de favoriser un tel état de choses pas plus qu'ils n'ont prétendu, au Maroc, garantir l'indépendance de la « dissidence ». Les tribus insoumises y vivaient principalement de rapines et jusqu'en 1930-34, leurs territoires au S. E. de l'Atlas, servaient de base aux djouch, jusqu'à ce que les forces françaises vinssent leur imposer le respect de l'ordre et de la paix. Celle-ci, en effet, pas plus que la Justice, ne se défend pas toute seule en vertu de je ne sais quelle action mystique. Il lui faut des gardiens, nom des sergents de ville dans mon enfance.

Le 14 mars 1934, après quatre années de campagnes, les dernières tribus « dissidentes » se rendirent au Général Trinquet, à Tiznit, près de la limite N. E. de l'enclave espagnole d'Ifni.

IV

Célestes Francs-Tireurs et Guérillas d'Espagne (1)

Au cours d'un article récent de « La Croix », M. l'Abbé Michel Ribaud, ancien professeur à l'Institut Catholique de Paris, qui a passé des années en Extrême-Orient, cherche à faire ressortir les difficultés du Japon en Chine. A propos des irréguliers francs-tireurs, communistes ou autres, qui opèrent en arrière du front nippon qui couvre dès à présent 50 % des dix-huit Provinces, et peut-être 60 % de leur population, il évoque le souvenir des guerillas de la Péninsule 1808-1812. D'autres, ont considéré que la rupture des digues du Fleuve Jaune en fin juin dernier, était pour les Nippons le commencement de la fin, comme l'avait été, pour la Grande Armée, l'incendie de Moscou, août 1812 (M. Pierre Mille, Excelsior, 3 juillet).

Ces raisonnements par analogie paraissent plutôt spécieux. En politique comme en d'autres domaines, il suffit, en effet, d'une différence en apparence légère, pour modifier du tout au tout les conditions réelles.

Quoiqu'il en soit, dès juillet dernier, le grand périodique de Londres Great Britain and the East, avait aussi émis l'idée (the desire is the father of the thought) que les Francs-tireurs seraient la ruine de l'entreprise japonaise comme les guerillas avaient déterminé l'échec des campagnes de Napoléon dans la Péninsule.

Or, un fait frappe l'attention dès le premier abord. Si Napoléon et ses généraux n'avaient eu affaire qu'aux guerillas, ils en seraient sans doute venus à

(1) Les Amis du Japon, 12, avenue du Maine. N° 29, 18 mars 1939.

bout. Mais ils avaient aussi en face d'eux les troupes commandées pas les Palafox, Castanos, la Cuesta, Blake, Wellington (V. Gai Foy Guerre de la Péninsule 1827). La valeur militaire des soldats réguliers ou des guerilleros, était doublée, décuplée par la foi envers la Vierge de Saragosse qui animait, enflammait le moral des uns et des autres. C'est ici le cas de rappeler le refrain que tous les Espagnols savaient encore par cœur il y a vingt ans et que beaucoup sans doute répètent encore aujourd'hui sans du reste pour cela cesser d'être bien disposés envers une France pleine de sympathie envers leur pays où vont heureusement renaître, espère-t-elle, l'ordre et la paix.

« La Virgen del Pilar no quiere ser francesa, quiere ser Capitana de la Infanteria aragonesa » (La Vierge du Pilar ne veut pas être française, elle veut être Capitaine de l'Infanterie d'Aragon) (1).

Quelle déité rencontron-nous en Chine pour assumer pareil rôle ? N'hésitons pas à répondre, aucune.

Mme Chiang Kaï-chek, née Soung, élevée en partie aux Etats-Unis, en dépit de tout son mérite, de tout son allant, ne saurait être mise en parallèle, même de loin, non seulement avec N. D. du Pilar, mais avec Jeanne d'Arc.

Chiang Kaï-chek est soutenu matériellement, finan-

(1) Il résulte d'une information publiée par le Temps, le 13 mai 1939, que le grandiose défilé de la victoire à Madrid, qui allait s'accomplir quelques jours plus tard, serait présidé par la Vierge du Pilar, la Pilarica, capitaine général de l'armée espagnole, en vertu d'un décret officiel remontant à nombre d'années.

De même, en Portugal, St Antoine de Padoue, lieutenant à la suite d'un régiment d'infanterie depuis la restauration au XVIIe siècle, est maintenant, depuis nombre d'année, colonel de ce même régiment. Son nom figure au budget. Naturellement il émarge par mandataire.

cièrement par Londres, Moscou, à un moindre degré Paris. Il n'y a point d'inspiration mystique en cette affaire, si ce n'est peut-être de la part de quelques bolchevistes. Mais, parmi les adeptes de ces derniers chez les Célestes, spécialement parmi les irréguliers du Honan, Chansi et autres régions plus ou moins contigües à la Sibérie, ce n'est nullement un sentiment mystique qui prédomine. Il s'agit de continuer et d'accroître si possible la vie tradtionnelle de rapines et d'enlèvements. Kidnapping a tout son sens dans ces parages, comme jadis au Maroc, zône de la « dissidence ».

V

Le conflit d'Extrême Orient d'après un livre récent (1)

M. R. D'AUXION DE RUFFE, qui fut longtemps correspondant de journaux de Paris à Shangaï, vient de publier (Berger-Levrault, édit.) un important ouvrage sur ce qu'on est convenu d'appeler l'incident sino-japonais, dont le début effectif remonte au 7 juillet 1937. S'il s'agissait d'en rechercher les origines virtuelles, il conviendrait d'examiner les conditions de l'occupation de Moukden par les japonais en septembre 1931, puis les décisions de la Société des Nations des 30 septembre 1931 et mars 1932, condamnant le Japon, suivant l'orientation indiquée par M. Briand. Ce livre, portant en sous-titre : « Les coulisses du drame », est divisé en six parties : 1 ) Chine : Anarchie après Sun Yat Sen ; La clique Soong installée à Nankin ; Boycottage anti-japonais 1930-31. — 2) Japon. — 3) Mandchoukouo. — 4) Société des Nations et conflit Sino-japonais. — 5) Questions diverses : Concessions; Tribunaux et justice en Chine. — 6) Appendice et références.

L'esprit de l'auteur apparaît clairement dans ce bref passage de la quatrième partie (rôle néfaste de la S.D.N.) : « Nombreux sont en Chine les étrangers qui pensent que l'intervention de la S.D.N. a été la cause de l'aggravation des événements dans ce pays et qui estiment que si la S.D.N. avait invité les parties en cause à régler entre elles un différend purement local à l'origine, ce différend n'aurait pas dégénéré en une

(1) Amis du Japon, N° 35, 6 mai 1939.

véritable guerre de conquête ». Il est certain qu'en 1931, Tchang sueh Liang en Mandchourie, le Kuomintang à Nankin en 1937, ont compté sur la S.D.N. pour arrêter les forces nippones. Ne nous laissons pas d'ailleur abuser par l'expression de guerre de conquête qu'emploie l'auteur. La conquête de l'Algérie et de l'Afrique du Nord par les Français en 1830-1934 a été, en réalité, une entreprise de pacification. Il en est de même des opérations accomplies par les forces nipponnes : Terre, Mer et Air dans l'antique « Royaume des Fleurs », depuis bientôt trois ans.

Puis, cette assertion simple, mais exagérément tranchante :

« Mentir, pour l'Asiatique, c'est-à-dire savoir « bien mentir », est une qualité et un moyen parfaitement honorable. Ce qui n'est pas bien, c'est de se faire pincer en flagrant délit de mensonge, alors on perd la face ».

Ici, je suis obligé de protester au nom des principes : L'Asiatique n'existe pas, il n'y a que les Asiatiques, lesquels sont loin d'avoir tous le même caractère, la même formation morale. Je proteste également au nom de mes regrettés amis disparus : LL. EE. Tatsuké, Bon Kurino, Okami, Chevalier de la Légion d'Honneur, Sugimura et d'autres, heureusement toujours de ce monde, dans l'élite de l'humanité : les comtes Motono, Ishii, Soto, T. Mitani ; les Amiraux T. Hatano, Togari, le général Kakuzo, M. S. Goto, professeur à la Faculté des Lettres de Tokio, Morita, Hasegawa et combien d'autres, soit au Japon, soit en Europe, etc ... En leur nom, ce m'est un devoir d'affirmer que le proverbe « Honesty the best policy » n'a pas cours que dans les Démocraties d'Occident. En 1895, le Japon eut des motifs de considérer qu'il y avait pour lui un péril blanc. En 1898 il vit la Russie s'installer à Port-Arthur que la manifestation collective dé Tche-

fou l'avait obligé, trois ans plus tôt, de rétrocéder à la Chine « comme indispensable à l'indépendance de Pékin » (1). « Tota anima naturaliser christiana », c'est-à-dire encline à la morale, a dit Tertullien.

Revenons aux événements actuels, tels que les rapporte M. d'Auxion de Ruffe. Celui-ci ne nous dit mot des Corporations, Congrégations, hongs. C'est une sérieuse omission quand il s'agit de faire comprendre comment quelque cohésion, quelque élément d'organisation se rencontrent entre les. populations d'un pays comme la Chine où, à proprement parler, l'Etat est inexistant ! Il se borne à nous dire qu'après la mort de Sun Yat Sen, les représentants de l'U.R.S.S. en Chine avaient compris que des êtres primitifs forment les immenses populations de cette contrée et qu'ils n'étaient pas préparés à adopter les systèmes communiste et collectiviste... »

A propos de la mission de Lord Lytton en Chine, en 1932, M. d'Auxion s'étonne de ne pas la voir se rendre directement de Shanghaï à Moukden : « Elle éprouva la nécessité de faire un voyage sur le Yangtse Kiang, puis d'aller admirer Pékin qui est en effet superbe à cette époque de l'année (début d'avril) ». Quant au désir manifesté par la mission de se rendre de Hankéou à Pékin par le chemin de fer franco-belge traversant, sur une longueur de 1300 kilomètres, les provinces d'Houpe, du Honan, du Hopei, notre auteur n' en souffle mot. C'eut été pourtant une occasion particulièrement propice, adéquate, de souligner le refus opposé par le Gouvernement de Nankin et d'en expliquer la principale raison : l'impossibilité, pour le dit Gouvernement d'assurer la sécurité de la Commission, au-delà de 50 kms à partir de Hankéou.

(1) V. Y. Matsucka. La Mandchourie, Paris, Nov. 1931, Imp. Money, p. 37.

En relevant ce point omis., nous ne songeons nullement à laisser l'impression que le livre ne contient pas tout un ensemble de données d'informations prises sur le vif, instructives.

Nous signalerons entre autres une carte remarquablement bien conçue pour montrer les diverses zones communistes d'une part, japonaises de l'autre, à la fin de l'année 1936. Cette carte est indispensable à qui veut comprendre l'évolution qui s'est accomplie là-bas depuis dix ans. Signalons encore des hors-texte, d'exécution fort soignée, donnant : les portraits du général Tchiang Kai-shek et de sa famille, des fac-simile de billets tirés soit en 1906 en France par le Gouvernement révolutionnaire chinois, soit en 1930-1934 en U.R.S.S. avec le portrait de Lénine), le plan de Shanghaï, les effets des bombes lancées par des avions chinois en août 1937 sur Shanghaï ou aux environs de Nankin (Chinois tués — destructions). Un piquant chapitre est celui qui est consacré à la capture de Tchiang Kaï-shek par Chang Hsueh Liang (1) et les communistes le 7 décembre 1936. J'ai parlé de cette tragicomédie dans mon livre de l'an dernier sur l'Anarchie en Chine. M. de Ruffé nous confirme en passant que le jeune Chang Hsueh Liang, dictateur de la Mandchourie en 1931, était venu l'année suivante faire la noce à Paris ; « il avait rapporté non seulement l'étoile des braves, mais aussi l'admiration passionnée du Quai d'Orsay ».

Mais il nous a semblé devoir mettre le lecteur en garde contre certains côtés insuffisants de l'enquête qui lui est présentée. Les conclusions, pour intéressantes qu'elles soient, de M. d'Auxuon de Ruffé, ne sauraient être acceptées que sous réserve.

(1) Commandeur de la Légion d'Honneur, v. Echo de Paris, 14 décembre 1936. Art. Le jeune maréchal a réussi un coup de maître.

VI

L'amitié franco-japonaise vue de Hollande (1)

La revue rapide parue ici même hier ou avant-hier... née des impressions qu'il m'a été donné de recueillir récemment soit en Néerlande sont en Belgique (anciennement Pays-Bas Autrichiens), demeurerait trop incomplète si mention n'était faite de l'accueil particulièrement cordial qu'ont bien voulu me réserver à La Haye la toute gracieuse Mme Adatci et son éminent époux, ancien Ambassadeur à Bruxelles et à Paris, aujourd'hui président de la cour permanente de Justice Internationale. Autour d'une table finement servie à la française, ce ménage, d'une si haute distinction, qui a laissé à Paris des souvenirs bien chers, avait réuni quelques amis: MM. Saito, ministre plénipotentiaire, Yosano, secrétaire d'Ambassade, qui n'ignorent rien des choses de France, M. Henry Asselin, conseiller à notre Légation et Mme Asselin qui collabore de façon des plus heureuses à la propagande menée avec autant d'intelligence que de talent, depuis des années, par son mari en faveur de la France dans ces Pays-Bas qu'il connaît à merveille comme le prouvent ses ouvrages très justement apppréciés. Notons que grâce à la persévérante activité de M. Asselin, un institut français, de caractère universitaire, va s'ouvrir à Amsterdam.

(1) Extrait de Minuit Journal (n° du 26 septembre 1933).

Mais revenons au Japon, par où est passé naguère M. Asselin. L'Empire du Soleil Levant aux XVIIe XVIIIe et première moitié du XIXe siècle, est resté en communication avec l'Europe grâce à la Hollande. Puis, tout en sachant rester lui-même, il s'est ouvert en grand aux influences occidentales. Pour saisir le rôle de M. Adatci, pour comprendre son double caractère de diplomate et de juriste (actuellement le premier s'est effacé devant le second) il est indispensable de ne pas perdre de vue que, dès sa première jeunesse, il fut le disciple très compétent, très averti de maîtres tels qu'à Tokio, M. G. Boissonnade, professeur à la Faculté de Droit de Paris, dix-neuf ans chargé de mission au Japon, où, en collaboration avec des experts nationaux, il a préparé le Code Civil japonais, œuvre de permier ordre. Bientôt le futur Ambassadeur, tout jeune encore, se rendit en Europe. Tout d'abord à Naples il suivit les cours de M. Pasquale Fiore. Puis à Paris, ceux de M. Louis Renault, professeur à la Faculté de Droit, membre de l'Institut, jurisconsulte du ministère des Affaires étrangères, dès 1890, poste alors créé par M. Alexandre Ribot.

Cette mesure dont il eut l'initiative, doit de façon durable, rester à l'actif de la mémoire du distingué homme d'Etat qui de 1890 à 1892 a dirigé notre politique extérieure, joignant finalement, du 28 février au 6 décembre 1892, à son portefeuille la Présidence du Conseil.

L'an passé, le 5 août, a été solennellement inauguré à La Haye l'effigie en bronze de L. Renault, éminent disciple de Grotius, qui possédait de façon exceptionnelle l'art d'ajuster dans les congrès internationaux dont il a fait partie de 1882 à 1919 le respect des grands principes au travers de toutes les complexités des intérêts politiques rivaux. Cette statue

s'élève au haut du grand escalier d'honneur du Palais de la Paix où elle fait pendant à celle d'un autre grand disciple de Grotius, le maître Asser, Hollandais, collègue et ami de M. L. Renault. Chaque fois que le Président de la Cour permanente de Justice Internationale, S. Exc. M. Adatci, passe devant les nobles effigies de ceux qui furent au début de sa carrière, les guides de sa pensée, il reçoit leur muette mais profonde approbation.

Quelle meilleure preuve de la coïncidence, par le sommet, par la cime, entre le génie japonais et le génie humain ?

Edouard Clavery.

Un autre grand jurisconsulte français, M. Appert, a été en mission au Japon, comme successeur de M. Boissonnade. Il a également sa statue à Tokyo, au Ministère des Affaires Etrangères. M. Adatci l'a bien connu.

L'ancien Ambassadeur à Bruxelles et à Paris a siégé pour la première fois comme Président à La Haye, le 20 janvier 1931, lors de la première séance publique de la 20e session de la Cour Permanente de Justice Internationale.

Celle-ci avait été fondée le 16 juin 1920, à la Haye, en correspondance avec le Pacte de la S. D. N.

M. Adatci succomba malheureusement, avant la fin de son mandat en 1934, emporté par une embolie.

V. les procès-verbaux de la Cour Permanente de Justice Internationale. Première session sous la présidence de M. le Baron Descamps. A signaler en particulier les exposés de Lord Philimore, de M. Loder, du Baron Descamps, de M. Root, 5e, 11e, 20e séances.

VII

Hommage à Henri CAPITANT

Professeur à la Faculté de Droit de Paris, Membre de l'Institut,

en mission au Japon 1929-1932

Né à Grenoble le 15 septembre 1865.

Décédé le 21 septembre 1936.

LETTRE A M. SMOULAR,

Directeur de la Revue France-Japon (1)

Le Vésinet, 20 novembre 1937.

Monsieur le Directeur,

Vous avez bien voulu faire appel à mes souvenirs propres à évoquer la figure du bien regretté Professeur Henri Capitant, haute intelligence, noble caractère enlevé soudain à la profonde estime, à la sympathie de ses nombreux disciples et amis ainsi qu'à l'affection de sa famille.

Il m'a été donné, en effet, de rencontrer plusieurs fois l'illustre juriste, de m'entretenir avec lui, notamment en 1933 et 1934, peu après son retour du Japon où il avait passé plusieurs années consacrées à l'ensei-

(1) V. numéro 25, du 15 janvier 1938.

gnement du droit civil et à la direction de la maison Franco-Japonaise de Tokyo, où l'avait secondé, avec beaucoup de bonne grâce et de talent, sa très digne épouse, Madame Capitant.

Je puis dire qu'il avait conçu la plus vive sympathie pour le peuple nippon pris dans son ensemble, depuis son Auguste souverain jusqu'au plus modeste des serviteurs de l'Empire. Il tenait en très haute estime ses qualités morales et intellectuelles, sa foi dans les hautes destinées de sa nation, en coopération avec l'humanité ! Il connaissait sa glorieuse histoire, toute imprégnée de l'esprit de chevalerie. Il savait estimer ses arts, où l'on peut distinguer une lointaine influence de l'Attique, notamment dans la sculpture, et sa littérature, si riche, si variée depuis Sei Shonagan au XIe siècle jusqu'à Tchikamatsu XVIIIe et aux poètes et écrivains modernes.

Cette part prise, en quelque mesure, à travers l'espace et le temps, par les maîtres helléniques à la formation des sculpteurs du Daï Nippon au moyen âge est un effet indirect mais certain de l'expédition d'Alexandre le Grand aux Indes. Ce n'est pas M. Paul Foucher, de l'Institut, qui me démentira.

M. le Professeur Capitant considérait comme très significatif le fait que seul, parmi les peuples de l'Asie Orientale, le Japon avait organisé, voici déjà soixante ans ou presque, un cours de droit romain (1).

(1) « Vous avez, à plusieurs reprises, Monsieur, cité le mot de Renan ». Toutes les victoires de Rome ont été les victoires de la raison « et vous avez un jour, à la tribune de la Chambre, ajouté : Je crois bien qu'en nous apportant tout à la fois le droit qui était bien de chez elle et le syllogisme qui venait de plus loin, c'est-à-dire des Grecs, Rome nous a probablement civilisés ». Louis Madelin. réponse au discours de réception de M. Léon Bérard, à l'Académie Française Jeudi 3 mars 1938.

M. Henri Capitant s'inspirait du même esprit que ses prédécesseurs, les professeurs Boissonnade, Michel Revon, Appert... Ce dernier a sa statue au Ministère de la Justice à Tokyo. Le premier, comme il est connu, est l'auteur du projet de Code Civil publié en huit volumes, in-8°, à Tokyo, en 1883 (1). Ce que l'on sait moins, c'est son rôle en l'année 1892, au moment où le Japon, dans son désir, si naturel et si justifié, de voir supprimer les tribunaux consulaires, allait accepter le système des tribunaux mixtes, établi depuis le 18 novembre 1874 (Convention signée à Berne) en Egypte. Accompagné de son jeune secrétaire, M. Adatci, venu d'une des provinces du Nord, futur Ambassadeur à Bruxelles et à Paris, puis Président de la Cour Permanente de Justice Internationale de La Haye, en 1931-1934, — M. Boissonnade (2) rendit visite alors, à chacun des membres du Cabinet présidé par le Comte Ito Hiroboumi, successeur du Général Comte Yamagata Aritomo. Ces démarches eurent pour résultat que la réforme fut prorogée d'un an ou deux mais s'accomplit dans sa plénitude par des Conventions signées en 1893 et en 1894 d'abord avec le Mexique et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande. Le Japon récupéra dès lors sa souveraineté complète dans le domaine judiciaire comme dans les autres. Il ne se contentait pas d'avoir des Codes. Il avait organi-

(1) Le nouveau Code civil japonais fut mis en vigueur en juillet 1899. V. Condicion juridica de los extrangeros en el Japon, par M. S. Yamada, Membre de l'Académie Impériale du Japon. Traduction de Arturo Quijano, ancien Président de l'Académie Colombienne de Jurisprudence, à Bogota. MLM XXXI, Aquila negra editorial.

(2) Nommé professeur à la Faculté de Droit de Paris en 1867, sous l'influence de Mme Cornu. Voir Marcel Emerit : Mme Cornu et Napoléon III. Paris, les Presses Modernes, 1937.

sé tout un ensemble de tribunaux, pourvus d'un corps de magistrats parfaitement préparés, munis de la police indispensable pour assurer l'efficacité des sentences. Dès 1900, ses tribunaux rendirent la justice aux étrangers aussi bien qu'aux nationaux. Si une critique put leur être adressée dans les débuts, ce fut celle de manifester une tendance à la partialité en faveur des premiers.

M. H. Capitant fut le très digne et très compétent continuateur du professeur Boissonnade, que mon éminent ami M. Emile Bertin, Membre de l'Institut, créateur de la première flotte moderne du Japon, Président de la Société Franco-japonaise de Paris de 1903 à 1924, avait vu l'œuvre dans votre Patrie, entre 1886 et 1890.

Veuillez agréer, Monsieur le Directeur, l'expression de mes sentiments très distingués.

Ed. CLAVERY.

P.-S. — Dans la Culture Franco-Japonaise, Tokyo 1930, M. H. Capitant a publié un article sur les transformations du Droit Civil français depuis cinquante ans.

Au début de mai 1939, la Société Franco-japo- naise de Paris et l'Institut d'Etudes Japonaises de l'Université de Paris ont publié, à la Librairie du Recueil Sirey, sous ce titre : Hommage au Baron T omii et au Professeur Capitant, une remarquable plaquette (48 pp. in-8°) dont le contenu importe grandement aux relations intellectuelles entre la France et le Japon, spécialement dans le domaine juridique.

L'abrégé ci-après de la Table des Matières en donnera un aperçu au lecteur :

Allocution de M. le Recteur Roussy, Président du Conseil de l'Université de Paris.

Hommage au Baron Tomii (1858-1920) par M.

Jean Ray, ancien professeur à la Faculté de Droit de l'Université Impériale de Tokio.

Hommage au professeur Henri Capitant (1868-1937), par M. de la Morandière, professeur de Droit civil à la Faculté de Droit de l'Université de Paris, actuellement en mission en Colombie.

Allocution de M. K. Miyazaki, Chargé d'Affaires du Japon.

Allocution de M. André Honnorat, Président de la Société Franco-Japonaise et du Conseil d'Administration de l'Institut d'Etudes Japonaises de l'Université de Paris.

Note de M. Louis Josserand, Doyen honoraire de la Faculté de Droit de Lyon, sur les études à Lyon (1877-1880) du baron Tomii.

Simultanément, le Recueil Sirey a publié une traduction particulièrement soignée de deux textes capitaux dont il n'est point besoin de faire ressortir le haut intérêt, savoir :

1° Le Rescrit impérial sur l'éducation, 30e jour du 10e mois de la 23e année de Mei-ji (an 2.550 de la Fondation de l'Empire; 1890 de l'ère chrétienne).

2° Préceptes impériaux pour les armées de terre et de mer (le 4e jour du premier mois de la 15e année de Mei-ji (an 2.542 de la Fondation de l'Empire; 1882 de l' ère chrétienne).

Il est clair que ces préceptes s'appliquent également aux armées de l'air du Daï-Nippon, comme à ses deux sœurs aînées formant les deux premiers éléments de la force militaire nippone.

Pendant la correction des épreuves de ces pages (25 mars 1939) nous parvient la triste nouvelle du décès, dans une clinique au Japon, de S. E. M. Y. Sugimura, ancien Ambassadeur de son pays à Rome (Quirinal) et à Paris, auteur des écrits dont nous parlons

plus haut, p. 145 et suivantes. M. Sugimura a succombé prématurément, à cinquante-cinq ans, après une brillante carrière. Nous ne pouvons que nous associer aux regrets qu'a inspirés de tous côtés la perte de cet homme de cœur et de vive intelligence, qui a tout fait pour le rapprochement intellectuel et moral de l'Occident, en particulier de la France et de l'Extrême Orient.

Comme je l'ai signalé plus haut, page 128, un de mes jeunes amis, M. Mariano de Ortega-Morejon, neveu du regretté M. André Lequeux, qui fut Consul Général à Londres, après avoir rempli les mêmes fonctions à Yokohama (1888-1892) a bien voulu, à propos de la première édition de cet essai, me communiquer divers extraits du livre de M. Pierre Lyautey : Chine ou Japon 1933, récit d'un voyage fait l'année antérieure.

Je l'en remercie et crois devoir reproduire ici l'un de ces extraits, qui pourra donner une idée des autres :

« Canton veut la guerre. Alors que la Chine est si misérable, a besoin avant tout d'ordre, de sécurité, alors qu'il lui faut procéder à sa reconstruction économique ou à sa construction tout court, il est ici des hommes sincères qui veulent pour leur pays une guerre de plus. (Chap. IX. La colère de l'Asie).

Dans le Chapitre V, « La Chine en Sommeil », les propos d'une interlocutrice de M. P. Lyautey éclairent sur l'état d'âme des hommes sincères dont il vient d'être question, gardant sous l'influence du Komintern, un persévérant parti pris anti-nippon.

L'indiscutable impartialité de l'auteur donne toute sa valeur à son témoignage.

VIII

Après une visite au Musée Guimef de Lyon

NOUVEL ASPECT

des

Relations Intellectuelles entre la France et le Japon

Un Congrès des Sociétés de Philosophie de langue française qui vient de se tenir à Lyon du 13 au 14 avril 1939 fut, pour l'auteur du présent essai, l'occasion d'une visite au Musée Guimet (construit en 1885, inauguré en 1913). Dès l'entrée, à l'intérieur du vestibule, trois publications ont particulièrement attiré son attention et lui ont paru mériter d'être signalées, ne fût-ce que de façon sommaire, au lecteur. Par anticipation, en effet, elles répondent, de façon remarquablement directe et adéquate, au vœu manifesté par S. E. M. Y. Sugimura et bien d'autres personnalités japonaises et françaises en faveur de l'intercompréhension entre les peuples d'Extrême-Orient et d'Occident, spécialement entre le Japon et la France.

Voici les noms des auteurs et les titres de ces notables écrits, deux plaquettes et une brochure plus importante, publiées à Lyon en MCMXVIII par le Comité Franco-Japonais à l'Hôtel de Ville, par conséquent sous le patronage de M. Edouard Herriot, à l'esprit si éclairé, au cœur si humain.

Henri FOCILLON, alors Directeur des Musées de Lyon, aujourd'hui professeur à la Sorbonne, Faculté des Lettres.

Essai sur le Génie Japonais, 64 pp., in-12 jésus. L'auteur de ce pénétrant écrit, excellent exemple,

par la forme et par le fond, du génie français, avait moins de quarante ans quand il donna ces pages, intermède entre maintes autres oeuvres développées, de haut intérêt.

K. KIJIMA, Consul du Japon à Lyon. L'extension commerciale entre le Japon et la France, 31 janvier 1918, 12 pp., même format.

Maurice COURANT, Consul de France, Professeur de Chinois à l'Université de Lyon, ancien interprète à la Légation de France à Tokyo. Deux époques de la politique extérieure du Japon. XVIIe siècle et XXe siècle, 22 pp.

Un des plus curieux specimens du Muséum d'His- toire Naturelle (où l'on pénètre en sortant du vestibule) est celui du crabe géant du Japon (faune actuelle) : macrocheira Kaempferii. La carapace est blanche. L'envergure des pinces est d'environ 2 m. 50. L'exemplaire a été acquis en 1890 par le Museum. Dès 1691 le célèbre naturaliste Kaempfer, médecin au service de la Compagnie hollandaise en relations avec le Japon, avait observé et décrit ce curieux crustacé.

Ces renseignements sont dûs en partie à M. Claude Gaillard, Directeur du Museum et nous l'en remercions.

Ces curieux crustacés se rencontrent au Nord du Japon, sur le littoral du Hokkaido. Il s'en trouve, dit-on, jusque sur les côtes du Groenland.

Au deuxième étage est installée, dans de bonnes conditions, depuis 1912, la célèbre salle des Cigognes, ensemble décoratif japonais, conçu et exécuté au XVIe siècle en dehors de toute influence occidentale. Il s'agit de la reproduction fidèle, très soignée, d'un des principaux salons, Tsuru no ma (littéralement salle des grues) du palais de Hideyoshi à Momoyama près

Kyoto. Hideyoshi le premier en date des shoguns modernes, dit aussi le Seigneur T aïko, Taiko Sama, fut le conquérant de la Corée à la fin du XVIe siècle. Cette reproduction a été exécutée en 1909 pour le compte des exposants de Kyoto à la Japan British Exhibition, Londres, 1910.

Leur Association, dite Kyoto Kan, fut représentée à Londres par une délégation comprenant MM. K. Niwa, Directeur; Kagawa, Conseiller à la préfecture de Kyoto; K. Morita, Secrétaire; Kitamura, architecte. Après l'Exposition la salle fut offerte à la France, finalement au Musée Guimet de Lyon par l'intermédiaire de la Société Franco-Japonaise, dont M. E. Bertin a été, de 1902 à 1924, l'éminent Président.

En septembre 1910 M. Raphaël Collin, de l'Institut, vint à Londres à la prière de son ancien élève M. Kume, professeur à l'Ecole des Beaux-Arts de Tokyo. Il admira beaucoup l'œuvre remarquable qui décore aujourd'hui les galeries d'Extrême-Orient dans la grande cité du Rhône.

Le lecteur souhaitant plus de détails sur cette Salle des Cigognes et les conditions de son transfert de Londres à Lyon pourra les trouver, avec illustrations, pp. 75-98 du Bulletin XXVI-XXVII de la Société Franco-Japonaise de Paris (juin-septembre 1912). Disons seulement, que les plans établis par M. Kitamura aidèrent beaucoup, à l'arrivée, à la reconstitution assez délicate, de ce précieux ensemble (cf. guide au Musée Guimet de Lyon, 1913).

Le 14 avril 1939, le Bulletin Officiel du Centre National du Tourisme, dirigé avec tant de compétence par M. Albert Ranc, Secrétaire général, a publié la note suivante :

Stendhal au Japon. — Nous avions signalé l'acqui- sition par la ville de Grenoble de l'appartement où

naquit Stendhal. Le secrétaire général de la mairie de Grenoble, M. Debraye; le conservateur du Musée, André Farcy; le conservateur de la Bibliothèque, M. Vaillant, feront de cet appartement, quand il sera remis en état, un Musée Stendhal.

La gloire de l'écrivain dauphinois ne cesse de se répandre à l'étranger, jusqu'en Extrême-Orient; on annonce, en effet, la récente traduction en japonais, grâce aux soins de M. T. Kuwabara, des romans: « Le Rouge et le Noir », et « l'Abesse de Castro ».

A ce propos nous ne pouvons résister au désir de citer ce bref passage de M. Focillon (p. 49).

« La culture japonaise reste infiniment souple ; elle épouse la diversité des temps, des lieux et des apparences.

« A toute époque le génie des penseurs et des artistes du Japon produit des œuvres où l'on discerne ces vertus éternelles qui font les grandes civilisations et les monuments durables ».

Le lecteur a pu trouver plus haut l'indication des principaux ouvrages manifestant, de la part de la France, un loyal essai pour mieux comprendre et faire comprendre le Japon.

En dehors de toute prétention de présenter comme complète la liste formée à ce propos, il convient d'y inclure des ouvrages tels que ceux-ci :

G. APPERT (qui fut en mission d'enseignement juridique au Japon en même temps que M. Boissonnade) : Ancien Japon, Tokyo, 1888, in-12.

.DE VILLARET: Daï Nippon, Paris, s. d., vers 1890, in-8°. Le capitaine de V. a été en mission au Japon de 1885 à 1888.

F. REGAMEY : Le Japon pratique, Paris, in-12, 1889.

L'excellent artiste, originaire du pays de Vaud, est l'auteur de nombreuses peintures et de maintes esquisses exécutées avec un talent incontestable, au Japon, en 1876-1880. Ses œuvres esthétiques, qui constituent en même temps d'intéressants documents sont en grande partie, exposées au Musée Guimet de Lyon.

GEERTS : Produits de la nature japonaise, Yokohama, 2 vol. in-8°, 1890.

RYANON FUSISHIMA : Le Bouddhisme japonais (douze principales sectes, etc.), Paris, 1889, in-8°.

LE BULLETIN DE LA MAISON FRANCO-JAPONAISE DE TOKYO, 1927-1931.

Tome I. Articles de MM. Sylvain Levi, Elle Aubouin, Marcel Requien, G. Haguenauer.

II. Jean Rahdek, G. Haguenauer, P. Demiéville, Matsumoto.

III. 1-2 G. Haguenauer: Notions d'archéologie japonaise. Comptes rendus concernant Formose, l'Archipel des Ryu-Kyu, et la Corée.

3-4 Bibliographie des principales publications éditées dans l'Empire Japonais. Classées entre onze rubriques : Anthropologie, Beaux-Arts, Droit, Economie Politique, Géographie, Histoire, Morale, Philosophie, Religions, Sciences appliquées, Sciences pures, etc.

Ces deux fascicules, formant un volume in-8° cour. de plus de 250 pages, sont précédés d'une brève mais expressive préface de M. R. Tanaka, Ministre de l' Instruction publique à Tokyo, où il dit, notamment, à la date du 15 novembre 1931 : la Bibliographie fera connaître, en dehors de notre pays, les principales revues auxquelles collaborent nos intellectuels, nos savants, nos artistes, nos ingénieurs.

Les autres publications de la Maison Franco-Japo- naise comprennent entre autres, les volumes suivants :

a) en Français et en japonais : Conférences du professeur Ch. Achard.

A. Foucher : Etude sur l'Art bouddhique de l'Inde.

b) En Japonais seulement :

Sylvain LÉVI : L'Inde et le Monde.

La Science Française, deux tomes 1929-1930. Publication du Ministère de l'Instruction Publique de France.

Plus haut la partie bibliographique fait mention des intéressantes publications de M. Leo Magnino sur la condition réciproque de la Chine et du Japon.

Dans la revue Universo, de l'Istituto geografico Militare, Firenze, N° d'avril dernier, l'éminent professeur à l'Institut Oriental Rome-Naples, actuellement en mission à Coïmbre, vient de donner une remarquable étude sur La Colonizzazione Ucraina nell' Asia Orientale.

Le texte présente une lumineuse synthèse de multiples travaux russes et italiens sur ce sujet. Il est accompagné d'excellentes illustrations et cartes qui en rendent la lecture aussi facile que profitable. Ce nous est un agréable devoir que de signaler à l'attention de nos lecteurs cette étude qui concorde d'ailleurs avec certaines indications données dans des publications japonaises.

Elle pourrait avoir pour titre : Des bords du Dnieper à ceux de l'Amour. Si l'église orthodoxe est représentée à Harbin (Susgari) et a Haïlar (Nou teur) c'est bien aux Ukrainiens qu'elle le doit.

La Sibérie orientale et le Japon, 64 pp. in-8°, Pierre ROGER, Paris 1923.

1. La situation politique en Sibérie par M. D. C. H. d'Avigdor traduit de la Contemporary Review.

II. — Les relations économiques entre le Japon et la Russie, par M. Windsor. 9.000 kilomètres de frontières entre l'U.R.S.S., capitale des Tadjicks et l'Afghanistan, la Chine, le Mandchoukouo, la Corée, jusqu'à Vladivostok (pp. 23-52).

III. — Déclaration du baron Shidehara, Ambassadeur du Japon aux Etats-Unis, à la séance plénière de la commission de l'Extrême-Orient. Washington, le 23 janvier 1922 :

p. 13. Au cours de l'automne de 1920, sur l'inntiative du Gouvernement de Transbaikal, un certain nombre d'autorités locales indépendantes qui après l'effondrement de l'administration de Koltchak avaient surgi de toutes parts en Sibérie occidentale, s'unirent pour former l'Etat tampon suggéré. Cet Etat adopta le nom de République d'Extrême-Orient et le siège du Gouvernement fut fixé à Tchïta avec quartier général du général Semenoff.

IX

Institut International de Coopération Intellectuelle - Paris

MASAKARU ANESAKI. — L'Art, la Vie et la Nature au Japon, in-8 couronne, 154 pp., 1930.

Cet ouvrage, dû à l'un des écrivains les plus justement appréciés de son pays est d'une lecture particulièrement facile et attrayante. On sent que son auteur, Professeur émérite à l'Université Impériale de Tokio, Docteur honoris causa de l'Université de Strasbourg, est doué à la fois d'esprit critique et de goût très vif pour l'esthétique et la poésie.

En six chapitres il nous fait pénétrer dans la nature propre du Japon, la vie intime des Japonais, et nous décrit la vie de la noblesse de cœur, la beauté du sentimentalisme décadent, l'état d'âme du guerrier, celui de la bourgeoisie.

Les illustrations abondantes, très fines, achèvent de rendre le texte tout à fait vivant.

Au cours de son chapitre II, M. Anesaki nous dit : « L'attachant désir d'étudier et d'imiter la nature est un instinct chez les gens du peuple, un instinct héréditaire et qui se manifeste dans toutes les phases de leur vie ».

Ceci m'a rappelé un trait bien typique que M. Emile Bertin m'a conté lui-même, au cours de l'année 1908, et que je n'ai pu oublier depuis.

Vingt ans plus tôt, voyageant à cheval avec son fils au cours d'une excursion de quelques jours au Nord de Tokio, dans la région de Nikko, je crois, il nous est arrivé, m'a-t-il dit, au cours de la traversée d'une forêt, d'apercevoir quelques bûcherons non loin de la piste par nous suivie. Nous nous approchâmes, pour nous assurer de notre chemin. Nous eûmes aisément la réponse. Ils nous invitèrent fort affablement à pren-

dre avec eux une tasse de thé. Nous eûmes ainsi l'occasion de nous approcher du feu autour duquel ils étaient réunis. La théière en fer, posée au centre, était toute noircie de fumée. Mais la forme en était élégante et une petite mouche d'argent finement ciselée, décorait le couvercle. Voilà, m'a dit M. Bertin, comment s'ennoblit la vie de l'homme du peuple au Japon ».

Ceci me permet de dire, ou plutôt de répéter, après tant d'autres, mais par motif direct et personnel : si le futur Président de notre Académie des Sciences a été bien compris au Daï Nippon, lui aussi, a su rapidement saisir l'esprit de la Terre du Soleil Levant.

Revenons à M. Anesaki et à son livre. Il nous dit p. 133 : « Là-dessus (vers la fin des Tokugawa) parut la flottille américaine; en frappant à la porte japonaise, le commodore Peary et ses compagnons ouvrirent une brèche dans la barrière qui avait si longtemps séparé le Japon du monde extérieur ».

Telle quelle, l'affirmation nous paraît quelque peu sommaire et absolue. Le Japon fut en contact avec l'Europe — avec le Portugal d'abord, puis l'Espagne, l'Angleterre, la Hollande — de 1549 à 1640.

Alors pénétrèrent non seulement des notions religieuses mais des connaissances, des arts tels que celui de la gravure sur acier. J'ai vu chez M. Bertin une belle horloge de cheminée de monture élégante, en bronze et vernis combinés, retour du Japon où elle avait été introduite au commencement du XVIIe siècle, selon l'éminent président de la Nitchi Futsu Kyokai.

Les Hollandais maintinrent le contact de 1640 à 1855.

A cette dernière date des traités de chimie, d'anatomie, de perspective avaient été traduits du français en japonais, ainsi que la Maison Rustique. Les idées de Copernic, Galilée, Newton touchant la cosmogra-

phie étaient connues, enseignées au Japon dès le milieu du XVIIIe siècle.

K. MATSUO ET STEINHILBER OBERLIN. — Haikai de Basho et de ses disciples. Portrait de Basho par Kyoroku (1693), quatre illustrations par Foujita. 150 pp., in-8° couronne, 1936.

Dans l'avertissement, M. K. Matsuo nous l'indique de façon nette : le terme de Haïkai adopté par les poètes français s'applique, en réalité, en japonais à deux genres distincts, d'une part le hokkou, ou mieux haïkou, qui représente exactement le tercet français de 5-7-5 syllabes et d'autre part le renkou qui est, lui, en poème de longueur variable se composant d'alternances de questions et de réponses.

Cet aperçu d'un expert est à recommander à l'attention de plus d'un amateur français, de Mme Gandolphe de Neuville, par exemple qui, en novembre 1938, a publié sous ce titre: Pétales envolés, un recueil de brefs poèmes en vers libres de 20, 30, parfois 39 syllabes.

Au début se lit cette indication : le nombre de mots est de 17 pour les Haï-Kaï, 31 pour les Tanka.

Dans une note liminaire, une anonyme signant Si-Si, se donnant comme nippone dit : « Ici, point de pastiches ni d'imitations. Tous ces poèmes sont identiques et conformes à nos propres Haï-Kaï ».

Georges BONNE AU, Docteur ès-lettres aux Universités de Paris et de Tokyo; Ancien Directeur de l'Institutut franco-japonais de Kyoto: Anthologie de la poésie japonaise, 6e mille; Traductions couronnées par l'Université Impériale Japonaise, par la Société pour les relations naturelles internationales; in 8°, XL-268 pp., Paris Geuthner, 12 rue Vavin, (VIe) Ache-

vé d'imprimer 20 mars 1935, Kokusai Shuppan Insatsusche, Tokyo.

L'auteur de ce recueil destiné à nous faire pénétrer au cœur même de la tradition poétique du Japon présente évidemment des conditions exceptionnelles. Docteur ès-lettres de l'Université de Paris, il a conquis le titre équivalent auprès de l'Université Impériale de Tokio. Il a été professeur à l'Université de Kyöto et ses traductions ont été couronnées par l'Université Impériale, par la Société pour les relations culturelles internationales (Sunsho Baunka) et par l'Académie française. En dehors de ses études critiques consacrées à Albert Samain, à Paul Fort, des poésies françaises que lui ont inspirées la Femme et la famille, la Femme au Sablier, six grains de sable. G. Bonneau s'est adonné à l'étude du Japon qu'il a cultivée au cours d'une résidence de cinq ou six ans dans les îles du Soleil Levant. La récolte est abondante déjà : Introduction à l'Idéographie japonaise. Rythmes japonais, le Kokinshu, le Haïku. Monument poétique du Heian.

En quarante pages de style concis l'auteur nous initie aux principes à la méthode qui l'ont guidé. Il nous fait comprendre comment il a résolu une difficulté apparente rencontrée tout d'abord. Cette difficulté, d'après nombre de ses devanciers, se ramène à ceci : l'originalité et la beauté de la poésie japonaise tiendraient uniquement aux caractères avec lesquels elle est tracée : esthétique venue de Chine, symbolisme fermé.

M. Bonneau déclare qu'il s'est attaché à démêler les fils de ce faux problème. Voici ses conclusions:

1° Le nombre des caractères chinois enseignés à l'Ecole primaire est de 1387 ; le nombre des caractères chinois employés dans la Poésie japonaise classique ne dépasse pas 600. Me permettra-t-il de rappeler à ce

propos un fait d'histoire littéraire bien propre à faire réfléchir ? Le vocabulaire des tragédies de Racine se réduit à quelque cinq cents mots.

2° Vieille de treize cents ans, une règle rigoureuse bannit de la poésie japonaise classique tous les kango ou mots chinois, seul ayant cours le Yamato Kotoba ou langage national antérieur à l'importation des idéogrammes (Ve siècle de notre ère, le même caractère se prononce Shan à la chinoise, San à la manière sinojaponaise, Yama à la japonaise), et auquel l'idéographie n'a été que superposée.

3° Les poètes japonais écrivent naturellement en Kana, ou écriture phonétique (inventée au Xe siècle par Kobo Daishi) les idéogrammes chinois n'étant guère employés que pour rompre la monotonie des Kana.

M. Bonneau nous donne le bénéfice de son incomparable expérience, par son recueil comprenant environ cent doditsu (ou poème vingt-six syllabes, soixante Haiko ou poème de dix-sept syllabes, trente skintaïshi (ou rythmes libres contemporains). Il place l'ensemble sous l'invocation du seigneur Sugawara no Michizane qui en la première année d'Engi, la neuf cent-unième de notre ère, à l'aube du Kokinshu, injustement exilé en Chikuzen, gravissait chaque jour une haute montagne pour adorer, tourné vers l'Est, celui qui l'avait banni, et qui, redescendu vers la vallée paisible, donnant son cœur aux rythmes immortels, fit en langue du Yamato le plus beau poème qu'il y ait au monde :

Kohoro dani Pourvu que ton cœur Mahoto no michi ni Au chemin du bien Kanainaba Soit fidèle,

Inorazu to te mo Même sans que tu pries, Kami ya mamoran. Les Dieux te protègent.

Je ne puis qu'engager le lecteur à recourir aux ver-

sions que nous donne M. Bonneau dans le volume ici présenté en bref, à la seule fin de l'avertir et d'inciter sa curiosité. Il sera, je pense, persuadé de la vérité de cette sentence détachée de la préface du Kokinshu : la Poésie du Yamato a pour racine le cœur humain.

Parfois en vue d'un effet sans doute voulu de lui, l'habile transpositeur des poèmes nippons dans notre langue a recours à un archaïsme propre à surprendre un lecteur non prévenu.

La couleur des fleurs hélas ! a passé tandis qu'en vain sur mon corps vieillissant je lamentais une plainte plus douce

Déjà, dans sa quatrième édition, en 1762, l'Acadé- mie émettait l'avis que lamenter vieillissait comme verbe actif.

Aux Trois Bonheurs, ou le Japon de la tradition.

Sous ce titre, l'auteur de l'Anthologie a publié, voici cinq ans, chez Plon, un roman qu a obtenu un vif succès. Il s'agit d'ailleurs plutôt d'un ensemble de tableaux, de récits où, nous dit M. Bonneau, il a laissé l'âme japonaise habiter une maison et manœuvrer de l'intérieur à la fois les poulies du décor et les fils des marionnettes. Le centre de ces narrations pittoresques, poétiques, comiques au début, tragiques à la fin est la plus vieille auberge de Hakata, environs de Kyoto, tenue, à l'enseigne des Trois Bonheurs, par Mme veuve Sakai, Sakoi no Goke San. Celle-ci n'a qu'une fille, Sakai Mitsuko, laquelle à la suite d'entrevues, de scènes originales devient Mme Sakai Takeo, après avoir cédé à son mari ses prérogatives de chef de famil-

le. Son mari l'ayant trompée et se préparant à l'abandonner elle se tue de désespoir. Mais avant cette fin dramatique elle avait mis au monde un fils, Daïchan, Sakaï Daï Suke. Trente et un jours après la naissance du petit héritier de sa famille elle refit, avec sa mère, le pélerinage accompli douze ou quinze mois plus tôt, à Dazaïfu, à cinq lieues de Hakata. En ce lieu, au pied du mont Homan, est le temple du seigneur Sugawara no Michizane, appelé aussi le dieu Tenjin.

Au bord du sanctuaire est vénéré le miroir qui est l'âme de ce dieu, laquelle se confond avec celle du Grand Japon... Elle place son enfant sous la sauvegarde du dieu Tutélaire de la contrée... Puis par le train elle se rend à Berchu et de là, à pied par un chemin ardu, elle s'avance vers le cratère de l'Aso, à six kilomètres sept cent vingt mètres, selon un poteau indicateur voisin de la gare. Près du but, elle se fait une incision au poignet gauche et avec son sang trace une poésie de cinq vers où s'exhale de façon touchante son désespoir. Elle s'avance rigide, en automate, au bord du gouffre où elle s'abat sans un cri, ses manches écartées dans le vide.

Sa mère pensa un moment à ne pas lui survivre. La façon dont elle réprime sa douleur quand le garde lui remet le bracelet, l'éventail, la poésie que sa fille a laissées derrière elle, est pleine d'une grandeur inexprimable.

Mais la mère de Mitsuko réagit contre son instinct d'abandon, de renoncement. L Image de son petit-fils la retient... « Après tout, fut-ce devant O-Sayo la geisha, que lui importait à elle Sakaï-Sakaé, que lui importait de s'humilier ! L'homme ne vit qu'une génération, le nom demeure des siècles; et il n'est de roi que Sakaï-Daïsuké ».

Il vivra Daï-Chan ! L'enfant de l'enfant de son en-

fant sera patron des Trois Bonheurs. Et la Parole des Anciens s'accomplira : « Les Hôtes passent, la Maison reste ».

L'œuvre est datée de Hakata-Fakuoka 1926-1929; Kyoto 1930-1932 ; Tokyo 1933.

Après tout, le fond de cette morale est-il si différent de celui qui sert de support, — ou d'aimant, — à la nôtre ?

DIVERS

EDMOND COTTE AU. — Un touriste dans Extrême-Orient — Japon, Chine — Indo Chine 1881- 1882. Hachette, 418 pp., in-12°, 1889.

A l'époque où l'auteur accomplit son tour du monde, l'intérieur du Japon était encore, en théorie, fermé aux étrangers. Pour y pénétrer, ceux-ci avaient besoin de passeports spéciaux obtenus d'ailleurs sans grande peine. M. Cotteau nous conte de façon agréable les excursions par lui accomplies en août-septembre 1881 en compagnie d'Anglais à Nikko, à Yamoto (bains sulfureux) au Nord de Tokio, au lac Buva, à Nara...

De Yokohama, M. Cotteau s'est embarqué sur un petit vapeur qui, en deux heures, l'a conduit à Yokoska un peu au sud de Kanazawa. « C'est là, nous dit-il, que les Japonais ont établi leur arsenal; sa fondation remonte à 1867; elle est l'œuvre de notre compatriote, M. Verny, qui l'a dirigé pendant huit ans, avec l'aide d'un nombreux personnel d'employés, tous Français. Cependant le gouvernement japonais ne voyait pas sans défiance un établissement de cette nature entre les mains d'une puissance étrangère. En 1886, le Gouvernement du Mikado fit appel au concours de M. Emile Bertin, ingénieur des constructions navales, comme M. Verny, et dont la mission dura quatre ans.

Direction générale du Tourisme. — Chemins de fer du Gouvernement Japonais. Tokyo 1936. — Office japonais du tourisme, 39 boulevard des Capucines, Paris.

Très élégant petit volume de près de deux cents pages, in-12°, avec cartes et illustrations dont une en couleurs : le parc de Nara, par Koga Hano.

Le texte comprend une description spéciale des Coutumes, de l'Histoire, de l'Industrie, de l'Instruction, de l'Art et des Arts d'agrément du Japon, des Attractions.

Notons par exemple le Jardin des Pruniers de Sugita, au bord de la mer à Yokohama. Un grand nombre de ces arbres ont plus de 200 ans et, quand ils sont en fleurs vers la fin de février, il forment un des plus beaux spectacles de la région.

V. BLASCO IBANEZ. — Chine, 128 pages. Flammarion, 1928.

Le grand écrivain espagnol a rassemblé dans ce petit volume des notes pittoresques prises au cours d'un voyage accompli en 1923.

Il n'y a peut-être pas lieu de prendre au pied de la lettre chacune de ses assertions, par exemple celle-ci, ch. IX : « Les peuples asiatiques sont mariés pour toujours avec la faim ». Par un contraste singulier, 60 pages plus haut, il nous avait montré les cuisiniers chinois (principalement Cantonais) dispersés à travers le monde. « Beaucoup de riches Chinois se sont ruinés en donnant des banquets à leurs amis. Ces ripailles, d'une longueur invraisemblable pour les blancs, durent parfois toute une nuit » (p. 38).

Au sujet des congrégations, corporations, sociétés secrètes, pas un mot. Nous avons dit plus haut à quel point cet élément est essentiel en Chine. Nous le mon-

trons encore un peu plus loin à propos du livre du Colonel Favre. Ici, nous n'insisterons pas. C'est une sérieuse lacune de la part de l'Emile Zola espagnol.

Par contre, le brillant auteur sait marquer en traits vifs et nets le rôle plus spirituel que temporel qu'avait jadis l'Empereur. Celui-ci, comme son collègue à Rome, d'Auguste à Constantin, était en même temps Grand Pontife. Au fond, d'ailleurs, l'Empire du Milieu n'a pas connu la distinction des pouvoirs. A cet égard, comme on pouvait s'y attendre, Blasco Ibanez a su voir et bien voir. Voici ce qu'il nous dit (p. 47) : Une fois par an, l'Empereur suivait cette rue d'Enface (Chien-Men) (longue de 10 kilomètres en ligne droite) pour aller solennellement au Temple du Ciel. C'était afin de fêter le jour du Solstice d'hiver. Jamais dans le reste de l'année le monarque divin ne traversait les rues de sa capitale... (P. 49): Par une matinée brumeuse et froide de notre mois de décembre, l'Empereur montait à la plate forme la plus haute de cet autel (composé de trois tours larges et basses superposées) pour offrir un sacrifice à ses ancêtres, les dieux souverains du Ciel.

(P. 51): Les empereurs, toujours pleins de respect pour les diverses religions de leurs sujets, ne rendaient de culte qu'au Ciel et témoignaient en outre une sorte de reconnaissance mystique à la terre labourée »...

Nous avons fait allusion plus haut au dualisme qui caractérise la métaphysique chinoise, le monde résultant de la combinaison de deux principes : le Céleste (symbole : une grue) et le Terrestre (symbole: une tortue).

B. Ibañez reprend: le Temple de l'Agriculture (ou plutôt de la Terre) voisin du Temple du Ciel a un parc moins vaste... l'Empereur qui, de ses propres mains, apportait aux dieux célestes le tribut de ses offrandes lors du solstice d'hiver, célébrait aussi une

autre cérémonie religieuse quand arrivait l'époque du labour (soit à l'équinoxe du printemps ?). En présence des personnages de la Cour et avec toute la pompe qu'accompagne un acte de gouvernement, le Fils du Ciel saisissait le mancheron d'une charrue peinte en jaune, à laquelle étaient attelés deux bœufs aux cornes dorées ».

Ici nous saisissons l'un des contrastes entre l'Occident et l'Extrême-Orient. L'écrivain espagnol ne nous fait pas connaître la date précise à laquelle cette cérémonie a été instituée. Mais il y a tout lieu de penser qu'elle remonte au VIIIe siècle de l'ère Urbis Conditae soit aux débuts du Christianisme. Alors dans l'Empire romain et dans ses alentours, ceux qui cultivaient la terre, les paysans, pagani, par une tradition invétérée rendaient hommage à la Nature qu'ils se représentaient toujours sous la figure d'une femme : Vénus, Diane, Junon, Cérès, Proserpine, Isis ou bien chez les barbares germaniques, Freya. Cette tradition ne céda, ne se transforma qu'au Ve siècle de notre ère, après le concile d'Ephèse (431).

Lt-Colonel B. FAVRE, ancien Directeur de l'Institut Franco-Chinois de l'Université de Lyon. — Les Sociétés secrètes en Chine. — Histoire. — Situation actuelle, Paris 222 pp., in-12°, A. P. Maisonneuve 1933.

La Chine est la terre d'élection des Sociétés Secrètes et on peut ajouter de toute espèce d'associations (chap. II, p. 22).

Lieou Pang, fondateur des Han, en 206 avant notre ère, était le chef d'une fraternité occulte.

Dans le chapitre III, le Lt-colonel Favre énumère diverses affiliations secrètes fonctionnant sous les Han : Sourcils rouges; Piliers célestes; Les cinq boisseaux

de riz; Soldats diaboliques; Faiseurs de libations; Frères jurés.

Au cours du chap. IV, il étudie le Secte bouddhique du « Lotus blanc » et la société secrète du même nom. La société du Lotus blanc renverse les Yuan, les Ming et combat les Tsing, sous différentes appellations. La Société du Nuage blanc.

La religion du Lotus, Lien Tsong, religion d'amour, de pitié et de dévotion naïve, fera la conquête de la Chine et du Japon (secte Iodo) où elle se maintient de nos jours aussi prospère que jamais (p. 80).

Le Lieutenant-Colonel Favre se rencontre évidemment avec les histoires générales quand il écrit (p. 86) : si les dynasties nationales n'avaient cessé d'être combattues par les sociétés secrètes (resterait d'ailleurs à définir ce qu'il convient au juste d'appeler, en Chine, dynastie nationale), on imaginera sans peine qu'une dynastie étrangère et conquérante allait devenir leur point de mire.

En fait, depuis leur établissement en 1644 jusqu'à leur chute en 1911 les Tsing seront en butte aux révoltes de grand style organisées par ces sociétés.

Dans son chapitre V, pp. 93-104, le Lt-Colonel Favre nous entretient de quelques ramifications importantes du Lotus blanc : les trois Yang, les trois Océans, les huit trigrammes le Ciel antérieur, les neuf Palais. les fleurs du Dragon, les Couteaux dociles, le Fouet de la Q ueue de tigre, les Yi houo men ou Yi houo Boxers centre à Chang Kieou hien Honan.

Une information de presse chinoise du 31 mai 1930 signalait une renaissance des « Boxers » aux confins du Ssen tchouan et du Houpei et présentait ce mouvement comme un camouflage des communistes.

Je m'en tiendrai là, dit l'auteur, en ce qui concerne les sociétés si nombreuses issues du « Lotus blanc » qui

pendant tant de siècles ont provoqué désordres, révol- tes et même révolution (p. 103).

Chose inattendue, le Lt-Colonel Favre ne nous dit mot des Taïping dont l'insurrection remplit l'histoire de Chine pendant une grande partie du XIXe siècle et se sont rendus maîtres de Nankin, de Hankéou de 1853 à 1864 ou environ. Il s'agissait comme je l'ai signalé, plus haut, en passant d'une tentative pour restaurer les Ming.

Aux curieux des rapports entre l'astronomie des Assyro-Babyloniens et celle des Chinois, est à recommander le chapitre VIII où le Colonel résume le sujet d'après les travaux des Chaignet, du Halde, von Clasenapp, Granet, Maspero.

En s'inspirant de Schlegel et de Léon de Rosny (Bulletin du G∴O ∴ de France, septembre 1864) le Colonel établit (p. 170) quelques rapprochements entre le F∴M∴ et la « triade ». L'une et l'autre pratiquent la fraternité, cherchent la « lumière ». Un certain nombre de symboles et de rites sont communs aux deux sociétés: triangle, carré, pentagone, épée, règle, voûte d'épées, questionnaire d'où venez-vous ? de l'est, etc... Le Colonel ne partage pas l'opinion de Stirling, Maçon de Haut grade de rite Ecossais, qui trouve une ressemblance frappante entre l'initiation Houy et certains grades écossais.

Quelques pages plus loin (ch. XII, p. 177), nous lisons : C'est donc parmi les bandes rouges ou non qui à la suite des guerres civiles des dernières années pullulent dans la plupart des provinces et s'y livrent à de tristes exploits qu'il faut rechercher les survivances de la « Triade » et autres fraternités.

Telle est, pratiquement, la conclusion du Colonel Fabre. Il nous reste à remercier Mme Paul Michel Levy qui, de façon si gracieusement spontanée, nous a

prêté son exemplaire du volume. L'auteur, en somme, se rencontre avec Robert K. Douglas et son expression si typique : « La Chine mise en alvéoles par les Sociétés ».

L'antique Empire du Milieu a été jusqu'à présent un pays où se sont librement multipliées les associations en dehors de tout contrôle de l'Etat susceptible de rappeler, même de loin, la loi française de 1901.

Nous avons là une preuve de plus de l'inexistence du pouvoir central à l'intérieur de la Grande Muraille. Au cours des siècles se sont multipliés les soulèvements, les révoltes contre les dynasties détentrices d'un certain nombre de places plus ou moins grassement payées et surtout susceptibles d'appréciables rendements. Quant à une administration proprement dite. à un Gouvernement, Cour des Comptes, Travaux Publics, Eaux et Forêts, Instruction Publique, Police, Tribunaux, Etat-civil, aucune trace, les digues du fleuve Jaune ne sont que des terre-pleins exhaussés au petit bonheur par les riverains au fur et à mesure que les dépôts de limon faisaient monter le lit du cours d'eau.

Le fameux grand Canal de Nankin à Tientsin a été construit sans méthode pour faire communiquer le Centre avec le Nord. Il ont contribué à sa ruine les Taïping il est depuis longtemps à l'abandon.

JOSEPH DAUTREMER, Consul de France, Professeur à l'Ecole des Sciences Politiques. — La Grande Artère de la Chine. — Le Yang Tseu; in-8°, 304 pages, huit belles illustrations hors-texte. Paris, E. Guilmoto 1911, rédigé 1910.

Comme nous venons de le noter, non sans quelque surprise, le Colonel Favre, dans son livre conçu et

publié, d'ailleurs, avec tant de conscience, sur les So- ciétés secrètes en Chine, ne souffle mot des Taïping.

L'ouvrage de M. Dautremer nous permet de combler cette lacune. Son auteur, agent des Affaires Etrangères comme interprète puis Consul, en Extrême-Orient, Chine, Siam, Japon, Birmanie pendant vingt-huit ans, 1878-1907, était encore tout récemment professeur de Chinois à l'Ecole des Langues Orientales.

Plusieurs fois, il a parcouru en tous sens du Sud au Nord, de l'Est à l'Ouest, le bassin du Fleuve Bleu. Aussi ses descriptions des multiples contrées arrosées par l'immense cours d'eau et ses affluents, si par endroits elles ne sont plus tout à fait à jour, n'en gardent pas moins, tout compte fait, le mérite qui s'attache aux choses vues. C'est donc en toute confiance que nous engageons le lecteur à y recourir. Il y trouvera des vues d'ensemble, les données méthodiques sur les principales régions: climat, cultures, mines, commerce, mœurs, le tout réparti en seize chapitres. Le dix-septième et dernier est divisé en trois sections consacrées : I) aux Corporations clubs et Sociétés secrètes en Chine; II) aux Taïping (pp. 285-294) enfin III) à la conclusion (294-295). L'auteur a traité le sujet de façon brève, mais claire et précise. En voici un aperçu :

La Chine est le réceptacle des sociétés secrètes. Celles-ci ont souvent menacé l'existence de l'Empire.

Quelques-uns des édifices, houei, kouan, servant de centre, de base à ces confréries, par exemple à Chang hai, à Hankéou, sont réellement très luxueuses.

Hong Sieou Tsouen, fils d'un fermier, né en 1813, refusé par deux fois aux examens de Mandarin à Canton, 1833-1853, n'en prit pas moins beaucoup d'ascendant sur plusieurs milliers de ses compatriotes. Sous l'influence de trois protestants, il imagina une sorte de christianisme spécial. Lui et ses partisans, Taïping, se donnèrent pour mission de détruire les idoles et aussi,

— M. Dautremer ne le dit pas mais d'autres auteurs en font foi, — de rétablir la dynastie « nationale » des Ming.

En 1853 les Taïping, avec Hong Sieou Tsouen et You chen pour chefs (tion Kiuns) s'emparèrent de Nankin; Hong Sieou se proclama Fils du Ciel.

Il envoya plusieurs milliers d'hommes à la conquête de Pékin. En six mois cette armée arriva près de Tientsin ayant battu toutes les troupes impériales envoyées contre elle. Quatre provinces avaient été traversées, vingt-six villes prises, la ruine et la mort semées partout.

Les rebelles regagnèrent en 1855 le Yang tseu sans avoir pris Pékin.

Cependant le Gouvernement impérial (ou plutôt la Cour de Pékin) sentant son impuissance et sa faiblesse vis-à-vis des rebelles, demanda l'assistance des Européens (des Occidentaux plutôt), pour venir à bout des Taïping. Un Américain, nommé Ward réunit une petite armée et reprit Song Kiong près Shanghai. Il fut tué, un compatriote lui succéda. Finalement le colonel Anglais Gordon fut chargé de poursuivre les insurgés. En juillet 1864 il réoccupait Nankin. Les Taïping se débandèrent...

Le soulèvement avait duré une douzaine d'années. Neuf provinces avaient été ruinées, les vies humaines sacrifiées par millions. Les Taïping étaient vaincus mais non les sociétés secrètes; on le vit bien en 1900 avec les Boxers Yi Kiuen Houei où s'était introduit d'ailleurs, comme je l'ai dit plus haut, un oncle de l'Impé- ratrice Tseuhi.

D'une manière générale l'auteur semble connaître beaucoup mieux les Chinois que les Japonais. Cependant le passage suivant tiré du chapitre VI fait bien ressortir le rôle de ces derniers, il y a trente ans, dans

le Céleste Empire qui allait devenir la République de Sun Yat Sen.

Voici, en effet, comment il s'exprime en 1909 : « La presse chinoise a éclos subitement et dès à présent couvre les provinces de journaux chinois de toutes sortes. Elle est en majeure partie dans les mains d'agents japonais...

« Toutes les provinces de Chine, même les plus reculées sont inondées de brochures rédigées en chinois, imprimées au Japon et traitant toutes les questions sociales : politique, administration, finances, droits de l'homme, etc.

Je me souviens que me trouvant (au début de 1900) au Kouang Si, sur la riviège de l'Ouest, dans une petite sous-préfecture nommée Kouei Cheou, le sous-préfet, homme d'esprit tout à fait moderne, me fit voir sa bibliothèque dont il était très fier. Je pus constater que tous les livres qui la composaient étaient rédigés et imprimés au Japon, à l'usage des Chinois. Il se trouvait même, parmi ces ouvrages, la traduction de l'Esprit des Lois de Montesquieu, du Contrat social, de Jean-Jacques Rousseau, du Capital, de Karl Marx et beaucoup d'autres. Il est bien évident que ces traductions ne pouvaient avoir été faites que par des Japonais déjà fort instruits dans les lettres et sciences d'Europe...

« Il est tellement clair et visible, d'ailleurs, que le Japon mène la Chine ! Dans mon livre sur le Japon (1) je disais que j'avais rencontré des Japonais dans toute la Chine : voici un fait qui montrera jusqu'à quel point ils savent s'infiltrer chez leurs voisins et cela sans être reconnus pour des étrangers : On comprendra alors comment et pourquoi le Japon est forcément le grand éducateur du Céleste qui cependant n'éprouve en rien pour lui les sentiments d'un frère... ».

(1) Guilmoto, 1909.

Ces notes et observations d'un homme d'expérience présentent évidemment à l'heure actuelle une singulière portée. Qu'il me soit cependant permis de relever que la dernière assertion de l'auteur contient une erreur implicite, celle que, si je me souviens bien, on appelle en logique généralisation hâtive. Elle apparaît par l'expression de Céleste, au singulier, employée par M. Dautremer.

Tous les Célestes ne sont pas, loin de là hostiles aux Japonais. On le voit bien maintenant. En 1908, lors de la dissolution de l'Académie Han lin, comme je l'ai marqué plus haut, sur cinquante étudiants invités à se rendre au dehors, quarante-quatre choisirent d'aller au Japon, avec une bourse de voyage sensiblement inférieure à celle qui fut attribuée à leurs camarades ayant opté pour les pays d'Occident.

CHARLES EPRY. — La vie mustérieuse des Océans. 234 pages, in-12°. Renaissance du Livre 1930. 18 figures dans le texte, 17 planches hors-texte.

Le chapitre VI, pp. 99-121, consacré à la Perle, contient un exposé remarquable concernant les perles japonaises cultivées notamment, depuis une quarantaine d'années, par M. Mikimoto, sur les suggestions du Dr Mitsukuri, qui fut professeur de biologie à l'Université de Tokio.

MAURICE PERCHERON. — La Légende héroïque du Japon. 252 pages. Illustrations. Editions de l'Escureuil 1938, en noir par Satomi.

Douze chapitres d'une lecture facile où sont résumés les mythes et traditions du Japon depuis la naissance du Soleil (le Soleil dans la langue du Yamato) jusqu'à l'invincible Hideyoshi, fin du XVIe. sjècle.

ISOSHI ASAHI. — The Economie Strength of Japan. Grand volume in-8°, imprimé en avril 1939, à Tokyo, 324 pages. The Hoku seido Press.

L'auteur, membre du service consulaire du Japon, a poursuivi son enquête sur place notamment dans la région Nord du Hondo, jusqu'en Mars 1939.

Il analyse avec méthode les moyens auxquels il a fallu avoir recours pour parer à l'amoindrissement de l'exportation de la soie; il fait ressortir les progrès du pays comme exportateur de capital sous la forme de produits de l'industrie lourde. Il montre l'accroissement de la richesse nationale, le revenu national et la production industrielle. Son exposé et ses discussions portent sur les conditions d'existence pendant le conflit engagé depuis bientôt deux ans, le manque de maind'œuvre, la politique totalitaire, la porte ouverte en Chine et la signification de la Pax Japonica.

L'espace dont je dispose m'oblige évidemment à ne pas entrer dans des détails sur ces divers points quelqu'intéressants qu'ils soient. Disons seulement que M. Asahi les traite avec autant de compétence que de talent.

Vers la fin de son chapitre XIII (Politique du Commerce Extérieur) l'auteur résume ainsi l'évolution qui s'est produite depuis la Grande Guerre, notamment de 1923 à 1937. L'industrie de la soie qui longtemps avait fourni l'élément essentiel du commerce japonais perdit de son importance d'autrefois. En bien des endroits des fermiers arrachèrent les mûriers pour semer du blé à leur place. Des manufactures de soie (naturelle) fermèrent. Les tissus de coton prirent la première place dans les exportations du Japon. Le pays est parvenu à se suffire à lui-même pour ce qui est du riz, du blé et du sucre. Au cours des dernières années la production dans le Japon propre a oscillé entre 60 millions de

koku (1) 1932, 52 millions (1934), 70 millions 1/2 (1933), 66 millions (1937). Dans son étude du Pays du Soleil Levant (M. Rivière 1911) Fritz Kumme nous apprend qu'il y a trente ans la culture du riz occupait 45 % de la superficie cultivable de l'Empire et qu'en 1863 les paysans du Japon avaient récolté trente millions de koku. La production a donc doublé. Ce résultat est à dédier à Malthus, qui jugeait des possibilités de rendement du sol d'après ce qu'il voyait dans le Hertfordshire ou le Surrey. Pour en revenir aux ressources du Japon en fait de riz, Formose, la Corée offrent en puissance des ressources à peine soupçonnées.

D'autre part, au cours de la période récente, le développement de l'industrie lourde absorba un nombre croissant de nouvelles recrues (plus de 300.000 par an) venues de la campagne.

Le Japon aujourd'hui vient en tête des divers pays du monde pour la production de la rayonne, sulfate d'ammoniaque, celluloïd. En tant qu'il s'agit d'acide sulfurique, soude caustique et ciment il vient au second ou au troisième dans le monde. Pour la production de l'acier, il a dépassé la Belgique occupant ainsi la cinquième place parmi les autres nations industrielles.

Un peu plus haut (p. 79) M. Asahi cite le professeur Allard venu au Japon à la requête du Bureau de recherches internationales de l'Université Harvard et du Redcliffe College.

Et voici ce que nous dit le très compétent investigateur :

« Peut-être le progrès le plus remarquable a-t-il été accompli dans l'industrie mécanique (engineering). Il y a dix ou quinze ans les techniciens étrangers employés

(1) 1 koku : 1 hectolitre 807.

dans les ateliers mécaniques se plaignaient de l'inefficacité du personnel, d'ailleurs trop nombreux. Le Japon dépendant des pays étrangers pour presque tous les appareils générateurs de force motrice dont il avait besoin. Maintenant, tant les ouvriers que l'état-major des usines ont acquis un degré d'habileté bien plus élevé et le Japon peut produire ses propres moteurs, les machines textiles et les sortes les plus simples de machines outils ».

Comme je l'ai dit ailleurs, j'ai vu, en 1936, fonctionner à Thomar, Portugal, une machine à tisser le coton de brevet japonais, acquise à grands frais à Tokio. La direction était d'ailleurs très satisfaite du rendement.

M. Asahi ajoute que d'après les données dont il dispose, notamment quant aux effectifs des travailleurs employés, la production de l'acier et d'autres métaux a été en grand progrès en 1937 et 1938.

Pour la construction des navires le Japon figure dans les tout premiers rangs parmi ses concurrents du monde. Il occupe maintenant le troisième poste entre les propriétaires de navires.

Les chapitres IX (programme de l'expansion industrielle) et XIV (main-d'œuvre) nous paraissent entre tous mériter de retenir l'attention du lecteur occidental.

En poussant aussi loin que possible la division du travail, en développant l'usage de machines outils simples, certaines entreprises ont réussi à concilier les deux termes d'un problème, en apparence contradictoires : organiser sur une large échelle la production en masse sans amener la désertion des campagnes. La décentralisation de l'industrie mécanique fournit la solution de la difficulté. Cette méthode accroît sensiblement les revenus d'un ménage de fermiers pendant les mois d'hiver. Exemples d'articles susceptibles d'être obte-

nus dans ces conditions, bicycles, automobiles, instruments de mesure, montres et horloges, instruments in- dustriels, appareils de T.S.F., téléphones, télégraphes, petits moteurs, éventails électriques en revolvers, pompes, moteurs hydrauliques et de combustion in- terne, etc...

Dans le district de Niigata l'entreprise Kriken a monté une usine pour la fabrication de machines et d'instruments spécialement des pistons, où elle emploie 1.000 travailleurs hommes et 1.300 femmes. Les uns et les autres viennent pour la plupart des villages agricoles environnants (p. 110).

Le problème du chômage n'existe qu'à titre d'exception.

Un manque accusé de main-d'œuvre se fait sentir dans les branches les plus fortes de l'industrie manufacturière. Dans l'agriculture il est fait face aux réductions produites pour l'appel des réservistes au moyen de la main-d'œuvre disponible dans certains districts ruraux et par la coopération mutuelle entre les villageois. La récolte du riz pour l'année qui vient est assurée.

En ce qui concerne la pêche et l'exploitation forestière la situation est la même, la coopération, l'entr'ai- de parant au nécessaire.

Enfin, outre plusieurs passages au cours du volume, le chapitre XVI, final, nous montre que l'auteur ne conçoit pas la solution des problèmes sociaux sans l'application de la maxime : l'homme ne vit pas seulement que de pain.

Il se réfère à un livre de texte ou manuel publié en mars 1937 par le département de l'Education; Kokutai no Hongi — signification réelle de la Nationalité ou Constitution du Japon.

Il y a là dans le livre de M. Asahi une trentaine de pages d'une incontestable élévation de pensée et qui

mériteraient d'être traduites en entier car les réflexions que l'auteur y présente se complètent l'une à l' autre.

Il y a treize siècles le Prince Shotoku, auteur des dix-sept articles du Kempo ou Loi fondamentale, choisit le caractère chinois Wa (3941, Giles Chinese english Dictionary) c'est-à-dire Harmonie, pour signifier la province du Yamato qui est au Japon ce que l'île de France est à la France. C'est ce Prince qui a réussi à « marier » le Bouddhisme et le Confucianisme au Shintoïsme. Sa mémoire est encore révérée dans tout le pays. Des tablettes évoquant son nom et son œuvre sont érigées dans bien des districts de campagne.

Il est clair que le Prince Shotoku a choisi l'idéogramme Harmonie au lieu de Dwarf Nari dans l'espoir fervent que le Japon serait dorénavant la Terre de l'Har- monie, un pays de grande Paix. Le Japon a-t-il été fidèle à cet idéal ?

Il convient d'ailleurs de s'entendre : Harmonie ne signifie pas paix à tout prix.

L'amour des Japonais pour l'harmonie apparaît le mieux dans leur art, dans leur amour de la nature et leur instinctive aversion (dislike) à l'égard des discordes.

L'amour de l'Harmonie ne saurait s'accorder avec la condition servile ni avec l'intolérance. Le dernier des dix-sept articles du Prince Shotoku est ainsi conçu : « Ne décidez pas une affaire seul et sans assistance. Avant de prendre une décision vous devez discuter l'affaire avec tous ». Cette sentence nous parait justifier, dix siècles de l'avance, celle de Descartes: « le bon sens est la chose du monde la mieux partagée ».

En des pages très suggestives, M. Asahi montre comment cette pensée du VIIe siècle de notre ère peut et doit recevoir application aux circonstances actuelles.

Le lecteur ne pourra que trouver profit à y recourir directement.

Un passage seulement des commentaires présentés dans ce chapitre nous paraît comporter certaines réserves. M. Asahi cherche à mettre les Etats-Unis en contradiction avec eux-mêmes quant à certains aspects de leur politique extérieure. Il commence par faire remarquer avec raison que les mesures par eux prises en 1904 et 1907 contre l'immigration des gens de race mongole ne cadrent pas avec leur Déclaration des Droits du 4 juillet 1776 à Philadelphie. Mais il ajoute : ils annoncent qu'ils s'abstiennent d'intervenir dans la politique intérieure des autres Etats et cependant quand des dispositions discriminatoires sont adoptées en Allemagne contre des Juifs qui ne sont même pas citoyens américains, l'Amérique condamne M. Adolph Hitler.

Une simple observation, de caractère positif, à ce propos. Nulle part, la politique intérieure ou extérieure ne se réduit à un simple syllogisme, il y a de l'irrationnel dans le monde et l'amour du Discours de la Méthode, s'il l'avait connue, eut été le premier à souscrire à la pensée de Pascal : « le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas ».

Le 29 juin 1939 la Journée Industrielle a publié un bref article, net et « objectif », un pertinent commentaire à la nouvelle que voici : Le Japon a l'intention d'investir 420 millions de yen (4.200 millions de francs papier) dans les entreprises du Nord de la Chine.

« Sur cette somme, dit l'organe précité, 300 millions de yen seront consacrés à la société nouvellement créée des transports du Nord de la Chine et le reste sera avancé à diverses compagnies placées sous le contrôle de la Compagnie pour le développement du Nord de la Chine qui est, en réalité, un trust d'un type répandu au Japon et qui est liée d'autre part à la Com-

pagnie des chemins de fer Sud Mandchouriens. Cette dernière lui a transféré, au début de l'année, les actions de la société des chemins de fer de Kochu Koshi, dont la valeur était de 10 millions de yen ».

N'est-ce pas la meilleure conclusion à ces pages rendant compte du livre de M. Asahi et aussi au chapitre IX du présent essai donnant un aperçu des projets du Japon quant à la mise en valeur de la Chine.

Qui ne voit que ces données positives quant à cette mission, à la tâche à accomplir sont la réponse la plus propre à calmer les inquiétudes suscitées par les ambitions soit disant démesurées du Daï-Nippon ? Il y a là concernant les bassins du Fleuve Jaune et du Fleuve Bleu un programme immense, de nature à absorber la plus grande partie des forces vives de la jeune et ancienne nation du Soleil Levant. Celle-ci, je crois pouvoir l'affirmer, ne nourrit aucun dessein hostile à l'égard des puissances étrangères, sauf, finalement sans doute, contre celles qui se mettraient, de façon systématique et continue, en travers de son chemin.

Département des Finances du Japon. — 38e Annuaire Economique et Financier. — Tokyo, mai 1939. 323 pp. in-4° (en anglais).

Depuis trente-huit ans qu'elle a commencé, la réputation de cette publication officielle bien connue n'est plus à faire. Chaque année, ce document émanant du Grand Argentier nippon nous apporte les données statistiques les plus méthodiques, les plus soigneusement classées sur les Finances (budget, impôts, emprunts, domaines) de l'Etat (notamment, chemin de fer) l'Agriculture, le Commerce, l'Industrie. Viennent ensuite dans l'Annuaire, pour cet exercice 1938, les chapitres : Commerce extérieur (6 tableaux), Banques, deux marchés monétaires (24 tableaux), Communications (14 tableaux), Corée (13 tableaux), Formose,

Sakkaline, la province de Kwantong (Port Arthur 3462 Kmq) 19 tableaux. La partie Sud de Sakkaline représente 36 090 Kmq : 6 000 Kmq de plus que la Belgique.

Il y a encore les îles Kouriles entre le Nord de Sakkaline et le Sud du Kam Katka (entre 55° et 62° lat. N.) enfin des îles dans la région équatoriale du Pacifique (entre 1° et 2° lat. N.). Des commentaires, accompagnés d'une carte, de graphiques en couleurs illustrent, aident à comprendre les données purement numériques.

Il y a encore les îles Kouriles du Nord-Est du Hokkaido (env. 44° lat. N.) au Sud (51° lat. N.) de la presqu'île du Kamchatka.

II serait difficile de présenter ici une synthèse quelque peu complète d un ensemble si riche d'informations groupées en 130 tableaux en tout. Rappelons seulement que la population de l'Empire, de 30 millions il y a soixante ans, atteint aujourd'hui 97 697 551 habitants dont 69 254 000 pour le Japon proprement dit. Les étrangers dans ces totaux ne représentent qu une fraction infime: 41 287 (soit moins de 1/2441) dont 422 pour le corps diplomatique et consulaire.

Signalons, comme de nature à intéresser spécialement les étrangers, les chapitres concernant la revue générale des conditions économiques en 1937 (pp. 8-12). Il fallut, en octobre, procéder à une nouvelle dévaluation du yen (la première en 1933) le réduisant à 39 % de son taux nominal à la création en 1897. La loi de contrôle des changes étrangers est étudiée et résumée pp. 241-250. La loi elle-même remonte au 1er mai 1933. Elle fut votée par la Diète en conséquence sans doute des dévaluations de la livre sterling (octobre 1931), du dollar des Etats-Unis (mars 1933. Franklin Roosevelt). Mais les amendements dans le sens d'une restriction, d'un resserrement des clauses pri-

mitives intervinrent dès les 11 décembre 1937 et 13 octobre 1938. Notamment sont interdits la vente et l'achat de yen tirés sur des territoires dans lesquels la monnaie japonaise a pouvoir libératoire légal ou sur des pays étrangers contre des monnaies étrangères en contre parties (Counter values). Dans quelques circonstances une autorisation spéciale peut être sollicitée du Ministère des Finances; mais, dans la plupart des cas, la prohibition est absolue. En ce qui concerne le yen, les spécifications négatives ne sont pas au nombre de moins de 14 ou 15. C'est là, et non ailleurs qu'évidemment il faut chercher l'origine des difficultés survenues entre étrangers et autorités japonaises à l'entrée et à la sortie des concessions telles que celles de Tien-Tsin, Shanghaï (V. la presse française et étrangère au début de mars 1939).

Pour le Japon propre, la population est passée de 167 en 1927 à 190,70 au kilomètre carré en 1936. Mais, ne l'oublions pas, ce n'est là qu'une moyenne. Nous avons vu plus haut, avec M. Requien, combien peu elle répond à la réalité des faits. Elle peut tomber à 22 ou 23 au kmq. dans le Hokkaïdo et atteindre près de 1 000 à Tokyo et dans la région (28 000 dans le Xe arrondissement de Paris). Le nombre des vivants s'est abaissé (46 000 en 1936 au lieu de 50 000 dix ans plus tôt. 559 116 mariages en 1936; 487 850 dix ans plus tôt. Dans leur immense majorité, les foyers sont stables et féconds dans l'Empire du Soleil Levant. Les naissances d'enfants vivants, de 2 060 000 en 1927 ont atteint le total de 2 102 000 en 1936. Cependant les importations de produits alimentaires (riz, blé) ont diminué par l'amélioration des rendements agricoles.

Ainsi se traduit le dynamisme d'un peuple en possession de toutes les connaissances scientifiques modernes, ayant foi en son avenir en harmonie avec le

reste de l'humanité actuelle, responsable de tant de trésorts d'arts, de lettres, de sciences que lui ont légué les générations antérieures.

Ce sont là les véritables biens communs, trésors idéaux qui possèdent cette condition merveilleuse, ce privilège inestimable de se multiplier, de s'accroître en quantité au fur et à mesure qu'ils se propagent, qu'ils se répandent. Chacun peut les posséder tout au moins en partie, sans en priver son voisin, bien au contraire. Chaque homme peut, dans la mesure de ses forces, les faire siens; en un certain sens, il aide par là-même ses voisins, ses semblables, à s'en rendre maîtres à leur tour.

L'idéal, qu'il s'agisse de beauté plastique ou de beauté morale, d'Apollon ou de Vénus Uranie, a un don inépuisable de multiplication. A vrai dire il faut le reconnaître, le nombre des consciences capables de réfléchir l'idéal ou un idéal n'est pas infini. Il existe une limite déterminée par les dimensions mêmes de la planète. Mais les bornes dont il s'agit sont loin d'être en vue quant à présent.

Dans le numéro 223 de Science et Vie — janvier 1936, M. Jean Bodet a consacré sous ce titre: Le Potentiel industriel du Japon s'accroît sans cesse, une intéressante étude à l'essor économique du Soleil-Levant. Au début, l'auteur reproduit une erreur trop répandue : jusqu'à 1868 le Japon s'est montré réfractaire à tout ce que les blancs appelèrent progrès. Le système de Newton était enseigné au Japon au XVIIIe siècle. Nous l'avons déjà dit, d'importants traités de chimie, d'anatomie ont été traduits là-bas avant 1830. En 1840 des opérations topographiques méthodiques ont été entreprises par le Gouvernement des Shoguns.

Mais dans son ensemble l'article est intéressant et

instructif. M. J. Bodet fait ressortir que le Japon doit importer presque toutes ses matières premières.

Pendant le premier semestre de 1935, les exportations ont atteint 1.152 millions de yen (989 en 1934); durant cette même période, les importations ont monté à 1.341 millions, coton brut et filé des Indes, des Etats-Unis, laine d'Australie, minerai de fer de Corée, Mandchourie, Chine; fonte des Indes; charbon de Chine et d'Indochine; machines et engrais des Etats-Unis, de l'Allemagne; pétrole, fourni par les Etats-Unis, les Indes néerlandaises, la Russie.

Seuls, le cuivre et le soufre existent en quantités im- portantes dans l'Archipel.

CLAUDE FARRERE de l'Académie Française. Le Grand Drame de l'Asie, 198 pages, in-12°. Flammarion 1939.

Ce « discours » est la relation d'une croisière accomplie février-mars 1938 entre l'Océan Pacifique et l'Océan Indien, il porte une dédicace à Pierre Benoit voyageur. Le célèbre écrivain nous manifeste sa joie de revoir la Terre du Soleil Levant près de quarante ans après l'avoir quittée en septembre 1899.

Pendant son rapide séjour à Tokio, il eut occasion de faire un tour dans l'une des écoles la plus célèbre de Tokio. Et pour une fois, soyons fiers : ce sont des Français qui la dirigent magnifiquement. L'Ecole de l'Etoile-du-Matin a été fondée par nos pères marianites. C'est elle qui a formé, entre autres vrais chefs futurs, le secrétaire d'ambassade qui me servit d'interprète bénévole chez le prince premier ministre et maintes autres fois.

Splendide école, l'une des plus belles et des plus efficaces que j'aie jamais vues. Scientifique comme un collège allemand, sportive comme une « maison » an-

glaise. Et, sur tout cela, quelque chose qui ne se définit pas, une atmosphère.

Cette école, Gyoseigakko, M. Claude Farrère nous dit bien qu'elle est une fondation des pères marianites. Peut-être n'est-il pas superflu d'ajouter que cette initiative fut prise par les Directeurs de Stanislas, en 1891, sur les conseils de M. Emile Bertin qui revenait alors de sa mission de Yokoska.

Les débuts furent difficiles.

Au bout de quatre ou cinq ans les pères avaient dépensé au bas mot 200.000 francs, au moins deux millions actuels et l'école, comptant à peine une dizaine d'élèves, ne faisait pas ses frais.

L'aide vint, comme il arrive parfois, du côté où on l'attendait le moins.

Survint en effet, vers 1895, un caricaturiste français de talent, M. Ch. Bigot. Celui-ci, comme son nom l'y prédestinait sans doute, était, bien entendu, nettement et résolument anticlérical. Au bout de quelques mois, ayant épuisé les thèmes que pouvaient lui offrir les cercles étrangers à Tokio, notamment le corps diplomatique, il s'en prit à l'école des Marianites. Son dessin représenta le portail du bâtiment au-dessus duquel se lisait ces mots : Ecole française et de chaque côté en lettres bien apparentes English spoken, man spricht deutcsh. Ce fut une révélation pour beaucoup de familles qui considéraient que faire donner à leurs enfants une instruction purement française, était un luxe hors de leurs moyens.

Elles s'informèrent ; elles apprirent que pour chaque langue étrangère, il y avait des maîtres compétents, la possédant comme langue maternelle. L'école était sauvée.

Il y a depuis plus de quarante ans, des écoles sur un plan semblable à Osaka (Etoile brillante), Nagoya, Nagasaki (Etoile de la Mer), en pleine prospérité.

Pendant son bref séjour M. Farrère rayonna de Tokyo à Osaka, Kyoto, Nara jusqu'à Hsing King Moukden. Partout il fut entouré d'attentions. Il nous conte ses impressions de façon rapide, agréable.

J. P. PINELLI, Conseiller du Commerce extérieur. — La situation économique du Mandchoukouo. — Comité franco-japonais. Paris, 15 mars 1939, huit pages in-8° avec une carte.

Notes données recueillies sur place par un observateur bien préparé et qui fut comme M. Farrère, en- touré d'égards. Il déclare qu'en se plaçant strictement au point de vue économique, il souhaite de voir la France reconnaître le plus tôt possible l'Empire du Mandchoukouo.

Politique étrangère, 3 juin 1939, pages 302-312. Claudius Madrolle : la question de Haï-nan et des Paracels; îles de la tempête...

Article écrit avec compétence et objectivité. Aurait pu citer les notes données en avril par l' indépendant et le Bulletin des A. J. sur les îles Spratly.

D'ailleurs, l'occupation officielle des Nouvelles îles du Sud (Spratley), comme dépendance de Formose, est désormais un fait accompli, par une déclaration à Tokyo, 31 mars 1939. Dès 1917, un groupe de Japonais avait débarqué dans le petit archipel de récifs pour y mettre en valeur les dépôts de guano et les pêcheries. V. The Pictorial Orient (Edition d'OutreMer de l'Asahigraph) juin 1939.

KUNI MATSUO ET STEINILBER-OBERLIN; Anthologie des Poètes japonais contemporains, Préface de Ryuko Kawaji, in-12°; 308 pp. Mercure de France, juin 1939.

Tout récemment, le 16 juin, l'intéressant Bulletin

du Tourisme, brillamment dirigé par le Dr A. Ranc, naguère compagnon du prince de Monaco à travers l'Atlantique, a publié une piquante note sur une description romantique du Lac du Bourget rédigée par Honoré de Balzac en 1831 soit au moins un an avant d'avoir pu lui-même contempler la merveilleuse gemme d'azur sertie dans les Monts de Savoie, célébrée dès 1820 par le futur Chantre de Jocelyn, au temps où les Muses avaient de nombreux enthousiastes fidèles : 45.000 exemplaires des Méditations Poétiques ont été vendues en quatre ans.

Or cette vague d'enthousiasme soulevée par les im- mortelles élégies de Lamartine s'est propagée jusqu'en Extrême-Orient, dans le cœur d'un aède de l'Empire des Chrysanthèmes M. Bansui Tsuchii. Celui-ci ,comme nous l'apprennent les auteurs de l'Anthologie, né en 1871 à Sendai, suivit les cours de la Section littéraire anglaise à l'Université de Tokyo, où il commença à écrire des poèmes, soit vers 1894-1896,

Il voyagea à l'étranger, revint au Japon comme Professeur de Lycée Supérieur et de nouveau cette fois après la guerre russo-japonaise composa des recueils de vers : les vivants de la Terre et du Ciel, les Cloches du matin. Sa vision du lac du Bourget l'a inspiré. Le poète chante par une nuit de clair de lune. Voici une de ses strophes :

Qu'est devenu l'amour ?

la lune qui monte pure très haut, dans le ciel Etend sa lumière sur les pensées d'amour infinies...

MM. K. Matsuo et St. Oberlin nous font connaître par leur volume une cinquantaine de poètes leurs compatriotes, les uns, une trentaine compositeurs de Shintai-Shi (c'est-à-dire poèmes relativement développés en vers libres) les autres adonés aux formes classiques du Tanka (31 syllabes) et du Haï Kaï (17 syllabes).

Beaucoup de ces œuvres, ciselées avec grande déli-

catesse, ont le don de susciter chez le lecteur un émoi harmonieux propre à la méditation et à la rêverie.

Les motifs d'inspiration sont souvent semblables à ceux de chez nous : le rythme des saisons, le printemps (Princesse Sahohime), l'été, l'automne, les fleurs, celles du prunier rose, du cerisier, du poirier, les glycines, les chrysanthèmes, camélias, les Koboushi (p. 182), campanules, fleurs, pétales et pollens, les arbres, le mélèze, le bambou ; les oiseaux, faucon, coucou, Hototogisou (1), mouette, pigeon, la vie, celle d'une mousmé ou celle d'un bouddhiste zéniste de Laotzen, la Mort, l'énigme du monde... Mme Akiko Yosano, née en 1878 à Sakai, actuellement directrice de l'Ecole Bunka-Gakuin, a collaboré brillamment avec son mari à la revue Myôjo (Etoile du matin)... En 1914, elle vint en France où elle écrivit sa Forêt de Fontainebleau.

Les chants d'automne résonnent avec une douceur triste dans la profondeur des forêts de bouleaux et de hêtres.

Le Ciel est un thème qui revient souvent dans les chants des aèdes d'Extrême-Orient. Dans le Céleste Empire nous n'avons pas à nous en étonner. Dans le recueil des poèmes contemporains du Daï Nippon le terme prête plus d'une fois à équivoque, comme d'ailleurs il arrive aussi en Occident, M. Kakushu Kitahara (né en 1885) nous entretient des hirondelles qui volent au ciel. Deux pages plus loin sous le titre Pélerinage, figurent deux vers :

Le voyage seul (c'est-à-dire, je crois, voyager seul) est triste. Le ciel est lointain et la vie indécise.

(1) Ce terme évoque, dans la poésie japonaise les sentiments de mélancolie et de tristesse, v. pp. 65-66 les vers de M. Kyukin Susukida. Celui-ci né en 1877 dans la province d'Okayama a subi l'influence de plusieurs poètes européens, Shelley et Keats notamment, et les poètes chinois anciens.

p. 123, M. Ryuko Kawaji.

le ciel était vaguement couvert le panache d'une fumée monte au ciel,

Ailleurs (M. Sakutaro Hagiwara) la mer résonne et retentit vers le ciel. Plus loin M. Shungetsu Ikuta chante l'énergie des loups.

le cœur dépouillé était fort comme les loups Le ciel était transparent et pur avec une lueur verte Les étoiles essuyées semblaient des yeux de loups.

Ainsi le même mot s'applique tantôt à l'enveloppe de gaz de plus en plus dilué de quelque cent ou deux cents kilomètres de hauteur qui entoure notre planète et tantôt aux espaces infinis parcourus par les étoiles, les Univers. Est négligé le fait, pourtant de portée capitale et indiscutable, que la Terre, avec son satellite, ne forme qu'un grain dans le Ciel ou les Cieux.

Remercions finalement MM. Matsuo et Oberlin de nous avoir, grâce à leur Anthologie si bien conçue, préparée avec tant d'amour et de compétence, fait pénétrer au-delà du Japon qu'on voit, dans le Japon qu'on ne voit pas, comme disait, si je ne me trompe, il y a soixante ans, A. Brachet, de l'Italie. Comme en Grèce, en Perse, en Arabie ou à Rome, en Judée ou en Syrie, en Angleterre ou aux Etats-Unis, en Russie ou en Allemagne, en Espagne, au Portugal, ou Amérique du Sud, en France ou au Canada ou aux Antilles. dans l'Océan Indien la racine de la poésie, au Japon, est dans le cœur humain.

Nous terminerons par quelques vers du poète que nous avons cité au début à propos du Lac :

Les étoiles et les fleurs

Comme deux sœurs aimées, élevées par leur mère qui s'appelle « la nature » deux êtres : l'étoile et la fleur.

La fleur du ciel s'appelle étoile.

L'étoile de la terre d'ici-bas s'appelle fleur. Peut-être ici, le poète ne s'aperçoit-il pas qu'il simplifie beaucoup sans doute la nature des choses, L'étoile, la fleur ne sont que des abstractions.

La fleur n'existe pas. Il y a des fleurs polychromes, avec ou sans parfums. Il en est de vénéneuses. Les experts distinguent selon leur éclat, leurs températures, leurs dimensions, de multiples catégories d'étoiles, parmi lesquelles bon nombre de doubles et même de triples. Il en est de variables, de fixes quant à leur éclat.

Il y a cent ans Auguste Comte a proclamé doctoralement que l'homme ne connaîtrait jamais la nature intrinsèque des étoiles. Vingt ans plus tard, l'analyse spectrale est venue, grâce à Lokyer, donner la clé du problème.

M. Konosuke Hinatsu, né en 1890, à Iidamachi, chante une nuit où il n'entendit pas la flûte :

Je cheminais vers le vieux château où je m'enferme pour y chercher la vérité.

La vérité... c'est-à-dire, aussi, une abstraction. Mais ceci est un autre thème, une autre chanson, j'allais écrire, une autre guitare.

Danse Japonaise. — Plaquette de 24 pp. in-4°, éditée par la Kokusai Bunka Shinkoka (Société pour le développement des relations culturelles internationales) Tokyo, à l'occasion de l'expostion de la Danse Japonaise aux Archives Internationales de la Danse. Paris, mai-juin 1939.

28 illustrations en photogravures.

Le texte comprend une introduction par le baron Ino Dan Administrateur gérant de la Kokusai Bunka et deux articles :

I. — L'Esprit de la Danse ou plutôt des danses ja-

ponaises (shintoïstes, boudhiques, populaires telle que kakubi) par Hidesato Ashihara, pp. 3-13.

II. — Contribution de la danse européenne à la formation de la danse moderne au Japon, par Natsuya Mitsayoshi, pp. 14-19.

Le baron Ino Dan nous explique comment cette publication et l'envoi des estampes, peintures, maquettes, figurines grandes et petites, qu'elle accompagne sont la conséquence d'un désir exprimé par M. Roland de Maré lors de son passage au Japon en février 1938. Dans son N° 41, le beau périodique France-Japon a donné un intéressant catalogue de cette exposition qui s'est tenue rue Vital, du 25 mai à la fin de juin 1939.

En un habile raccourci, l'auteur de cette introduction nous fait saisir le contraste essentiel entre les danses traditionnelles du Soleil Levant et celles de l'Occident. Au Japon la danse se présente avant tout sous une forme statique. L'action de se mettre debout et celle de s'asseoir sont très importantes. Les pieds n'ont d'autre fonction que de porter dans diverses positions les reins. Leur plante ne quitte guère le sol. Les expressions principales sont données par les mains. (Manœuvre de l'éventail, d'un essuie-mains ou escrime au sabre) la tête et la physionomie. La danse est donc là bas plutôt un mime qu'une danse à proprement parler. La danse européenne s'exécute par les pieds, la nôtre par les mains, dit notre auteur qui continue en ces termes :

L'architecture, les meubles, la cérémonie du thé, souvent même le jardin sont faits au Japon pour être regardés par ceux qui sont assis dans un salon.

Dans ses mouvements, en général ses gestes, (lents et modérés), son tempo, la danse japonaise est, elle aussi, une production de cette manière de vivre spéciale

des Japonais sur des nattes de paille de riz ou de joncs appelés tatamis.

M. Toshinobu (ou Hidesato) Ashihara décrit avec compétence et pénétration non pas la danse japonaise in obstracto, mais ses multiples variétés.

D'abord celle qui accompagne le drame de No créé aux XIIIe et XIVe siècles de notre ère, avec des masques. L'action de No progresse en frottant le plancher et en tenant toujours le pied dans la position horizontale.

Comme le No, la danse classique kakuki est accompagnée par un chant où un récitatif. La seconde a subi l'influence du théâtre de poupées dont elle a adopté certain mouvements naturels et usuels. C'est seulement depuis vingt ou trente ans que, sous l'influence occidentale, les danseurs et danseuses de métier sont apparus au Japon.

La danse japonaise comporte un plancher spécial très poli, fait en général en bois de thuya. Elle ne peut s'exécuter que sur ce genre de plancher.

Il semble que cette condition matérielle soit nécessaire aussi pour les danses populaires de femmes, d'enfants lors de la fête bouddhique de Bon. (V. photogr. 5 et 6). Par contre la danse de jeunes paysans lors de la récolte du riz (photo 7) semble s'exécuter à même le sol ; elle est accompagnée de grosses caisses et non seulement de flûtes et de chant.

Dans son article M. N. Mitsuyoski nous explique comment en 1912, pour la première fois, une danse européenne à été transplantée sur la scène japonaise. Ce fut l'œuvre d'un maître de ballet italien G. V. Rossi venu de Londres à Tokyo sur l'invitation du Théâtre Impérial.

Vers la même époque dé jeunes intellectuels japonais, retour d'Europe, firent connaître la nouvelle théorie d'Isidore Duncan et les Eurythnués de Jacques Dalcrone.

En 1915, un danseur de génie, Bac Ishic, devient danseur à la manière de Duncan.

La même année, la danseuse russe Sinirnovna et sa troupe donnèrent trois représentations au Théâtre Impérial, sans faire sensation.

Tout au contraire, en 1922, Auva Pemlova, avec sa danse le Cygne mourant, exerça une grande attraction. Son succès sans précédent en fait de danse pure, se traduisit par vingt représentations consécutives.

Les disciples de Rossi continuèrent leurs essais sans cependant que le goût des ballets proprement dit s'im- plantât au Japon.

En 1925, la troupe américaine de danseurs Denishawn dirigée par Ruth Saint-Denis et Teot Shawn vint à Tokio. Ce fut un événement suivi, en 1928, de l'arrivée de Ruth Paoge avec son compagnon Edwin Straw bridge.

En 1929, la danseuse espagnole Argentina apporte, pour beaucoup de Japonais, la révélation de la sensibilité orientale.

Lui succédèrent Teresina en 1932, Granados (parent de l'infortuné compositeur mort au printemps de 1917 à bord du New Haven) en 1933, Manuela del Rio en 1935, Sakkaroff et sa femme en 1931.

Enfin en 1934 Harold Kreutzberg est venu avec Ruth Poge donner au Japon une première représentation de l'école Neue Tanz. Bien que le public ait été spécialement préparé par une campagne de presse, le succès fut plutôt médiocre. Les intellectuels, par contre, manifestèrent beaucoup d'enthousiasme. « Là nous avons respiré avec ardeur la sensibilité moderne débordante ».

Pp. 22-23 M. Yukichi Kodera nous donne rapidement l'explication des 28 photos. Presque tout serait à citer. Bornons-nous aux aperçus les plus caractéristiques, qui donneront une idée du reste. Fuji-Musumi, la fille à la glycine. Primitivement il s'agissait d'une jeu-

ne fille allant faire une visite de dévotion à un temple shintoïste. Danses de cérémonies Kagura, shinto, et Bugaku, importée au Japon au moyen-âge avec la civilisation chinoise, danse de sibylles au temple shinto Kasuga Inja Navra. Danse des enfants, de femmes Bou Odori.

Le Japon possède une infinie variété de danses populaires selon la manière de vivre des villages ruraux proprement dits, montagnards ou pécheurs : danse pour la fête d'un temple shintoïste ou d'un temple bouddhique, danse pour demander aux dieux une bonne pluie ou une riche récolte, danses pour fêter une pêche abondante, danses pour chasser le malheur, danses pour l'amusement des villageois. En Europe nous ne voyons guère, comme susceptible de rapprochement à cet égard, que la danse des Seises (les six enfants de chœur) à Séville le jour de Pâques de Résurrection.

De toutes façons, une fois de plus s'applique la formule : La Danse n'existe pas, il n'est que des danses.

Dans cette brochure révélatrice, les textes que nous venons d'analyser ont été rédigés et imprimés au Japon en un français parfaitement clair et correct. De ci de là, une expression, une tournure, offrent, à titre tout à fait exceptionnel, une saveur quelque peu exotique. Par exemple: « les techniques du ballet demanderont quelques années pour former une tradition et devenir une propriété japonaise ». Sans doute faut-il entendre un art propre au Japon.

Nous avons noté aussi l'emploi fréquent du verbe baser. « La technique basée sur des mouvements libres ». Comme jadis A. Gazier nous l'enseignait à la Sorbonne, le dit verbe ne nous paraît pas conforme au génie de la langue. Mais, avouons-le, ceux qui manient notre idiome au Japon avec tant de maîtrise pourraient se prévaloir à cet égard de maints exemples

tirés d'écrits récents dus à maints auteurs, parmi les plus cotés dans notre pays. Le fait n'est pas niable. Il n'en laisse pas moins subsister le principe : en français, n'est pas conforme au génie de la langue un verbe formé au moyen d'un substentif n'exprimant pas une idée d'action ou non associé immédiatement à une idée d'action.

Terminons en remerciant les organisateurs de cette curieuse et attrayante manifestaton consacrée à la Danse Japonaise à travers les âges.

Cette exposition, qui dura du 26 mai au 25 juin (6, rue Vital) fut inaugurée le jeudi soir 25 mai par un brillant vernissage en présence de M. le Chargé d'Affaires du Japon et de Mme Miyazaki. La nombreuse et élégante assistance eut occasion d'admirer l'art des célèbres danseurs Yoshiaki Haraya et Sessue Haya Kawa, venus spécialement du Japon.

Félicitons les distingués conférenciers qui se sont succédé les 8, 10, 15, 22 juin, etc..., MM. Nogami, professeur à l'Université de Kyote, Hauchecorne, ancien Consul de France à Kobé, Matsudaira, G. Bonneau. Ils surent, avec talent, faire goûter au public français la poésie grave du drame légendaire du Nô et le charme des danses japonaises, religieuses ou populaires.

I

Aspects récents du conflit engagé Juillet 1937

a) Condition en Chine après deux ans de campagne d après la Tokyo Gazette; b) Conflits juridiques dans les concessions. Politique générale. Novembre 1936, pacte antikomintern. — Accord commercial Berlin-Moscou, août 1939. — Pacte de Moscou, 22 août.

Au commencement d'août est arrivé en France le numéro de juillet de la Tokyo Gazette, 48 pp. grand in 8° contenant les informations et déclarations émanant des départements de la Guerre, de la Marine, des Affaires Etrangères et du premier Ministre.

Nord de la Chine, p. 26. — Environ 300.000 bandits restent à maîtriser dans cette région et des sentiments anti-japonais prévalent parmi une importante portion du peuple en raison des efforts joints, sans cesse renouvelés du Kouo Ming Tang et du Parti Communiste Chinois.

Chansi. — Région voisine de la Mongolie extérieure, pays des Ordos de Dix divisions des troupes du Chansi sous le Général Yen Hsi Shan ont installé leurs quartiers généraux dans la partie ouest de la province et les troupes communistes (nous les avons vues opérer en décembre 1936 lors de la capture du général Tchang Kaï Chek à Si au Fu V. Supra chap. IV § 2) sous le Général Chi te ont établi des bases à Wu tai, Liao Shien, Tsiuhsieu et Chiplow. En coopération avec les bandits locaux ces troupes poursuivent la campagne de guerilla, ne se privant pas de recruter et d'armer des civils.

Dans le nord du Chansi, les irréguliers Chinois perdent rapidement de leur influence en conséquence du succès de l'attaque des Japonais sur le Moul Woutai, l'une des cinq montagnes sacrées de la Chine où les

troupes communistes ont établi leurs quartiers généraux. Les troupes de garnisons japonaises dans le Nord de la Province du Chansi y compris celles occupant le Mont Woulen ont reçu des renforts et les districts parcourus par les bandits ont été soumis à des blocus aussi bien économiques que militaires. Les indigènes qui jus- qu'alors n'avaient accordé qu'une allégeance nominale à l'armée japonaise coopérant maintenant de façon sincère avec les autorités japonaises (p. 28).

Dans cette partie de la province de Chansi (Sud-Ouest) plus de 20.000 hommes de troupes chinoises. guerillas, milices, gardes (vigilantes) se sont dès à présent rendus aux autorités militaires japonaises. La soi-disant Association Epée Rouge qui possède un nombreux effectif répandu à Wensi, Tungchen et Any; dans le Sud de la province de Chansi coopère pleinement à l'heure actuelle avec les Japonais pour maintenir l'ordre et la paix dans ces régions.

Il convient de rendre justice aux troupes chinoises dans le Chansi, pour leur entraînement officiel, leur bon équipement et leur esprit tenace — même s'il est dirigé contre les Japonais (1).

Ils ont tiré plein avantage de la nature montagneuse du terrain pour résister aux Japonais, rendent difficiles dans une large mesure les opérations de nettoyage engagées par ceux-ci. Depuis le milieu de février un nouveau plan d'opérations avec des aspects tant politiques que militaires a été mis en action. Maintenant que la majorité des troupes chinoises aussi bien que le peuple

(1) Cet éloge de l'adversaire fait contraste avec diverses opinions péjoratives émanant d'étrangers ayant voyagé dans les 18 provinces depuis moins de vingt ans. En l'espèce, ne s'agit-il pas, en partie tout au moins, des troupes ayant fait prisonnier Tchang Kaï Chek en décembre 1936, a Sian Fou, dans le Chensi ? Bien entendu il ne saurait s'agir ici que d'un simple hypothèse.

chinois dans son ensemble ont acquis la conviction que le Japon est fermement déterminé à maintenir ses troupes dans la province du Chansi, le plein retour de l'ordre et de la paix dans cette zône n'est plus qu'une affaire de temps (p. 29).

Le 27 décembre 1938 le Maréchal Tchang Kaï Chak a déclaré à Tchong King, devant le Kouo Ming Tang; la Chine ne capitulera pas.

Hopeh et Honan. — Beaucoup de gardes (vigilantes) Chinois coopèrent avec les troupes japonaises contre les insoumis (remnuauts) et guerillas. Dans ces deux provinces, ces derniers démentis sont devenus depuis février, des facteurs négligeables, mais l'armée communiste chinoise est encore active dans la chaîne montagneuse du Tachin, servant de limite entre les provinces du Chansi et du Honan. Les deux partis tant du Kuomingtang que Communiste ont établi leurs bases, en sécurité, dans les concessions britannique et française à Tientsin. Les troupes communistes et du Kouo ming tang continuant d'opérer dans la province de Hopeh ti- rant avantage de leurs bases fortifiées au Sud du Fleuve Jaune, avec ce résultat que la paix et l'ordre ne sont pas encore pleinement rétablis dans les deux provinces du Hopeh et du Honan.

Dans le Chan tung, à Hai Tchéou, Kou tchéou et Kaifeng, les réguliers chinois et guerillas qui se sont rendus aux autorités militaires japonaises sont au nombre de 25.000 environ.

Chine du Centre. — Les guerillas sont affiliées soit à l'armée régulière chinoise, soit à la 4e armée communiste nouvellement organisée. Prenant pour base d'opérations des points situés hors de la zône occupée par les Japonais, elles se cachent derrière les lignes japonaises afin de troubler l'arrière. Une campagne entreprise à la fin de Janvier a fait reconnaître que plus de 40.000 soldats et guerillas s'étaient alors rendus en

conséquence de la conquête du territoire de Wuhan par les Japonais.

Sud de la Chine. — Il y eut des combats à 50 kilomètres au Nord de Canton le 10 avril et à 60 kilomètres à l'est le 16 avril. La paix et l'ordre sont en progrès.

A cette même date, dans l'ile de Hainan les Japonais ont occupé Sinying au Nord-Ouest, Kachek et et Lokwa sur la côte orientale, après avoir chassé environ 400 soldats Chinois.

La proportion du territoire occupé par les Japonais relativement à la Chine propre (3 157 348 kilom. c.) est de 50 %, tandis que le pourcentage par rapport à la Chine Continentale (10 059 877 Kmq. avec les provinces extérieures) est de 16 %.

Les pertes totales depuis le début de l'Affaire de Chine » Juillet 1937 jusqu'à la fin d'Avril 1939, montent à 936.345 soldats Chinois tués, corps abandonnés sur le champ de bataille, contre 59 998 Japonais tués.

Armes et matériel de guerre pris par les Japonais (jusqu'à la fin d'Avril 1939).

Fusils 215 573 Mitrailleuses légères 8 360

— lourdes 3 346 Canons de campagne 815

— lourds 333

— infanterie 108

— anti-avions 99

— tanks 208 Grenades à main ... 2 321 541 Jeux de cartouches ................. 14 057 734

Marine. — Pendant les cinq premiers mois de 1939 les forces d'aviation chinoises ont perdu 58 appareils y compris 8 qui n'ont pas été confirmés, ce qui porte

le total des pertes depuis le commencement de l'affaire à 1.561 appareils y compris 218 cas qui n'ont pas été confirmés. La force aérienne de la marine japonaise a, pendant la période correspondante, perdu trois appareils ce qui fait un total de 116 depuis le commencement de l'affaire de Chine (p. 43).

La publication précitée a inséré la déclaration suivante du porte parole du Ministère des Affaires étrangères, Tokio 22 mai :

L'élément crucial de la politique étrangère du Japon consiste dans l'accord antikomintem (novembre 1936) dirigé vers l'extermination du Communisme et c'est notre politique immuable de collaborer étroitement avec l'Allemagne et l'Italie dans l'esprit de ce pacte. Par suite le Japon est excessivement heureux de noter que l'Allemagne et l'Italie, ses collaboratrices dans l'accord antikomintern, ont perfectionné leurs relations et formé un front puissant par la conclusion du présent traité d'amitié et d'alliance (22 mai). En ce sens, nous leur offrons nos cordiales félicitations (p. 44).

Le 19 juin, selon une dépêche de Tokio publiée à Paris, le même porte parole s'est exprimé ainsi qu'il suit :

Répondant à une question posée par un correspondant étranger, le porte-parole du Gaimusho (Ministère des Affaires étrangères), a déclaré que le Japon et la Grande-Bretagne pourraient collaborer d'une façon féconde en Chine si seulement la Grande-Bretagne en manifestait le désir. Il a ajouté que le refus par les autorités britanniques de Tien-Tsin de remettre aux autorités japonaises les quatre coupables de l'assassinat du Commissaire des douanes prouvait la difficulté que rencontrait le Japon à obtenir cette collaboration.

Le porte-parole a refusé ensuite de divulguer les conditions qu'accepteraient les Japonais pour règler l'incident de Tien-Tsin; il a déclaré cependant que per-

sonne ne désirait être amené à appliquer une mesure aussi sévère que l'isolement des concessions étrangères.

Le porte-parole a affirmé qu'il n'existait aucune divergence de vues entre le gouvernement de Tokio et les autorités japonaises de Tien-Tsin. Tout ce que le Japon désire, a-t-il dit, c'est la coopération britannique pour maintenir l'ordre et la paix dans la Chine du Nord, cependant que les autorités militaires nippones de Tien-Tsin, en isolant la concession britannique, n'ont fait que prendre des mesures de légitime défense.

Nous voyons donc les négociations avancer peu à peu » (1).

Le 3 août Lord Halifax, Ministre des Affaires étrangères, a déclaré à la Chambre Haute que l'intention de la Grande-Bretagne n'était pas de se faire le Gendarme du Monde.

Quelques jours plus tard après l'avis des juristes du Foreign Office, le Ministère britannique a annoncé que les quatre Chinois coupables de l'assassinat du Commissaire des Douanes allaient être livrés aux autorisés japonaises.

Shanghaï, 17 août. — La Cour Suprême britannique en Chine a rejeté la requête des avocats des quatre Chinois retenus prisonniers dans la concession britannique de Tien-Tsin demandant que fût appliqué à leurs clients le décret d'habeas corpus

(1) Ce problème a été définitivement réglé le 5 septembre 1939 dans le sens souhaité par le Japon.

II

Comment suit son cours la Vie de l' Empire du Soleil-Levant, d'après l'Asahigraph. — Sur le continent jaune. — Dans les îles. — Dans le Pacifique antartique.

Le 17 août est arrivé à Paris le numéro de juillet 1939 de la revue illustrée The Pictorial Orient, édition d'Outre-mer de l 'Asahigraph. Dans cet organe, de grand format, les illustrations, en photogravure très soignée, sont abondantes. Le texte en anglais est accompagné de résumés français que nous croyons devoir reproduire ici.

D'abord une double page nous montre une vue Pont de Marco Polo où le 7 juillet 1937 des troupes chinoises de la 29e Division attaquèrent une compagnie japonaise, d'où surgit le conflit actuel. On voit trois dromadaires peu chargés s'avançant paisiblement dans la direction de Pékin et des marchands chinois venant en sens inverse avec leurs marchandises suspendues, en manière de balanciers, en équilibre sur leurs épaules.

Puis viennent diverses vues de la vie à Shanghaï et à Pékin : la vie en Chine reprend peu à peu son cours normal, les rues de Pékin et de Shanghaï ont de nouveau leur aspect plaisant et calme des cités pacifiques. De jeunes Chinoises choisissent des fleurs ou font une promenade dans des parcs ombragés, les enfants sont heureux de s'ébattre au soleil. Le soir les rues sont de nouveau brillamment éclairées.

Ce sont ensuite des images prises lors d'un grand rally dans la capitale du Mandchoukou le 2 mai : pour la première fois depuis la fondation de l'Etat en mars 1932, plus de 50.000 jeunes gens, représentant l'élite des 5 millions de jeunes Mandchous se sont rendus le

2 mai au rally de la mobilisation de la jeunesse nationale sur l'esplanade du parc Tatung Hsiakung, des centaines de japonais, Chinois, Allemands et Mongols prirent part à cette démonstration, ouverte par une allocution de Remin Chung — ching-hui. L'énorme défilé qui a clos le rally a été passé en revue par l'Emperereur du Mandchoukou et le Général Kenkuch Oyeda, Ambassadeur du Japon.

A l' Indo-Chine française sont consacrées trois pages avec ce commentaire en abrégé : L'Indo-Chine-France.

L'Indo-Chine française dernier avant-poste de la France en Extrême-Orient a pris récemment dans le conflit sino-japonais, une importance internationale. Elle comprend 25 millions d'habitants dont 45.000 Européens et elle est un réservoir économique de la France. On y trouve du riz, du tabac, du coton, du caoutchouc, de la soie et du bambou. La population est très hétérogène et le pays entier est dirigé par un Gouverneur Général, nommé par le Gouvernement Français. Hanoï est sa capitale et son centre politique tandis que Saïgon est son centre commercial et Haïphong sa ville la plus florissante.

Les récents événements à Kulangsu sont traités rapidement sous ce titre : Trouble dans ce Paradis.

Depuis le 11 mai, date de l'assassinat d'un Chinois pro-japonais, Président de la Chambre de Commerce d'Amoy, par les terroristes chinois, la question de l'administration de la Concession Internationale de Kulangsu n'a fait qu'aggraver les relations du Japon avec les puissances étrangères. Les Japonais ont demandé plus de contrôle de la concession afin de réprimer le terrorisme, mais les administrateurs anglais, français et américains n'ont pas voulu accepter et les négociations sont arrivées à un point mort. La situation est d'autant plus difficile que quelques Chinois de l'île ont triple nationalité. Kulangsu est une petite île au large du

port d'Amoy, sa population presque toute chinoise a doublé depuis le conflit et se monte à 57 000 habitants. La population étrangère est aussi importante et elle réside dans la Concession Internationale qui a été établie, il y a 36 ans.

Le périodique nous montre encore la jeunesse nippone se préparant aux jeux olympiques à Helsinki l'an prochain. Voici l'été, avec ses journées chaudes et ses plaisirs nautiques ! Gracieuses, souples et résistantes les jeunes Japonaises profitent de l'air et de la lumière, fendant l'eau de leurs frêles embarcations, où elles peuvent pofiter pleinement des beautés de la nature de leurs pays. Les lacs, les cours d'eau, la mer sont sillonnés par cette jeunesse avide de grand air et de santé.

Après, voici une vue de Tokyo la nuit, une vue de la célèbre rue de Ginza la plus animée. Il n'est pas, à Tokyo de rue plus populaire que la Ginza, où l'animation règne aussi bien pendant la journée que le soir. Peut-être encore est-ce lorsque le jour est tombé et que de pittoresques petites boutiques s'y installent qu'elle prend son aspect le plus attrayant. Sur de légers étalages qui ne vivent que quelques heures par jour, les marchands disposent des objets aussi charmants qu'abordables. On peut y acheter ce qui nous est indispensable à la vie journalière aussi bien que les petits insectes qui nous égaieront de leur chant les soirs d'été, les poissons rouges, les poupées de bambou et autres. Vêtus d'amples et frais kimonos, les Japonais passent devant ce petites boutiques et font leur choix.

Une double page est consacrée aux péripéties de la chasse à la baleine dans l'Antartique. Récemment, en mai dernier, une flottille de 6 vapeurs est revenue au Japon après quatre mois de campagne. Elle ramenait les peaux, l'huile et la chair de 5.000 baleines. L'an passé, pendant une compétition internationale, les Japo-

nais avaient atteint le record de 7.501 baleines. Cette année l'expédition était composée de cinq bateaux de chasse plus un navire pourvu de toute l'installation requise pour la conservation des produits par le froid. A cause des intempéries, la campagne a duré cinquante jours au lieu de huit à dix.

Puis M. Goro Murata nous entretient de la vie de l'été à Tokyo. M. Tawotn Murayama, nous fait parcourir dans la capitale ces champs propices aux chasseurs de curiosités. Entre temps nous sommes mis au courant d'un appareil de télévision, plein de promesses, inventé par M. Ando : La télévision au Japon, faisant de constants et lapides progrès, a déjà dépassé la phase expérimentale et l'Association de la Radiodiffusion du Japon, est sur le point d'inaugurer à la fin de cette année des émissions régulières mensuelles par transmission directe. La Société qui se trouve avoir le monopole des droits de transmissions a fait déjà des essais heureux, tandis qu'un jeune inventeur indépendant M. Hiroshi Ando, a perfectionné un nouveau récepteur de télévision qui promet devoir contribuer encore à la popularisation de ce genre de programme. Les essais exécutés par le laboratoire de recherches de l'Association ont démontré que les images pouvaient être enregistrées et transmises clairement à dix et quelques kilomètres. Ces beaux résultats ont couronné les efforts faits par les ingénieurs japonais au cours de ces cinq dernières années.

Enfin les dernières pages nous montrent des personnalités de passage récemment à Tokyo; notamment M. Nelson T. Johnson, Ambassadeur des Etats-Unis en Chine, se préparant à retourner avec sa famille à Tchoung King. L'Ambassadeur parle chinois. D'autres diplomates arrivent faire un séjour permanent au Japon : les Ministres de l'Afghanistan et de Roumanie.

Le 27 mai, Tokyo a célébré brillamment le 34e anniversaire de la victoire de sa flotte sur celle de l'amiral Rodjevensky. Une image nous montre une musique de la marine à la tête d'un immense défilé, rue Ginza.

Le vainqueur, Amiral Togo, s'est rendu à Londres en Août 1910, à l'occasion de la Japan-British Exhibition, Earls Court.

Quelque temps après, en septembre, sur le chemin du retour, il est venu en France, à Paris, où il a été reçu avec tous les honneurs dus à son haut rang, à sa glorieuse maîtrise navale, à son caractère.

L'Amiral eut la bonté d'inviter à monter dans son wagon-salon, de Calais à Paris, celui qui, quarante ans plus tard, devait rédiger le présent essai !

III

Compléments a) Au chapitre V. — supra. — Décret de Nankin, 3 novembre 1935.

L'information suivante a paru dans les journaux de Paris le 22 juillet 1939:

La chute du dollar chinois et ses conséquences au point de vue japonais.

« Selon l'agence Domei, le ministre des Finances, M. Ishiwara, a exprimé au cours du Conseil de Cabinet de ce matin, des inquiétudes au sujet de la chute du dollar chinois. Le ministre a exposé à ses collègues l'incidence que cette chute pouvait avoir sur les revenus des douanes chinoises (presque toutes contrôlées par les Japonais) et sur les billets de la Banque fédérale de réserve de Pékin.

« Puis il a déclaré qu'il fallait prendre d'urgence des mesures à cet égard ».

Peu après, au début d'août, divers organes de la même presse, notamment le Paris-Soir, ont annoncé que le Gouvernement de Tokyo allait procéder à un recensement général du métal précieux au Japon. D'autre part, un décret devait être rendu afin de restreindre les dépenses somptuaires dans les restaurants, théâtres, etc. En raison de l'Incident de Chine, le pays devait se préparer à une longue lutte non seulement militaire, mais financière.

Le 22 août les journaux annoncent que la Grande-Bretagne vient de consentir, à Tchang Kaï Chek, une nouvelle avance de 250 000 de livres sterling, ce qui porte à trois millions de livres (528 millions de francs), le crédit destiné à acquitter des commandes de matériel en Angleterre.

Pendant ce temps-là, l'Allemagne (20 août) accorde

à l'U. R. S. S. un crédit de 200 millions de marks (trois milliards de francs papier). Ce crédit, disent les journaux, servira à solder les achats soviétiques de marchandises germaniques. Indirectement, il profitera donc à Tchang Kaï Chek. Si la presse ne l'annonce pas, ce n'en est pas moins un fait significatif.

Dans son communiqué du 21 août, le Gouvernement japonais indique qu'il a attiré l'attention du Gouvernement britannique sur le fait que le maintien de la circulation du dollar chinois — Fapi — dans la concession de Tien-Tsin permettait à des individus hors la loi, de troubler les conditions économiques ainsi que la paix et l'ordre à l'intérieur et à l'extérieur de la concession.

Nos lecteurs savent, par notre chapitre V de la première partie, et divers passages de la seconde, que le régime des concessions permettait aux exportateurs étrangers et aux Chinois de tourner le contrôle des changes que le Gouvernement japonais avait tenté d'établir surtout à partir du 17 juillet 1938.

b) Aux chapitres VIII et IX, 1re partie : Etats-Unis et Japon

Le 7 juillet, M. Yves Le Branchu, Directeur de l'Office français aux Etats-Unis a fait devant la Société Française de Géographie économique une communication dont les données suivantes nous ont paru particulièrement mériter d'être relevées : Elles montrent une fois de plus la complexité des problèmes internationaux, et combien en politique les intérêts matériels s 'entremêlent à ceux que l'on est tenté de considérer comme avant tout de nature idéale ou morale.

Les Américains ont investi au Japon des capitaux considérables qui se chiffraient il y a peu de temps à 246 millions de dollars contre 132 millions en Chine.

Les importations américaines de Chine s'élevaient en 1937 à 103 millions de dollars contre 204 millions

en provenance du Japon. Les exportations donnent un écart encore plus élevé; 49 millions de dollars sur la Chine et 288 millions sur le Japon. Ces considérations expliquent les « hésitations » de la politique américaine vis-à-vis de Tokyo.

Les intérêts des U.S.A. dans notre Indochine sont peu importants, leur commerce faible. La « ligne de vie » américaine part de San Francisco, passe par Honolulu, Manille et Changhaï. C'est la route des Clippers de la Pan American Airways. Toutefois, il est hors de doute que les Américains s'intéressent de plus en plus à notre colonie d'Extrême-Orient. Dans la presse, les articles sur l'Indochine et Tahiti se multiplient et il est permis d'espérer que les échanges s'ampifieront (Temps, 9 août 1939).

Cet exposé est certainement de nature objective. Son auteur parle d'après les faits qu'il a observés et contrôlés.

Pour en faire comprendre toute la portée, il ne me paraît pas inutile d'en rapprocher la déclaration faite le 29 novembre à Changhaï par M. Kodama, Président de la compagnie sino-japonaise de la Chine du Centre, concernant la mission insombant à cet organisme. Nous en empruntons le résumé au Temps du 2 décembre 38.

« La Compagnie, en tant que pionnier de la construction économique de cette région, a pour mission de faire affluer les capitaux en vue de leur investissement dans les différentes branches de l'industrie et du commerce et d'en assurer le développement. Ce consortium, qui dispose à l'heure actuelle de 100 millions de yen, groupe sept sociétés sino-japonaises qui s occupent respectivement de l'exploitation des gisements de fer, de l'énergie électrique, des transports fluviaux, des télécommunications, des transports routiers, des pêcheries, etc... Chacune de ces sociétés, constituée en tant que

personne juridique du nouveau gouvernement de Nankin, est en plein essor.

Cette compagnie, dont l'unique objet est la construction économique de la Chine du Centre, ne saurait porter aucune atteinte aux intérêts des tierces puissances en Chine. Nous espérons qu'on comprendra nos véritables intentions et nous formons le vœu d'obtenir la collaboration de tous les capitalistes étrangers, soit sous forme d'investissement, soit de toute autre manière ».

IV

Projet annulé

La délégation japonaise au congrès de Nuremberg et aux fêtes anniversaires de la marche sur Rome.

Sous ce titre, vers 17 heures, les journaux de Paris ont publié le 12 juillet le télégramme ci-après parti de Tokyo neuf ou dix heures plus tôt.

Le général comte Terauchi a confirmé à la presse qu'en réponse à l'invitation du Führer, il assistera au début du mois de septembre au congrès nazi de Nuremberg, en qualité de représentant de l'armée japonaise. Il participera ensuite aux fêtes de l'anniversaire de la marche sur Rome.

Le général Terauchi a ajouté que l'Allemagne et l'Italie, solidement unies sous la bannière de l'antikomintern, poursuivent leurs propres buts, tandis que le Japon combat pour instaurer un ordre nouveau en Extrême Orient. Il a fait observer à ce sujet, que les trois pays avaient des aspirations communes et a dit qu'il était à peine besoin de souligner la grande sympathie manifestée par l'Allemagne et l'Italie à l'égard du Japon, depuis le début du conflit sino-japonais.

Il a conclu en disant que son prochain voyage en Europe lui fournirait l'occasion d'exprimer aux dirigeants et aux peuples allemands et italiens les remerciements du Japon, ajoutant que la rencontre des délégués nippons avec les chefs allemands et italiens aurait en cette période critique, non seulement une importance capitale, mais pourrait contribuer au succès de l'expédition japonaise en Chine.

L'entente de Tokyo avec Rome et surtout avec Berlin est un fait sur lequel il serait vain de prétendre se faire illusion. Nous en avons dit plus haut les raisons qui d'ailleurs sautent aux yeux à propos du pacte antikomintern (7 novembre 1936), nouvelle forme de la rivalité de la Russie et du Japon en Asie Orientale, depuis un bon demi-siècle.

Mais ce fait indéniable — ayant cessé d'ailleurs, comme on l'a vu, les 21 et 22 août, à des réactions plutôt imprévues par l'accord commercial Berlin-Moscou — n'en laisse pas moins subsister ceux non moins réels et positifs qu'évoquent la communication de M. le Branchu et la déclaration de M. Kodama que je viens de placer sous les yeux des lecteurs, afin de mieux leur faire saisir la complexité des facteurs en jeu, en action et réaction en Extrême-Orient et ailleurs. Ce jeu, il faut l'espérer laisse encore de grandes chances à la pacification de la Chine d'abord, puis au règlement, sans luttes trop sanglantes, des problèmes internationaux là-bas.

Le 22 août, le Matin, non sans raison, a rappelé, et mis en évidence les termes d'une véhémente harangue prononcée le 12 février 1937 (trois mois après le pacte Berlin-Tokyo) par le Dr Goebbels et où le chef de la propagande du Reich apostrophait ainsi les gens de Moscou :

« Entre eux et nous plus rien de commun. Il n'est même plus possible de rester neutre. Il est établi que

Moscou menace la culture européenne. En ce qui nous concerne, nous ne le permettrons pas ».

Ayant rappelé la parole de l'Ecriture sur les simples d'esprit, le Matin termine sur la conclusion que voici : Ces simples d'esprit, on en conviendra, n'ont guère l'occasion aujourd'hui d'être heureux.

Toute la question est de savoir si l'antique maxime d'Outre-Rhin : Macht macht Recht est compatible avec la « culture européenne » ou pour mieux dire avec la civilisaton en général, avec la morale humaine.

En dépit du silence du Livre Jaune, tout lecteur a présent à la mémoire la signature, à Moscou, dans la nuit du 22 au 23 août 1939, entre M. de Ribbentrop et M. Molotov, du pacte Hitler-Staline, entre la croix gammée et la faucille jointe au marteau. Un tel coup de théâtre se passe de commentaires. S'il en était besoin, ne suffirait-il pas à lui seul, à prouver, à démontrer la vérité de la parole de V. Brochard, voici onze lustres : il y a de l'irrationnel dans le monde. Ne font pas partie du rationnel les instincts, les tendances, les actes, que les peuples — comme les individus — croyent conformes à leur intérêt plus ou moins bien entendu.

Ce qui est clair et hors de toute controverse, c'est qu'en mai-juin, ainsi qu'au début d'août 1939, le Gouvernement de Tokyo a refusé de prendre des engagements avec celui de Rome et surtout celui de Berlin en vue d'une intervention militaire en Europe. Qui songerait à le lui reprocher ?

Le Japon a ainsi fait preuve de sa fidélité aux plus hauts principes de la civilisation, parmi lesquels le droit à l'épargne.

V

Comité de la Ligue des Sociétés de la Croix Rouge, réuni à Paris le 23 mai 1939.

Le Comité exécutif de la Ligue des Sociétés de la Croix Rouge (dans quelques cas, Croissant rouge) s'est réuni à Paris le 23 mai 1939, sous la Présidence de M. Norman M. Davis, Président du Conseil des Gouverneurs.

Treize nationalités étaient représentées, soit, outre les Etats-Unis: la France, la Yougoslavie, la Grande-Bretagne, la Norvège, le Reich allemand, le Canada, le Chili, la Hongrie, l'Italie, les Pays-Bas, la Pologne. Pour le Japon figurait le profesesur Kusawei (titulaire de la chaire d'Histoire de l'Art à l'Université de Tokyo) représentant M. S. Yamanouchi vice-président; pour la Chine M. le Dr Siu-Tchoan-pao.

Centenaire de Théodore Ribot (22 juin 1939). Par une obligeante communication de M. P. Pieron, professeur au Collège de France, dont le cours de psychologie scientifique est si justement réputé, il m'est possible de spécifier que plusieurs entités qualifiées des Universités du Japon se sont associées au centenaire de Théodore Ribot, cinquantenaire de la fondation de sa chaire de psychologie scientifique au Collège de France, célébré à la Sorbonne le 22 juin dernier.

Notamment M. Ryo Kurida a envoyé un mémoire qui figurera en bonne place dans le volume commémoratif de la solennité.

Institut Franco-Japonais de Kyoto.

Le numéro 1 74 du Bulletin de la Chambre de Commerce Française du Japon, avril-mai 1939, est arrivé en France au début d'août. A côté d'un ensemble d'informations techniques d'ordre commercial, financier, économique, d'une étude due à une plume très compétente

sur le laque japonais, nous trouvons sous la signature de M. Louis Ohl, un intéressant article sur l'institut franco-japonais de Kyoto. Nous en détachons le passage suivant :

« Dans sa haute sagesse, l'Empereur Meiji a prescrit l'enseignement légal des langues anglaise, française et allemande. Or, si l'anglais est enseigné dans tous les lycées du Japon, si l'anglais et l'allemand sont au programme de 27 lycées supérieurs, le français n'est enseigné actuellement que dans sept lycées seulement. L'Institut franco-japonais de Kyoto essaye donc de combler dans la plus large mesure, dans la région Sud du Japon, la grave lacune constatée dans les établissements japonais. Ce faisant, notre Institut travaille bien dans l'esprit du génial Empereur créateur du Japon moderne.

En dehors de ce but, M. Louis Marchand fit de l'Institut non seulement un centre d'études, mais encore un foyer de beauté et de rayonnement français... ».

Le Japon au Jardin des Plantes, à Paris.

Certains phénomènes physiques, biologiques tendent à nous montrer que l'association entre la Chine et le Japon tient, en quelque mesure, à la nature des choses. Je ne fais pas allusion aux seules cultures bien connues telles que celles du riz, du thé, du mûrier, du laque qui, sous leurs diverses variétés, adaptées aux différences, mêmes légères, des climats, se développent avec tant de succès dans l'un comme dans l'autre Empire. Une visite, même rapide, au Jardin des Plantes suffit à nous montrer de beaux spécimens de la flore et de la faune communes aux vallées des fleuves Jaune ou Bleu et aux îles du Daï Nippon.

Dans le Labyrinthe, c'est auprès des cèdres un superbe sophora de Chine introduit (sous forme de graine) en 1747 et trente ans plus tard baptisé, par Linné,

Sophora japonica. Un peu plus loin, à proximité des flamants de la Camargue, une enceinte est réservée à de beaux spécimens de la grue de Mandchourie avec la caractéristique des plumes rouges au sommet de la tête. En langage scientifique, ce puissant échassier qui sait s'élever très haut dans les airs est dit grus japonica. Comme motif décoratif, sa valeur est la même chez les Célestes que chez les Nippons. Dans l'un et dans l'autre cas, je veux dire d'un côté comme de l'autre de la Mer Jaune, sa représentation en peinture, en sculpture, nous l'avons vu, correspond à un double symbole, soit à l'un des deux principes du monde, le principe céleste, soit, simplement, à l'idée de la longévité.

Ceci nous amène à dire deux mots des correspon- dances physiques, biologiques étabies par la nature entre la Chine et le Japon.

A cet égard, empruntons à M. Oustalet, dans la Grande Encyclopédie, les indications requises pour trancher le problème qui se pose à propos du nom latin de la grue de Mandchourie. La grue à bec vert (Grus viridiartris V.) appelée aussi grue de Mandchourie ou grue de Montigny (Grus Montgnesis Bp.) habite le Japon et la Sibérie. Elle se reconnaît facilement, comme la grue leuco gerane, à sa livrée blanche. J'apouterai, son distinctif, qu'elle partage d'ailleurs avec la grue cendrée, consiste en une touffe de plumes rouges sur le vertex, d'ailleurs en partie dénudé !

Dans l'Encyclopédia britannica (9e Edition 1878) M. A. N . se borne à nous dire : la partie orientale de la région Palæarctique est habitée par quatre espèces (autres que la G. Communis et la G. Virgo) qui ne fréquentent pas l'Europe, savoir : les G. antigone, japo-

nensis, monachus et leuco gerances, cette dernière étant peut-être la plus belle (finest) de la famille.

Dans l'Encyclopedia Italiana, M. Ettore Arrigoni degli Oddi, professeur d'ornithologie près de l'Université de Padoue, rappelle que la classe Gruidés comprend 22 espèces, dont une seule se montre en Italie. Il nous donne, sans autre éclaircissements, une image photographique de la G ru Giapponesi.

Terminons par une plante célèbre, depuis le XIXe siècle, dans nos jardins où elle fait les délices des amateurs et sait même inspirer les poètes : l'hortensia.

Cet arbrisseau donnant des fleurs merveilleuses avec une gamme de tons allant du blanc, du rose au bleu intense, appartient, par ses origines, à la Chine et au Japon. Il a été introduit en Europe en 1792.

VI

Coopération française à l'organisation de l'armée Japonaise moderne (1).

Ces origines, trop souvent, sont ignorées ou mal connues. Elles n'en constituent pas moins un fait, un fait positif incontestable, et qui n'est pas sans garder sa signification, sa portée, à l'heure actuelle. C'est ce que nous voudrions rappeler en quelques mots.

Une haute personnalité française (le lecteur me pardonnera de ne pas spécifier davantage), écrivait dernièrement :

« Après 1870... nous ayant froidement lâchés, ils (les Japonais) appelèrent une mission allemande ».

Il y a là une erreur trop répandue, c'est pourquoi nous en reproduisons la formule, afin de mieux la réfuter.

Voici ce qui advint, dans la réalité des choses. En janvier 1871 est arrivée à Paris au nom de S. M. l'Empereur Mutsu Hito, depuis surnommé Mei-ji, Gouvernement éclairé, dont la cause avait triomphé dans la guerre civile engagée en 1868 — une importante délégation chargée de demander à la France l'envoi d'une mission militaire avec tâche d'organiser l'armée impériale au moment où elle allait se constituer, de façon méthodique.

Dès 1866 une mission composée du Capitaine Chanoine, des Capitanes Jourdan, du Génie, Descharmes, de la Cavalerie, du Lieutenant Brunet de l'Artillerie

(1) Revue des Ambassades, décembre 1939. Dans le même N°, un remarquable article du Dr A. Legendre sur la condition lamentable des régions de la Chine, où Tchang Kai Chek et ses Conseillers (soviétiques) prétendent faire le vide devant les Japonais. Cf. Journal d'Haiphong, février 1940.

était partie pour l'Empire du Soleil-Levant, à la demande du Shogoun. Dès leur arrivée, en raison de la situation intérieure de plus en plus tendue, des instructions expresses leur furent adressées par les chefs de notre Légation à Tokyo (alors Yeddo) M. Léon Roches d'abord, M. Maxime Outrey ensuite : en cas de conflit, ne pas prendre parti, s'abstenir de toute intervention, tant d'un côté que de l'autre.

Le parti impérial triompha. Aussi n'est-ce pas sans quelqu'étonnement que nous voyons, moins de deux ans plus tard, quatre mois à peine après Sedan, l'Ambassade spéciale arriver à Paris pour la fin que nous venons de dire.

Comment cette démarche s'explique-t-elle ? Des personnes dignes de foi m'ont donné la clé du problème qui semble se poser à ce propos. L'un des officiers de la mission du Capitaine (depuis Général) Chanoine a désobéi aux ordres reçus de Paris, par l'intermédiaire de la Légation. Avec l'Amiral Enomoto, il avait fondé, à Hakodate, au Sud de l'île de Yeso (1868-69) une république, tout au moins provisoire. Les impériaux bien entendu l'emportèrent au bout de plusieurs mois. Mais c'est là qu'ils rencontrèrent le plus de résistance. C'est ainsi que leur estime pour l'adversaire crut en raison de l'effort même nécessaire pour le vaincre. De toutes façons, le Lieutenant Brunet, ses sous-officiers et soldats étaient tous tués ou blessés à la fin du siège.

Deux membres de la mission militaire française se trouvaient sur la flotte; c'étaient le capitaine Brunet et le sous-officier Caseneuve (Mis de la Mazelière. T. IV., p. 343).

Le Lieutenant Brunet fut mis à pied en rentrant en France vers la fin de 1869. Mais s'étant engagé comme simple canonnier en juillet 1870, il reconquit rapidement ses grades.

Je l'ai personnellement connu à Versailles en 1887-88 car il commandait alors comme Colonel le 11e Régiment d'Artillerie de campagne où j'accomplissais mes douze mois de « conditionnel » (loi de 1872). Le Colonel Brunet se montrait très paternel dans le commandement de son unité qui portait, en lettres d'or, sur son étendard, ces trois noms prestigieux : « Anvers, Zaatcha, Sébastopol ». M. le Colonel A. Bocher me dit qu'il a connu personnellement le Général Brunet, comme le Général Lebon. En 1898, le premier, général de Division, était chef du Cabinet du Général Chanoine, Ministre de la Guerre, qui dut donner sa démission lors de l'Affaire Dreyfus.

Revenons au Japon et plus exactement aux choses du Japon. Pour le motif que nous venons de dire ou pour un autre, la délégation impériale envoyée de Tokyo par le jeune souverain atteint Paris en janvier 1871 . En faisait partie Okube Toshimichi (1830-78). Ambassadeur à Pékin puis Ministre de l'Intérieur.

Seize mois plus tard la mission ainsi demandée à notre pays se mit en route. Elle comprenait d'abord, avec le Colonel Margerie comme chef, les capitaines Jourdan, Descharmes, déjà venus quatre ans plus tôt, Orcel de l'artillerie, Vieillard, Echeman, Percin de l'infanterie. Puis vinrent le colonel Munier, le capitaine (depuis général) Lebon, de l'artillerie, Faucon-net de l'infanterie, Angot vétérinaire, Dagron, Lerroux musiciens. Au dire de quelques voyageurs, les sonneries dans les casernes et quartiers du Japon furent, de 1875 à 1882 ou 1885, à peu près les mêmes qu'en France.

De toutes façons en dehors des uniformes établis à la ressemblance des uns des autres, il est certain que l'armée japonaise fut, sous la direction de la mission qui eut pour chefs successifs les colonel Margerie et Mu-

nier, constituée en bataillons, régiments, brigades, divisions sur le modèle de celle de France.

La mission trouva le plus puissant et le plus intelligent concours auprès du maréchal Yamagata, Ministre de la Guerre de 1873 à 1881, puis Chef d'Etat-Major Général de 1881 à 1885.

En même temps le Commandant, depuis Maréchal, Terauchi était à Paris (1882) d'abord comme Aide de camp du Prince Kanin, puis comme Attaché militaire 1884-1887.

Sur les entrefaites, le Haut commandement japonais, c'était incontestablement son droit, fit appel à trois ou quatre officiers allemands (notamment au Commandant Meckel) pour donner des cours d'Etat-Major à l'Ecole Supérieure de Guerre.

De 1886 à 1890, M. Emile Bertin remplit avec plein succès les fonctions de Conseiller du Gouvernement Nippon pour les constructions navales.

Il fit construire par l'arsenal de Yokoska fondé en 1866 par son collègue et prédécesseur M. Verny (1), deux des quatre croiseurs qui constituèrent l'élément premier de la flotte japonaise lors de la lutte avec la Chine 1894-1895. Les deux autres, dont les plans avaient également été fournis par M. Emile Bertin, furent construits, l'un, à Saint-Nazaire, l'autre en Angleterre.

Rentré en France, M. Emile Bertin devint Ingénieur en Chef des Constructions Navales, Président de l'Académie des Sciences.

En 1907 il dirigea l'Exposition Maritime de Bordeaux, une division navale japonaise composée des croiseurs Chitosé et Tsukuba, ce dernier construit au Japon, vint spécialement le saluer dans la Gironde, en

(1) V. Revue Maritime, mai 1939.

revenant de Londres où elle avait représenté l'Empire du Soleil-Levant aux fêtes du Couronnement de S. M. le Roi-Empereur Edouard VII.

Mais, simultanément, sous l'influence, en partie, du Commandant Terauchi, une nouvelle mission militaire fut envoyée de Paris avec le Commandant Bertaut pour chef.

Elle comprit entre autres le Capitaine (depuis Général), de Villaret (jusqu'en 1887), Lefevre (jusqu'en 1888) qui enseignèrent à l'Ecole Militaire (Toyamagakko), de Tokyo.

L'influence de la France sur la formation militaire du Japon ne s'arrêta par là.

Bien des officiers de l'Empire du Soleil-Levant vinrent en stage à notre Ecole Supérieure de Guerre. En 1908 l'un deux, comme à un déjeuner de la Société Franco-Japonaise au Cercle Militaire (alors Avenue de l'Opéra), je le félicitais de la part qu'il avait su prendre à la prise de Port-Arthur, par la préparation, la mise au point de plans bien conçus, me répondit textuellement ceci : Merci, mais nous n'avons eu aucun mérite particulier à ce rôle que vous voulez bien nous attribuer. « Nous n'avons fait que mettre en pratique, en application les principes appris à votre Ecole Supérieure de Guerre ».

Ce distingué Officier m'avait été présenté par mes éminents collègues à la Société, M. Emile Bertin, Président et le Général Lebon, Membre du Conseil.

A propos de ce sujet dont j'avais eu l'honneur de l'entretenir lors d'une de mes premières visites, S. E. M. Renzo Sawada, le distingué successeur de M. Sagimura, voulut bien me rappeler qu'en 1921, au moment où je venais de quitter l'Europe pour aller re-

présenter la France en Amérique du Sud, une mission française dirigée par le colonel Faure se rendit au Japon pour y organiser l'armée de l'Air.

Mission ethnographique dans le N. O. de la Chine.

Le Gouvernement français vient d'envoyer (22 août) dans les hautes vallées des fleuves Bleu et Jaune, une mission géographique et ethnographique confiée à des Maîtres du Musée de l'Homme.

Cette mission doit durer environ dix-huit mois. Nul doute qu'elle ne rapporte de précieux matériaux et documents propres à mieux éclairer sur les origines complexes de ceux que l'on appelle aujourd'hui les Fils de Han et qui n'ont guère plus d'unité physique et matérielle, politique ou morale que n'en possèdent, entre eux, les citoyens appartenant — les îles Britanniques mises à part — aux vingt et une ou vingt deux nations politiques (le total est variable, par le temps qui court !) composant l'Europe continentale, sans compter les Etats miniatures, tels que St-Marin, Monaco, Andorre, Liechtenstein...

VII

Professeur HOU YONG LING : Conditions de paix en Extrême-Orient japon-Chine-S.D.N. — Paris, Union Universelle pour supprimer ce crime : la Guerre, 130, rue de Rennes, Paris VIe, in 12°, 290 pages, 1936.

L'auteur — fils d'un diplomate de carrière, secrétaire à la Légation de Chine au Brésil, M. Houte Vang, depuis Préfet du Hou Nan, — fut, il y a une douzaine d'années, élève à notre Ecole des Sciences Politiques. Il devint ensuite secrétaire de la délégation chinoise à la Conférence Internationale sur le traitement des Etrangers à Genève.

Il part de cette idée qu'une guerre entre Soviets et Japonais est inévitable. Il formule cette opinion dans des paragraphes en date de Batavia 1933 (p. 66). Il considère les Japonais comme gens de petits moyens mais de ressources multiples ayant des appétits mondiaux. L'adjectif est en vogue, évidemment. Cependant il ne rend pas un son très franc quant au génie de notre langue. Au point de vue politique, le rêve de César et de Charlemagne est bien suranné. L'Empire Romain, prototype de ce rêve : commander Urbi et Orbi, a-t-il jamais compté quarante millions d'habitants ?

Il leur reproche de ne pas avoir restitué à la Chine le territoire de Kiao tchéou cédé à l'Allemagne le 6 mars 1898. Il fait partir la Guerre Européenne du 23 juin 1914, D'autre part, nous ayant rappelé que le Japon, le 15 août 1914, déclara qu'il se rangeait du côté des alliés de la France, presqu'aussitôt il ajoute qu'il expédiait à Kiao tchéou une escadre comptant environ 200.000 marins. Il doit y avoir un 0 de trop.

D'un autre côté, l'auteur paraît nager en pleine utopie. Il suppose résolu le problème de la limitation des

armements, par l'adoption et la mise à exécution du plan Henri Dumont de 1908. A ce sujet il s'exprime ainsi :

« Dans tous les Etats du monde, la suppression complète et entière de toutes les armées temporaires et permanentes de terre, de mer et de l'air, après l'institution d une Société des Nations ayant une forte police et unique garantie de la sécurité générale des Etats contemporains, alors que la moralité des peuples se sera développée à tel point que l'on reviendra en Chine à l'époque où l'on pouvait dormir sans fermer les portes ».

« Immédiatement devra être entreprise en commun la suppression complète de -toutes les armées temporaires et permanentes de terre, de mer et de l'air de divers Etats (infra : Appendice II). Ces derniers seront autorisés à conserver seulement des gendarmeries ou polices nationales dans la limite nécessaire au maintien de l'ordre public interne. Le Sénat des Nations, la Police internationale avec tous ses organes auxiliaires (infra : Paragraphe suivant), exerceront une surveillance directe ou un contrôle permanent sur l'emploi et le nombre numérique des effectifs des gendarmeries ou des polices nationales des Etats ».

D'ailleurs il ne semble guère se faire d'illusion de l'état critique de son propre pays aux points de vue soit politique, soit économique. Il dit : « Sauf de rares exceptions, les hommes d'Etat et les citoyens chinois n'étaient point préparés suffisamment à la nouvelle existence. Certes, l'opération rencontre des difficultés im- menses, surtout lorsqu'il s'agit d'un vieux et grand empire comprenant environ 450 millions d'habitants et occupant un sixième du monde entier ».

« En Chine, les voies de communication : chemins de fer, routes, etc..., sont insuffisantes; les méthodes employées pour l'agriculture sont arriérées et abaissent

le rendement au-dessous du minimum nécessaire à la consommation du peuple; les richesses naturelles considérables que renferme le sol chinois sont inexploitées ; l'élevage de vers à soie, la fabrication de la porcelaine, de la chaux, ainsi que d'autres articles, réclament un plus grand emploi d'outillage et de méthodes modernes; les meilleurs terrains de rendement sont couverts de tombeaux qui s'étalent sans restriction aucune et qui gênent considérablement la culture ; les rivières et les fleuves manquent d'entretien soutenu, ce qui cause des inondations désastreuses. jusqu'à présent rien de sérieux n'a pu être entrepris pour résoudre équitablement le développement de l'économie rurale, ou l'amélioration des conditions de vie des fermiers et le bien-être des paysans en général. Les paysans souffrent principalement des taxations exagérées des autorités militaires provinciales et locales. Dans la province de Ssé tchouen, par exemple, où la guerre civile se répète tous les ans sans interruption depuis 1912, les impôts fonciers, dans certains districts, ont été prélevés par avance de termes jusqu'en 1971 ».

Nous ne pouvons que laisser le lecteur juge.

Au point de vue financier, la situation n'est pas moins confuse et pénible. Voici comment l'auteur la résume : Notre revenu actuel. En 1931-1932 les dépenses générales ont été estimées à $ chinois 620.000.000 environ. Le déficit revient donc à $ chinois 160 millions (1 milliard 600 millions de francs 1936?). Ce que M. Hou Yong Ling omet de nous dire et ce qui fait la gravité réelle de la situation c'est que les seules recettes effectives concrètes étaient celles qui étaient fournies par les Services des Douanes, des Gabelles, des Postes et Télégraphes, tous contrôlés par des Etrangers.

Jusqu'à présent, où et quand les Célestes se sont-ils montrés capables de gérer les finances de l'Etat total ?

VIII

A propos d'un parasol d'honneur

Ce qu'étaient les concessions étrangères en Chine pendant la deuxième moitié du XIXe siècle

Plus qu'au moyen de longues dissertations, le lecteur, semble-t-il, sera fixé, éclairé par les faits exposés dans la lettre que le 5 août 1939 j'eus l'occasion d'adresser au Temps et que le grand organe du soir a publiée le lendemain. En voici le texte :

En octobre 1878, lors de son départ pour l'Egypte, où il se rendait en qualité de chargé d'affaires, M. Ernest Godeaux, consul général à Changhaï depuis 1872, recevait de la colonie chinoise (15.000 à 20.000 personnes), établie sur notre concession (700 Français), un parasol d'honneur en témoignage de respect et de gratitude pour les loyaux et constants services rendus, pendant plus de six ans, dans l'administration de cette « commune » indépendante. Les Célestes ainsi fixés sur une enclave extraterritoriale dans leur pays faisaient par là application à notre compatriote d'une pittoresque et sympathique coutume de leur contrée. M. Godeaux, de son côté, aimait bien les Chinois; il les trouvait patients, travailleurs, adroits, gens pour la plupart sachant tenir leur parole, et... très joueurs. Quand il ne leur restait plus rien, ils pariaient jusqu'à leurs doigts, de la main gauche autant que possible. Un petit billot et une hachette leur permettaient de détacher eux-mêmes un de ces doigts, s'ils perdaient.

Revenons au parasol. Cette pièce remarquable mesure environ, avec son pied supportant sa tige de bambou, trois mètres de haut sur 1 m. 25 de diamètre. Les caractères brodés en or décorant le satin pendant verticalement (environ 1 m. 50) autour du disque supérieur signifient, selon la version donnée en novembre 1906

par M. Arnold Vissière, qui fut de son vivant (1858- 1930) l'un de nos premiers sinologues: parasol des dix mille gens du peuple (wan, myriade ; min, peuple ; san, parasol).

M. Vissière, après avoir servi comme interprète notre légation à Pékin, fut chargé du consulat général à Changhaï (1892-1893); puis il occupa pendant longtemps, avec une autorité reconnue, la chaire de chinois à l'Ecole des langues orientales à Paris. D'autres caractères figurant sur le parasol rappellent les qualités et mérites du donataire : probe, juste, vigilant, éclairé.

Le titulaire de cette flatteuse et originale distinction revint quelques années plus tard en France, à Paris, où il vécut avenue de Wagram au milieu d'un superbe ensemble de porcelaines, étoffes, émaux, ivoires, jades rapportés d'Extrême-Orient, et spécialement de la région du Yang-Tsé-Kiang.

Avant sa fin, à 73 ans, en 1906, le 1er octobre, il fit remonter, avec grand soin, par la maison Perret-Vibert. le précieux parasol, dont il avait emporté seulement l'étoffe dans ses bagages.

Vers 1905, M. Deluns-Montaud, chef de la division des archives au quai d'Orsay, — M. Pierre Bertrand étant bibliothécaire depuis 1893, — fit installer dans la salle de France de la bibliothèque ledit symbole d'honneur attribué environ trente ans plus tôt par les Chinois de la concession française de Shanghaï à l'un des agents du département ayant le mieux servi les intérêts de nore pays en Extrême-Orient.

M. Ernest Godeaux, d'une famille du Nord, avait débuté dans sa carrière au dehors comme élève consul attaché à la mission de M. de Montigny au Siam (aujourd'hui Thailand) le 15 novembre 1855. Le 28 juillet 1862, après avoir été à Zanzibar, il était nommé au poste de Hong-Kong (1868-1869).

Après avoir été chargé d'affaires en Egypte, il termina sa carrière active comme consul général à Naples.

Au début de juin dernier, la partie inférieure de la tige du parasol, formant pied, support du tout, vint, par le « jeu » du bois (phénomène normal surtout lorsqu'il s'agit de bambou), à se fendre dans le sens vertical. La partie supérieure formant le parasol proprement dit s'inclina et fut retenue dans sa chute par les boiseries de la bibliothèque.

Nous croyons savoir que cette pièce curieuse, non dépourvue d'intérêt historique, se trouve maintenant au Mobilier national.

Quoi qu'il en soit, elle constitue une preuve tangible d'un fait ancien de signification très actuelle, pas toujours assez connu cependant, à savoir que les concessions accordées, il y a cent ans, par l'empereur de Pékin, Taouo-Chong, notamment aux étrangers britanniques, français, nord-américains, ont servi effectivement, au moins autant qu'à ceux-ci, aux propres sujets — théoriques ! — du Fils du Ciel.

En 1930; les 20.000 Chinois de la concession française (1880) étaient devenus 500.000; ceux (50.000) de la concession internationale de la même époque, étaient passés au total d'environ un million.

Pourquoi. Comment ?

Dans une de ses dernières conversations, en septembre 1937, mon regretté ami M. H. Dopfeld qui, quatorze ans durant, environ 1894-1908, fut le digne directeur de la Poste Française à Changhaï, m'en a donné, je crois, la raison essentielle.

« Tout Chinois, m'a-t-il dit, qui a pu mettre quelques économies de côté cherche à s'établir sur une

concession étrangère. Là, en effet, il trouve la sécurité... Une fois règlés ses impôts, parfois assez lourds, il est quitte, en principe. Il dispose librement de son bien... ».

M. Doppfeld a d'ailleurs reconnu que, même à l'intérieur des concessions, un Chinois, surtout s'il est possesseur d'une grosse fortune, n'est pas absolument sûr d'échapper aux tentatives de kidnapping parfois organisées par l'ex « gouvernement » de Nankin. J'en ai parlé plus haut.

IX

Vers le dénouement

Prochaine réouverture de la navigation sur le Bas Yangtzeu. — Concession française de Hankéou. — Paroles du Vicomte Kano, Président de la Yokohama Specie Bank, au banquet de la Japan Society, janvier 1939.

Les dernières pages de cet essai sur une réalité essentiellement mouvante venaient d'être envoyées à la composition, lorsque la presse de Paris m'a apporté les informations suivantes qui dénotent manifestement une sensible détente en Extrême-Orient, un acheminement vers une condition normale des choses dans l'ancien Empire du Milieu où l'heure est enfin venue, pour les masses des populations, — laborieuses pour la plupart, — de jouir de leur droit de travailler en paix. Ne nous lassons pas de le répéter, l'Empire auquel avait succédé, pour la forme, la République de 1911, consistait surtout en un ensemble de rites accomplis à Pékin au Temple du Ciel et au Temple de la Terre, en une hiérarchie des examens académiques donnant accès aux divers postes de mandarins : on n'y trouvait pas de Pouvoir Central véritablement organisé pour la Justice, la Police, les Finances, l'Armée, la Marine, l'Agriculture, les Travaux Publics, etc...

De toutes façons, voici une dépêche Havas, de Changhaï, 19 décembre 1939 :

Les Japonais ont levé le contrôle établi depuis un an sur la Concession française de Hankéou.

La situation est redevenue normale.

Le même jour, une autre dépêche Havas, en date de Tokio (dont l'heure du reste est en avance de 9 h. 10 sur la nôtre, de sorte que nous pouvons recevoir ici à 19 h., le 18, une dépêche partie de là-bas le 19 à 4 h.

du matin) a communiqué l'information ci-après de l'Agence Domei annonçant la réouverture prochaine du bas Yangktsekiang fermée depuis bientôt deux ans à la navigation internationale.

Les milieux autorisés croient savoir qu'en même temps qu'il communiquait hier après-midi à l'Ambas- sadeur des Etats-Unis, M. Joseph Grew, l'intention du Gouvernement japonais de rouvrir prochainement à la navigation le cours inférieur du Yang tsé et peut-être également la rivière des Perles (Si Kiang, fleuve de l'Ouest) l'Amiral Nomura, Ministre des Affaires Etrangères, faisait à Sir Robert Craigie, Ambassadeur de Grande-Bretagne, une communication analogue. On ajoute que les mêmes indications auraient été fournies aux représentants de la France, de l'Allemagne et de l'Italie. M. J. Grew est à son poste depuis le 14 juin 1932.

Le commuiqué de Tokio, 18 décembre, signale que l'entretien entre l'Amiral Nomura et M. J. Grew fut caractérisé par l'esprit constructif qu'y apportèrent les deux diplomates. Il spécifie que le premier fit connaître au second, que la situation militaire sur le bas Yang tsé permettait de modifier les mesures rigoureuses tout d'abord jugées nécessaires et que les autorités navales japonaises avaient décidé de mettre fin à l'interdiction de naviguer sur le fleuve en aval de Nankin tant que les circonstances ne s'y opposèrent pas. La navigation dans ce bief (environ 300 kilomètres, Hankéou, Shanghaï 1000) sera règlementé par un système de licences spéciales.

Il reste encore évidemment beaucoup à faire avant qu'un régime stable, propice à la circulation des personnes et des marchandises étrangères puisse prévaloir dans l'ancien Empire du Fils du Ciel.

Il y a un an, comme nous l'avons rappelé plus haut, p. 123, Ouang Ting Ouai, ancien membre du Kouo-

mingtang, ancien Président du Conseil, a donné sa démission et a quitté Tchong King pour Hong Kong se déclarant partisan d'une politique d'entente avec le Japon.

L'avènement de ce régime d'ordre et de liberté (si, comme l'a dit Cicéron, la liberté consiste à obéir aux lois, non à un homme, à un dictateur) tardera sans doute encore quelque temps, moins peut-être qu'on ne pense.

En attendant, dans l'intérêt de tous, inspirons-nous autant que possible de l'esprit manifesté par ces paroles du Vicomte Kano lors d'un banquet à lui offert en même temps qu'à M. Mamoun Shigemitsu, Ambassadeur, par la Japan Society, le 18 janvier 1939, au Claridge. L'allocution du Président de la Yokohama Specie Bank répondant au Rt. Hon. Leslie Burgin, M. P. occupe dans le dernier volume (XXXVI) des Transactions et Proceedings de la Japan Society (qui vient d'atteindre son demi siècle d'existence) quatre bonnes pages, in-8°. Nous en détachons le passage suivant:

« Il ne manque pas de place sur le marché d'Extrême-Orient. Il y a des marchandises dont la Chine a besoin pour sa restauration et sa reconstruction et des biens nécessaires au peuple chinois pour sa consommation. La nature des industries de la Grande-Bretagne fournit des marchandises lourdes, le Japon produit plutôt des articles légers. Un autre important aspect de la situation économique est que plus le Japon exportera de tissus en Chine plus il achètera de cotons indiens et de laines d'Australie. De cette façon, plus de pouvoir d'achat sera donné aux gens de l'Inde et de l'Australie avec ce résultat que les exportations du Lancashire croîtront ; les relations entre le Lancashire et Osaka tout d'abord crues en rivalité, sont complémentaires, comme il est démontré maintenant. Par exemple les exportations de ce pays en tissus sont un peu tombées l'année dernière, bien que les exportations de machines

et autres articles aient augmenté et cette chute est indubitablement due en partie à la baisse des importations japonaises en provenance de l'Empire Britannique lesquelles sont affectées de façon adverse par le conflit sino-japonais ».

Comme il me paraît de mon devoir d'offrir au lecteur les vues les plus exactes, les moyens les plus directs d'apprécier la véritable situation, les différentes faces du problème là-bas, il convient, à côté des paroles conciliatrices qu'on vient de lire, de rapporter quelques autres données, comme formant contraste plus ou moins prononcé. Par exemple, sera-t-il superflu de rappeler que sept mois environ avant le banquet du Claridge, — le 24 juin 1938, précisément, — une dépêche de Changhaï, de source japonaise, avait annoncé l'abolition des droits d'exterritorialité dans les régions de la Chine contrôlées par les Japonais. Mais si à Paris nombre de journaux se bornèrent à reproduire l'information sans nuances, en l'accompagnant de commentaires de protestation, la nouvelle n'en fut pas moins presqu'immédiatement mise au point de la façon que voici : « bien que les étrangers résidant dans les territoires chinois occupés seront désormais soumis à la loi japonaise, les privilèges de juridiction pour les étrangers ne seront pas supprimés.

C'est ainsi que si un étranger quelconque était arrêté dans les régions chinoises occupées militairement par le Japon, il serait traduit devant un tribunal où siégeraient des juges de sa propre nationalité ».

Rappelons d'ailleurs qu'en mai 1931, Nankin avait aboli par mesure unilatérale, les traités inégaux (conséquence de l'inexistence de l'ordre judiciaire en Chine). V. Dr A. Legendre; Asie contre Europe. C'est sans doute pour récompenser la Chine de n'avoir pas suivi l'exemple du Japon qui, en 1893-94, n'a obtenu la suppression de la juridiction consulaire qu'à

la suite de négociations régulières) que la S. D. N. a donné, en septembre 1931, puis définitivement en 1934, gain de cause à la Chine contre le Japon dans l'instance de Mandchourie. J'ai rappelé plus haut, pp. 228, comment, conformément aux conseils de M. G. Boissonnade, le Japon sut, voici quarante-cinq ans, faire reconnaître des nations occidentales son droit entier de souveraineté judiciaire en raison de sa complète préparation tant dans l'ordre des codes qu'au point de vue de l'organisation des Tribunaux, de la procédure et de la Police.

Rappelons enfin que dès novembre 1938 M. Ouang Cheng Ouei disciple de San Yat Sen a quitté Tchong King pour Hong Kong d'où il s'est rendu au Japon (v. pp. 123-123). Cet esprit éclairé du pays de Confucius ne cache pas son opinion en faveur de l'action des fils du Soleil-Levant devant aider la pénétration de la civilisation occidentale dans l'ancien Empire du Dragon.

X

Presqu'au même moment où l'écho, assez significatif, semble-t-il, des paroles du Vicomte Kano nous parvenait d'Outre-Manche, la Tribune des Nations du 15 décembre 1939 nous en apportait un autre bien distinct mais ayant trait, également à la Chine, et venant, cette fois, du noble pays de nos chers voisins du Nord. Nous ne croyons pas sans intérêt de le rapprocher du premier.

Il s'agit du Mouvement communiste en Chine des origines à nos jours publié au Recueil Sirey, par M. Paul Simon, professeur à Verviers et à Liége.

Nous avons eu occasion de citer déjà l'auteur, p. 149, à l'occasion de sa réfutation de la plaquette de Mgr. Yupin, évêque de Nankin.

De toutes façons, le lecteur des chapitres qui précèdent — et notamment, des pp. 34-50 — sur l'action de Sun Yat Sen, Borodine et Cie à Canton, Hankéou, Foutchéou... 1924-1928 et ss. dans la République fondée en 1911 pour faire suite à la Monarchie-décor des Tsin est préparé pour entendre les quelques notes que voici extraites du compte rendu publié dans le numéro précité de la Tribune des Nations:

... C'est seulement en 1924 qu'un document officiel chinois, le China Year Book fait mention du communisme. En réalité la thèse, ou plutôt le parti dérivant, après des avatars variés, des écrits, d'esprit messianique — de Karl Marx, existait depuis plusieurs années déjà, sous l'influence de Moscou, dans l'ancien Céleste Empire. Les circonstances ayant favorisé son implantation sont de deux ordres différents, dit le périodique précité :

« 1° le manque d'unité du pays qui n'est encore ni un véritable Etat, ni une véritable nation et qui rend

facile le jeu des forces de dissociation ; le communisme — disons le marxisme — en est une.

« 2° l'état aigu du problème agraire ».

Sauf dans les ports ouverts et plus spécialement dans les concessions internationales il n'y a guère là-bas de prolétariat d'industrie.

L'immense majorité des paysans ne détient qu'un domaine d'une superficie d'un hectare 1/2. Le cultivateur ne peut faire vivre sa famille avec le produit de ses terres et il meurt littéralement de faim.

... C'est une proie toute trouvée pour le communiste « professionnel ».

« ...Après avoir dix années durant, 1925-1935, férocement lutté contre le communisme, Tchang Kaï Chek — ayant épousé, en 1928, un des plus riches héritières, si ce n'est la plus riche de Chine — évolue de nouveau. Pour combattre le Japon, il consent à se rapprocher des communistes et à constituer avec eux un front populaire ».

XI

Ainsi, le lecteur a bien lu : « la Chine n'est encore ni un véritable Etat, ni une véritable nation » et cela dans l'organe privilégié de Genève, la Tribune des Nations. Il y a deux ans à peine, dans les bureaux du notable hebdomadaire, alors dirigé par M. de Rovera, pareille assertion était considérée comme une véritable monstruosité, et comme telle, reprouvée sans merci possible. Une fois de plus, avait-on de la sorte occasion de constater, de façon concrète, à quel point l'esprit de l'homme est enclin à se payer de mots. Depuis longtemps les manuels de géographie, que dis-je ? l'Almanach de Gotha (de 1880) classaient la Chine parmi les Etats ou nations constitués du monde. A quoi bon se creuser la cervelle et chercher — davantage ce qu'il pouvait y avoir d'effectif, de positif derrière le décor, de souveraineté et de gouvernement installé à Pékin. En combien de rencontres, l'objection suivante ne m'a-t-elle pas été lancée, de très bonne foi, verbalement, au besoin même par écrit : « Mais enfin, il y a un corps diplomatique à Pékin, — puis à Nankin » ? En vain, tentai-je d'attirer l'attention sur le fait, assez significatif à tout prendre, qu'à Pékin tout au moins il existe un quartier des Légations constituée de façon internationale, depuis 1901, avec base à Tientsin.

Dernièrement, le 13 novembre 1939, les Alliés France et Angleterre ont réduit leurs forces dans ces places et en ont donné avis à leurs co-signataires des traités de 1901. Italie, Japon, Etats-Unis (v. le Temps du 15 décembre 1939).

La France entretient encore des forces de police im- portantes à Shanghaï et si elle a supprimé ses garnisons de Canton et Hankéou elle les a remplacées par des forces de police adéquates.

jusqu'en 1937. des navires spéciaux, soit de guerre,

soit de commerce, battant dix ou onze pavillons différents allaient et venaient sur le Yang tze Yang tze Kiang jusqu'à Hankéou à 1000 kilomètres de l'embouchure du fleuve et même parfois vers l'amont jusqu'à Tchong King 5 ou 600 kilomètres au-delà des célèbres gorges que seules remontaient, il y a quarante ans, les jonques à la cordelle.

Où se rencontrait ailleurs, de par le, monde, situation pareille, avec semblable enchevêtrement de nationalités, de souverainetés sur le même territoire ?

Il ne m'appartient pas de dire ici si l'événement a justité les vues que j'avais cru pouvoir émettre il y a près de deux ans lors de la première édition (mai 1938) de ce modeste essai, qui dans son ensemble, pour l'essentiel était rédigé dès octobre 1937. De toutes façons, le lecteur admettra que ces pages n'ont pas été écrites après coup, et qu'à la différence des carabiniers d'Of- fenbach, elles n'ont pas accouru au secours du vainqueur.

Quand j'ai appris par le livre de mon savant collègue M. J. Dautremer (p. 230) le rôle assumé par les Japonais il y a trente-cinq ou quarante ans pour l'éducation des populations chinoises au moyen de la presse, j'ai mieux compris, je l'avoue, leur action politique de ces dernières années en présence de l'anarchie dans les dix-huit provinces, sans parler des dépendances hors de la Grande Muraille.

La notion, la conception d'un seul Empire dans le monde, soit à la surface du petit astre habité par l'humanité, paraît à jamais abolie, à moins qu'il ne s'agisse de l'Empire idéal, des Arts, des Lettres ou des Sciences. Sur la superficie émergée des continents il y a place peut-être aujourd'hui pour une centaine d'Etats

doués de souveraineté active et passive, répartis entre huit ou dix groupes principaux, vivant de concert et, — autant que possible — en paix les uns avec les autres.

Pourquoi un impérialisme nippon ne s'exercerait-il pas en Asie Orientale au profit de tous, de même que nous assistons au développement de l'impérialisme portugais à l'Angola, au Mozambique et à Timor, de l'impérialisme. batave dans les îles de la Sonde, aux Moluques et en Nouvele Guinée, d'un impérialisme belge au Congo. Nous en avons trouvé de splendides témoignages à l'Exposition du Progrès Social, à Lille, juin-juillet 1939.

L'indépendance des îles Philippines envisagée par les Etats-Unis est encore dans le domaine, du futur contingent ; en tout cas il ne s'agit que d'un total de onze millions d'habitants environ soit, en nombre, un deux centième à peine de l'humanité.

Ed. CLAVERY,

Membre, depuis 1931, de l'Entre-Aide Coloniale, Société S.B.L., sous le Haut-Patronage de M. le Ministre des Colonies de Belgique.

XII

CONFUCIUS A L'ORDRE DU JOUR DANS LA VILLE ETERNELLE

Le philosophe du temps des Hia, instrument de conciliation entre les traditions de l'Extrême-Orient et celles de l'Occident.

Comme l'a vu le lecteur, les républicains de 1911, conduits par Sun yat sen, commencèrent par répudier Confucius dont les écrits ne cadraient pas avec ceux de l'auteur du Capital, donné comme l'évangile moderne.

Depuis octobre 1937, la tombe du Sage, descendant de Hoang ti, 3e souverain du Céleste Empire, il y a quelque cinquante siècles, est gardée par un piquet d'honneur japonais, à Tsi nan fou, ancienne capitale du royaume de Lou, aujourd'hui province du Kouang toung. Comme dans l'ancienne Chine, les principaux écrits de Confucius, Chouking, Traité de morale et de politique, Hiaking, Piété Filiale, Tahio, Grande science, Tchong yong, Juste Milieu, sont classiques dans l'Empire du Soleil-Levant. Dès 1687, une version latine due aux P. P. Intercetta, Herdrich, Rougemont, Couplet, en fut donnée à Paris.

C'est qu'un siècle plus tôt, un jésuite italien, formé au Portugal, Mattheu Ricci, avait ouvert la voie, abstraction faite des nestoriens arrivés à Si nan fu, Chensi, dès le début du VIIe siècle de notre ère. Venant de Goa et de Macao où il avait appris la langue mandarine, Ricci fut vers 1505, soit à 33 ou 35 ans, à Pékin, où par ses connaissances en mathématique et en astronomie, son talent pour prédire les éclipses, les passages de comètes, lui acquirent crédit à la Cour. Ses travaux, son rôle auprès de l'Empereur Ming Vanli — qu'il n'entreprit point de convertir mais qu'il sut rendre favorable à la religion chrétienne — sont décrits

dans un ouvrage du P. Trigault de Christiana expeditione apud Sinas, publié à Cologne en 1684, soit deux ou trois ans avant la version latine des œuvres de Confucius, à Paris, dont nous venons de parler. L'Europe découvrait le côté moral, psychologique de l'Extrême-Orient et, notamment, le Philosophe pratique de la Piété filiale.

Dans le chapitre XXXIV du règne de Louis XIV (1re édition, 1746, Berlin), Voltaire nous donne un aperçu des conditions spéciales que rencontrèrent là-bas les apôtres de l'Evangile. Je ne fais qu'inviter le lecteur curieux à recourir au texte lui-même, me bornant ici à l'essentiel, à l'indispensable pour placer dans la lumière des « précédents » la nouvelle de la solution soudaine que la Cour du Vatican vient de donner, 20 décembre 1939, à un problème qui s'était présenté à l'état aigu, voici trois siècles, mais qui paraissait depuis lors être entré en assoupissement. Voici donc ce qu'écrivait, voici deux cents ans, l'auteur de la Meuriade :

« Les lois et la tranquilité (toute relative, conviendrait-il d'ajouter) de ce grand empire sont fondées sur le droit le plus naturel ensemble et le plus sacré, le respect des enfants pour les pères. A ce respect ils joignent ceux qu'ils doivent à leurs premiers maîtres de morale et surtout à Confutzée, nommé par nous Confucius, ancien sage qui, près de six cents ans avant la fondation du christianisme, leur enseigna la vertu.

Les familles s'assemblent en particulier, à certains jours, pour honorer leurs ancêtres, les lettrés, en public, pour honorer Confucius (depuis la suppression de l'Académie des Han Lia 1908, il n'y a plus, à proprement parler, de lettrés). On se prosterne suivant une manière de saluer les Supérieures, ce que les Romains, qui trouvèrent cet usage dans toute l'Asie, appelèrent autrefois adorer. On brûle des bougies et des pastilles. Des

colons, que les Portugais ont nommés mandarins, égorgeaient deux fois l'an, autour de la salle où l'on vénère Confutzée, des animaux dont on fait ensuite des repas. Ces cérémonies sont-elles idolâtriques, sont-elles purement civiles ? Reconnaît-on ses pères, ou Confutzée pour des dieux ? Sont-ils même invoqués seulement comme nos saints ?

Les Dominicains déférèrent les usages de la Chine à l'inquisition de Rome, en 1645. Le Saint Office, sur leur exposé, défendit ces cérémonies chinoises jusqu'à ce que le pape en décidât.

Les jésuites soutinrent la cause des Chinois et de leur pratiques, qu'il semblait qu'on ne pouvait proscrire sans fermer toute entrée à la religion chrétienne...

« L'inquisition, en 1656, permit aux lettrés de révérer Confutzée et aux enfants chinois d'honorer leurs pères, en protestant contre les superstitions, s'il y en avait ».

Voltaire nous entretient ensuite du P. Maigrot, des Missions Etrangères, de Bayle, du P. Lecomte, jésuite, qui dans ses mémoires de la Chine, 1695, a écrit que ce peuple a conservé pendant deux mille ans la connaissance du vrai Dieu qu'il a sacrifié au Créateur dans le plus ancien temple de l'univers ».

En 1700, l' abbé Boileau, frère du Satirique, dénonça cet éloge des Chinois comme un blasphême. La Sorbonne déclara les louanges des Chinois, fausses, scandaleuses, téméraires, impies et hérétiques.

Un docteur nommé Lesage opina qu'on envoyât sur les lieux douze de ses confrères, les plus robustes, pour s'instruire à fond de la cause.

L 'année d'après, en 1701, le pape Clément XI envoya un légat à la Chine. Il choisit Thomas Maillard de Tournon, patriarche titulaire d'Antioche. Le patriarche ne put arriver qu'en 1 705. La cour de Pékin

avait ignoré jusque-là qu'on la jugeait à Rome et à Paris ».

Le sujet pourrait continuer à perte de vue. Le récit notamment de la mission du patriarche de Tournon, de ses entrevues avec l'Empereur Kanghi, de l'audience accordée au P. Maigrot ne manquerait pas d'intérêt. Le thème est, au fond, inépuisable puisqu'il s'agit, en dernière analyse, de la nature de l'essence des consciences humaines, quelle que soit la couleur du pigment, teignant les peaux, leur servant d'enveloppes éphémères. De toutes façons le lecteur en sait assez pour avoir une idée du cadre historique sans lequel on aperçoit mal les origines et les conséquences, la portée véritable de l'information que voici émanant de la Cité du Vatican, le 20 décembre 1939 :

L'Osservatore Romano publie le texte d'une ordonnance de la congrégation de la propagande aux termes de laquelle les catholiques chinois pourront désormais intervenir aux cérémonies célébrées en l'honneur de Confucius, aussi bien dans les lieux du culte qu'en présence seulement d'une effigie de ce dernier. De même, le portrait de Confucius pourra être placé dans les écoles catholiques chinoises et être salué par des inclinaisons de tête, contrairement aux prescriptions en vigueur jusqu'ici. Enfin, les catholiques sont autorisés à s'associer sous certaines conditions aux rites funèbres chinois et au culte des morts.

Commentant cette nouvelle disposition, le journal du Vatican souligne que, ce faisant, la Congrégation de la propagande s'est conformée aux principes, déjà appliqués par Pie XI au Japon et en Mandchourie, et rappelés dans la récente encyclique « Summi Pontificatus », selon lesquels les catholiques peuvent participer aux rites païens, à condition que cette participation n'engage point l'adhésion des catholiques et que

ces rites aient un caractère aussi bien civil que religieux.

Cette importante décision a été prise, ajoute l'Osser- vatore Romano, afin de permettre aux catholiques chinois de se comporter en public comme les autres citoyens.

[Cette décision diffère de celle qui avait été prise le 12 septembre 1645 sous le pontificat d'Innocent X, lors de la fameuse « querelle des rites » entre jésuites et dominicains et où ces derniers avaient obtenu de Rome que soit interdit aux catholiques le culte de Confucius tenu par eux pour un culte idolâtre. Rome affirma ce point de vue le 23 mars 1656, sous le pontificat d'Alexandre VII, le 25 septembre 1710, sous le pontificat de Clément XI et le 18 juillet 1930, sous le pontificat de Pie XI ].

Quelles que soient les interprétations auxquelles puisse prêter la subtile décision de la congrégation de la propagande, après mûre délibération — au moins deux siècles et demi, — un fait n'en demeure pas moins patent à ce propos. Par cette solution donnée à un procès engagé depuis le XVIIe siècle, entre jésuites, d'une part, Dominicains, Missions Etrangères, de l'autre — l'antique Sage du royaume de Lou, légèrement postérieur à Solon ou Attique, a été mis à l'ordre du jour de la Ville Eternelle.

La conjoncture paraît mériter attention et sympathie car elle dénote, en somme, le même esprit de syncrétisme et d'inter-compréhension qui guidait les Romains du temps d'Auguste, et de ses successeurs, accueillant dans leur Panthéon, en quelque sorte sous les auspices de leur Imperator Pontifex Maximus — les divinités des populations qui, successivement, s'agrégeaient au S.P.Q.R. Tel ne fut-il pas le cas pour le Dieu d'Israël, Isaac, Jacob ? C'est de là que, les persécutions et

le sang des martyrs aidant, est sorti, comme chacun sait, quatre ou cinq siècles plus tard, le culte des Saints que le nouveau testament ne laisse pas pressentir.

Dans son livre plein de pensée et de sentiment, Dieu en Nous (1re édition 1919) le R. P. Plus cite (p. 203) un passage de l'ouvrage d'E. Hello, Physionomies de Saints, relatif au Panthéon romain. « Cette hôtellerie des idoles donnait place à trente mille démons, prenant des noms qu'on croyait divins. Mais, dit l'auteur, Rome ne donna pas place à Jésus-Christ dans son Panthéon... ». Elle donna asile, pendant trois siècles, dans les catacombes, aux fidèles du Crucifié du Golgotha. Puis vint le décret de Milan signé par Constantin, en 311. Aujourd'hui, si elle ne range pas Confucius parmi les trente mille « démons » dont parle M. Hello, ne reconnaît-elle pas qu'il doit être révéré dans la galerie des Sages de toutes les nations ayant préparé la voie à l'humanité ?

Nous venons de le voir, Voltaire, dans son Siècle de Louis XIV fait comprendre le caractère du conflit survenu en Cour de Rome entre jésuites et dominicains, à propos des rites chinois.

Plus haut, nous avons eu occasion de marquer à quel degré certains Français, au milieu du XVIIe siècle, portaient l'incompréhension à l'égard des « payens de l'Extrême-Asie » ou d'ailleurs; pour mieux dire, à l'égard de quiconque ne partageait pas, dans l'ordre métaphysique, exactement les mêmes croyances qu'eux- mêmes.

Les temps changent, lentement, mais changent. A quoi bon insister ?

Nous croyons cependant rendre service au lecteur curieux, en lui signalant à côté de l'ouvrage de Vol- taire, le Dictionnaire Historique de l'abbé F. X. de Feller (10 vol., Lyon, 1823). Sont à voir, concernant les personnages du Céleste Empire, les articles Confu-

cius, Fohi, Yao, etc. Concernant les Européens, les articles consacrés aux Pères Ch. de Gobien (16521708), de Moyriac de Mailla (1610-1648), Lecomte (1650-1729), jésuites Maigrot (1652-1730), des Missions Etrangères, le Cardinal de Tournon, du Halde, Gerbillon, Schall de Bell , etc.

A titre d'échantillon des discussions, débats et enquêtes auxquels donnèrent lieu les mémoires et observations rapportés alors du Cathay par de pieux savants religieux tels que les PP. Lecomte (Nouveaux mémoires sur la Chine, 1801), Gaubil, nous reproduirons cette page de l'abbé Bérault, citée par l'abbé de Feller à l'article Maigrot. Ce religieux, des Missions Etrangères, avait dénoncé au Pape et devant la Sacrée Faculté de Théologie de Paris, certaines propositions tirées des Mémoires du P. Lecomte, concernant les cérémonies chinoises. La Faculté porta censure le 18 octobre 1 700.

Comme protonotaire apostolique, puis évêque de Conon, Fo Kien, Mgr Maigrot, par mandement du 26 mars 1693, avait condamné plusieurs rites et cérémonies observés en Chine, Clément XI, approuva le 20 novembre 1 704 les réponses données par la Congrégation.

Entre temps, Mgr de Tournon, patriarche d'Antioche, avait été envoyé en Chine pour procéder à une enquête. En 1705, il eut une audience de l'Empereur Kang hi. L'année d'après, celui-ci fit comparaître devant lui Mgr. Maigrot devenu protonotaire apostolique mais qui paraît avoir peu avancé dans la connaissance des caractères. En tout cas il ne se distingua pas dans le déchiffrement de ceux qui lui furent présentés à la Cour, ce qui lui fit encourir la disgrâce de l'Empereur qui lui enjoignit (décembre 1706) de rester dans la maison des jésuites à Pékin. Bientôt même il ne lui resta d'autres ressources que de s'embarquer

sans délai sur un bâtiment anglais qui le débarqua (février 1708) à Galloway (Irlande).

Voici maintenant la page de l'abbé Berault concernant ce prélat qui passa à Rome, dans la retraite, les vingt années qui lui restaient à vivre et fut enterré dans l'Eglise de la Trinité du Mont. Cette retraite ne fut pas complète. Il se serait, en effet, mêlé aux cabales contre la Bulle Unigenitus.

« On a de lui des observations latines sur le livre 19 de l'Histoire des Jésuites de Jouvenel. Ces Dissertations ont été traduites en frangais sous le titre de : Examen des Cultes Chinois. « Ce qu'il y a de plus singulier, dit l'abbé Berault, c'est que M. Maigrot ne peut se défendre d'avoir pratiqué certains de ces usages dans la province de sa juridiction. Un Mandarin étant mort le 17 novembre 1699 à Foutchéou, sa famille lui rendit pendant sept jours les honneurs accoutumés. Le corps était exposé dans l'appartement réservé pour cet usage : on voyait devant le cercueil le cartouche ou petit tableau, avec l'inscription ordinaire, posé sur une table, qui était formée en forme d'autel et, sur un rétable, des chandeliers, des fleurs, des parfums. Le vicaire apostolique, en habit de deuil, alla par civilité dans cette maison le dernier jour de la cérémonie, s'approcha de la table, offrit devant le tableau des bougies et des pastilles, qu'il mit ensuite sur la table, puis fit quatre prosternations et frappa quatre fois la terre du front. Le fait est constaté par les reproches publics, et demeurés sans réplique, que lui firent ensuite les chrétiens de Fo tchéou, sur ce qu'il n'était pas d'accord avec lui-même. De ces faits incontestables, et qu'on n'a pas contestés parce qu'ils étaient trop notoires, il s'ensuit tout au moins que M. Maigrot ne savait pas trop à quoi s'en tenir sur la question des cérémonies et que ceux à qui il en faisait un crime, ou

n'étaient pas véritablement coupables, ou qu'il l'était lui-même beaucoup plus qu'eux. »

Dans la Biographie Universelle, de Michaud, M. Picot nous apprend que pour cette page que l'abbé de Feller attribue à l'abbé Berault, celui-ci a, comme il a fait d'ailleurs en plusieurs autres points, copié d'Aurigny qui, dans ses Mémoires Chronologiques, se montre un peu caustique et partial, essayant de jeter le ridicule sur Maigrot.

La sentence finale de la Cour de Rome ne paraît pas, en somme, très favorable à la thèse de ce dernier. Elle fait une part aux cérémonies chinoises. On comprend de toutes façons que la Congrégation romaine, en présence d'une situation aussi complexe, ait désiré prendre son temps et ne rendre son arrêt qu'en pleine connaissance de cause après avoir dûment pesé le pour et le contre.

Peut-être a-t-elle estimé qu'en dernière analyse, il y avait avantage à annexer Confucius et ses écrits au Christianisme, de même, en un sens, qu'il était advenu pour Aristote, au XIIIe siècle, par la Somme de saint Thomas d'Aquin.

Ce qui d'ailleurs est hors de toute contestation possible c'est que cette décision implique condamnation formelle de l'attitude adoptée par le futur châtelain de Doorn, quand il a composé, 1895, cette peinture tant de fois reproduite en gravure (eau-forte de Zembeeke) et par laquelle il adjurait les peuples d'Europe de s'unir — sous la conduite du Michel allemand — afin de défendre leurs biens les plus sacrés. Attitude confirmée, aggravée par la harangue adressée à Kiel — mars 1898 — à l'expédition partant pour Kiao Tchéou afin de venger deux missionnaires catholiques allemands assassinés un an plus tôt à Signan Fou où, par une manière de défi, il faut l'avouer, ils s'étaient aventurés pour prêcher la parole du Christ. Il y a plus

de quarante ans de cela... On peut reconnaître, de part et d'autre, le fanatisme est en recul cela en dépit de trop de démentis donnés par la réalité à une espérance que pouvait faire naître une propension excessive à l'optimisme.

Que pense aujourd'hui le châtelain de Doorn, dans la fastueuse oisiveté où il se prélasse depuis qu'il a dû renoncer à la Couronne de Charlemagne, des paroles dirigées par le deutscher Kaiser à son frère Henri, à ses troupes, à leur départ pour le Chan toung ? « là où vous porterez vos drapeaux et vos étendards ne laissez pas pierre sur pierre, que le sol soit comme celui où a passé le fléau de Dieu ». D'ailleurs il serait aussi vain qu'injuste de l'oublier, l'action, le fait n'a pas répondu au verbe, au discours. Par la construction d'un port, de digues, de routes, de ponts, d'écoles, l'intervention allemande au Chantoung (1898-1914) a été un bienfait. Les Japonais en ont été les dignes héritiers, jusqu'à la restitution à la Chine le 10 décembre 1922.

Si dans les débuts, la propagande catholique en Chine s'est trouvée sous la protection du Portugal, l'évêque de Macao, prétendant à la primauté dans le Céleste Empire, les jésuites, grâce aux mathématiques, s'insinuèrent à la Cour de Pékin aux XVIIe, XVIIIe et début du XIXe siècles.

A partir de 1844, la mission diplomatique française, non sans protestation de la part du Portugal, assuma ce rôle tutélaire dans un pays où, comme il est connu, il n'eut que trop souvent à s'exercer par suite de la carence des autorités locales. Peu à peu, la marine intervint de façon régulière pour seconder, jusqu'au Szeuchouen, depuis 1898, l'action de la Légation. A cette époque 80 ou 85 % des missionnaires catholiques romains étaient français, jésuites, lazaristes, capucins, sans parler des religieuses.

Maintenant, depuis une trentaine d'années, le Saint-

Siège est représenté à Pékin par un Délégué Apostolique — en 1928, Mgr. Celso Costantini — qui tout au moins pour les compatriotes, tend à s'entendre avec le représentant de l'Italie élevé, depuis trois ans, au rang d'Ambassadeur.

Mais jusqu'à présent, la Grande République Chinoise, ex-Empire du Milieu, n'entretient pas d'agent auprès du Vatican où le Président Francklin Roosevelt avait, dit-on, envoyé un de ses amis en mission personnelle pour le représenter près du successeur de Saint Pierre, dont la souveraineté offre désormais ce caractère, unique au monde, de s'exercer selon sa nature exclusivement spirituelle.

Le Vésinet, 27 décembre 1939.

Pour achever de mettre au point cet exposé concernant les influences politiques, successivement associées à la propagande catholique romaine dans l'Empire du Milieu, voici quelques indications empruntées à l'Almanach de Gotha, 1859.

Chronique.

18 janvier 1858. — Discours du trône. Paris. — Lu par l' Empereur à l'ouverture de la session du Corps Législatif : La France concourra à la guerre de l'Angleterre contre la Chine pour obtenir le redressement de griefs communs et pour venger le sang de nos missionnaires cruellement massacrés. Les relations de la France avec les Puissances étrangères n'ont jamais été meilleures.

Le 10 décembre 1857 la rivière et le port de Canton avaient été déclarés en état de blocus par le contre-amiral français Rigault de Genouilly, de concert avec les forces anglaises.

25 janvier 1858. — Proclamation des Amiraux Sir M. Seymour et Rigault de Genouilly, ainsi que du Général-Major de Straubenzée, Commandant des forces de terre et de mer des alliés; le blocus du port et de la rivière de Canton, établi le 10 février 1857, est levé ; néanmoins la ville et les faubourgs restent en état de siège.

20 mai 1858. — Les troupes anglo-françaises s'emparents des ports chinois situés au nord et au sud de l'embouchure de Peiho et défendus par 138 canons ; le 22 les escadres alliées remontent le fleuve dans la direction de Pékin.

9 juin 1858. — Entrevue officielle entre le Baron Gros, plénipotentiaire de France, et les deux mandarins arrivés, le 2, de Péking, en qualité de Commissaire de l'Empereur de Chine. Le 8, négociations de paix entre les envoyés de la France et de l'Angleterre (baron Gros et Lord Elgin) d'une part, et les Commissaires chinois d'autre part.

13 juin. — Tientsin. — Traité de paix et d'amitié entre la Chine et la Russie et quelques jours plus tard avec les Etats-Unis ; les ports chinois sont ouverts aux étrangers, les chrétiens ont le droit d'exercer librement leur culte ; établissements de Consulats en Chine et aussi d'agents diplomatiques à Péking ; le commerce américain en Chine jouira des avantages accordés aux nations les plus favorisées ; tous les droits concédés aux autres nations sont également accordés aux Etats-Unis.

26 juin. — Traité entre la Chine et la Grande-Bretagne et le lendemain avec la France ; le christianisme sera librement exercé dans tout l'empire; ses missionnaires seront protégés par les autorités chinoises ; des agents diplomatiques résideront à Péking ; le tarif sera soumis à une révision ; de nouveaux ports seront ouverts au commerce ; les navigateurs du Yang tze Kiang est déclaré libre; les étrangers, munis d'un passeport de

leur gouvernement, pourront voyager dans l'intérieur du royaume ( ? sic) ; des indemnités sont accordées à ceux qui ont fait des pertes à Canton. — Le 3 juillet, le traité franco-chinois est ratifié par l'Empereur de Chine.

Le 25 octobre 1860, une convention de paix additionnelle fut signée à Pékin par le Baron Gros et le Prince Kong, pour compléter le traité de Tien tsin du 27 juin 1858 (v. les Mémoires du Général de Montauban, comte de Palikao).

L'art. 6 de cette convention est ainsi conçu :

« Conformément à l'édit impérial rendu, le 20 mars 1846, par l'auguste Empereur Fao-Kouang, les établissements religieux et de bienfaisance qui ont été confisqués aux chrétiens, pendant les persécutions dont ils ont été victimes, seront rendus à leurs propriétaires par l'entremise de Son Excellence le Ministre de France, en Chine, auquel le Gouvernement impérial les fera délivrer avec les cimetières et autres édifices qui en dépendaient » (1).

A cette époque, le gouvernement italien, tout juste naissant, n'intervenait pas en Extrême-Orient. Comme on sait, six ans plus tôt, sous l'influence de Cavour, le Piémont avait pris part à la guerre de Crimée.

L'Italie (capitale Florence, 1860-1870) a commencé à entretenir un représentant diplomatique, à Pékin, à partir de 1867.

Moins de soixante-dix ans plus tard, le premier de tous ses collègues, le titulaire de ce poste, le Comte Ciano, fut transformé en Ambassadeur en 1935.

Dès 1937, le gouvernement de Quirinal a reconnu l'indépendance du Mandchou Kouo, constitué sous les auspices du Soleil-Levant.

(1) Pour ces résultats v. I. de la Serrière, S. I. La Nouvelle Mission du Kiang Nan. S. I. Chang-Hai, 1925, 50 pp. in-8 vol.

L'Intransigeant du 29 décembre a publié sous ce titre en grosses lettres :

UN EVENEMENT HISTORIQUE

LE PAPE EN GRANDE POMPE REND VISITE AUX SOUVERAINS ITALIENS, un article de M. Jean Thouvenin.

Puis vient, en caractères de fortes dimensions, l'analyse du fond du texte :

Cette rencontre peut avoir de profondes répercussions sur la situation internationnale.

Car la Maison Blanche, le Quirinal et le Vatican, pratiquent une politique parallèle.

Nous nous contenterons de dédier à l'auteur, qui, pour exposer son sujet remonte dans le passé jusqu'à 1870, cet extrait du Gotha, année 1868, chronique de 1866.

4 octobre. — Le Général Montebello, commandant des troupes françaises à Rome, annonce à la Curie que le territoire pontifical sera complètement évacué par les troupes françaises, le 14 décembre 1867.

29 octobre. — Dans une allocution au Consistoire secret, le Pape se prononce d'une manière formelle contre tout arrangement avec le royaume d'Italie et se déclare décidé à quitter Rome s'il le faut. Il se prononce en même temps en faveur de la Pologne.

Décembre 2. — Les Français commencent d'évacuer Rome.

11-12. — Les Français livrent le Château St-Ange aux troupes pontificales.

10. — Le Conseiller d'Etat Tonello, négociateur extraordinaire italien, arrive à Rome, première audience du Pape le 15 décembre.

1867 avril. — Fin des négociations avec le Conseiller d'Etat italien Tonello ; retour de ce dernier de Florence.

Le 20 septembre 1870, l'unité italienne s'est achevée par l'occupation de Rome. Après la défaite des dernières troupes pontificales composées en partie de Français et de Suisses.

La souveraineté territoriale des successeurs de saint Pierre, héritée des empereurs romains, après le départ de Constantin confirmée par Charlemagne, était dès lors réduite à 0 kmq 44.

Chacun sait, du reste, que pendant les trois premiers siècles, jusqu'à l'édit rendu par Constantin, à Milan, cette souveraineté avait gardé un caractère, avant tout, spirituel. Les chrétiens célébraient leur culte dans les catacombes. Par la suite, par le déclin ou même l'abdication de l'administration impériale, les évêques s'étaient trouvés investis d'attributions temporelles...

L'Evêque de Rome succéda à Constantin, sous le titre de Président de la. Sainte République Romaine.

De toutes façons, soixante-dix ans après l'occupation de la Ville Eternelle par les troupes de Victor Emmanuel II, le monde, spécialement le monde chrétien, a appris avec un intérêt particulier la solution donnée au problème de protocole religieux, si je puis m'exprimer ainsi, qui se posait depuis le 11 février 1929, date des accords de Latran ayant marqué la réconciliation entre le St-Siège et l'Italie et la reconnaissance, par le Pape, de Rome comme capitale du Royaume.

L 'année suivante, sur la proposition de M. Mussolini, le Conseil des Ministres du 15 octobre 1930 a . adopté de porter au 11 février, jour anniversaire de ces

accords, la fête nationale jusque là célébrée le 20 septembre (1).

Un des problèmes nés de la condition nouvelle ainsi établie fut celui de savoir : pour quelle nation — entre les Etats catholiques — serait la première visite du St-Père, hors du Vatican ?

Pendant dix ans, depuis le 11 février 1929, le Souverain Pontife s'est réservé. Il n'a usé de sa liberté récupérée que pour des séjours de quelques semaines ou quelques mois dans sa ville de Castel Gandolfo, banlieue de la ville Eternelle. Cette abstention ne pouvait. évidemment, durer indéfiniment.

Le 27 décembre de la présente année, Sa Sainteté Pie XII a rendu Elle-même à leurs Majestés le Roi Empereur Victor-Emmanuel III et à la Reine Impératrice Hélène, de Montenegro, la visite qu'Elles lui avaient faites le 23 décembre.

Son prédécesseur, Pie XI, en pareille circonstance avait chargé le Cardinal Secrétaire de la Propagande d'accomplir la démarche requise pour les rapports de courtoisie entre les deux souverainetés ayant leur siège à Rome (dont la population de moins de 200 000 en 1860, est passée à 1 800 000 en 1930. La population de l'Etat du Vatican, en tout 1065 personnes, comprend 750 ressortissants de l'Etat italien et environ 150 suisses).

Nous sommes donc en présence d'un fait capital et nouveau dans l'histoire. La vieille formule sur le perpétuel recommencement — encore moins celle du perpétuel retour ! — ne s'applique pas ici.

Bornons-nous à en dégager cette conclusion assez manifeste d'elle-même; désormais l'Eglise possède au moins deux Filles aînées.

(1) P. Lesourd, Figaro, 13 septembre 1930 La souveraineté territoriale des successeurs de saint Pierre.

Bientôt, à la France et à l'Italie s'ajouteront des nations telles que l'Espagne, le Brésil, l'Argentine, le Canada, les Philippines, où s'est tenu un Congrès Eucharistique il y a peu d'années, l'Irlande, la Hongrie, le Portugal, la Belgique, et qui sait ? les Etats-Unis, dont la contribution au denier de saint Pierre n'est pas médiocre. Nous ne nommons pas la Bavière, l'Autri- che, dont les souverainetés particulières se sont fondues avec celle du Reich, sans parler d'autres nations européennes, à majorité catholique, et dont la souveraineté est en suspens. L'Autriche a fait partie jusqu'en 1805 du Saint-Empire Romain de Nation Germanique.

Mais, dira plus d'un lecteur, à quoi mène cette longue digression ? Ne nous écarte-t-elle pas du véritable sujet de ce chapitre et du thème général du présent essai : l'Extrême-Orient ?

Pas tant qu'il semble, puisque notre exposé vient de nous conduire à époq uer les Philippines.

Et puis en ce qui concerne en particulier Confucius et l'importante décision adoptée le 18 décembre quant à la participation des chrétiens chinois aux rites rendus à la mémoire, pour la portée, la signification réelle d'une telle décision n'est-il pas indispensable de procéder les « précédents » afin d'être en état d' « entendre » l'autorité qui l'a prononcée, de connaître ses origines et sa nature ?

Pour notre part, nous sommes heureux d'y trouver un écho des grandes traditions romaines telles que les a formulées, il y a vingt siècles, un térence, par sa parole immortelle: homo sum... et trois siècles plus tard du Père de l'Eglise, un Tertullien affirmant que « toute âme est naturellement chrétienne ».

Peut-être ne s'exprimerait-il plus exactement ainsi aujourd'hui où les différentes traditions morales et religieuses dans le monde ont tendance à se respecter mutuellement. Il y a quatre-vingts ans, dans la formule du serment exigé pour l'accession au Parlement britannique, la déclaration d'adhésion « à la vraie foi chrétienne » a cessé d'être obligatoire.

De toutes façons, dans l'humanité entière, en dépit de Hobbes, n'est-il pas permis d'espérer qu'un jour prévaudra le sentiment conforme à là parole de l'Evangile : paix aux hommes de bonne volonté. N'est-ce pas là un des principaux éléments de « cette lumière qui éclaire toute homme venant en ce monde ». Intérieure, subjective, en chacun de nous, cette lumière devient objective à l'égard du prochain. Les sages, les savants du passé, du présent, ne sont-ils pas les torches, les foyers de lumière nécessaires à la masse des humains.

Ceux-ci, en principe, désirent la paix, la paix avec la Justice. C'est ici qu'il convient de s'entendre avec netteté et précision. C'est là que fut le véritable problème, la crux non philosophorum, sed politicorum. Ce n'est pas une Paix quelconque, une Paix à tout prix qu'il faut au monde. C'est la paix avec la Justice.

Juvenal ne l'a-t-il pas déclaré : Pereat mundus, fiat Justicia ?

L'idéal survit à tous les démentis que la réalité peut lui infliger, si cruels soient-ils. L'humanité ne doit pas demeurer à perpétuité condamnée à des menaces de mobilisations renouvelées d'année en année, à des alertes aériennes ou autres.

Pour l'avenir il est un devoir sacré pour toutes les grandes puissances : s'unir en vertu du principe de la Justice armée étant posé de façon définitive que dans le domaine public international pas plus que dans le

domaine privé, nul n'est admis à se faire droit lui-même.

La décision adoptée le 18 décembre 1939 par la congrégation de la Propagande tranche, de façon définitive, semble-t-il, le problème pendant entre les missionnaires catholiques en Chine depuis trois siècles.

Il ne sera sans doute pas inutile au lecteur d'avoir une idée des phases diverses traversées par ces difficultés pendant ce long espace de temps. Voici d'après l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert (T. III 1753), l'opinion qui avait cours à cet égard parmi les Français cultivés, à l'époque de Louis XV.

Confucius naquit 551 ans avant J.-C. dans le village de Lou Yé royaume de Xantung. Il fut contemporain de Pythagore, le philosophe de Samos.

Marié à vingt ans, la sagesse l'éleva aux premières dignités. Mais inutile, odieux peut-être et déplacé dans une cour voluptueuse et débauchée, il la quitta à 24 ans, pour aller dans le royaume de Sum instituer une école de philosophie morale.

...Sa philosophie était plus en action qu'en discours. Il mourut vers 479 avant J.-C.

Sa mémoire et ses écrits sont dans une grande vénération.

Les honneurs qu'on lui rend encore aujourd'hui ont excité entre nos missionnaires les contestations les plus vives. Ils ont été regardés par les uns comme une espèce d'idôlatrie incompatible dans l'esprit du christianisme; d'autres n'en ont pas jugé si sévèrement. Ils convenaient assez les uns et les autres que si le culte qu'on rend à Confucius était religieux, ce culte ne pouvait être toléré par des chrétiens, mais les missionnaires de la compagnie de Jésus ont toujours prétendu qu 'il n'était que civil.

Il y a proche de l' école Confucéenne un autel consacré à sa mémoire et sur cet autel l'image du philosophe avec cette inscription : « c'est ici le thrône de l'âme de notre très saint et très excellent premier maître Confucius ».

Là s 'assemblent les lettrés, tous les équinoxes... Le principal mandarin du lieu fait fonction de prêtre — On se prépare à ce grand jour par des jeûnes. Le jour venu on examine l'hostie, on allume des cierges, on se met à genoux, on prie, on a deux coupes l'une pleine de sang, l'autre de vin, on les répand sur l'image de Confucius ; on bénit les assistants et chacun se retire.

« Confucius s'appliqua davantage à l'étude de l'homme et des mœurs qu'à celle de la nature et des causes.

Trois siècles après sa mort (IIe avant J.-C.), toute littérature et toute philosophie furent presque étouffées par Xi Koan ti (Thsin chi Hoang ti 247 avant).

Lorsque les princes de la famille Han (202 avant) s'occupèrent du renouvellement de la littérature, à peine pût-on recouvrer quelques ouvrages de Confucius et de Mencius. On tire des crevasses d'un mur un exemplaire à demi pourri... ».

Un problème psychologique ou théologique analo- gue, s'est posé récemment au Japon, pour les Catholiques de l'Empire du Soleil-Levant. C'est ce que montre le bref passage, ci-après traduit, d'un compte rendu consacré par le périodique Oriental Affairs (Shanghaï, novembre 1939, p. 259) à un livre de M. A. Morgan Young sur l'arrière-plan religieux du Japon.

L'auteur énonce l'allégation étonnante que, par suite de la pression exercée de Tokyo à Rome, la divinité

de la Maison Impériale du Japon a maintenant reçu la sanction du Vatican.

« ... Cette sanction du St-Siège est intervenue à la suite de la demande de l'Armée tendant à ce que les étudiants, à l'Université Catholique, soient tenus d'assister aux cérémonies du sanctuaire de Yasukuni. L'E-glise n'a consenti à cela qu'après avoir reçu des assurances définies du Ministère Japonais de l'Education, portant qu'aux cérémonies célébrées aux Jinga (sanctuaires nationaux), administrés civilement par le Gouvernement, il est attribué par les autorités civiles (comme il est évident en vertu de déclarations diverses) et par l'avis commun de personnes cultivées, un pure signification de patriotisme, c'est-à-dire un sentiment de révérence filiale envers la Famille Impériale et les héros du pays ».

Le périodique précité ajoute simplement que, comme d'autres cultes, l'adoration (worship) de l'Empereur a conduit à bien des excès, mais si elle était abolie au Japon, comment serait-il possible de la remplacer ?

Pour notre part, nous nous bornerons à nous référer au témoignage, cité plus haut, de M. A. Kammerer qui fut notre distingué Ambassadeur à Tokio il y a quelques années : « à quelque culte qu'il appartienne, un Japonais a toujours au cœur le sentiment national shinto ».

Cette observation coïncide d'ailleurs avec celle qu'a formulée, voici plus de trente ans, Okakura Kakuzo dans son livre sur l'âme du Japon, contre-partie indispensable à des livres tels que Japoneries d'Automne, non sans mérite, non dénués de charme et de poésie, mais qui ne font guère connaître que le décor extérieur du pays, alors que sa réalité la plus profonde est celle qu'on ne voit pas ».

Sous ce titre : Le Point final à la question des rites chinois, dans la Revue Etudes du 5 février 1940, le R. P. Alexandre Brou, S. I., a publié une importante et instructive étude sur la décision de la Congrégation de la Propagande, 18 décembre. Le savant, fils de Loyola, y décrit (p. 280) la célébration, à Pékin, en 1934, de l'anniversaire de la naissance du Grand Sage. Rien de plus laïque. Simple hommage municipal à un grand mort.

D'autre part, mon ami, M. Hauser, me signale, de Rennes, le rôle joué aux Indes par le R. P. de Nobili (Nobilibus) S. I., né en 1577, en Toscane, mort en janvier 1656 à Meliapour, sur la Côte du Coromandel.

Depuis deux siècles son portrait figure, avec celui du P. Beschi, dans l'Eglise des Paulistes, à Rome; ces deux missionnaires sont représentés en costumes de brahmanes (Eyriès, biographie Michaud).

XIII

Relations diplomatiques

Le Nouvel Ambassadeur du Japon en France

S. E. M. Renzo Sawada

Intervention récente dans la Chine du Nord et du Centre, de M. Ouang Ching Ouei. Janvier 1940.

Le dimanche 1 7 décembre 1939 arrivait à Paris, gare du P.L.M., comme Ambassadeur du Japon, M. Renzo Sawada, précédemment Vice-Ministre du Gaimucho. Département des Affaires Etrangères à Tokyo. En 1918-1922 il avait été Secrétaire à l'Ambassade à Paris, alors dirigée par M. Keitsuro Matsui.

Le jeudi 28 décembre Son Excellence fut reçue à l'Elysée par M. le Président Albert Lebrun pour la remise de ses lettres de créance. Ainsi reprenaient dans leur plénitude les relations diplomatiques entre les deux pays. La vacance du poste, depuis le départ (le 15 décembre 1938) du regretté M. Sugimura, dont nous avons parlé plus haut, avait duré un peu plus d'un an. Pendant cette période, les fonctions de Chargé d'Affaires furent remplies avec beaucoup de distinction par M. K. Myazaki, qui va partir (janvier 1940)) comme Ministre à Bucarest.

De l'élégant discours, plein de tact, prononcé à l'Elysée par M. R. Sawada, nous détacherons le passage que voici :

« Je suis heureux, Monsieur le Président, de me retrouver dans la belle capitale de votre pays où j'ai passé les premières années de ma carrière et dont j'ai gardé fidèlement la mémoire. Il ne pouvait pas m'échoir de plus grand honneur que celui de représenter à Paris mon souverain et mon pays.

Mon plus ardent désir est de développer les rela-

tions amicales qui existent traditionnellement entre la France et le Japon. C'est une grande tâche, assurément, dans les circonstances d'importance historique que nous traversons aujourd'hui en Europe, comme en Asie; mais j'ai le ferme espoir qu'une volonté de compréhension mutuelle conduira à l'heureuse solution des questions qui se proposent à notre effort... ».

Dans sa réponse M. le Président Lebrun a manifesté le même esprit d'entente et de sympathie, notamment par les paroles que voici :

« Les souhaits qu'à cette occasion Sa Majesté l'Empereur a eu l'aimable pensée de m'adresser par votre entremise m'ont profondément touché. Je vous prie de vouloir bien être auprès de sa Majesté l'interprète des vœux que je forme pour son bonheur et celui de la famille impériale.

« Vous avez évoqué les séjours que vous avez été amené à faire en France au cours de votre carrière; croyez bien que nous en avons conservé, mes compatriotes et moi-même, le plus agréable souvenir et que nous avons éprouvé un vif plaisir en apprenant votre retour parmi nous. La connaissance que vous avez acquise de mon pays, de ses traditions, des tâches qui s'offrent à son activité vous permettra d'apporter le concours le pl us efficace à la cause de l'amitié franco-japonaise.

« Aussi bien, les conjonctures actuelles dont vous avez, Monsieur l'Ambassadeur, souligné la portée dans l'histoire du monde imposent-elles aux peuples épris du même idéal d'honneur et de culture, animés d'un même sentiment de la solidarité humaine, le devoir d'unir leurs efforts en vue de préserver de toutes atteintes, d'où qu'elles viennent, les valeurs morales qui sont l'âme même des vraies civilisations ».

Dans les grands journaux de Paris en date du 29 décembre, le lecteur trouvera le texte complet de ces dis-

cours qui sortent certainement de la banalité souvent difficile à éviter en pareille circonstance.

Dans son dernier N° (45) la belle revue France-Ja- pon consacre à Son Excellence M. R. Sawada et à M. Myazaky une intéressante biographie, dont le texte est accompagné, de fines photogravures reproduisant leurs sympathiques physionomies.

Avec raison S. E. M. Sawada me reprocherait de ne pas faire mention de son collègue de France dans la terre du Soleil-Levant. Depuis le 25 septembre 1936, M. Arsène Henry, fils d'un haut fonctionnaire, qui fut aussi de la carrière, représente avec tact et expérience la République auprès de S. M. l'Empereur et du Gouvernement de Tokyo. Il y a tout lieu d'espérer que les efforts conjugués de l'un et de l'autre seront couronnés, tant à Paris qu'à Tokyo, du plus heureux succès.

Les pays d'ordre dans l'équité et la paix doivent s'entendre entre eux. Ils servent une cause commune qui se résume dans la devise de la République Andine où j'ai passé deux des années les plus intéressantes de ma vie : la Colombie : Ordre et Liberté. Depuis dix ans le Japon y est représenté par une Légation, dirigée par de brillants agents.

La plus récente livraison de la Tokyo-Gazette parvenue ici (mi-janvier 1940) est celle de novembre, ce délai, soit dit en passant, dénote les lenteurs et les incertitudes auxquelles sont actuellement condamnés les services de navigation assurés entre Yokohama et Marseille par la Nippon Yusen Kaisha, et inversement, de Marseille à Kobe via Shanghaï par les Messageries

Maritimes. Cependant il paraît que le service postal via Sibérie continue.

D'autres fascicules donnent les paroles prononcées quelques mois plus tôt par M. Sawada à propos de manifestations à Shanghaï. En sa qualité de Vice-Ministre des Affaires Etrangères, le représentant du Gouvernement de Tokyo, a fait ressortir les anomalies présentées par le régime des concessions étrangères en Chine. Cet état de choses comportant l'intervention de diverses souverainetés étrangères à l'intérieur d'un territoire donné, n'a d'équivalent nulle part dans le monde. Il est nécessaire de porter remède à ses inconvénients multiples, dans l'ordre politique et économique.

Ce point de vue est aussi, semble-t-il, celui de M. Ouang Ching Ouei.

C'est ici que s'applique le mot de Pascal : souvent une pensée pousse dans l'esprit du lecteur tout autrement que dans celui de l'auteur.

Il est certain que ceux qui, voici un siècle, ont conçu l'idée des concessions afin de permettre aux étrangers de vivre à leur guise dans les « ports ouverts » du Céleste Empire n'avaient aucune idée du développement pris rapidement, il faut le dire, par cette institution. Non seulement les villes ayant grandi, sont pleines de Chinois, les gens du dehors ne formant qu'une infime minorité, mais nombre de pays d'Europe, pour diverses raisons, ont abandonné leurs droits à cet égard. Allemagne, Autriche, Belgique, Italie, U.R.S.S., Espagne. Les pays de l'Amérique du Sud n'ont pas été appelés à en bénéficier, du moins directement. D'autre part, la proportion des Japonais a beaucoup augmenté, dans les minorités étrangères.

Au sujet de M. Ouang Ching Ouei auquel nous venons de nous référer et dont l'activité va de nouveau apparaître au chapitre suivant, le lecteur sera certainement édifié par les brèves citations suivantes

empruntées à un fort intéressant article de M. André Pierre dans la Politique Etrangère de juin 1937. Sur l'U.R.S.S. et le parti communiste en Chine.

Dernièrement, du 15 au 20 février, s'est tenue, à Nankin, la troisième réunion plénière du Comité Central de Kouo ming Tang. Le Président, Ouang Ching Ouei, considéré à Moscou comme le plus acharné des ennemis du communisme, et chef d'une fraction orientée vers le Japon, a déclaré lui-même que la campagne punitive contre les communistes devait prendre fin au plus tôt... Le mouvement antijaponais paraît s'être renforcé sérieusement dans les derniers temps et la politique de temporisation de Tchang Kai Chek à l'égard du Japon a provoqué certaines critiques ».

Excelsior, dans son numéro du 6 août 1937, imprimait, au sujet de la situation en Chine, un mois après l'attaque d'un détachement japonais, par la 29e division chinoise, au port de Lou Kouchiao, un article avec ce titre en grosses lettres : « Tchang Kai Chek hésite entre la négociation et la guerre ».

Plus on analyse les conditions de l'état de choses là-bas, plus on s'aperçoit que le véritable adversaire du Japon n'est pas le grand gouvernement transféré successivement de Nankin à Han Keou, Tchong King, mais la Russie, aussi bien celle de l'Aigle bicéphale (héritée de Byzance) que celle de la Faucille et du Marteau, symbole d'un marxisme à la fois rudimentaire et absolu, au fond inapplicable, car il est contraire à la nature humaine.

XIV

Une étoile nouvelle au ciel de la politique chinoise, M. Ouang Ching Ouei.

M. Ouang Ching Ouei dont nous avons parlé déjà à plusieurs reprises (supra, pp. 94-346) s'est spécialement préoccupé de cet état de choses. Il va être bientôt ins- tallé comme chef de la Fédération, groupant les trois Gouvernement de Pékin (Pei ping), Nankin, Han Kéou.

Ainsi l'action chinoise secondée par le Japon, va-t-elle, en fin de compte, aboutir à un résultat conforme aux vœux des Célestes du Parti de Sun Yat Sen, protestant, depuis vingt ans et plus, contre les « traités inégaux ». Ceux-ci seront reformés dans leurs clauses instituant les juridictions étrangères, parce que la raison de ces dernières, — l'inexistence d'une autorité centrale, propre à assurer la sécurité — aura disparu. A l'heure présente, le Mandchoukouo est délivré du brigandage, par l'effort des Japonais, 1932-1937.

M. Ouang Ching Ouei, rappelons-le, a fait partie, jusqu'en décembre 1938, du Kouo Ming tang dont, après évolution, il représenta les éléments les plus cultivés, les plus raisonnables.

Dans son bref mais très instructif ouvrage sur la Chine Nationaliste, paru il y a huit ans, M. Jean Rodes nous apprend (p. 124), que cette notable personnalité est née à Canton, en 1883. Ses examens passés à l'Académie des Han Lin, M. Ouang Ching Ouei se rendit au Japon pour y poursuivre ses études de droit. Il se lia avec Sun yat Sen qui faisait sa propagande parmi ses compatriotes et devint son disciple. Par la suite il fonda en Chine le parti de la réorganisation.

C'est à lui que Sun yat Sen a dicté son testament avant de mourir (1925). En 1926-28, il s'est trouvé d'accord, au Gouvernement de Han Kéou, avec Eu-

gène Chen et la veuve de Sun yat Sen, qui ont toujours affirmé leur union avec Moscou. Cela ne saurait d'ailleurs signifier qu'il songe à appliquer, au pied de la lettre, les doctrines de Karl Marx. Nous l'avons dit, il a évolué et, en politique, les phénomènes de ce genre sont beaucoup plus rapides que dans la nature physique.

A ce sujet nous recommanderons au lecteur de consulter un récent Bulletin (8 janvier) de la presse japonaise publié par notre Ministère des Affaires Etrangères. Il y est dit nettement ceci, d'après un article du Japon Chronicle (septembre 1939): M. Ouang a toujours été à l'avant-garde du nationalisme chinois, depuis sa rencontre avec Sun yat Sen, c'est-à-dire avant la chute de la dynastie mandchoue. Selon M. Ouang, ce sont les communistes chinois (Kouo ning tang extrême) qui empêchaient Tsiang Kiai chek de conclure la paix avec le Japon à des conditions favorables.

Le 13 janvier, le Temps a publié sans commentaire aucun le télégramme suivant en date de Shanghaï, la veille :

« Des informations reçues de Tokyo indiquent que l'accord fondamental entre Ouang Ching Ouei et les autorités militaires japonaises en Chine a été ratifié par le Cabinet le 8 janvier. »

Le lecteur, à coup sûr, mesurera la portée de cette brève nouvelle qui en dit long sur la véritable situation là-bas.

Quand M. Ouang Ching Ouei a quitté, en décembre 1938, Tchong King pour Hong Kong et le Japon, l'organe précité n'a pas manqué de relever que le rôle de ce personnage, pour la solution de la crise, ne fai-

sait que commencer. Ses activités mêmes, avec des partis extrêmes, dans le passé, en sont garantes.

De divers côtés on annonce que l'installation solennelle de M. Ouang Ching Ouei est .préparée pour le 15 mars 1940.

XV

Vers l'organisation fédérale et la stabilité intérieure

Au moment de mettre sous presse ces dernières pages, l'horizon de l'imbroglio chinois semble s'éclaircir. On y voit poindre, non l'aube d'une solution définitive (que trouvons-nous de définitif en politique ?), mais tout au moins celle d'un état de choses relativement stable, assurant aux malheureuses populations chinoises ce dont elles ont le plus besoin, l'ordre et la paix. Non pas bien entendu, la paix que l'ironie de Tacite dénonçait, stigmatisait : ubi solitudinem fasciunt... Non, il s'agit d'une paix féconde, donnant travail, sécurité et loisirs raisonnables, à un nombre croissants d'humains.

Voici en effet ce que nous apprend un numéro tout récent, 25 janvier, d'un périodique britannique bien connu :

« Un télégramme japonais de Tsing tao, Nord de la Chine annonce que des préparations minutieuses sont en cours pour la prochaine réunion des « Trois Grands de la politique chinoise », M. Ouang Ching Ouei, M. Ouang Ko Min et M. Liang Hung Chih, à la tête du mouvement pour établir un nouveau Gouvernement Central.

D'autre part on lisait, le 28 janvier, dans la presse de Paris, d'après les télégrammes de Tokio et de Shanghaï que la Conférence de Tsingtao entre M. Ouang Chin Ouei et les représentants des Gouvernements de Pékin, Nankin et de la Mongolie Intérieure, ouverte le 22 janvier, allait achever ses travaux. Elle devait se terminer par la nomination d'un Conseil composé de trente membres, à savoir : cinq représentants du Gouvernement de Pékin, cinq du Gouver-

nement actuel de Nankin, dix représentant de Kouo ming tang reformé dit Orthodoxe.

Le lendemain M. Ouang Ching Ouei a déclaré que la création du Gouvernement Central de la Chine serait suivie de relations nouvelles entre les deux pays.

Il a ajouté qu'il tenait Tchong King pour responsable du maintien des troupes japonaises. Je n'ai jamais signé aucun document avec le Gouvernement japonais. D'ailleurs le Cabinet de Tokyo n'aurait jamais demandé à un homme qui ne possède aucun pouvoir, tant que le nouveau Gouvernement n'est pas créé, de signer un document officiel ».

Si quelque lecteur se préoccupe de droit constitutionnel, de la légitimité du gouvernement qui s'est transféré à Tchong King, il y aura bientôt un an et demi, qu'il se rassure. D'abord, nous ne sommes plus en 1815 au temps de la Sainte-Alliance en Europe. Et puis, il est inutile de chercher dans l'ex-Céleste Empire du Royaume des Fleurs, le grand principe, proclamé en Belgique par exemple, il y a plus d'un siècle par la Constitution : dans le pays, tout pouvoir vient du peuple. En un mot, la République, fille de Sun yat sen, manque jusqu'à présent de citoyens (elle n'est peut-être pas la seule). Par contre, elle abonde, nous l'avons vu, en Tiu Kiuns, sortes de condottieri. Tchang Kai Chek en est un. M. J. Rodes, ancien correspondant du Matin, le dit positivement dans son livre remarquable : La Chine Nationaliste, 1912-1930, Tchang Kai Chek est de chef du clan Kung Soong (famille de sa seconde femme).

Sur 211 délégués ayant assisté au Congrès National de mars 1929, 80 % ont été arbitrairement choisis par le dit « généralissime » qui six ans plus tard devait être arrêté par un de ses « maréchaux ».

Il s'agit donc moins de savoir, écrit M. Rodes en 1930, si le gouvernement de ce clan est légitime que

de savoir s'il est capable de gouverner. Il ne faut donc pas juger avec notre rectitude occidentale (dans la guerre civile d'Espagne, 1936-39, le problème s'est posé également) les singularités de la politique dans un pays où la légalité est une pure fiction décorative.

Il ne faut pas douter que le Gouvernement de Nankin ait été sauvé, surtout en 1927 (et depuis ceux de Hankéou, Tchong King), par l'appui financier secret d'une ou plusieurs puissances.

Dans son livre fort instructif : Etapes Asiatiques, 1930, M. G. Angoulvant, Gouverneur Général des Colonies, émet des opinions analogues :

Un parti politique s'est imposé au pouvoir par la violence (p. 178).

La Chine n'est ni gouvernée, ni renseignée, ni représentée puisqu'il n'existe aucun corps élu.

La Chine ne possède pas de gouvernement légal, émanation du peuple dûment consulté. Celui de Nankin (1930) n'est qu'un gouvernement de fait que les Puissances ont reconnu en désespoir de cause.

Le Gouvernement Central ne commande... qu'à une faible partie de la Chine (un tiers environ — et encore ! Pas de police, pas d'état-civil). Le Se Tcherion et le Kouang-Si sont en révolte ouverte ainsi que les vastes régions où Fen Yu Siang, l'archi-traître », est maître... (p. 188-189).

Au IIIe Congrès National (mars 1929), Tchang Kai Chek a lui même déclaré : « La Chine est-elle réellement unifiée ? un examen de la situation nous prouvera que non » p. 190. M. Angoulvant fait suivre cette manifestation des commentaires que voici : « Je ne comprends pas comment les puissances ne s'emparent pas de semblables déclarations intérieures pour les opposer aux manifestations extérieures des mêmes orateurs touchant l'existence d'une Chine unifiée et pacifiée.

Depuis longtemps, environ quarante ans, les Japonais contribuent beaucoup à faire avancer la Chine. Ce sont eux qui y ont introduit, dans les provinces, une presse utile, instructive. Nous l'avons vu avec M. Daumos. avec M. Yosuké Matsuoka député (1) ». Ce sont eux, non les Français, qui y ont fait pénétrer, en théorie, la déclaration des Droits de l'homme de 1789...

Laissons les faire là-bas dans la terre des Confucius, Mencius, Lao tseu — sur échelle plus que décuplée, ce que nous avons accompli en Afrique du Nord depuis 1830, comme nous l'avons fait, depuis trente ans, au Maroc. La coopération, dans les provinces chinoises, de conseillers japonais — pour une part nos élèves (par les maîtres: Boissonnade, Appert, Revon, de la Mirandière etc) aurait pour effet d'y instaurer — plutôt que d'y restaurer, la souveraineté judiciaire.

A l'heure présente, divers problèmes importants mais non transcendants, demeurent en suspens à l'hori- zon diplomatique du Japon.

Le traité du commerce conclu en 1911 avec les Etats-Unis a été dénoncé le 26 juillet dernier par le Cabinet de Washington. L'échéance du 26 janvier a passé sans qu'ait pu être conclu un nouveau pacte. Mais un tel accord ne manquera pas d'intervenir un jour ou l'autre. En attendant, de part et d'autre, on continue d'appliquer le régime ancien, en ayant soin de ne pas léser les intérêt acquis. Le Japon a besoin d'acheter aux Etats-Unis, et inversement.

L'incident de l'Asama maru (en conséquence du

(1) La Mandchourie. Traduction et préface de N. Sakamoto, 1931. Paris, Imprimerie Money, 1930.

droit de visite arrestation, à bord de ce paquebot japonais, de 22 Allemands techniciens et spécialistes) parait en voie de règlement. Le vice-président de la Compagnie à laquelle appartient le paquebot a déclaré que cette Compagnie se conformerait à la politique définie par le Gouvernement et qu'elle autoriserait, en conséquence, le passage à bord de ses bateaux, aux Allemands porteurs de certificats établissant qu'ils ne font pas partie des forces armées de l'Allemagne.

Du côté de l'U.R.S.S., entendons de la région Extrême Orientale et spécifiquement de la partie Nord de Sakhaline, un arrangement durable est intervenu quant aux pêcheries et aux mines de naphte.

Il n'en est pas de même en ce qui concerne la frontière Mandchoukouo Mongolie. Mais, à ce sujet, le 1er février, au cours d'un important discours à Tokyo, M. Arita, Ministre des Affaires Etrangères, eut occasion d'émettre les significatives déclarations suivantes « On espère que le Gouvernement des Soviets prêtera sa collaboration afin de résoudre les questions encore en suspens et qu'il modifiera sa politique d'assistance au régime anti-japonais en Chine ».

N'aperçoit-on pas ici, comme un contre-coup lointain des opérations de Finlande et de la résistance, à l'Occident, de ce valeureux pays ? Il ne faut d'ailleurs pas exagérer, en Extrême-Orient, les conséquences de ce qu'on a appelé la collusion Ribbentrop-Molotov du 22 août 1939. Dans son discours du 1er février, le Ministre M. Arita a ajouté que le pacte anti-Komintern de 1936 continuait. Voici ses propres paroles:

« Depuis la conclusion du pacte anti-Komintern, les relations entre le Japon, l'Italie et l'Allemagne sont devenues de plus en plus cordiales.

« Notre politique de défense contre le Komintern reste inchangée.

Au début de la guerre, en septembre dernier, le

Gouvernement japonais a fait connaître son intention de ne pas être entraîné dans le conflit, mais de concentrer ses efforts pour le règlement de l'Affaire de Chine ».

Le 1 7 janvier, une mission japonaise s'est arrêtée à Bucarest et a étudié spécialement le problème des transports à travers la Russie et la Sibérie. L'Allemagne a proposé d'expédier des machines (non définies) en échange de fortes quantités de matières premières, notamment de soya, qui pousse en abondance en Manchourie ».

De toutes façons le point de vue indiqué par M. Arita est bien la boussole qui, à l'avance, a pu guider les chefs de missions diplomatiques japonaises en Europe, dans leurs réunions à Londres ou ailleurs, fin janvier, pour examiner l'ensemble de la situation. Ramener, intaurer plutôt, l'ordre de la paix à l'intérieur de la Grande Muraille, telle est, dans la pensée des Fils du Daï-Nippon, la directive dominante, primant toutes les autres. Tel est leur G esta Dei et point n'est besoin de longues études pour se rendre compte qu'il doive en être ainsi.

Au début du dernier chapitre de son nouveau livre (janvier 1940), le Mouvement Communiste en Chine, M. Paul Simon, dont nous avons déjà cité les travaux au chapitre X, écrit (p. 213):

« Aussi longtemps que le Japon conservait la suprématie dans cette partie du monde, la propagande bolchevique ne pouvait espérer que des succès locaux sans grande importance. Les Nippons formaient un rempart contre lequel l'U.R.S.S. risquait de se briser.

Dès lors, toutes les forces de Komintern, tous les mots d'ordre de Moscou n'eurent plus qu'un seul ob-

jectif : provoquer la guerre contre le Japon impérialiste ».

Telle est bien la synthèse des événements depuis trois ans.

Le 7 juillet 1937, c'est un bataillon de la 29e Division chinoise qui a tiré le premier contre une Compagnie japonaise allant à l'exercice.

Si l'incident ne s'est pas réglé, alors, par des négociations locales, c'est que le Kouoming tang de Nankin, à l'instigation du Komintern de Moscou, y a fait opposition formelle.

Les dirigeants célestes et soviétiques ont cru l'occasion favorable de porter le conflit devant l'aréopage de Genève, appelé à donner gain de cause au marxisme et au léninisme anti-humain dans leur principe.

Du 15 au 19 août 1939, l'Union Interparlementaire, fondée il y a cinquante ans, a tenu à Oslo sa XXXVe Conférence. Vingt-deux nations y ont pris part, parmi lesquelles le Japon, dont la délégation comprenait quatre membres : MM. Asanuma, Funada, vice-président de la Chambre, R. Kita, député, M. Oiké, secrétaire permanent de la Chambre des Représentants. Le 16 août M. R. Kita fit, en langue anglaise, sur la situation en Chine, un exposé qui fut écouté avec grande attention.

Les nécessités de la mise en pages, au moment de donner le bon à tirer de ce volume dont, par suite des circonstances, la publication est demeurée en suspens depuis des mois, m'empêchent d'entrer dans des détails. Mais il m'a semblé ne pouvoir omettre (en me référant à ce que j'ai dit plus haut, pp. 156-157, de la Constitution japonaise de faire mention de cette manifestation extérieure de la vie politique japonaise

que la presse européenne, en son temps, n'a pu signaler comme elle méritait (1). M. R. Kita a affirmé que le Japon recherchait, avant tout, la pacification de la Chine. A l'échelle du centuple, cette idée est analogue à celle qui a présidé à notre action en Afrique du Nord, depuis 1830.

Pour achever de convaincre ses auditeurs, l'orateur les a engagés à venir au Japon. Invitation à coup sûr séduisante. Mais ici, comme il est clair, peut s'appliquer avec simple variante, l'antique adage : non licet omnibus adire Corinthum. A ceux qui, pour un motif ou un autre, ne peuvent songer à faire le beau voyage vers les Terres du Soleil Levant, le présent ouvrage cherche à offrir, sous une forme maniable, les principaux éléments de la cause.

Sans doute quelques notes biographiques sur les personnalités ayant représenté le Japon à la Conférence d'Oslo aideront-elles le lecteur à mieux apprécier la portée, la signification de cette manifestation. Voici les indications que nous fournit à cet égard l'Annuaire Who is who in Japan.

FUNADA (N.). — Homme d'Etat, né le 24 avril 1895, à Tochigi Ken. Docteur en Droit de l'Université de Tokyo, 1918. Fondateur de l'Ecole moyenne Shimo Fsuka, 1935. Maire-adjoint de Tokyo, 1928. Quatre fois, depuis 1930, élu député par l'arrondissement de Tochigi, son pays natal. Conseiller parlementaire auprès du Ministère des Affaires Etrangères. Président 1937-1939 du Bureau de Législation du Cabinet.

ASANUMA. — Homme politique et publiciste, chef de l'Union du Travail dans l'Industrie du Bois du Kwanto, dans la manufacture du sucre, Tokyo. Con-

(1) V. Volume in-8°, chez Payot, Genève-Lausanne, 1939.

seiller municipal, puis député de la Capitale. Né à Tokyo, 27 décembre 1898. Membre du Comité pour l'arganisation éventuelle des Jeux Olympique, à Tokyo.

KITA (R.). — Homme politique et critique. Député pour Nügata. Appartient au parti Min Seito.

Né en 1885 à Nügata. Gradué la philosophie à l'Université Waseda. A poursuivi ses études aux Universités de Harward, de Berlin, de Heidelberg. Entre autres ouvrages, a publié un volume sous ce titre de la Philosophie à la Politique.

Ne peut-on y voir comme la marque du double mérite de l'auteur, répondant au caractère de la Philosophie qui, selon la description de Boece aux Ve et VIe siècles, porte livre et sceptre en mains et, sur sa robe, les initiales πθ, figurant sa double mesure, la théorique et la pratique (1).

Dans sa communication à la conférence d'Oslo, M. R. Kita a témoigné de son effort permanent, tendant à faire pénétrer dans le réel, tout au moins une part d'idéal.

A la fin de 1939 treize membres du Parlement Japonais ont visité les institutions de la Croix Rouge thaïe (naguère siamoise) et ont fait un don de 500 oahts à l'Hôpital Chula long Keru.

(Bull. Ligue Société Croix Rouge. Janvier-février 1940).

Aux dernières nouvelles, l'installation d'un gouver-

(1) Lahy Hollebeque. Agnès et le vaste Monde. 1936.

nement féréral à Nankin, sous la présidence de M. Ouang Ching Ouei paraît probable pour le début d'avril.

Outre le Yuan exécutif, l'organisation prévue en comporterait quatre autres: législatif, judiciaire, d'examen, de contrôle.

Le secrétaire général du Yuan exécutif serait M. Chu Ming Yi, docteur en médecine de l'Université de Paris et beau-frère de Ouang Ching Ouei.

TABLE DES MATIÈRES

AVANT-PROPOS

PREMIÈRE PARTIE: Vues générales

I. Coup d'œil d'ensemble. — Les populations chinoises au point de vue de la science sociale des Le Play, de Preville, de Tour-ville, etc... Conclusion de M. Léon Poinsard (en 1890) 13 II. La Mandchourie vers 1925. — Bandits et brigands opérant en liberté 25 Témoignages américains et européens : le Dr Hower, professeur à l'Université de Pékin, M.

H. Bôcher, champion allemand demi fond, professeur à l'Université chinoise de Moukden 1930.

III. Chine et Japon depuis dix ans 31 Témoignages de MM. Jean Escarra ; le conflit sino-japonais et la Société des Nations 1932

— Jean Ray — André Duboscq — Maurice Cachin — Y. M. Goblet — Roger Labonne — M.

de Tessan (1919-1928) — Kioshi Kawakami (1919) — Henry Casseville — Maurice Larrouy, etc...

Japonais au dehors 51

IV. Esprit de province en Chine 57 Le problème de l'unité nationale dans l'ancien Empire du Milieu. — Apparence et réalité. — Esprit local dans chacune des principales provinces.

1) Evénements de Canton 1926 58 M. Albert Thomas dans le Nord 1928.

— Evénements actuels. — MM. Duboscq, Demaître, etc...

2) Tchang Kaï Chek et Tchang Sueh- liang, ou du Kiang sou (Nankin), au Chensi (Sian fou), décembre 1936, février 1937. Episode du régime « politico-militaire » en Chine 63 3) Situation actuelle. — Ambassades et Légations à Pékin. — Siège apparent du Gouvernement : Nankin, puis Hankéou, puis au Szetchonen. — Avisos étrangers en croisière constante (jusqu'en 1937) sur le Fleuve Bleu. — Opinion de M. le Général Vidal 68

V. L'une des faces du conflit sino-japonais.

— Problème monétaire. — Décret du 3 novembre 1935 à Nankin. — Création à Pékin d'une Banque Fédérale de réserve de Chine, 9 janvier 1938. M. Hsia Ching Hsiung. Historique du problème monétaire en Chine 81 Sens véritable de la mission de Sir Frédéric Leith-Ross, 1935-1936; Article de M.R.S. dans l' Intransigeant, 25 février 1936. — Baisse du dollar chinois (20 %) 15 juin 1939 79 VI. Rapprochement entre les événements actuels et le début de la guerre russo-japonaise. — Par qui fut tiré le premier coup de canon le 8 février 1904 ? 91

Opinion de M. Nys, membre de la

Cour Permanente d'arbitrage 96 VII. De la souveraineté navale du Japon .... 99 VIII. La Chine dans l'ordre international. —

T erroristes 103 IX. Vers la fin du conflit d'Extrême-Orient. let-juin 1939 .................... 183

— Le point de vue des Japonais au début de 1938 115

X. Bibliographie spéciale 127 a) Situation en Extrême-Orient au point de vue politique, économique et du Droit des gens.

Averdoingt — J.C. Balet — F. Challaye — F. Chevalier — H. Hausser —

Dr Legendre — Lin Yu Tang — P. Lyautey — L. Magnino — P. Martin — Abbé Ribaud — Sakamolo — S.E.M. Naotake Sato — Takanagi — Cap. de Togari — C. A. Yamamoto, etc...

b) Aperçu d'études diverses dans le domaine littéraire et artistique 151 R. Allier — A. Beaujard — M. Dekobra — A. Dousdebès — Gilberte Hla Dorge — S. Goto — O. Kakuzo — Kuni Matsuo — E. Lutz — Br Matsudaira — Quenchen — M. Revon — Mme Tormia — Toung pao, etc., etc...

Population. — Emigration 177 Derniers communiqués concernant la politique du Japon en Chine. — The pulse of Japan. — Exposé par M. G. S.

Sale M.C.T.D., membre de la Japan Society — E. S. M. Yotaro Sugimura ....

DEUXIÈME PARTIE

Divers aspects particuliers de la situation depuis dix ans Analyse critique et confrontation de témoignages s'y rapportant

I. Chronologie sommaire des opérations, juil-

Pertes des armées chinoises et japonaises pendant les dix-huit premiers mois de la lutte. Territoires occupés.

II. A travers la Chine jusqu'au Szeu tchouen

(d'après M. Stiebel), 1930 197 III. Canton, Hankéou sous l'influence de Sun Yat Sén et de Borodine, 1925-1927. — Le Japon réagit. (La Chine brûle, par J. Gautier) 205 IV. Célestes francs-tireurs et guerillas 1938.. 215 V. Le conflit d'Extrême-Orient d'après un livre récent (Auxion de Ruffé) 219 VI. L'amitié franco-japonaise vue de Hollande (1933) 223 VII. Hommage à M. le Professeur Capitant

(1937) 227 VIII. Après une visite au Musée Guimet de Lyon. — Nouvel aspect des relations in- tellectuelles et artistiques entre la France et le Japon : Salle des Cigognes, peintures de M. Regamey, écrits de MM. Focillon, Courant et Kijima 233 Publications de la Maison franco-japonaise de Tokio 237

IX. Institut International de Coopération Intellectuelle et divers 241 Masakari Anesaki. — L'Art, la Vie,

la Nature au Japon. — K. Matsuo et Steinhilber Oberlin. — Hai Kaï de Basko. — Office japonais du tourisme. — Guide au Japon. — Blasco Ibanez et Chine 1928. — Colonel Favre (Sociétés secrètes). — Maurice Percheron, la légende héroïque du Japon.— Isumi Asahi,

The economic streng 38 th of Japan. — Financial and economic Annual of Japan. —Pinelli, Mandchourie. — Ch. Epry, la vie mystérieuse des océans : perles de culture 269

Georges Bonneau : aux Trois Bonheurs 243 Kuni Matsuo : Anthologie de la poésie japonaise contemporaine 271 Kokusen Bouka Shinkokei (Société pour le développement des relations culturelles internationales) Tokyo; Danse japonaise. — 24 pp. in 4°. — 28 photographies.

Edité à l'occasion de l'exposition de la danse japonaise aux archives internationales de la danse, Paris 1939 275

TROISIÈME PARTIE

Aspects récents de la situation, second semestre 1939 281

Coups d'œil rétrospectifs pour la mise au point des méprises actuelles :

I. a) Condition dans les diverses régions 1939 de la Chine, d'après la Tokyo Gazette, juillet — Bilan des deux premières années de lutte — Hommage spécial aux forces chinoises du Chansi 282 b) Conflits juridiques dans les concessions 285

II. La vie en Chine et au Japon — Indochine — Affaire de Koulang sou, revue illustrée, Edition d'outre-mer de l'Asahi. The pictorial Orient — Texte en anglais avec résumés en français ............. 287

III. Compléments.

a) au chapitre V, 1re partie. — Décret de Nankin 3 novembre 1935. — Chute du dollar chinois mai 1939 292 b) aux chapitres VIII et IX, 1re partie. — Etats-Unis et Japon, article de M.

Le Branchu 293

IV. Projet annulé (participation du Japon au Congrès de Nuremberg, septembre 1939). Conséquence de l'accord V. Ribbentrop-Molotov, 22 août 1939. — L'orientation politique de l'U.R.S.S., varie de l'Est à l'Ouest 295

V. Varia. Ligue des Société de la Croix Rouge. Centenaire de Théodore Ribot, à Paris (22 juin 1939) 298 Le Japon au Jardin des Plantes .... 299

VI. Coopération française à l'organisation de l'Armée Japonaise moderne, 1866-1886 302

VII. Livre du Professeur Hou Yong Ling :

Conditions de paix en Extrême-Orient, 1936 308

VIII. A propos d'un Parasol d'Honneur .... 311 IX. Vers le dénouement. — Discours du Vte

Kano à Londres, janvier 1939 315 Navigation sur le bas Yangtre. Levée du contrôle établi sur la Concession française de Hankéou.

X. P. Simon. — Mouvement Communiste en Chine, 1910-1940 320

XI. Intervention de multiples souverainetés à l'intérieur de la Chine .............. 322

XII. Confucius à l'Ordre du jour dans la Ville

Eternelle 325

Décret de la Congrégation de la Propagande du 18 décembre 1939.

Visite rendue le 27 décembre par S. S.

Pie XII, à LL. MM. le Roi Empereur Victor-Emmanuel III et la Reine Impératrice Hélène.

Coopération entre l'Ambassadeur d'Italie en Chine et le Délégué Apostolique à Pékin.

Règlement de l'Affaire des rites chinois et japonais. — Rapide aperçu des précédents 343 XIII. Relations Diplomatiques. — Le nouvel Ambassadeur du Japon en France S. S. M. Renzo Sawada 347

XIV. Une étoile nouvelle au ciel de la politique chinoise 352 XV. Vers l'organisation fédérale et la stabilité intérieure 355

Conférence interparlementaire à Oslo, 15-19 août 1939. — Représentation du Japon 362

Achevé d'imprimer par L'IMPRIMERIE MODERNE le 15 Avril 1940

Langres

— FRANCE —

Extrême-Orient 1940 (3ème édition, revisée et augmentée) / témoignages recueillis et présentés par Edouard Clavery,... (2024)

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